Les émotions dans la contemporanéité : questions d'éducation et de langage
IVe journée d’étude des jeunes chercheur·euses du laboratoire « Éducation, Discours, Apprentissages » (EDA)
Published on Thursday, April 25, 2024
Abstract
L’émotion correspond à l'expérience ressentie par l’individu en réaction aux autres, à l’environnement, aux choses. Le·a chercheur·euse, tout comme l’enquêté·e, le·a locuteur·ice, l’apprenan·te, le·a professeur·e, etc. peut être touché·e, submergé·e par l’émotion négative ou, au contraire, l’émotion positive. Aussi, nous souhaitons créer un dialogue autour de cette notion et de son inscription dans la contemporanéité de la recherche en sciences humaines et sociales. Nous proposons ici plusieurs axes de questionnement. Tout d’abord, si la recherche se doit d’être objective, le choix et la construction de son objet restent empreints de la subjectivité du·de la chercheur·euse. Ensuite, le fait de transcrire ou de traduire les émotions qui surgissent ou qui transparaissent des corpus soulève des enjeux méthodologiques en sciences du langage, tandis que l’enseignement des émotions et leur place dans l’apprentissage apparaissent comme des enjeux importants en sciences de l’éducation. Enfin, la reconfiguration des émotions et leur prise en charge via le numérique semblent être des questions majeures dans le cadre de ces deux disciplines.
Announcement
Argumentaire
La quatrième édition de la Journée d’étude des jeunes chercheur·euse·s du laboratoire EDA (Éducation, Discours, Apprentissages) aura lieu le Lundi 7 octobre 2024 au format hybride et vise à faire émerger une réflexion sur les émotions au prisme des sciences de l’éducation et des sciences du langage.
L’émotion correspond à l'expérience ressentie par l’individu en réaction aux autres, à l’environnement, aux choses. Le·a chercheur·euse, tout comme l’enquêté·e, le·a locuteur·ice, l’apprenan·te, le·a professeur·e, etc. peut être touché·e, submergé·e par l’émotion négative (la colère, la peur, la honte, etc.) ou, au contraire, l’émotion positive (la joie, la fierté, la gratitude, etc.). Aussi, nous souhaitons créer un dialogue autour de cette notion et de son inscription dans la contemporanéité de la recherche en sciences humaines et sociales. Nous proposons ici plusieurs axes de questionnement.
Tout d’abord, si la recherche se doit d’être objective, le choix et la construction de son objet restent empreints de la subjectivité du·de la chercheur·euse : on invite ainsi à s’interroger sur les émotions en jeu dans ce processus. Ensuite, le fait de transcrire ou de traduire les émotions qui surgissent ou qui transparaissent des corpus soulève des enjeux méthodologiques en sciences du langage, tandis que l’enseignement des émotions et leur place dans l’apprentissage apparaissent comme des enjeux importants en sciences de l’éducation. Enfin, la reconfiguration des émotions et leur prise en charge via le numérique semblent être des questions majeures dans le cadre de ces deux disciplines.
Les participant·es pourront présenter leurs corpus, leurs méthodologies et leurs analyses, ainsi que, plus largement, toute réflexion sur la place de l’émotion dans leurs propres pratiques de recherche.
Axe 1 : Les émotions et le·a chercheur·euse
L’axe 1 considère la relation intrinsèque entre le·la chercheur·euse, ses émotions et sa subjectivité dans l'interaction avec l'objet et le processus de recherche. De nombreux débats méthodologiques dans le domaine des sciences humaines ont exploré la question de la place de la subjectivité, et par extension, des émotions dans la construction de la recherche.Au sein de ces discussions émergent différentes perspectives. Certaines préconisent une distanciation du·de la chercheur·euse en faveur d'une objectivité accrue lors de la présentation des données (Durkheim, [1895] 1993). D'autres reconnaissent les émotions du chercheur comme faisant partie intégrante du processus de recherche (Lahire,2008 ; Johnson, 2009) et mettent en avant la réflexivité du·de la chercheur·euse, sans que cela compromette les critères de reconnaissance et de validation de la recherche académique (Girard et al. 2015 ; Champagne et Clennett-Sirois, 2016).
Partant du binôme objectivité-subjectivité dans la construction de la recherche scientifique en sciences humaines, nous suggérons les questionnements suivants : quelle est la place des émotions dans les études en sciences humaines, plus spécifiquement en sciences du langage et en sciences de l'éducation ? Comment les différentes perspectives théorico-méthodologiques en sciences du langage et en sciences de l'éducation envisagent-elles le rôle des émotions du·de la chercheur·euse dans son interaction avec l'objet et la recherche ? De quelle manière l'intégration des émotions du·de la chercheur·euse aux méthodes de recherche peut-elle proposer des regards innovants à la production de connaissances dans ces disciplines ?
Axe 2 : Les émotions et le corpus
Dans les années 1960, les théories en sciences humaines et sociales délaissent les approches privilégiant le ressenti comme l’expression interne d’un stimulus externe au profit d’une conceptualisation plus sociologique (Bourdieu, 1997) où les affects seraient relatifs et dynamiques puisque dépendant des jugements émis et acquis collectivement dans un contexte socioculturel et historique donné. Ainsi, lesrecherches en sciences du langage (Baider et Cislaru, 2013) ou en sciences de l’éducation (Blanchard-laville, 2001 ; Charaudeau, 2000 : 8 ; Diwersy et al., 2014) imposent alors au·à la chercheur·euse de statuer sur le cadre théorique et méthodologique via lequel les émotions sont recueillies, transcrites puis analysées (Visioli, Petiot, Ria, 2015 : 202).
Plusieurs questions se posent dès lors : comment définir les émotions ? Comment les conceptualiser (Bernard, 2015 ; Damasio, 1995) ? Quels sont les paramètres à prendre en considération (les expressions faciales, la tonalité employée, les gestes, la proxémie, les lexèmes, les émoticônes...) (Battistelli, Étienne et Lecorvé, 2022 ; Halté, 2020) ? À quelles catégorisations ou classements peut-on recourir ? Comment repérer ces affects et comment les documenter (moyens audiovisuels ; enregistrements sonores ; questionnaires ; entretiens non directifs ou semi-directifs) ? Comment procéder à leur description que cela soit au sein d’un échange verbal et gestuel en classe, au cours d’une interaction ordinaire ou bien encore par le biais des échanges numériques sur les réseaux sociaux (Alloing et Pierre, 2017) ? Enfin, comment mesurer l’influence des émotions sur l’attention des élèves ou sur le déroulement d’une conversation ? Cet axe de recherche prétend accueillir des travaux proposant des réflexions et des méthodes d’exploitation innovantes sur des objets de recherche contemporains.
Axe 3 : Les émotions et le numérique
L’importance des émotions dans l’acquisition de compétences diverses est connue depuis longtemps (Pekrun, 2011). Reconnaître cet impact implique, non seulement, de considérer la formation émotionnelle des enseignant·e·s (Cuisinier, 2016) mais également d'approfondir la recherche sur la manière dont les émotions influencent les élèves en lien avec les pratiques pédagogiques mises en place (Espinosa, Dejaiffe et Pérez, 2019). Dans le milieu éducatif, l'intégration des technologies numériques offre de fait de grandes possibilités d’exploration du rôle de ces affects dans les processus d'apprentissage divers. Les recherches en affective computing notamment, initiées par Picard (1997), semblent, dès lors, occuper une place privilégiée dans l'identification des émotions et examinent, entre autres, les interactions entre états affectifs manifestés et états cognitifs détectés durant les sessions d’enseignement (Lehman et al., 2013). Par ailleurs, l'analyse des données générées par les interactions apprenant·e-machine offre des perspectives de développement intéressantes pour anticiper les réactions émotionnelles des élèves (Afzal et Robinson, 2011).
Ainsi, dans cet axe, nous nous interrogeons sur les questions suivantes : quelles stratégies pédagogiques spécifiques peuvent être développées pour intégrer efficacement la reconnaissance et la gestion des émotions des élèves dans l'enseignement ? De quelle manière les technologies de l'information et de la communication (TIC) et l’affective computing peuvent-ils être exploités pour améliorer la détection et la réponse aux besoins émotionnels des apprenant·e·s ? Comment les données sur les interactions apprenant·e-machine peuvent-elles être utilisées pour personnaliser l'expérience d'apprentissage en fonction des états affectifs des apprenant·e·s ?
Axe 4 : Les émotions et leur transmission
Au centre de toute activité langagière et constituant un élément essentiel de la compétence de communication, les émotions attirent une attention croissante dans le domaine de l'enseignement des langues cesreconnaître, comprendre, exprimer et gérercommunication adéquate (Dewaele,interculturel (Berdal-Masuy, 2020). En effet, la diversité des modalités de transmission des émotions crée une dynamique dans leur enseignement : à la fois par des moyens linguistiques, à travers l'utilisation de lexies spécifiques (Blumenthal et al. 2014 ; Cavalla, 2015 ; Plantin, 2015, 2023), et par des éléments para-verbaux comportant de nombreux aspects implicites et physiques (Berdal-Masuy, 2020).
L'axe 4 vise ainsi à explorer cette dynamique de transmission émotionnelle dans une perspective didactique. Cette approche soulève des questions telles que : Comment développer chez les apprenant·es d’une langue étrangère la capacité à exprimer et à interpréter les émotions ? Quels savoirs et savoir-faire linguistiques peuvent être enseignés et de quelles manières ? Quelles stratégies adopter pour faire face à des défis interculturels spécifiques ? Ces questions peuvent être abordées à la fois d'un point de vue théorique, en tenant compte des enjeux linguistiques, interculturels et cognitifs à considérer pour la conception des programmes didactiques et à travers des recherches menées sur le terrain, des études de cas, des analyses de pratiques pédagogiques et de stratégies mises en œuvre ainsi que des supports didactiques utilisés en salle de classe pour l'enseignement des langues.
Conditions de soumission
Les jeunes chercheur·euses qui le souhaitent sont invité·es à soumettre une proposition de communication de 5000 signes maximum (bibliographie comprise),
avant le 05 mai 2024
à l’adresse suivante : jejc.eda@gmail.com
Les propositions doivent être anonymisées et s’inscrire clairement dans l’un des 4 axes présentés.
La notification des acceptations est fixée au 30 juin 2024.
L’évènement se déroulera au format hybride et se fera en présentiel au sein des installations de l’Université Paris Cité situé 45 rue des Saint-Pères 75006 Paris et sur zoom.
Comité d’organisation
- Ruyue Deng,
- Eugénie Pereira Couttolenc,
- Yuri Santos,
- Noémie Trovato,
- Wei Xue.
Membres de l'université Paris Cité, Laboratoire EDA, Campus Saint-Germain-des-Prés, Bât. Jacob.
Comité scientifique
- Angelina Aleksandrova (EDA)
- Eric Bruillard (EDA)
- Georgeta Cislaru (Modyco)
- Dominique Dias (CeLiSo)
- Marianne Doury (EDA)
- Morgane Beaumanoir-Secq (EDA)
- Sophie Gobert (EDA)
- Olivier Grugier (EDA)
- Pascale Kummer (EDA)
- Caroline Lachet (EDA)
- Geoffrey Sockett (EDA)
- Élodie Vargas (GREMUTS)
- Patricia Von Münchow (EDA)
- Emmanuelle Voulgre (EDA)
Bibliographie
Afzal, S. & Robinson, P. (2011). « Designing for Automatic Affect Inference in Learning Environments », Educational Technology & Society, n°14(4), p. 21-34.
Alloing, C. et Pierre, J. (2017). Le web affectif. Une économie numérique des émotions, INA Éditions, Bry-sur-Marne.
Baider, F. et Cislaru, G. (dir.) (2013). La cartographie des émotions : propositions linguistiques et sociolinguistiques, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris.
Battistelli, D., Étienne, A., Lecorvé, G. (2022). « L’émotion à un niveau textuel : la fonction structurante des émotions observée à partir d’annotations », Discours, n°30.
Berdal-Masay, F. (2020). « Enseigner le langage des émotions en classe de langue : enjeux et méthode », Les Langues Modernes, n°2.
Bernard, J. (2015). « Les voies d’approche des émotions. Enjeu de définitions et de catégorisation », Terrains/Théories, n°2.
Blanchard-Laville, C. (2001). Les enseignants entre plaisir et souffrance, PUF, Paris. Blumenthal, P., Novakova, I. et Siepmann, D. (2014). Les émotions dans le discours -
Emotions in Discourse, Peter Lang, Francfurt.Cavalla, C. (2015). « Quel lexique pour quelles émotions en classe de FLE ? », Le langage
et l’homme, vol. L, n°2, p. 115-128.
Champagne, A. & Clenett-Sirois, L.(2016). « Les émotions en recherche : pourraient-elles nous permettre de mieux comprendre le monde social? », Recherches Qualitatives, Hors-série, n°20, p. 83-99.
Charaudeau, P. (2000). « Un problématisation discursive de l’émotion. À propos des effets de pathémisation à la télévision », In Les émotions dans les interactions, (éds.) Ch. Plantin, M. Doury, V. Traverso, p. 125-155, Presses Universitaires de Lyon, Lyon.
Cuisinier, F. (2016). « Émotions et apprentissages scolaires : quelles pistes pour la formation des enseignants ? », Recherche et formation, n°81, p. 9-21.
Damasio, A. (1995). L’Erreur de Descartes. La raison des émotions, Odile Jacob, Paris. Dewaele, J.-M (2015). « Les émotions au cœur de toute activité langagière », Le langage et l’homme,vol L, n°2, p.199-201.Durkheim E. ([1895] 1993). Les Règles de la méthode sociologique, Presses universitaires
de France, coll. Quadrige, Paris.
Espinosa, G., Dejaiffe, B., Pérez, J. (2019). « Intérêt de la transposition d’une méthodologie de recherche par captation vidéo pour étudier le rôle des émotions de l’élève dans le rapport au savoir et l’inclusion », La nouvelle revue - Éducation et société inclusives, n°86, p. 171-186.
Girard, M., Bréart De Boisanger, F., Boisvert, I. & Vachon, M. (2015). «Le chercheur et son expérience de la subjectivité : une sensibilité partagée », Spécificités, n°8, p. 10-20.
Halté, P. (2020). « Les émoticônes : de la signification des affects aux stratégies conversationnelles », Communiquer, n°28, p. 19-33.
Johnson, N. (2009). « The role of self and emotion within qualitative sensitive research : a reflective account », ENQUIRE, n°4, p. 23-49.
Lahire, B. (2008). «De la réflexivité dans la vie quotidienne : journal personnel, autobiographie et autres écritures de soi », Sociologies et sociétés, n°40(2), p. 165-179.
Lehman, B., D’Mello, S. K., Strain, A. C., Millis, C., Gross, M., Dobbins, A., Wallace, P., Millis, K., Graesser, A. C. (2013). « Inducing and tracking confusion with contradictions during complex learning », International Journal of Artificial Intelligence in Education, n°22(2), p. 85-105.
Pekrun, R. (2011). « Emotions as Drivers of Learning and Cognitive Development », In Calvo, R. A., D'Mello, S. K. (ed.), New Perspectives on Affect and Learning Technologies, Vol. 3, p. 23-39, Springer, Berlin.
Picard, R. (1997). Affective Computing, MIT Press, Cambridge (USA).Plantin, C. (2015). « Micro-émotions en interaction : “ah merde, ya rien pour maman” », Voix
Plurielles, n°12-1, p. 5-21.
Plantin, C. (2023). « Le concept et le mot », In Cavalla, C., Berdal-Masuy, F., F.,Coffey, S., Pairon, J. (éd.), Émotions et créativités en classe de langue, Cortil-Wodon, E.M.E., Louvain-la-Neuve.
Visioli, J., Petiot, O., Ria, L. (2015). « Vers une conception sociale des émotions des enseignants ? », Carrefours de l’éducation, n°40, Armand Colin, Paris.
Subjects
Places
- Bâtiment Jacob - Univeristé Paris Cité, campus de Saint-Germain 45, rue des saints-pères
Paris, France (75006)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Sunday, May 05, 2024
Attached files
Keywords
- émotions, discours, éducation, numérique, didactique, corpus
Contact(s)
- JEJC EDA Organisation
courriel : jejc [dot] eda [at] gmail [dot] com
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Information source
- EUGENIE PEREIRA COUTTOLENC
courriel : eugeniepereira [at] hotmail [dot] fr
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To cite this announcement
« Les émotions dans la contemporanéité : questions d'éducation et de langage », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, April 25, 2024, https://doi.org/10.58079/w9yz