Injures et insultes
Revue « Sociographe », numéro 90
Published on Wednesday, May 15, 2024
Abstract
Qui n’a jamais pensé que des personnes bien polies pouvaient être insultantes et, inversement, que des personnes mal embouchées pouvaient être agréables ? On peut rire d’une belle insulte et pleurer chez soi d’une bienséance malvenue. Il semble toutefois que l’art de l’insulte et de l’injure suppose une certaine éducation pour être accepté dans l’espace public : à défaut, l’auteur de propos d’une telle nature sera perçu comme agressif et le plus souvent considéré comme ayant tort. Le présent appel à auteurs souhaite accueillir des contributions diverses concernant la nature, le sens, les conséquences, le degré d’interdiction, le déni éventuel, les modalités d’interprétation, etc., des énoncés considérés comme injurieux ou insultants dans les situations communes du travail socio-éducatif et de l’action sociale institutionnelle, que ces énoncés interviennent lors d’échanges entre usagers, ou entre professionnels de différents statuts hiérarchiques ou qualifications, ou entre usagers et professionnels, ou encore entre des professionnels et leurs partenaires ou autorités.
Announcement
Argumentaire
Qui n’a jamais pensé que des personnes bien polies pouvaient être insultantes et, inversement, que des personnes mal embouchées pouvaient être agréables ? On peut rire d’une belle insulte et pleurer chez soi d’une bienséance malvenue. Il semble toutefois que l’art de l’insulte et de l’injure suppose une certaine éducation pour être accepté dans l’espace public : à défaut, l’auteur de propos d’une telle nature sera perçu comme agressif et le plus souvent considéré comme ayant tort. Si l’on n’est pas Audiard, difficile de déclarer que les cons, ça ose tout, et que c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît, ou de brocarder tel auteur contemporain, bien connu dans le secteur social et médico-social (et adulé par quelques diplômés sur le tard), en déclarant publiquement qu’il est un petit besogneux vaniteux écrivant tout ce qu’il pense et publiant tout ce qu’il écrit. L’insulte et l’injure supposeraient ainsi un degré de talent bien supérieur à celui de la simple fonction exercée, voire un surplus de compétence ou de légitimité sociale. Sans cela, l’injure disqualifie immédiatement la personne qui la prononce. On sommera ainsi un usager de service public de revenir lorsqu’il se sera calmé si celui-ci demande, d’une manière considérée comme injurieuse, de bénéficier de ses droits. Le droit est alors recalé devant la forme avec laquelle on le réclame.
Injurier une personne, en lui adressant des paroles offensantes, ou l’insulter en cherchant à l’outrager, ont toujours fait partie des différents registres et modalités des échanges verbaux. Mais il semblerait aujourd’hui que le recours à de telles manières de s’expliquer avec autrui soit d’emblée considéré comme une agression. L’énonciateur s’expose alors, notamment dans un cadre professionnel, à se trouver disqualifié, sanctionné ou exclu, malgré les injustices ou infamies qu’il aurait pu subir de manière sournoise ou dissimulée ; et risque d’être accusé de diffamation aux termes de la loi et de la jurisprudence. Il apparaît donc que la forme de l’insulte l’emporte, quoi qu’il arrive, sur le fond de ce qui est dit.
Pourtant qui n’a pas quelquefois rêvé de pouvoir, en prenant ou non des pincettes rhétoriques et des précautions formelles, dire à un collègue, un condisciple, un supérieur hiérarchique, un partenaire, un élu, etc., sa façon de penser ? Quitte à transgresser les règles et usages de la polémique civilisée, qui n’a jamais eu envie d’attaquer ad personam, un personnage disposant d’un pouvoir sur autrui et usant de ce pouvoir en contrevenant aux responsabilités et à la légitimité relatives à son statut ou à sa position lesquels, en principe au moins, ne lui octroient pas seulement des droits ?
Il est admis et sans doute vrai que le procès de socialisation a pour objet de contribuer à faire en sorte que l’échange verbal parvienne à remplacer la violence physique. Là résiderait l’art d’une éducation réussie. Mais on peut se demander quelles sont la nature et la légitimité des limites sociales de recevabilité des énoncés quand ceux-ci ont pour effet, sinon pour motivation, de dévoiler des conduites menaçant de transformer la sociabilité ordinaire dans l’institution en un champ de mines ou un champ de ruines. Dans les affrontements manifestes ou latents qui ont lieu dans les organisations, seul un argumentaire et des controverses policés sont généralement admis. Ceux qui ne disposent pas des manières et du langage des classes dominantes ne peuvent user du registre qui est culturellement le leur pour manifester qu’ils subissent la violence matérielle, sociale et symbolique dont ils sont victimes. Car trop souvent, pour être audible et ne pas provoquer le discrédit, toute mise en cause d’une autorité et d’un discours d’autorité doit s’exprimer dans le répertoire même dans lequel auront été produits et légitimés et cet arbitraire et cette violence.
L’irruption transgressive d’un registre de langue trop familier ou populaire, voire vulgaire et argotique — souvent sexuellement connoté — destiné à qualifier et disqualifier un adversaire en l’agonissant de sobriquets, invectives et métaphores diverses et multiples ne peut que faire l’objet d’une condamnation immédiate. Ainsi traiter publiquement de porc un harceleur, quand il s’agit d’une notabilité bénéficiant d’un certain prestige et évidemment de la présomption d’innocence, qualifier de pédé ou d’enculé un personnage ayant eu des comportements nuisibles et malfaisants, traiter de con un imposteur, de salope ou de fils de pute un escroc, etc., revient non seulement à manquer à la bienséance la plus rudimentaire, mais expose l’imprécateur, eût-il été préalablement victime, à la vindicte des bien-pensants s’attachant avant tout à l’indécence de la formule.
Compte tenu de ces quelques questions et constats, qu’il est bien sûr possible de contester, voire d’insulter ou d’injurier, le présent appel à auteurs souhaite accueillir des contributions diverses concernant la nature, le sens, les conséquences, le degré d’interdiction, le déni éventuel, les modalités d’interprétation, etc., des énoncés considérés comme injurieux ou insultants dans les situations communes du travail socio-éducatif et de l’action sociale institutionnelle, que ces énoncés interviennent lors d’échanges entre usagers, ou entre professionnels de différents statuts hiérarchiques ou qualifications, ou entre usagers et professionnels, ou encore entre des professionnels et leurs partenaires ou autorités.
Il peut également faire une certaine place à la restitution d’échanges ayant réellement eu lieu, ou à des fac-similés et exemples de textes divers — courriers, tracts, affiches, articles, etc., produits dans un cadre professionnel — proférant des (ou ayant recourt à) des invectives, injures ou insultes, et dont la valeur heuristique sera au moins indiquée, si ce n’est analysée et commentée. Enfin, une présentation directe ou indirecte concernant la dimension poétique de l’insulte serait apprécié.
Modalités de soumission
Dépôt des manuscrits par mail à gnoel.pasquet@faire-ess.fr
jusqu’au 1er décembre 2024
en mentionnant vos coordonnées (téléphonique et postale).
- Manuscrit sous fichier Word entre 5000 et 30 000 signes maximum. Les autres recommandations sont sur le site du Sociographe.
- Tout manuscrit est signé par un ou des auteurs physiques (pas de personnes morales). En cas de co-auteurs, nécessité d’avoir un seul contact pour la rédaction (ils seront présentés dans la publication par ordre alphabétique sauf contre-indication).
- Les manuscrits et autres documents remis le sont à titre gracieux ; la publication est soumise à un contrat d’édition.
- Tout fichier proposé suppose l’autorisation par l’auteur d’une mise en ligne possible sur Internet.
- Parution du numéro : juin 2025.
Coordination du dossier
Pierre Bechler (sociologue, ancien directeur général de l’ENSEIS, puis du cabinet Kairos Management International, désormais retraité et bénévole de la formation et la recherche en travail social.), Nordine Ahmed Touil (docteur en sciences de l’éducation, enseignant-chercheur à l’Université Jean Monet à Saint-Étienne).
Identification de la revue
Le Sociographe est une revue de recherche en travail social qui publie 4 numéros par an (mars, juin, septembre, décembre) et un hors-série chaque année pour la diffusion et la promotion de connaissances du travail social. Chaque numéro est composé d’une rubrique dite « thématique » où ne sont publiés que des articles expertisés en double aveugle par un comité de lecture et choisis par le comité de rédaction, suivis par un « poursuite » qui fait actualité des publications pertinentes sur la thématique. Ensuite, une rubrique dite « polygraphie », communément appelée « varia » dans le langage des revues, qui publie des articles qui ne sont pas soumis à des expertises, mais ont été jugés d’intérêt pour le champ du travail social par la rédaction de la revue. Une rubrique dite « disputes » peut terminer le numéro et correspond à des articles sur des questions vives d’actualité du secteur du travail social. Chaque numéro intègre un agenda des publications.
Le dossier Thématique est coordonné par un rédacteur différent à chaque numéro. Le dossier Polygraphie est coordonné par un rédacteur qui appartient à une association partenaire de la revue. Le dossier de presse Poursuite est rédigé par un documentaliste qui appartient au réseau Prisme de documentation des écoles de travail social. La rubrique Disputes est coordonnée par le président du comité scientifique.
Les numéros hors-séries sont publiés chaque année sous la direction d’une personne choisie par le comité de rédaction qui lui confie l’organisation scientifique ad hoc. Le rédacteur en chef s’assure qu’un comité scientifique pour le numéro est constitué et que les règles d’expertises sont suivies.
Orientations de la revue
Pour promouvoir et favoriser la recherche en travail social, des écoles de formation de travail social se sont associées autour du projet du Sociographe pour contribuer à travailler les articulations entre réalités sociales, pratiques professionnelles et prescriptions politiques de ce qu’on nomme le « travail social ». En période de transformations importantes, il semble nécessaire de restituer au plus près les témoignages comme ce qui fonde les réalités des individus et peut permettre de mieux adapter et questionner les pratiques professionnelles et les volontés politiques.
En cela, le Sociographe se propose d’exploiter tous les éléments qui traversent la question sociale, pour contribuer à tracer ce qui pourrait faire objet commun entre recherches de terrain, écrits de formations et collecte de témoignages « socio-graphiques ». Il nous reste à inventer une « socio-graphie » comme ce qui pourrait être une « épistémologie du témoignage ». Toute réalité sociale et historique ne se dévoile-t-elle pas par le jeu des valeurs accordées ou non à des témoignages ?
Le Sociographe propose un cadre de travail, d’écritures, de lectures et d’échanges pour développer une réflexion sur les méthodes et les pratiques d’intervention.
L’ambition des publications du Sociographe s’efforce de respecter le plus possible l’intégrité de la recherche basée sur l’honnêteté, la rigueur, la transparence et la communication, ainsi que le soin et le respect de tous les participants et de tous les sujets de recherche, y compris les humains, les animaux, l’environnement et les biens culturels.
La recherche publiée par la revue Sociographe s’inscrit dans les sciences humaines et sociales. L’« objet » de nos recherches étant l’humain, le Sociographe s’inscrit dans une perspective de recherche en travail social où l’« objet » ne peut être traité que comme sujet. Les articles attendus doivent intégrer que le rédacteur est partie intégrante de la recherche et ne traite pas les personnes, faits et situations qu’il relate en surplomb et en extériorité. Aussi, la rigueur, l’honnêteté et l’exigence méthodologique supposent que l’auteur intègre les analyses de ses implications de sujets avec d’autres sujets.
L’« objet » de recherche du travail social est l’accueil de la parole singulière à réception étrange de sujets qui expriment des difficultés liées à leur âge, leur situation de handicap physique et/ou mental, leur marginalité sociale, leur dépendance économique, leurs addictions, leur statut d’étranger, leur vie familiale et toutes autres situations qui les placent en décalage des situations ordinaires. L’expertise du travail social est, à partir de cet accueil d’une parole singulière, la capacité d’accompagner le sujet à trouver et/ou recouvrer du lien en amenant le sujet à réorganiser son existence pour l’adapter à la situation ordinaire et/ou en adaptant l’environnement à accueillir une nouvelle singularité dans l’existence ordinaire.
Les articles publiés dans le Sociographe ne peuvent donc pas se réduire à des résultats de recherches dans les formes ordinaires du recueil de données, de leur analyse et de leur reproductibilité. Les publications présentées dans la revue comprennent aussi des données qui sont produites sous forme de témoignages qui rendent compte de la parole singulière à réception étrange et/ou qui font le récit de l’accompagnement d’un sujet avec ses succès et ses échecs.
Enfin, nous attachons un intérêt aux financements des recherches et des accompagnements qui encadrent, structurent et orientent les choix politiques du travail social et de ses recherches. Aussi, nous accueillons des articles politiques, économiques, historiques qui tracent des hypothèses et des analyses sur des enjeux et des intérêts des acteurs.
Le Sociographe vise à contribuer à une recherche où s’exprime la pluralité des situations et des points de vue de la recherche, tant des bénéficiaires que des professionnels qui les accueillent et les accompagnent ; que des chercheurs et des financeurs et administrateurs qui contribuent à tracer les contours de ce que peut être la recherche en travail social. Celle-ci, en effet, ne saurait être déterminée par les seuls sujets chercheurs et financeurs ou administrateurs de la recherche, et intègre, de plein droit, les sujets bénéficiaires de la recherche et les acteurs qui les accueillent et les accompagnent. C’est la discussion et le débat de l’ensemble qui ouvrent à une culture de recherche dont chacun des participants doit pouvoir y participer et en bénéficier.
Engagement de la revue
La revue Sociographe est une revue à Comité de lecture et les auteurs sont obligés d’accepter le processus d’expertise en double aveugle par leurs pairs.
Les experts sont sélectionnés en fonction de leur compétence dans leur travail de terrain particulier et choisis par la rédaction et en aucun cas par les auteurs. Ils reçoivent les indications et les attendus des expertises de la part de la revue. Les articles soumis sont rendus anonymes par le rédacteur en chef et examinés par au moins deux experts indépendants et par notre équipe de rédaction.
En aucun cas, durant le processus d’expertise, les experts ne doivent avoir de lien avec l’auteur.
Il y a quatre périodes d’évaluation d’articles : décembre, mars, juin et septembre pour les quatre numéros publiés.
La qualité de membre du comité de lecture donne droit à recevoir l’ensemble des quatre numéros de la revue en version papier ou numérique.
L’évaluation des articles garantit le processus d’examen « en double aveugle par les pairs » qui détermine l’autonomie d’une publication et sa démarche scientifique, autrement dit, avec une visée d’objectivité.
Les articles sont examinés par au moins deux experts indépendants et par notre équipe de rédaction.
Le principe d’un comité de lecture est d’être à l’interface entre un auteur et des lecteurs. Les experts ont le souci de déterminer :
– la pertinence du contenu de l’article proposé par l’auteur,
– la lisibilité de l’article pour les lecteurs de la revue.
Ainsi, les experts évaluent si l’article proposé a déjà été publié dans une autre revue. Ils qualifient la nature de l’article proposé : essai, résultats de recherche, ordonnance administrative, programme politique, analyse de pratiques professionnelles, témoignage, etc.
Les experts évaluent si l’article proposé est, selon le cas,
– méthodologiquement construit,
– contient des résultats clairement présentés et étaye les conclusions,
– contient une bibliographie appropriée,
– apporte une contribution significative au travail social,
– est écrit dans un langage rigoureux et une progression cohérente et claire.
Dans le souci du lectorat de l’article, les experts vérifient si l’article proposé possède :
– une graphie en correspondance avec les normes de la revue,
– une longueur comprise entre 5000 et 30 000 signes, espace compris,
– des références éventuelles pertinentes, complètes et dans les normes de la revue,
– un résumé de 450 signes, espace compris, maximum, et soigneusement rédigé,
– de 3 à 5 mots clés pertinents,
– un titre adéquat et pas plus de 2 niveaux de sous-titre.
Les experts jugent chaque article en fonction de l’échelle suivante : accepter en l’état ; accepté avec modifications mineures ; accepté avec modifications majeures ; refus.
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Subjects
- Sociology (Main category)
- Mind and language > Representation > Cultural history
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- Society > Sociology > Sociology of culture
- Society > Sociology > Ages of life
Date(s)
- Sunday, December 01, 2024
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Keywords
- injures, insultes, travail social
Contact(s)
- Pierre Bechler
courriel : bechler [dot] pierre [at] free [dot] fr
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Information source
- Guy-Noel Pasquet
courriel : gnoel [dot] pasquet [at] faire-ess [dot] fr
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« Injures et insultes », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, May 15, 2024, https://doi.org/10.58079/11o82