HomeFrontières, désintégrations et intégrations en Afrique depuis la conférence de Berlin (1884-1885)
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Published on Wednesday, May 29, 2024

Abstract

La question des frontières est une question transversale qui croise à la fois la politique, la diplomatie, la culture, l’économie, la guerre, le genre, la religion, etc. En Afrique, cette problématique a pris, depuis 1884, des tournures souvent dramatiques dues aux tragédies que le partage à l’aveuglette des terres a provoqué à l’issue du congrès de Berlin (de novembre 1884 à février 1885). Dès lors, les reconfigurations qui vont se faire vont à la fois désintégrer ceux qui étaient déjà intégrés, et intégrer ceux qui vivaient encore de manières éparses, en dehors de toute structure étatique solide.

Announcement

7ème congrès de la Société Camerounaise d’Histoire Ebolowa : 4-6 décembre 2024

Argumentaire

La question des frontières est une question transversale qui croise à la fois la politique, la diplomatie, la culture, l’économie, la guerre, le genre, la religion, etc. En Afrique, cette problématique a pris, depuis 1884, des tournures souvent dramatiques dues aux tragédies que le partage à l’aveuglette des terres a provoqué à l’issue du congrès de Berlin (de novembre 1884 à février 1885). Dès lors, les reconfigurations qui vont se faire vont à la fois désintégrer ceux qui étaient déjà intégrés, et intégrer ceux qui vivaient encore de manières éparses, en dehors de toute structure étatique solide.

Ainsi se décline le drame de l’Afrique dont les conséquences se font encore gravement sentir de nos jours. Le tiraillement entre la vision africaine traditionnelle de la frontière et celle imposée par la colonisation, puis entérinée par l’OUA, pose en effet de sérieux problèmes aux Etats de nos jours. À travers les externalités positives et négatives qui impliquent très souvent les peuples trait d’union, l’Afrique a du mal à se situer dans l’esprit rigide de 1884 (Enoka, 2014 : 18-24).

Les questions de la désintégration et de l’intégration provoquées par le partage de Berlin ont constamment préoccupé les chercheurs et les politiques. Si certains ont préféré maintenir le statu quo issu du découpage des frontières de 1884-1885, d’autres ont pensé qu’il est possible de dépasser ces frontières dessinées à l’aveuglette sur une carte.

Pour corriger les drames causés par les divisions arbitraires de la colonisation depuis le Congrès de Berlin, l’Afrique nouvellement indépendante a, pour ce faire,  créé l’OUA le 25 mai 1963, à Addis-Abeba. Cette organisation voulait harmoniser les rapports entre pays africains afin d’éviter que les divisions nées de la colonisation n’entravent la marche de l’Afrique vers sa souveraineté et sa dignité. Si, pour certains, comme Nkrumah, il fallait purement et simplement gommer les frontières souveraines au profit d’un Etat supra national, en quelque, sorte faire un « contre congrès de Berlin »[1], d’autres, comme Felix Houphouët-Boigny, insistèrent sur le principe du respect des frontières héritées de la colonisation.

Dans l’un comme dans l’autre cas, les problèmes et les réticences soulevés devenaient plus complexes et le statu quo fut arrêté sur les frontières bâties par les colonisateurs sur la base du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Aveu d’échec des Africains ou manque de vision sur leur destin ? Victoire de la ruse du colonialisme due à l’incapacité des Africains à faire face à de nouveaux défis plus inquiétants et plus incertains ? Toujours est-il que le choix qui fut fait de respecter les frontières héritées de la colonisation s’est trouvé dans plusieurs cas remis en cause entre Etats voisins. On peut citer, entre autres, l’Egypte et le Soudan au sujet des deux triangles (Bir Tawil et Halayeb), l’Ethiopie et l’Erythrée, l’Ethiopie et le Soudan, le Tchad et la Libye, le Maroc et l’Algérie, le Maroc et le Sahara Occidental, le Sénégal et la Gambie, le RDC et le Rwanda, l’Angola sur le Cabinda, le Cameroun et le Nigéria, etc. C’est l’Afrique tout entière, hier comme aujourd’hui, qui souffre des conflits frontaliers.

Si l’on considère les frontières comme des lignes de démarcation, on observe que la question des frontières en Afrique va bien au-delà des querelles sur les tracés. En effet, ces découpages ont fait disparaître des langues et ont fait naître d’autres. La culture, les habitudes sont donc intimement liées aux frontières. De même, les questions de mobilité se sont avérées terribles au fil du temps. Les peuples qui hier vivaient ensemble se sont vus divisés et octroyés des nationalités elles-mêmes incapables de tuer les rapports culturels ancestraux.

La question des frontières interpelle donc l’Afrique et le Cameroun sur plusieurs points. Elle invite d’abord à bien connaître le passé en la matière. Ensuite, elle oblige à comprendre les différentes appréhensions de la frontière depuis 1884 avec ses réussites et ses échecs. Enfin, elle invite à observer la frontière avec un regard neuf sur les migrations transfrontalières en particulier et les migrations dans leur sens global, les sécessions ou les tentatives de sécession, les exclusions et les inclusions culturelles et religieuses, le codéveloppement, les peuples traits d’union, la gestion des ressources naturelles partagées, les conflits frontaliers, les frontières religieuses, imaginaires, etc.

Les réflexions pourraient donc toucher les axes ci-dessous :

Axe 1 : Frontières, intégration et désintégration en Afrique des origines à 1884

Ici, il est attendu que les propositions touchent l’Afrique ancienne depuis l’Egypte pharaonique jusqu’aux royaumes, empires et structures politiques plus légères comme les sociétés lignagères qui, contrairement aux apparences, avaient une vision assez originale de la frontière. Cette section gagnera à analyser les réussites, les échecs, les solidités et les fragilités des modèles de frontières adoptés par ces anciennes structures politiques.

Axe 2 : Les tares durables du partage de l'Afrique et leurs effets sur l'évolution et le développement de l'Afrique

L’entérinement du partage de Berlin a produit des effets négatifs sur l’évolution de l’Afrique. C’est ainsi que des micro-nationalismes, des égoïsmes et des replis sur soi peuvent apparaître comme des freins à l’évolution de l’Afrique dans un monde qui laisse peu de place aux micro-Etats. Cet axe va donc examiner les tares qui perdurent jusqu’ici comme les guerres de frontière, les affrontements pour les ressources, les batailles d’hégémonie, les regroupements en blocs aux antagonismes larvés : Afrique Anglophone, Afrique Francophone, Afrique arabe etc., l’insécurité transfrontalière, la guerre des ressources sur fond de protection de la frontière, etc.

A côté de ces tares, nous observons une montée croissante des sécessionnismes qui mettent à mal les regroupements déjà existants. C’est le cas de la CEDEAO qui s’est vu amputée du Mali, du Burkina Faso et du Niger ou même du Soudan qui s’est vu divisé en deux.

Axes 3 : Les migrations et les frontières en Afrique

Dans un contexte marqué par la mondialisation, la question des migrations internationales est une préoccupation constante. Les frontières tendent ainsi à devenir des barrières migratoires entre les Etats. Il s’agit ici de prendre en compte le paradoxe résidant dans l’érection de multiples barrières migratoires en Afrique et dans le monde en ce qui concerne la ruée des Africains vers l’Occident. La migration ne doit pas ici se limiter aux  à celles qui mènent les Africains hors de leur continent  mais aussi aux migrations intra-africaine, etc.

Axe 4 : Les peuples traits d’union et les externalités transfrontalières

Les frontières héritées de la domination coloniale européenne n’ont jamais pris en compte les facteurs ethniques et claniques des peuples africains. Elles avaient pour but de contribuer, quelque part, à diviser les peuples partageant la même histoire, les mêmes us et coutumes. Seulement, les frontières exerceraient désormais des fonctions de trait d’union, au point de devenir les bases d’une intégration par le bas. Elles sont alors des ponts entre plusieurs territoires et peuples. Il s’agit donc, ici, d’analyser les enjeux des frontières et le caractère des relations transfrontalières qu’entretiennent les peuples traits d’union depuis 1960 au niveau des frontières du Cameroun. Bien évidemment, des analyses issues d’autres pays africains permettront d’élargir le niveau de compréhension du rôle des peuples traits d’union dans la vision de l’intégration africaine. A ce niveau, on peut faire ressortir les éléments culturels qui transcendent les frontières (les festivals, les rites, les fêtes conjointes, etc., les relations socio-économiques transfrontalières, etc.

Axe 5 : Les tentatives de solution engagées pour sortir l'Afrique du découpage de Berlin

Conscient des problèmes posés par le partage des frontières de Berlin, les Africains ont engagé des réflexions pour en minimiser les effets négatifs. C’est ainsi qu’est née l’OUA, organe supranational censé travailler pour l’Unité africaine. En septembre 1999, à Syrte, l’idée de changer l’OUA en une organisation plus forte et plus dynamique est adoptée. Cette décision de changement amène alors à la création de l’UA en 2002 à Durban. Ainsi, de l’OUA à l’UA, les Africains ont tenté de trouver les remèdes pour soigner les blessures provoquées par le partage de Berlin. Ici, des analyses sur les regroupements régionaux, le plan  d’action de Lagos, la zone de libre-échange africaine, le marché commun africain montreront les difficultés rencontrées par la volonté de dépasser les frontières qui érigèrent des barrières douanières dans les échanges entre Etats africains qui demeurent malheureusement très faibles comparés aux échanges avec l’Europe ou l’Asie.

Axe 6 : Quelles perspectives pour l'Unité africaine aujourd’hui ? Le rêve est-il possible ?

Face aux multiples obstacles qui bloquent le dépassement des frontières héritées de la colonisation, on peut légitiment se demander si le rêve de transformer l’Afrique en une puissance est encore possible. En effet, l’ossification des Etats-Nations laissent souvent le pessimisme prendre le pas sur l’optimisme des années 1960. Dans cet axe, les réflexions porteront sur les perspectives déjà énoncées comme l’agenda 2063 ainsi que sur des propositions innovantes que l’érudition pourrait proposer. Aussi, en scrutant l’évolution du monde aujourd’hui, cet axe pourrait aussi développer une sorte de prospective africaine pour l’avènement, non pas d’une unité, mais d’une union capable de produire la puissance jusqu’ici recherchée.

Modalités de soumission

Cet appel s’adresse aux chercheurs de différents horizons scientifiques intéressés par ce thème. Les propositions de communication, ne dépassant pas  300 mots chacune, doivent clairement s’inscrire dans l’un des axes ci-dessus mentionnés. Les auteurs sont invités à préciser l’axe choisi. Naturellement, des propositions originales, qui ne s’inscrivent dans aucun de ces axes, sont aussi les bienvenues

au plus tard le 15  juillet 2024,

simultanément aux adresses électroniques suivantes: cameroonhistory@yahoo.com et abwa_daniel@yahoo.fr.

Les auteurs des propositions retenues seront notifiés de l’acceptation de leurs résumés le 15 août  2024. Ils recevront, en même temps, les normes éditoriales. Les textes définitifs sont attendus au plus tard le 10 novembre 2024, pour être  mis à disposition des participants avant la tenue du Congrès.

Frais de participation

Les frais de participation aux congrès s’élèvent à :

  • 25 000 XAF pour les membres de la SCH dont les cotisations sont à jour ;
  • 50 000 XAF pour les participants n’appartenant pas à la SCH.

Les frais de transport des participants ne sont pas pris en charge par l’organisation.

Comité scientifique

Daniel Abwa (Université Protestante d’Afrique Centrale), Roger Bernard Onomo Etaba (Université d’Ebolowa), Samuel Efoua Mbozo’o (Université de Douala), Nixon Takor Kahjum (University of Bamenda), Saïbou Issa (Université de Maroua), Robert Kpwang Kpwang (Université de Douala), Idrissou Alioum (Université de Maroua), Raymond Anselme Ebalé (Université d’Ebolowa) Emmanuel Tchumtchoua (Université de Douala), Jules Kouosseu (Université de Dschang), Eugène Désiré Eloundou (Université de Yaoundé I), David Mokam (Université de Ngaoundéré), Jean Koufan (Université de Yaoundé I), Albert François Dikoumé (Université de Douala), Willybroad Dze-Ngwa (Université de Yaoundé I), Alexis Tague Kakeu (Université de Yaoundé I), Célestin Christian Tsala Tsala (Université de Bertoua), Ouba Abdoul-Bagui (Université de Garoua), Patrice Pahimi (Université de Maroua), Abdouraman Halirou (Université de Ngaoundéré), Armel Sambo (Université de Maroua), Lang Michael Kpughe.(University of Bamenda),Ngam Confidence Chia (University of Bamenda), Henry Kam Kah, (University of Buea), Martin Mbenguè Nguimé (Université de Ngaoundéré), Walter Nkwi (University of Bamenda ), Joseph Long Nfi, (University of Bamenda), Moussa II (Université de Yaoundé I), Cyrille Aymard Bekono (Université de Yaoundé 1), Primus Fonkeng (University of Buea), François Wassouni (Université de Maroua), Chamberlain Nenkam (Université de Yaoundé I), Ndjidda Ali (Université de Maroua), Hamadou Adama (Université de Ngaoundéré), Canute A. Ngwa (University of Bamenda), Aloysius N. Ngalim (University of Buea), Ferdinand Paul Enoka (Université de Maroua), Alvine Henry Assembe Ndi (Université de Douala), Jérémie Diye (Université de Yaoundé I), Mathias Kaimangui (Université de Ngaoundéré), Edouard Bokagne Betobo (Université de Yaoundé I), Hans Gilbert Mbeng Dang (Université de Douala), Zacharie Saha (Université de Dschang)  Collette-Célestine Fouellefack Kana (Université de Dschang), Romuald Patrick Jié Jié (Université de Bertoua), Joachim Emmanuel Goma-Tehteh (Université Marien Ngouabi), Jean François Owaye (Université Omar Bongo), Mohamed N’Guessan (Université Houphouët-Boigny), Bamba Mamadou (Université Alassane Ouattara), Joseph Koffi Nutefe Tsigbe (Université de Lomé). Essohouna Tanang (Université de Kara).

Bibliographie indicative

Abdouraman Halirou, 2008, « Le conflit frontalier Cameroun-Nigeria dans le lac Tchad : les enjeux de l'île de Darak, disputée et partagée », Cultures & Conflits, vol. 4, n° 72, p. 57- 76.

Abwa, D. et al.,2001, Dynamiques d’intégration régionale en Afrique Centrale, Yaoundé, PU Y.

Bah Thierno Moctar, « Frontières, Guerre et paix dans l’Afrique Précoloniale ; l’exemple des chefferies Bamileké et du Royaume Bamum dans l’Ouest-Cameroun », in Des Frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle. Acte du Symposium internationale « Histoire et perception des Frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle dans le Cadre d’une culture de la paix, Bamako, 1999. UNESCO, CISH, p.146-158.

Coquery-Vidrovitch, C., 2005, « Histoire et perception des frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle », in UNESCO, Des Frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle. Acte du Symposium internationale « Histoire et perception des Frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle dans le cadre d’une culture de la paix, Bamako, 1999. UNESCO, CISH, p.39-54.

Diop, C. A., 1974, Les fondements économiques et culturels d’un état fédéral d’Afrique noire, Paris, PA.

Enoka, F. P., 2014, « Les externalités frontalières et la problématique de l’intégration en Afrique Centrale », Kaliao, Revue pluridisciplinaire de l’Ecole Normale Supérieure de Maroua (Cameroun), Vol. 6, n°12, p. 9-25.

Messe Mbega, C-Y, 2015, « Les régions transfrontalières : un exemple d’intégration socio spatiale de la population en Afrique centrale ? », Éthique publique [En ligne], vol. 17, n° 1. 

Mokam, D., 2000, « Les peuples traits- union et l’intégration régionale en Afrique centrale : cas des Gbaya », Ngaoundéré Anthropos, Revue de Sciences Sociales, vol. 5, p.5-32.

Nana Ngassam, R., 2014, « Insécurité aux frontières du Cameroun », Études, no. 3, p. 7-16.

Mouhamadou, Nissire Sarr, 2012-2013, « Conflits et fixation des frontières en Egypte Pharaonique », Ankh, n°21-22, p. 32-45.

Saïbou Issa, 2010, Les coupeurs de route. Histoire du banditisme rural et transfrontalier dans le bassin du lac Tchad, Paris, Khartala.

Saïbou Issa, 2012, Ethnicité, frontières et stabilité aux confins du Cameroun, du Nigeria et du Tchad, Cameroun, L’Harmattan.

Sambo, A., 2024, « Le lac Tchad : Gestion partagée et conflits entre les Etats du bassin Tchadien », in Amadou B., Bouzou Moussa I., Motcho Kokou H et Waziri Mato M. (Dir), Espaces partagés en Afrique sahélo-soudanienne villes, villages et enclaves, Hommage au professeur Emérite YAMBA Boubacar, Niger, Éditions Gashingo, Université de Niamey.

UNESCO, 2005, Des Frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle. Acte du Symposium internationale « Histoire et perception des Frontières en Afrique du XIIè au XXè siècle dans le Cadre d’une culture de la paix, Bamako, 1999. UNESCO, CISH.

Note

[1] Cette expression est de l’ancien Président de la République du Mali, l’Historien Alpha Omar Konaré qui l’employa dans son discours d’ouverture du symposium international sur les frontières en Afrique du XIIe au XXe siècle tenu à Bamako du 15 au 19 mars 1999.

Places

  • Ébolowa, Cameroon

Date(s)

  • Monday, July 15, 2024

Keywords

  • congrès de berlin, afrique noire, frontière, desintégration, intégration, unité africaine

Information source

  • Chamberlain Nenkam
    courriel : chanenkam [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Frontières, désintégrations et intégrations en Afrique depuis la conférence de Berlin (1884-1885) », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, May 29, 2024, https://doi.org/10.58079/11ql3

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