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Conversions religieuses. Croire et faire en mouvement dans l’espace méditerranéen

Religious Conversions. Believing and Doing on the Move in the Mediterranean Area

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Publicado el viernes 31 de mayo de 2024

Resumen

Ce dossier propose de penser le religieux dans sa capacité à mobiliser institutions, groupes et individus autour de dynamiques plurielles qui contribuent à la redéfinition du champ religieux lui-même Il appréhende la conversion religieuse au prisme de trajectoires multidirectionnelles et communicantes, des « bifurcations » dans lesquelles se rejoignent des mouvements de détour, décentrement et retour vers soi. La conversion religieuse est comprise ici par-delà la catégorisation dualiste de rupture et continuité. Ce qui amène à la penser non comme le seul processus opaque de désaffiliation et d’affiliation religieuses mais bien comme un mouvement de soi vers soi impliquant une tension constante de négociations entre reconfiguration des modalités du croire et du faire religieux et prégnance des identités et sensibilités d’un individu propre à un milieu social donné.

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Argumentaire

La conversion religieuse est un phénomène complexe, polysémique et polymorphe qui met en exergue la question de la mobilité religieuse et sociale à travers le temps long. À la jonction d’une démarche individuelle et d’un phénomène collectif, elle constitue un objet de recherche transversal éclairant les dynamiques et les modalités d’appartenance, le « bricolage » religieux et les enjeux de son articulation dans l’espace (Hervieu-Léger, 1999). En fonction d’où l’on place le regard, la conversion religieuse peut-être perçue comme une « entrée », une « sortie » qui traduirait le mouvement d’un « avant » à un « après ». Comment traduire l’intensité de ces « passages » ? Est-ce une rupture nette et totalisante, une mutation progressive et adaptée ou une recomposition parcellaire et estompée du croire et du faire religieux ?

Ce dossier propose de penser le religieux dans sa capacité à mobiliser institutions, groupes et individus autour de dynamiques plurielles qui contribuent à la redéfinition du champ religieux lui-même (Dirèche, 2011). Il appréhende la conversion religieuse au prisme de trajectoires multidirectionnelles et communicantes, des « bifurcations » (Le Pape, 2009) dans lesquelles se rejoignent des mouvements de détour, décentrement et retour vers soi. La conversion religieuse est comprise ici par-delà la catégorisation dualiste de rupture et continuité. Ce qui amène à la penser non comme le seul processus opaque de désaffiliation et d’affiliation religieuses mais bien comme un mouvement de soi vers soi impliquant une tension constante de négociations entre reconfiguration des modalités du croire et du faire religieux et prégnance des identités et sensibilités d’un individu propre à un milieu social donné. Par ailleurs, la conversion dépasse l(a)’(dés)affiliation religieuse et peut consister à « flirter » autour d’un référentiel, d’un groupe et/ou d’une tradition discursive nouvelle (Asad, 2017 [1986]). Parfois, la conversion est synonyme de (re)découverte d’une tradition « héritée » et/ou fantasmée. Elle peut aussi impliquer la redéfinition d’une vision (a)religieuse du monde sans s’astreindre à une praxis prescrite. À l’inverse, elle peut comprendre une redéfinition des pratiques tout en s’extrayant d’une vision religieuse du monde inspirée des dogmes.

Religion d’État versus régime de laïcité, formes de sécularisation ou retour du religieux, la politique religieuse menée au sein des sociétés contemporaines questionne les interactions entre le cadre juridique, l’institutionnalisation du religieux ainsi que les acteurs·trices du champ social (Sbaï, 2019). Comment le processus de conversion et l’assignation de « converti·e » s’articulent-ils dès lors que le fait religieux est associé à un groupe minoritaire ou majoritaire dans un espace donné : expression contestataire, marginale, levier d’insertion ou d’ascendance sociale ? C’est autour de la tension entre logiques de « visibilisation » ou d’« invisibilisation » de la conversion que notre réflexion s’articule. Si une conversion peut être pensée comme un processus relevant du for intérieur, de la foi et de la croyance de l’individu, le fait de la rendre (in)visible répond à des considérations collectives et sociales qui amenuisent la frontière entre dimensions publiques et privées (Boissevain, 2014).

Portant une attention particulière aux spatialités, ce dossier entend contribuer aux recherches sur les conversions religieuses passées et présentes – sans restriction temporelle – dans l’espace méditerranéen en proposant une étude croisée (Despotis, Löhr, 2022 ; Norton, 2019 ; Boissevain & Le Pape, 2014 ; Marzouki, Roy, 2013 ; Garcia-Arenal, 2001 ; Guiral-Hadziiossif, 2000). Appréhender les conversions religieuses dans le temps long et dans des espaces variés entend contribuer à une meilleure restitution de la complexité des phénomènes de retour du religieux et ceux de sortie de la religion. Dans cette optique, ce dossier comprend le fait religieux dans une acception large en regroupant « entrées » et « sorties » des monothéismes, des religions, rites et obédiences minoritaires ou marginaux ainsi que des formes d’agnosticisme et d’athéisme, soit des sorties religieuses.

L’approche diachronique ambitionne de faire dialoguer les travaux historiques, sociologiques, anthropologiques et juridiques par la mobilisation de nouvelles archives, d’observations issues d’enquêtes de terrain inédites et de matériaux juridiques autour des conversions religieuses dans ces espaces. Cette ambition n’ignore pas pour autant les contraintes que peuvent révéler la conduite d’enquêtes de terrain et l’accès aux archives mais propose de les inclure comme élément de réflexion dans le présent numéro. Qu’il s’agisse des contextes maghrébin, sud-européen ou proche-oriental, enquêter auprès de groupes confessionnels minoritaires peut également voir les enquêté·e·s refuser de participer à cette objectivation par méfiance ou craintes engendrées par des formes de pressions sociales/politiques, liées à une représentativité négative ou des mesures sécuritaires. De même, les observations et entretiens auprès d’enquêté·e·s qui se perçoivent en marge amènent à une modélisation du discours, un contrôle de l’image et à la construction d’une logique discursive cohérente. Celle-ci légitime la démarche de conversion mais fait l’impasse sur des points sensibles et subtilités, des tabous comme, par exemple, le rejet ou la coexistence d’« ex »-identités plus ou moins informelles (Ebaugh, 1988). Ainsi, comment traiter les silences de la conversion ? Que nous disent les observations de terrain sur la place accordée à l’objectivation des récits de soi dans le processus d’écriture en sciences sociales ? Comment mener une enquête de terrain et/ou accéder à des archives en passant par-delà la méfiance et/ou le refus de la participation des enquêté·e·s, le régime d’autorisation étatique et les contraintes administratives qui en découlent (Hadj-Moussa, 2019) ?

Ainsi, ce dossier saisit l’entrée des conversions pour penser la disparité des intensités, des reconfigurations et des usages contemporains du religieux (Lamine, 2024). Il souhaite contribuer à penser les logiques de l’(in)visibilisation des conversions en mobilisant trois axes thématiques qui portent sur la médiatisation, les dynamiques et pratiques qui en découlent dans le champ culturel et au quotidien, à l’échelle locale et dans les sphères de l’intime.

Axe 1 : Médiatisation. Enjeux, politiques et discours de la conversion

Afin d’interroger les effets sur les mobilisations politiques, religieuses et sociales (Angey, Fer, Vildard, 2021 ; Martin, Suire, 2016 ; Le Pape, Laakili, Mossière, 2017), la première thématique vise à rendre compte des dynamiques et enjeux propres à la réception et au traitement médiatique de la conversion. Comment se superposent, s’imbriquent et se distinguent les jeux d’échelle des récits et de la réception de la conversion dans différents espaces médiatiques (grands médias, plateformes numériques, réseaux sociaux, vlogs) ? Cet axe s’inscrit dans une double perspective, la première étant dédiée aux stratégies de communication des converti·e·s dans les médias. Il est question de confronter ce premier point avec le second, relatif au traitement médiatique de la conversion dans la mesure où celle-ci peut faire l’objet d’un relai médiatique politisé, polémique ou inclusif, apologétique ou disqualifiant (Kaoues, 2020 ; Le Pape, 2014 ; Dirèche, 2011 ; Abécassis, 2000). Sont donc bienvenues les contributions qui s’intéressent à la nature même de ce traitement, en filigrane des enjeux qui le sous- tendent, ses mécanismes ainsi que ses canaux de diffusion et sa réception.

Au Maghreb, des stratégies de mobilisation des médias sont observables – à la télévision ou en ligne via des médias privés notamment[1]. Elles sont mises en œuvre par certains leaders religieux évangéliques afin de faire porter leur voix et leur vision. Avant qu’ils ne choisissent de prendre la parole publiquement, les converti·e·s à l’évangélisme ont d’abord été visibilisés par les médias (publics) à travers une campagne de diabolisation en 2004 (Dirèche, 2009). Cette campagne a d’ailleurs été à l’origine de l’ordonnance de 2006 qui régit l’exercice collectif des cultes autres que musulmans et qui prévoit l’interdiction du prosélytisme à destination des musulman·e·s. Dans ce cadre, en 2008, le pasteur américain Hugh Johnson a été expulsé d’Algérie et d’autres au Maroc en 2010[2]. Par le passé, d’autres expulsions avaient déjà eu lieu comme celle de quinze étrangers appartenant aux Témoins de Jéhovah en 1969 (Le Tourneau, 1969). De plus, la visibilisation médiatique de certaines minorités religieuses par la presse, comme pour les Ahmadis, a permis aussi bien de leur donner une exposition qu’ils n’avaient pas recherché mais également leur inclusion en tant que sujet de recherche universitaire (Zemirli, 2018). Ce constat peut également s’étendre dans les différents pays des mondes arabes, dont l’Égypte qui a connu, par le passé, des polémiques autour de conversion (Abécassis, 2001) et dont l’actualité témoigne d’une saturation médiatique d’affaires spectaculaires pour lesquelles celle-ci révèle crispations et tensions confessionnelles (Kaoues, 2014). Si l’on regarde du côté de l’Albanie et de sa configuration multiconfessionnelle, le relai médiatique du religieux ne s’autorise pas à de telles querelles et tente d’entretenir une image publique apaisée des liens entre les communautés chrétiennes et musulmanes (Fuga, 2005). Dans ce cadre quelles sont les ressources mobilisées, les stratégies d’adaptation et de communication qu’impliquent la conversion au sein d’un milieu social, d’une « communauté d’attestation », d’une institution ou d’un public plus large (Heurtin, Michel, 2021) ?

Cet axe s’intéresse également aux usages des réseaux sociaux et plateformes de streaming puisque la parole, l’image et le faire religieux s’y meuvent sous différents styles, formats et contenus adaptés. Ces productions et usages participent à de nouvelles formes d’interaction et de leadership. Ils proposent des modalités d’être, du faire ou du croire qui médiatisent (aussi) récits et figures de conversion auxquels les usagers s’identifient. Sur ses réseaux sociaux, le combattant MMA et influenceur français Cédric Doumbé produit un récit de conversion, échange en direct avec ses followers lors de lives, revient sur ses croyances et pratiques religieuses en les médiatisant de manière quotidienne. Cela peut aussi s’observer chez l’influenceuse Paloma Ruiz de Almodóvar qui revendique un certain héritage andalou à Grenade. Aussi, de nombreuses vidéos disponibles mettent en scène des prédicateur·trices qui invitent les fidèles à une utilisation orthodoxe des réseaux sociaux. De fait, comment les supports numériques et interactifs viennent-ils redéfinir la diffusion et l’image de la conversion au même titre qu’ils permettent de nouveaux espaces d’expression du religieux ?

Ainsi, toutes contributions ayant trait à la présence de la question de la conversion dans les médias et, plus précisément, de l’analyse des politiques communicationnelles mises en œuvres par les converti·e·s, celles du traitement médiatique des différents relais de l’information (privés, confessionnels, nationaux) et de la réception de cette question médiatisée à différentes échelles (locales, régionales, nationales) sont bienvenues.

Axe 2 : Investir le champ culturel. Production, promotion, médiation

Pour les converti·e·s, la production d’un récit biographique vise à traduire, légitimer, leur nouvelle appartenance religieuse et fait partie intégrante du processus de conversion lui-même. Comment observer la part de « séduction » du récit de conversion ? Ces récits sont des constructions sociales qu’il faut également pouvoir intégrer dans un ensemble plus vaste et contextualisé dont le religieux n’est qu’un prisme, un mode de présentation (Angey, Fer, Vildard, 2021 ; Le Pape, 2015). Comment ces écritures de soi s’incarnent-elles dans le champ culturel ?

Loin d’être cantonnés aux actions caritatives et sociales, les effets de la conversion conduisent les converti·e·s à s’insérer ou à créer des espaces de médiation religieuse en fonction des compétences disponibles – atelier d’enseignement de langues liturgiques, calligraphies ou enseignement confessionnel adapté. Ces médiums mobilisent leurs engagements préexistants tout en leur donnant une nouvelle orientation au sein de la communauté d’accueil. En plus de contribuer à la cohésion sociale du groupe, ils développent un rôle d’agent-médiateur et un capital symbolique croissant au sein de cette dernière. Ces médiums peuvent aussi prendre la forme de biens culturels et saisir le champ littéraire – essai, biographie, roman –, artistique – cinéma, théâtre, calligraphie, danse, chant et musique sacrés – et/ou numérique – webséries, chaînes et vlogs YouTube, comptes Instagram et X (Twitter), pages Facebook ou podcasts. Ainsi, le récit de soi et le récit de conversion « entrent en scène » et adoptent les contours des productions littéraire, cinématographique, documentaire ou numérique[3].

En plus de ces formes d’écritures du soi, les converti·e·s produisent des biens culturels qui assurent une forme de médiation de leur nouvelle appartenance religieuse. Ces productions du champ culturel largement diffusées peuvent jouer un rôle de référence, d’inspiration voire même être érigées en modèle à suivre et viennent ainsi interroger les nouvelles formes d’identification, d’expression et de normativité religieuses. Par ailleurs, qu’en est-il de la dimension genrée de ces écritures de soi ?

Cet axe accueille ainsi des contributions portant sur l’articulation entre processus de conversion et production culturelle. Il vise à interroger la façon dont les acteurs·trices de la conversion investissent le champ culturel pour traduire leur démarche, faire part de leurs aspirations et promouvoir les (nouveaux) modes de représentation qui les animent. Autrement dit, l’interrogation porte sur les dynamiques de production, les modalités d’action et les transferts dans le champ culturel d’une part, et sur la capacité du champ culturel à modéliser, favoriser, contraindre les logiques de production culturelle d’autre part. Ces logiques sous-tendent des régimes disparates de la parole publique qui interrogent la notion de liberté d’expression et ne peuvent faire l’économie du politique au vu des contraintes et conséquences de la promotion d’une religion (minoritaire) en fonction des contextes donnés. Dans ces cas de figure, comment donner cours à ces formes d’expression ?

Axe 3 : Au quotidien. Échelles locale, familiale et intime

Les effets de la conversion débordent du champ religieux et nous invitent à décentrer la conception faite de ses frontières, bien souvent enchevêtrées et mobilisées dans d’autres champs du monde social (Martin, Suire, 2016). Pour autant, si les mécanismes de conversion répondent à des considérations qui sortent bien souvent du religieux, ces derniers ne peuvent non plus totalement en exclure la dimension religieuse, dogmatique et doctrinale. Nous souhaitons interroger la façon dont on place le curseur d’analyse des conversions entre l’agentivité des acteur·trices, la force que peut exercer le groupe sur les converti·e·s dans la vie quotidienne et leur caractère interactionnel. Le troisième axe de ce dossier accueille des contributions portant sur la dimension vécue et quotidienne de la conversion religieuse pensée dans l’intimité du foyer, au prisme de la sphère de l’intime, familiale et conjugale. L’objectif consiste à lire les effets de la conversion, d’abord pour les converti·e·s eux.elles-mêmes puis pour leur entourage, au regard des espaces de socialisation quotidienne (Simona, 2022). Il est ici question de rendre compte des stratégies d’adaptation, des reconfigurations observées mais aussi de la prégnance des liens qui préexistent à la conversion à travers les pratiques ordinaires, les usages du corps et les matérialités religieuses (Bentrar, 2021 ; Cohen, Mottier, 2016).

À l’échelle locale et en fonction des contextes spatio-temporels, politiques et logiques de conversions collectives ou massives peuvent se révéler instructives quant aux liens entre identité religieuse, mobilité humaine et condition sociale. Par exemple, au temps de la dite Reconquista, les Rois Catholiques mènent une politique coercitive de conversions au catholicisme des minorités juives et musulmanes puis d’expulsion d’environ 300 000 Morisques entre 1609 et 1614. Comment les communautés et familles juives et morisques, établies depuis des générations à Tolède, Grenade ou Valence ont-elle été impactées dans leur quotidien, vis-à-vis de leurs activités, leurs vies sociales et religieuses ? Comment les mudéjars ont-ils, par la suite, menés des stratégies d’accommodation et de dissimulation de l’identité et des pratiques religieuses entre les sphères publiques et privées ? L’histoire familiale et quotidienne peuvent également révéler les effets de la conversion à l’échelle individuelle, en fonction des tranches d’âge et de la mobilité sociale (Poutrin, 2016, 2023). Durant la période ottomane, ces logiques amènent aussi à penser les configurations socio-économiques de l’histoire des paysans albanais dans la mesure où se convertir à l’islam permettait aux catholiques et orthodoxes d’accéder à des propriétés terriennes fertiles et d’éviter de devoir migrer dans les régions montagneuses (Fuga, 2005). Dans une autre perspective, l’action des missionnaires jésuites amenant au baptême de 62 villageois alaouites au nord du Mont-Liban en 1931 vient interroger l’imbrication du religieux dans l’organisation sociale et politique à l’échelle locale et quotidienne (Verdeil, 2010). Ainsi, comment penser, au sein des marges religieuses et politiques, le rôle et les effets des conversions collectives dans l’organisation sociale villageoise ?

Dans les pays où l’application du droit de la famille est influencée par l’appartenance religieuse des individu·e·s, comment le processus de conversion d’un des membres du couple impacte-t-il la question des droits au divorce, de garde des enfants ou encore de l’héritage (Bernard-Maugiron, Dupret, 2012) ? En somme, la réflexion inclut les effets juridiques et sociaux de leur conversion. En France, si ces questions ne sont pas abordées d’un point de vue strictement juridique, elles peuvent l’être par la sociologie de la famille, notamment autour des liens établis entre conversion, stratégies matrimoniales, rapports et liens familiaux (Puzenat, 2015).

De même, la promotion « de l’égalité des sexes, adossés à la « mission civilisatrice », a couramment servi de légitimation des politiques coloniales ou des entreprises missionnaires à travers le monde » (Fer, Malogne-Fer, 2015, p. 16). Elle se mêle dans les pays du Maghreb, « à une critique récurrente de l’islam présenté comme un ensemble de structures culturelles, sociales et familiales particulièrement conservatrices et répressives à l’égard des femmes » (Fer, Malogne-Fer, 2015, p. 16). Par ailleurs, ce sont souvent les femmes qui sont les premières visées par les convertisseurs car considérées comme plus perméables aux forces démoniaques (il est donc nécessaire de pouvoir les sauver plus rapidement) et comme étant de « bons relais » de la conversion (elles peuvent devenir à leur tour des prédicatrices efficaces). De même, comment ces mères, piliers de la famille nucléaire, transmettent-elles cette nouvelle culture religieuse aux enfants et comment ces derniers se l’approprient-ils au fil des âges ?

C’est ainsi que la notion d’émancipation est mobilisée par les prédicateurs·trices dans un discours féministe attractif. Elle l’est aussi par les converties elles-mêmes qui s’en saisissent pour dépasser les répartitions genrées des rôles – présence dans l’espace public, mobilité quotidienne, violences conjugales, libéralisation de la parole en lien avec la sexualité ou encore office exclusivement masculin. Au-delà des pratiques strictement religieuses, qu’en est-il des pratiques sociales ordinaires des individus nouvellement convertis ? Quel est le poids des relations et obligations familiales dans les stratégies d’adaptations mises en place pour s’accommoder, voire contourner les nouvelles prescriptions religieuses ? Enfin, de quelle manière, selon les contextes et les situations, les normes locales et les normes religieuses peuvent se renforcer ou, au contraire, entrer en contradiction ?

Modalités de soumission

Les propositions d’articles (de 400 à 600 mots) en français ou en anglais, accompagnées de plusieurs références bibliographiques et d’une courte biographie des auteur.es sont à envoyer sur ce formulaire

avant le 30 juin 2024

  • Un retour sera fait aux contributeur·ice·s au plus tard mi-juillet 2024.
  • Les contributions seront à rédiger selon les normes de la revue, et sont attendues au plus tard le 6 janvier 2025.
  • Les recommandations de rédaction aux auteur·e·s se trouvent sur ce lien.
  • Les évaluations des articles seront renvoyées aux auteur·e·s dans le courant des mois d’avril à juin 2025.
  • La publication du numéro est prévue pour décembre 2025.

Évaluation

La plupart des articles sont issus d’un appel à contribution, largement diffusé dans le milieu ‎académique national et international. Une première sélection porte sur les projets d’article, sur la base ‎d’un résumé, deux mois après la publication de l’appel à contribution. À ce stade, seules dix à vingt propositions (maximum) sont retenues. Lorsque les articles arrivent, cinq mois plus tard, des évaluateur·e·s sont désignés par le ‎comité éditorial en vue de valider la qualité scientifique des articles proposés et de les améliorer. ‎La règle veut qu’il y ait au moins deux évaluations par article. Pour chacun, un·e chargé·‎e de suivi est désigné au sein du comité éditorial. Il/elle assure l’interface entre les deux évaluateur·e·s et ‎l’auteur·e de l’article, afin de préserver leur anonymat. Les évaluateur.e.s font partie du comité ‎scientifique ou sont des expert·e·s extérieurs. Leur nom n’est pas rendu public.

‎- Pour les dossiers thématiques (70 % des articles), fonctionnant sur appel à contribution et sélection ‎préalable sur la base d’un résumé : le-s coordonnateur·e·s du dossier participe·nt à la désignation ‎des deux évaluateur·e·s. Ces dernier·e·s rendent leur avis sur un formulaire d’évaluation en ligne, avec un ‎archivage pour chaque dossier. En cas de désaccord entre les deux évaluateur·e·s, un arbitrage est ‎proposé au comité éditorial par le-s coordonnateur·e-s du dossier et le/la chargé·e de suivi ou en cas de ‎désaccord entre eux, par la rédactrice en chef et la rédactrice en chef adjointe. Il est entendu que la ‎rédaction ne peut imposer à des coordonnateur·e.s de numéro un article dont ils-elles ne voudraient pas. ‎- Pour un article spontané ou varia (10 % des articles) : la sélection se fait au fil des arrivées. Le/la ‎chargé·e de suivi et les deux rapporteur·e·s sont désignés par la rédactrice en chef adjointe après ‎avis des autres membres du comité éditorial et une première réponse est rendue dans un délai de trois à quatre mois. Lorsque l’article est susceptible de s’insérer dans une rubrique traitant ‎particulièrement d’un des États du Maghreb, le responsable de cette rubrique (et rédacteur de la ‎chronique) est forcément chargé de suivi de cet article, de façon à avoir ‎son mot à dire sur la publication de l’article dans la rubrique dont il est responsable. Le formulaire en ‎ligne d’évaluation pour les varia est légèrement différent de celui prévu pour les dossiers.‎

- Pour les chroniques (20 % des articles) : Le texte est relu et amendé par le ‎rédacteur en chef et au moins un·e membre du comité éditorial.

Pour tous les articles, la décision de publication est rendue au terme d’une réunion du comité éditorial ‎sur la base des expertises réalisées sur chaque article et des réponses qui y ont été apportées par les ‎auteurs.‎

Comité de coordination

Rédacteur en chef : Loïc Le Pape, politiste, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CESSP, Paris, France

  • Samir Abdelli, Doctorant en histoire contemporaine à l’EHESS au sein du CETOBaC.
  • Kheloudja Amer, Doctorante en sociologie à Nantes Université au laboratoire du CENS
  • Zohra Aziadé Zemirli, Docteure en droit comparé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Bibliographie

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Puzenat Amélie, 2015, Conversions à l’islam. Unions et séparations, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

Sbaï Jalila, 2019, La politique musulmane de la France. Une mission chrétienne ? 1911-1954, Paris, CNRS Éditions.

Simona Roberto, 2022, Conversions religieuses et liberté. Regards croisés entre christianisme et islam, Lausanne, Antipodes.

Verdeil Chantal, 2010, « Une “révolution sociale dans la montagne” : la conversion des Alaouites par les jésuites dans les années 1930 », in Heyberger Bernard, Madinier Rémy (dir), L’Islam des marges : mission chrétienne et espaces périphériques du monde musulman, XVIe-XXe siècles, Paris, EHESS Éditions, p. 81-105.

Zemirli Zohra Aziadé, 2018, Le statut juridique des minorités religieuses en Algérie, Thèse de doctorat de droit comparé, Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Notes

[1] Salah Chalah, pasteur de l’Eglise protestante du Plein évangélique de Tizi-Ouzou, Mustapha Krim, pasteur de Béjaïa, ancien président de l’association Eglise protestante d’Algérie, Alaoui Lamine, conducteur de louange à Béjaïa et Mokrane Djilali, pasteur aux Ouadhias ont été invités à l’émission Timlilit sur Berbère Télévision en octobre 2019 : https://www.youtube.com/watch ?v =wfm4QoMsUpQ (consulté le 19.12.2023). Salah Chalah a été l’invité de l’émission Dieu TV en juillet 2023 : https://www.youtube.com/watch ?v =W4dhy4Yr-jo (consulté le 19.12.2023).

[2] Mandraud, Isabelle, 5 avril 2010, Expulsés pour prosélytisme [article de presse], Le Monde, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2010/04/05/expulses-pour-proselytisme_1328947_3212.html.

[3] En témoignent, entre autres, le documentaire Salam (2022) de l’artiste Diam’s ; le film adapté du roman autobiographique d’Abd al Malik, Qu’Allah bénisse la France (2014) ; l’ouvrage de Fadhma Amrouche, Histoire de ma vie (La Découverte, 2005) ; ou encore les albums de Cat Stevens (Yusuf Islam), The Life of the Last Prophet (1995) et A Is for Allah (2000).

Lugares

  • Année du Maghreb, MMSH, Iremam, 5 rue du Château de l'Horloge
    Aix-en-Provence, Francia (13)

Fecha(s)

  • domingo 30 de junio de 2024

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Palabras claves

  • religion, conversion, mediterranée

Contactos

  • L'Année du Maghreb L'Année du Maghreb
    courriel : lannee [dot] dumaghreb [at] gmail [dot] com

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Fuente de la información

  • Sabine Partouche
    courriel : sabine [dot] partouche [at] univ-amu [dot] fr

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CC0-1.0 Este anuncio está sujeto a la licencia Creative Commons CC0 1.0 Universal.

Para citar este anuncio

« Conversions religieuses. Croire et faire en mouvement dans l’espace méditerranéen », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el viernes 31 de mayo de 2024, https://doi.org/10.58079/11r6p

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