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L’apparence physique comme critère de discrimination

Cahiers de la lutte contre les discriminations

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Published on Thursday, June 06, 2024

Abstract

Pour le numéro des cahiers de la LCD d’octobre 2025, des articles s’intéressant aux forces et aux faiblesses du critère d’apparence physique pourront être proposés. Il est possible de s’intéresser à l’apparence physique de façon générale, mais aussi d’examiner l’efficacité du critère pour lutter contre des discrimination particulières (capillaires, grossophobes, sur l’identité de genre, sur l’âge, l’état de santé, vestimentaires…) ou dans certains contextes (dans l’accès au logement, au travail, à l’école, pour entrer dans certains établissements…). Une attention particulière sera portée à la pluridisciplinarité de ce numéro, ainsi qu’à la présence d’une perspective internationale ou comparatiste.

Announcement

Argumentaire

Alors que l’apparence physique revêt une importance considérable dans la vie sociale, elle est peu mobilisée en tant que critère de discrimination devant les tribunaux. Pourquoi ? Comment peut-elle être à la fois porteuse d’enjeux sociaux majeurs et si négligée sur le terrain du droit ? C’est à cette situation paradoxale que le dossier des Cahiers de la Lutte contre les discriminations entend consacrer son numéro d’octobre 2025.

À l’interface entre corps individuel et le corps social, l’apparence physique établit un lien silencieux entre les personnes. Un lien par lequel se transmettent sans bruit des informations relatives à la personne qui paraît, interprétées par la personne qui les perçoit. Couleur des yeux, de la peau, des cheveux, mais aussi religion, genre, profession, âge, situation face aux normes sociales de poids, de genre, de style vestimentaire. Ces informations peuvent être réelles, mais aussi erronées. Surtout, elles peuvent être vectrices des stéréotypes les plus grossiers (associer le surpoids à la fénéantise, la blondeur à la bêtise, les lunettes à l’intelligence…). Il n’est donc pas surprenant que l’apparence physique soit souvent ressentie comme cause de traitements discriminatoires.

Selon le 16e baromètre des discriminations dans l’emploi, 43% de la population active considère que les discriminations sur l’apparence physique sont les plus répandues en France. Il s’agit du 4e critère (sur 10 proposés), mais les trois premiers pourraient bien venir gonfler aussi ce chiffre, puisqu’ils ne sont pas sans liens avec l’apparence (58% pour la nationalité, l’origine ou la couleur de peau ; 56% pour l’état de santé ou le handicap ; 46% pour l’identité de genre). Ajoutons à cela que le développement d’Internet et des réseaux sociaux a renouvelé et amplifié l’importance de l’apparence physique lorsqu’elle fait l’objet d’une image diffusée en ligne : une apparence physique figée de la personne peut ainsi échapper à son contrôle et circuler auprès d’un nombre toujours croissant de personnes. 

Pourtant, les discriminations sur l’apparence physique ne connaissent que très peu les prétoires. Peut-être parce qu’elles font toujours l’objet d’une légitimité sociale dans certains contextes, en particulier lorsqu’il s’agit de la des apparats (tenue vestimentaire, coiffure, bijoux, maquillage). Ainsi, pouvoir sélectionner un candidat ou une candidate à l’embauche sur la base de sa tenue vestimentaire ou de son style, par exemple, participe pour certains de l’intuitu personae qui doit présider à la conclusion du contrat de travail. Plus largement, c’est le standard de « tenue correcte exigée », fréquent dans les règlements intérieurs de nombreux établissements accueillant du public, qui suscite l’interrogation.

Ce n’est pas faute d’un certain volontarisme législatif. En 2001, lorsque le Législateur français introduit ce critère parmi la liste des critères de discrimination prohibés en droit français, il est le premier en Europe. Aujourd’hui encore, les droits qui mentionnent ce critère ne sont pas nombreux. Depuis, ce critère n’a suscité que peu de réflexions doctrinales, ce qui ne contribue pas à son essor. Mieux défini, ce critère pourrait révéler un potentiel important pour la lutte contre les discriminations.

Parmi les questions qui doivent être posées, il y a d’abord celle de savoir si l’apparence physique au sens du droit de la lutte contre les discriminations doit être subie ou choisie. En refusant en 2012 sur le licenciement d’un serveur portant une boucle d’oreille, la Cour de cassation a admis que l’apparence physique choisie faisait partie du critère. Mais elle mobilise alors un autre critère – ici le sexe – comme si l’apparence physique ne suffisait pas. En 2023, elle réitère sa position au sujet du licenciement d’un steward portant une coiffure non réglementaire selon l’employeur.

Ensuite, que penser de la situation de l’apparence physique parmi les autres critères de discrimination ? Il semble toujours trop englobant, ou pas assez. Trop en ce qu’il fait doublon avec beaucoup d’autres critères, ce qui questionne son utilité. Pas assez, comme en témoignent les débats récents au sujet de la discrimination capillaire, qui ne serait pas suffisamment sanctionnée. L’apparence physique ne serait-elle pas suffisamment précise ? Dans le même ordre d’idées, on peut se demander si le critère d’apparence physique est suffisant pour lutter efficacement contre la grossophobie sans la mesure où il ne vise pas directement le poids.

Alors faut-il continuer de multiplier les critères et supprimer ce doublon généraliste ? L’utilité de ce critère ne peut-elle pas résider dans son aptitude à objectiver la prise en compte de l’apparence physique sans rechercher l’élément précis issu de l’apparence qui a suscité le traitement discriminatoire ? À cet égard, c’est la dimension intersectionnelle de ce critère qui pourrait être l’objet de réflexions.

Pour ce numéro des cahiers de la LCD, des articles s’intéressant aux forces et aux faiblesses du critère d’apparence physique pourront être proposés. Il est possible de s’intéresser à l’apparence physique de façon générale, mais aussi d’examiner l’efficacité du critère pour lutter contre des discrimination particulières (capillaires, grossophobes, sur l’identité de genre, sur l’âge, l’état de santé, vestimentaires…) ou dans certains contextes (dans l’accès au logement, au travail, à l’école, pour entrer dans certains établissements…). Une attention particulière sera portée à la pluridisciplinarité de ce numéro, ainsi qu’à la présence d’une perspective internationale ou comparatiste.

Modalités de soumission

Les propositions d’article devront être envoyées à l’adresse suivante : jmattiussi@unistra.fr  

avant le 1eroctobre 2024.

 Les contributions finales ne doivent pas dépasser 30 000 signes.

Les propositions seront évaluées par le comité de rédaction des Cahiers de la LCD et la responsable du numéro.

Calendrier prévisionnel

  • 1er octobre 2024 : Envoi des propositions d’articles (1000 mots maximum).
  • 4 novembre 2024 : Retour aux auteurs et autrices
  • 3 mars 2025 : Réception des articles
  • 5 mai 2025 : Retour des modifications aux auteurs et autrices
  • 2 juin 2025 : Réception des articles modifiés
  • Octobre 2025 : Publication

Responsable du numéro

Julie Mattiussi, maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Strasbourg, Centre de droit privé fondamental.

 

Bibliographie indicative

J.-F. Amadieu, La société du paraître, Odile Jacob, 2016

R. Martinière, L’apparence physique du salarié, un motif discriminatoire autonome ?, Lexbase 13 févr. 2024

J.Mattiussi, L’apparence de la personne physique, LEH, 2018


Date(s)

  • Tuesday, October 01, 2024

Keywords

  • apparence, physique, discrimination, image, genre, couleur de peau, sexe, religion, apparence physique, corps, identité, personnalité

Reference Urls

Information source

  • Julie Mattiussi
    courriel : jmattiussi [at] unistra [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« L’apparence physique comme critère de discrimination », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, June 06, 2024, https://doi.org/10.58079/11rv6

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