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L’appel à projet : un instrument d’action publique

Revue Française d’administration publique

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Published on Wednesday, June 05, 2024

Abstract

L’omniprésence des appels à projets (AAP) dénote avec le faible nombre de travaux scientifiques sur cet instrument d’action publique. L’essor des appels à projet dans l’action publique, les raisons du recours à cet instrument, le travail d’élaboration des AAP et des réponses à ceux-ci ainsi que les modalités de sélection des lauréats ont moins retenu l’attention des politistes et des sociologues français, et il en va de même des questions relatives à la nature des AAP et à leur paramétrage, sur lesquels les juristes et les spécialistes des sciences administratives et de gestion se sont peu penchés. Autant de points aveugles de la recherche que le numéro de la RFAP en préparation a l’ambition de combler.

Announcement

Mai 2024

Argumentaire

L’omniprésence des appels à projets (AAP) dénote avec le faible nombre de travaux scientifiques sur cet instrument d’action publique. Apparu dans le cadre des politiques européennes avant d’être adopté par l’État français, l’AAP est pourtant devenu en quelques années un instrument banalisé d’allocation des budgets de l’État et de ses agences vers les divers acteurs en charge de la mise en œuvre de leurs programmes : collectivités territoriales, établissements publics, associations, entreprises… En dépit de critiques croissantes, son essor semble sans limites : il s’est diffusé dans tous les secteurs et, des collectivités aux universités, diverses institutions ciblées par les appels à projets européens et de l’État se sont approprié cet instrument qu’elles utilisent pour susciter et soutenir des actions répondant à leurs priorités.

Si aucun numéro de revue ou ouvrage francophone n’a porté spécifiquement sur les AAP et leur essor dans l’instrumentation étatique, on dispose d’un riche corpus de travaux internationaux sur cet instrument néomanagerial qui, en introduisant une logique concurrentielle dans le pilotage des politiques publiques, est supposé simultanément optimiser l’allocation des ressources et stimuler l’innovation (Folley, 1999). Une large part de cette littérature porte sur le cas britannique, où le recours aux AAP s’est amorcé dès les années 1980 pour les politiques de régénération urbaine (Le Galès, Mawson, 1995 ; John & Ward, 2005), mais elle s’étend désormais aux politiques urbaines allemandes (Benz, 2007), aux programmes européens (Arfaoui, 2019) et de façon croissante au cas français, où le déploiement et les effets des AAP ont été étudiés à partir des politiques de rénovation urbaine (Epstein, 2013), puis de développement territorial (Breton, 2014 ; Crespy, Simoulin, 2016), d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation (Aust, Mazoyer et Musselin, 2018 ; Gally, 2018) et des politiques sociales déployées par des opérateurs associatifs (Hély, 2009 ; Cottin-Marx et al. 2017 ; Le Roy et Puissant, 2019 ; Hély et Simonet, 2023 ; Cottin-Marx et al., 2023).

Ces travaux ont principalement interrogé les effets des AAP sur les relations entre niveaux de gouvernement ou entre les institutions de gouvernement porteuses des AAP et les opérateurs qui y répondent. L’essor des appels à projet dans l’action publique, les raisons du recours à cet instrument, le travail d’élaboration des AAP et des réponses à ceux-ci ainsi que les modalités de sélection des lauréats ont moins retenu l’attention des politistes et des sociologues français, et il en va de même des questions relatives à la nature des AAP et à leur paramétrage, sur lesquels les juristes et les spécialistes des sciences administratives et de gestion se sont peu penchés. Autant de points aveugles de la recherche que le numéro de la RFAP en préparation a l’ambition de combler, en réunissant des articles pluridisciplinaires (droit, sociologie, science politique, histoire, économie, sciences de gestion, etc.), issus de travaux portant sur des niveaux de gouvernement, des secteurs et des opérateurs divers.

Contributions attendues

L’objectif de ce numéro est de rassembler une douzaine de contributions (articles et entretiens) de différents champs disciplinaires. Elles pourront porter sur des secteurs variés, principalement sur des structures publiques et prioritairement sur des programmes français et/ou de l’Union européenne, mais les articles portant sur d’autres cas nationaux permettant d’ouvrir sur des approches comparatives seront également appréciés. 

Plusieurs axes de réflexion pourront être dégagés  : 

  • « AAP », « Appel à manifestation d’intérêt », « marché public », « subvention », etc. Dans ce premier axe, les contributions viseront à clarifier la nature (juridique, politique, etc.) des instruments et les critères sur lesquels ils se différencient les uns des autres.
  • Des contributions sont attendues pour apporter un éclairage empirique sur les processus ayant amené au déploiement des AAP comme mode d’allocation des ressources . Pourquoi cet instrument est-il choisi ? Comment s’est-il imposé et diffusé comme modalité d’attribution des budgets publics plutôt qu’une autre (subvention classique, appel d’offre, délégation de service public) ? Est-ce que cela résulte de pressions normatives, liées au déploiement de la LOLF ou aux recommandations de la Cour des comptes par exemple ? Comment cet instrument a-t-il circulé entre niveaux de gouvernements, entre secteurs, entre programmes ? Se limite-t-il au financement de « l’innovation » et de nouveaux programmes ? Le recours à l’AAP se généralise-t-il à l’ensemble des domaines de l’action publique ou certains domaines restent-ils à l’écart de cet essor ? 
  • Ce futur numéro vise également à interroger la production de l’AAP et sa mise en œuvre. Comment se fait le paramétrage de l’AAP ? Le travail de rédaction du cahier des charges ? L’instruction des projets soumis ? Comment sont prises les décisions relatives aux choix des lauréats ? Quel travail de contractualisation, de suivi, puis d’évaluation ? Plus largement, les lauréats jouent-ils le jeu de l’AAP tel qu’il est prescrit ou parviennent-ils à en subvertir les règles chemin faisant ? Comment les logiques administratives et politiques s’articulent-elles dans la définition du cahier des charges, l’instruction des projets et la sélection des lauréats puis le suivi de leurs actions ?  
  • Des contributions sont également attendues sur les effets de l’AAP sur la conduite de l’action publique. Le déploiement de cet instrument transforme-t-il le travail des agents ? Nous pensons notamment au recours à des prestataires extérieurs (cabinets de consultants) pour l’élaboration et la conduite des AAP, mais aussi l’évaluation des dossiers reçus et des actions menées. Quels sont les effets de cet instrument sur les relations entre les différentes parties prenantes : entre financeurs et financés ; au sein de l’État, entre administrations centrales et services déconcentrés ; entre financés (consortium, etc). Des contributions pourront aussi porter sur les effets des AAP sur les opérateurs et leurs actions : pourquoi répondent-ils aux AAP ? Comment élaborent-ils leurs réponses ?  Observe-t-on l’émergence de professionnels de la réponse aux AAP ? 
  • Enfin, les articles pourront également aborder la question de la transformation des AAP, les différentes formes qu’ils peuvent prendre (AMI, AAP en consortium), mais aussi pourquoi certaines administrations l’abandonnent. 

Présentation des coordinateurs

  • Simon Cottin-Marx, sociologue, maître de conférences au CNAM, membre du LISE. Ses travaux portent sur l’économie sociale et solidaire, les relations professionnelles dans ce secteur, mais aussi sur les rapports entre pouvoirs publics et associations.
  • Renaud Epstein, sociologue, professeur des universités à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, membres du CESDIP. Ses travaux portent sur les politiques et la gouvernance urbaines.
  • Gilles Jeannot, sociologue, directeur de recherche au LATTS  à l’école des Ponts. Ses recherches ont porté en particulier sur l’action publique territoriale partenariale aux financements multiples. 

Calendrier et modalités de publication

  • Des textes de cadrage d’une page (hors bibliographie) sont attendues

pour le 30 septembre 2024.

Les propositions sont à envoyer à : simon.cottinmarx@lecnam.net ; gilles.jeannot@enpc.fr ; renaud.epstein@sciencespo-saintgermainenlaye.fr

  • Les textes sont présentés et discutés au comité de rédaction. Les auteur.es des propositions reçoivent une réponse à leurs propositions mi-novembre 2024.
  • Les auteurs et autrices retenues envoient une première version de leur texte pour le 28 février 2025 février
  • Les papiers sont évalués par les coordinateurs du dossier mais aussi par les autres contributeurs du dossier (chaque contributeur/trice évalue un papier). Les contributions sont discutées lors d’un séminaire d’interévaluation des articles qui aura lieu en mars 2025.
  • Les papiers finaux sont à rendre le 15 juin 2025. 
  • Publication numéro RFAP fin 2025.

Objectifs

La Revue française d’administration publique se veut une revue de référence dans le domaine de l’administration et des politiques publiques comparées. Éditée par l’INSP, elle a ainsi pour objectif : - d’encourager le développement de la recherche portant sur les diverses approches de l’administration publique, sur la gestion publique, et sur la place de l’administration dans le contexte de l’européanisation et de la mondialisation ; - d’enrichir le débat scientifique par la publication d’analyses ou de témoignages de praticiens engagés dans l’action publique et de stimuler le dialogue entre les universitaires et ces derniers ; - d’éclairer les décideurs actuels et futurs en leur offrant des éléments d’évaluation et de comparaison sur les réformes de l’État et de la gestion publique ; - de développer la dimension comparative dans l’approche de l’administration et des politiques publiques - et d’assurer la diffusion des connaissances dans ces domaines. Elle s’adresse à un public composé d’universitaires, de praticiens, d’étudiants et de chercheurs. Tous les articles soumis à la revue sont évalués en double aveugle par au moins deux référents.

Rédaction de la revue

  • Directrice de publication : Maryvonne LE BRIGNONEN
  • Rédacteur en chef : Fabrice LARAT
  • Rédacteurs en chef adjoints : Frédéric EDEL, Julien GRANDJEAN, Thomas HÉLIE
  • Secrétaire de rédaction : Stéphanie MATHÉ

Comité de rédaction de la revue

  • Annie BARTOLI, professeur en sciences de gestion à l’université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines
  • Grégoire BIGOT, professeur de droit public à l’université de Nantes, membre de l’Institut universitaire de France
  • Cécile BLATRIX, professeure de science politique à AgroParisTech
  • Véronique CHANUT, professeur en sciences de gestion à l’université de Paris II Panthéon-Assas
  • Jacques CHEVALLIER, professeur émérite de droit public de l’université de Paris II Panthéon-Assas
  • Lucie CLUZEL-METAYER, professeur de droit public à l’université de Paris Nanterre
  • Dominique CUSTOS, professeure de droit public à l’université de Caen Normandie
  • Julien DAMON, conseiller scientifique de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (En3s), fondateur et dirigeant de la société de conseil Éclairs
  • Robin DEGRON, magistrat de la Cour des comptes, professeur associé de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (HDR)
  • Cédric DENIS-RÉMIS, vice-président de l’université PSL
  • Florence DESCAMPS, maître de conférences en histoire à l’École pratique des hautes études
  • Françoise DREYFUS, professeur émérite de science politique de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne
  • Gabriel ECKERT, professeur de droit public à l’université de Strasbourg
  • Jean-Michel EYMERI-DOUZANS, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Toulouse, président du Groupe européen pour l’administration publique
  • Hélène GADRIOT-RENARD, conseillère-maître à la Cour des comptes
  • Didier GEORGAKAKIS, professeur de science politique à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne
  • Julie GERVAIS, maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Solange HERNANDEZ, professeure des universités en sciences de gestion, Aix-Marseille Université
  • Gilles JEANNOT, directeur de recherche à l’École nationale des ponts et chaussées, Latts, université de Paris-Est
  • Michel LE CLAINCHE, administrateur général des finances publiques honoraire
  • Michel MANGENOT, professeur de science politique à l’Institut d'études européennes de l'université Paris 8, secrétaire général de l’Association française de science politique (AFSP)
  • Bertrand du MARAIS, conseiller d’État, chargé de cours à l’université de Paris Nanterre
  • Francis MASSÉ, président de MDN Consultants, membre fondateur du Cercle de la réforme de l’État
  • Bérengère MESQUI, directrice du département Développement durable et Numérique chez France Stratégie
  • Edoardo ONGARO, professeur de gestion publique à la Open University (Royaume-Uni) et ancien président du GEAP
  • Vincent SPENLEHAUER, directeur du pôle de formation à l’action publique de l’École nationale des ponts et chaussées

Bibliographie

- Ansaloni M., Smith A., 2017, « Des marchés au service de l’État ? », Gouvernement et action publique, 6, 4, p. 9-28.

- Arfaoui M., 2019  « Creative Europe » ou l’action publique par projet. Enquête sur une modernisation des politiques publiques en Europe, Thèse de sociologie, EHESS

- Aust J., Mazoyer H., Musselin C., 2018, « Se mettre à l’IDEX ou être mis à l’index », Gouvernement et action publique, 7, 4, p. 9‑37.

- Benz A., 2007, « Inter-Regional Competition in Co-operative Federalism: New Modes of Multi-level Governance in Germany », Regional & Federal Studies, 17, 4, p. 421‑436.

- Breton E., 2014, « Répondre à l’appel (à projets). Récits d’un apprentissage silencieux des normes de l’action publique patrimoniale », Politix, 1, 105, p. 213‑232.

- Cottin-Marx, S., Hély, M., Jeannot, G. & Simonet, M. (2017). « La recomposition des relations entre l’État et les associations : désengagements et réengagements ». Revue française d'administration publique, 163. 

- Cottin-Marx, S., Hamidi, C. & Trenta, A. (2023). « Financement et fonctionnement du monde associatif : la marchandisation et ses conséquences ». Revue française des affaires sociales, 234.

- Crespy C., Simoulin V., 2016, « Le gouvernement à crédit. Tâtonnements des gouvernants, aveuglement des gouvernés ? », L’Année sociologique, 66, 2, p. 465‑492.

- Epstein R., 2013, « Politiques territoriales : ce que les appels à projets font aux démarches de projet », The Tocqueville Review/La revue Tocqueville, 34, 2, p. 91‑102.

- Foley P., 1999, « Competition as Public Policy: a Review of Challenge Funding », Public Administration, 77, 4, p. 809‑836.

- Gally N., 2018, « Entre executive shift et gouvernement à distance. La genèse des politiques « pour l’excellence » dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche (2009-2012) », Revue française de science politique, 68, 4, p. 691‑715.

- Hély, M. 2009. Les métamorphoses du monde associatif. Presses Universitaires de France.

- Hély, M., Simonet, M. 2023, Monde associatif et néolibéralisme, Paris, PUF, coll. « La Vie des Idées », 125 p.

- John P., Ward H., 2005, « How Competitive Is Competitive Bidding? The Case of the Single Regeneration Budget Program », Journal of Public Administration Research and Theory, 15, 1, p. 71‑87.

- Le Galès P., Mawson J., 1995, « Contract versus competitive bidding : rationalizing urban policy programmes in England and France », Journal of European Public Policy, 2, 2, p. 105‑241.

- Le Roy A., Puissant E., Devetter F-X., Vatan S., 2019, Économie politique des associations, Deboeck supérieur.

- Ward J., 2005, How competitive is competitive bidding? The case of the single regenerat- -  budget program. Journal of Public Administration Research and Theory 15(1): 71–88.

Event attendance modalities

Full online event


Date(s)

  • Monday, September 30, 2024

Keywords

  • AAP, appel à projets, appel à manifestation d'intérêt, consortium, attribution des financements

Information source

  • Simon Cottin-Marx
    courriel : simon [dot] cottinmarx [at] lecnam [dot] net

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« L’appel à projet : un instrument d’action publique », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, June 05, 2024, https://doi.org/10.58079/11rsx

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