Depuis plusieurs décennies, les sciences de la Terre mettent en évidence les perturbations colossales induites par le productivisme de masse à l’échelle planétaire. Face à ce diagnostic implacable, de nombreuses promesses technoscientifiques plus ou moins crédibles se font jour, allant de l’écologie industrielle à la neutralité carbone. Or, ces différents régimes de promesse semblent omettre un point central des métabolismes anthropocéniques : les matériaux eux-mêmes. Ces derniers sont pourtant des acteurs majeurs de l’Anthropocène. D’un côté, certains d’entre eux (plastiques, béton, alliages, terres rares…) sont des facteurs clés de son avènement, de l’autre, de nouveaux matériaux pourraient jouer un rôle important pour une bifurcation post-Anthropocène. D’où l’objectif de ce colloque international : repenser les matériaux à l’heure de l’Anthropocène. Pour ce faire, il réunit des chercheurs et chercheuses d’horizons variés : philosophie, histoire, économie, sciences des matériaux, biologie, design.

Présentation

Depuis plusieurs décennies, les sciences de la Terre mettent en évidence les perturbations colossales induites par le productivisme de masse à l’échelle planétaire. La technosphère est désormais plus lourde que la biosphère non-humaine (Elhacham et al. 2020) et induit un forçage biogéochimique à des magnitudes supérieures aux niveaux préindustriels, parfois de plusieurs fois.

Alors qu’au XIXe siècle, Charles Lyell considérait que l’activité géologique humaine était infime par rapport à la quantité de matière que charriait le fleuve Brahmapoutre, les sociétés industrielles déplacent aujourd’hui plus de dix fois le volume de tous les cours d’eau du monde (Cooper et al. 2018). On le sait, ces différents symptômes, avec d’autres, ont été rassemblés depuis plus de vingt ans sous le nom d’« Anthropocène » (Crutzen 2002). Ce terme peut désigner une nouvelle époque géologique mais également un nouvel état du système Terre dans lequel les sociétés industrielles ont massivement modifié le métabolisme planétaire par leurs activités matérielles (Steffen et al. 2011, Rocktröm et al. 2015).

Dans cette condition anthropocénique, de nombreuses « promesses technoscientifiques » (Benoit-Joli 2010) plus ou moins nouvelles ou crédibles, se font jour, notamment celles de l’écologie industrielle, de l’économie circulaire, de la neutralité carbone, de l’abolition progressive des déchets, ou encore celle de l’optimisation des flux de matière – et donc du métabolisme industriel et productiviste – par un surcroît technologique et numérique. Or ces différents régimes de promesse semblent omettre un point nodal du métabolisme anthropocénique : les matériaux eux-mêmes.

Or les matériaux peuvent être considérés comme des acteurs et des opérateurs historiques majeurs de l’Anthropocène : de la même façon que certains d’entre eux (plastiques, béton, alliages, terres rares…) sont des facteurs clés de son avènement, de nouveaux matériaux conçus selon des processus de production alternatifs pourraient jouer un rôle important pour une hypothétique bifurcation post-anthropocène. D’où la nécessité de repenser les matériaux et les matérialités à l’heure de l’Anthropocène. De plus, si, comme certain·es l’affirment, une transition techno-écologique est impossible sans engendrer de considérables pollutions et une érosion massive de la biodiversité (e.g. Sonter et al. 2020), il devient urgent de penser les impasses des matérialités industrielles, même dans ses versions climato-compatibles, en particulier du point de vue de leur connexion avec le vivant.

Dans ce but, le colloque adoptera une perspective métabolique sur les matériaux (Fischer- Kowalski and Hüttler 2008), c’est-à-dire une approche qui prend en considération les cycles de transformation de la matière dans leur contexte planétaire, et qui inclut également les pratiques et les représentations sociales, politiques et économiques qui les façonnent.

Programme

Monday 1st of July

8:30 / Welcoming Coffee

9:00 - 11:15 / Morning Session

• Pierre de Jouvancourt & Sacha Loeve – The Anthropocene, Materials, and the Metabolic Rift Challenge: Introductory remarks
• Nelo Maglhães - Thinking the Missing Mass of the Anthropocene
• Franck-Dominique Vivien – Bioeconomy in the Age of the Anthropocene
• Bernadette Bensaude-Vincent – Forging an Alternative Concept of Materials to Face the Anthropocene

11:15 - 11:30 / Break

11:30 – 12:30 / Roundtable – How Did We Get There? The Role of Materials in the Advent of the Anthropocene

12:30 - 13:45 / Lunchtime

14:00 - 16:15 / Afternoon Session

• Mario Giampietro – Stopping the Metabolic Rift: How to Imagine or Define Yet Unknown Social Practices?
• Chiara Scarpitti – Speculative Practices for Design and Fashion Material Imaginaries in the Anthropocene
• Elena Albergati – Exploring Sustainable Materials Design for the Anthropocene: Insights from the Made/Trans Research Group
• Elise Rigot, Christophe Vieu, Laurent Malaquin - Trajectories: From a Nano Imaginary of Matter to novel perspectives for research with Design

16:15 – 16:30 / Break

16:30 – 17:30 / Roundtable – How to rethink or redesign the material imaginaries of the “transition”?

19:00 / Dinner

Tuesday 2nd of July

8:30 / Welcoming Coffee

9:00 – 11:15 / Morning Session

• Jean-Baptiste Fressoz – The Anthropocene is an Accumolocene
• Michaela Eder – A reflection on Biogenic Material Use
• Olivier Hamant - The benefits of Imperfection: Lessons from Biology to live in a Turbulent World
• Laurent Heux - Biomimicry Put to the Probation of Reality: A Few Examples of Practical Trials

10:45 - 11:00 / Break

11:00 - 12 30 / Roundtable – Can materials reset current eco-socio metabolisms?

12:30 - 13:45 / Lunchtime

15:00 - 16:00 / Exhibition Visit at Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne: Pratiques cosmomorphes : (re)générer le vivant, 11 rue Docteur Dolard 69100 Villeurbanne