Face à l’âgisme
Revue « Retraite et société » n° 96
Published on Friday, July 26, 2024
Abstract
Face à l’âgisme est un appel à articles ouvert à toute contribution permettant d’interroger cette notion, tant d’un point de vue théorique qu’empirique. Comment appréhender l’âgisme ? Sous quelles formes se manifeste-t-il ? Quels sont ses effets, comment est-il vécu et quelles réactions suscite-t-il ? Il s’agit à la fois d’avancer dans les réflexions théoriques engagées, dans différentes disciplines, et d’étayer empiriquement une réalité encore peu visible (voire invisible) en mettant en lumière les différentes formes et les expériences multiples de l’âgisme.
Announcement
Argumentaire
En France, bien qu’il existe quelques travaux empiriques en sciences sociales sur la discrimination par l’âge (Guillemard, 2007 ; Caradec, Poli, Lefrançois, 2009 ; Flamand, Gilles, Trannoy, 2018 ; Amadieu, Roy, 2019) et bien que l’âgisme ait fait l’objet de certaines réflexions conceptuelles (Rennes, 2020 ; Caradec, 2023), le terme demeure peu connu et peu étudié, contrairement au sexisme ou au racisme.
Pourtant, le traitement de la pandémie de covid-19 et le scandale Orpea ont récemment favorisé la diffusion du terme. Pour Juliette Rennes, cette émergence est aussi liée au vieillissement de la génération 68 qui, catégorisée comme âgée, fait l’expérience de la relégation (Rennes, 2022).
Plus largement, la remise en cause des pratiques âgistes s’inscrit dans le contexte de sociétés qui se veulent égalitaires, ce qui rend moins légitime le recours au critère d’âge chronologique dans les politiques sociales.
Axes du dossier :
Circonscrire et contextualiser l’âgisme
Comment saisir – de manière théorique et empirique – la notion d’âgisme et ses différentes formes en croisant les regards disciplinaires ? Il serait ainsi intéressant d’analyser les dimensions linguistique et sémantique du terme (Rosier, 2022), possiblement en lien avec des catégories voisines comme celles de sexisme, de racisme ou de jeunisme. Il serait également pertinent d’en retracer la genèse, ses contextes de diffusion et ses usages, en France ou dans d’autres pays. Par ailleurs, on peut se demander comment l’âgisme s’articule avec l’« âgisation » (Rennes, 2020) ou les rapports sociaux d’âge. En outre, une analyse historique de l’âgisme pourrait enrichir le dossier : l’âgisme est certes un terme récent et il existe donc un risque d’anachronisme à l’utiliser pour d’autres périodes, mais il semblerait que la forte stigmatisation du vieillissement soit, d’un point de vue historique, assez nouvelle (Cole, 1986).
Les structures sociales de l’âgisme
Comment mettre en évidence les formes institutionnalisées de l’âgisme et les structures âgistes de nos sociétés ? Outil du social (Percheron, 1991), l’âge chronologique revêt un caractère ambivalent lorsque les politiques publiques s’appuient sur ce critère (Guillemard, 2022). Il peut alors renvoyer à un âgisme institutionnalisé de protection/exclusion. La séparation du handicap et de la dépendance, spécificité française, en constitue un exemple (Ennuyer, 2013). À l’inverse, des mesures indifférentes à l’âge chronologique peuvent produire une autre forme d’âgisme lorsqu’elles négligent les conséquences défavorables qu’elles peuvent avoir pour les plus âgé-e-s, comme l’illustre la dématérialisation des services publics (Caradec, 2023). Les structures sociales âgistes s’appuient, par ailleurs, sur une « oppression culturelle » (Rennes, 2020), qui entérine la faible visibilité sociale des personnes vieillissantes et/ou qui les discrédite. Des articles documentant ces aspects sont attendus ici.
Les mécanismes et les expériences de l’âgisme et de l’âgisation
Comment l’âgisme s’exprime-t-il dans les sociétés contemporaines ? Et comment les personnes qui en sont victimes y font-elles face : quelles stratégies mettent-elles en place ? Sur quels soutiens peuvent-elles compter ? Cet axe s’intéresse à la fois aux mécanismes et aux expériences de l’âgisme et de l’âgisation.
Il s’agit de les documenter tout en réfléchissant à la manière de les saisir empiriquement, la difficulté tenant au caractère diffus du phénomène. Des études circonscrites à un domaine de la réalité sociale sont ici attendues. Par exemple, comment le fonctionnement des entreprises (politique des RH, comportement au sein des équipes, (in)visibilité des travailleur-euses âgé-e-s, discours sur l’âge en entreprise) peut-il induire de l’âgisme à l’égard des salarié-es en fin de carrière ? Comment ceux-ci et celles-ci y réagissent-ils ? Dans quelle mesure et de quelle manière l’âgisme imprègne-t-il le monde de la santé (Adam et alii, 2013) et quel en est l’impact sur les patient-e-s ? De quelle manière l’âgisme s’est-il manifesté à l’occasion de la crise du Covid-19 ? Comment informe-t-il certaines pratiques et interactions ? Dans quels domaines l’auto-âgisme se manifeste-t-il et quels en sont les effets ? etc. Il s’agit aussi de s’interroger sur l’identification et la condamnation par les individus de certaines pratiques qu’ils considèrent comme étant âgistes et/ou l’acceptation d’autres pratiques, jugées normales.
Par ailleurs, quel rôle l’âgisme joue-t-il dans les rapports sociaux d’âge ? Dans quelle mesure s’articule-t-il au sexisme, au racisme? Juliette Rennes (2020) et Toni Calasanti (2022) montrent par exemple que les femmes et les classes populaires sont davantage soumises à l’âgisme et à l’âgisation. Des propositions croisant âgisme, sexisme et racisme sont ici particulièrement attendues.
Les mobilisations face à l’âgisme
Quelles sont les formes de mobilisation face à l’âgisme* ? Plusieurs collectifs se sont récemment formés et sont engagés dans une lutte contre l’âgisme, comme le CNAV (Conseil national autoproclamé de la Vieillesse) ou la commission AAFA – Tunnel de la comédienne de 50 ans (Rennes, 2020). Or, la constitution de groupes d’âge revendicatifs n’a rien d’évident (Lima, 2010 ; Viriot-Durandal, 2003), notamment parce que le vieillissement fait figure de repoussoir, ce qui est peu propice à la mobilisation collective. Dans ce contexte, il serait intéressant de retracer la naissance de certains de ces collectifs, leur fonctionnement, la place qu’y occupe le combat anti-âgiste et les actions qu’ils mènent.
* Il ne s’agit pas ici de documenter les actions de groupe dans le cadre de lutte contre les discriminations, déjà traitées dans le n° 88 de Retraite et société.
À noter
Ce numéro, qui s’inscrit dans le prolongement du numéro 88 de Retraite et société traitant de la discrimination fondée sur l’âge d’un point de vue juridique, vise à analyser l’âgisme sous un autre angle. Il est ouvert à toutes les disciplines de sciences sociales : sociologie, anthropologie, économie, géographie, histoire, linguistique, philosophie, psychologie, sciences politiques, etc.
Les axes présentés ne sont pas exhaustifs et il est possible de les articuler. S’il est attendu que les contributions abordent l’âgisme à l’encontre des personnes considérées comme (trop) âgées, il est ouvert à des articles qui intègrent dans leur réflexion d’autres âges de la vie, que ce soit à travers une approche en termes de rapports sociaux d’âge ou une comparaison de l’âgisme à différents âges (par exemple, la mise en regard de l’âgisme envers les enfants et les personnes vieillissantes ou l’âgisme au travail en début et fin de carrière). Ces propositions seraient d’autant plus précieuses que l’âgisme est le plus souvent pensé en lien avec la population âgée alors qu’il ne s’y limite pas (Rennes, 2020 ; Dunezat, 2023).
Modalités de soumission
Si vous souhaitez contribuer à ce dossier, merci de nous adresser : titre, liste des auteurs, mots clés et résumé (350 mots). Les propositions peuvent être envoyées à retraiteetsociete@cnav.fr ou de remplir le formulaire en ligne
avant le 2 septembre 2024
- Les articles peuvent relever de différents champs disciplinaires et peuvent combiner approche quantitative et approche qualitative.
- Devront y figurer la problématique, la méthodologie et les données utilisées, ainsi que les principaux résultats.
- Après examen, la revue retournera son avis aux auteurs au plus tard le 16 septembre 2024.
- Une fois leur proposition retenue, les auteurs devront envoyer une première version complète de leur article(40000 à 70000 signes) avant le 16 janvier 2025.
- Tout projet d’article est soumis à un processus de relecture externe conformément aux règles de la revue.
- L’acceptation de la proposition d’article ne présume donc pas de celle de l’article (Politique éditoriale et consignes aux auteurs).
Politique éditoriale de la revue : https://www.statistiques-recherche.lassuranceretraite.fr/decouvrir-la-revue/
Pour toute demande d'information supplémentaire, écrire à retraiteetsociete@cnav.fr
Une bibliographie est disponible dans la version PDF de l'appel à articles.
Comité scientifique
- Claire Lefrançois (université de Tours)
- Sabrina Aouici (unité de recherche sur le vieillissement Cnav)
- Vincent Caradec (université de Lille)
Subjects
- Sociology (Main category)
- Society > Ethnology, anthropology > Social anthropology
- Mind and language > Thought
- Society > Economics > Labour, employment
- Mind and language > Language
- Society > Geography > Geography: society and territory
- Society > History > Social history
- Society > Sociology > Ages of life
Date(s)
- Monday, September 02, 2024
Attached files
Keywords
- discrimination, âge, stéréotype, vulnérabilité, exclusion, stigmatisation
Contact(s)
- Carine Cordier
courriel : retraiteetsociete [at] cnav [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Claire Lefrançois
courriel : claire [dot] lefrancois [at] univ-tours [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Face à l’âgisme », Call for papers, Calenda, Published on Friday, July 26, 2024, https://doi.org/10.58079/123m6