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Expériences & savoirs expérientiels
Séminaire scientifique interdisciplinaire EXPAIRs 2024-25
Published on Monday, August 26, 2024
Abstract
En France, plusieurs traditions intellectuelles se sont intéressées aux productions des personnes vivant des expériences en lien avec la maladie chronique, le handicap, des troubles de santé mentale, la vie à la rue, des addictions. Suivant les périodes historiques et les perspectives analytiques, ces productions ont été qualifiées de croyances, de représentations sociales, de théories profanes, etc. Aujourd’hui, le concept de savoir expérientiel fiat florès, sans pour autant faire consensus sur son sens.
Announcement
Argumentaire
En France, plusieurs traditions intellectuelles se sont intéressées aux productions des personnes vivant des expériences de la maladie, du handicap ou encore des troubles de santé mentale. Un premier courant a investigué les représentations sociales de la maladie (Herzlich, 1969) et celles de la « folie » (Jodelet, 1989). Les théories profanes (Pédinielli, 1996,199) ont également été l’objet d’étude, d’autant que mieux les comprendre était pensé permettre l’amélioration de l’efficacité des interventions thérapeutiques. Deux grands types de recherche ont ainsi été déployés : 1) un type qualitatif : le recueil de données portait sur des croyances générales impliquant de vastes échantillons et des analyses dimensionnelles, 2) un type qualitatif : le recueil de données s’intéressait au singulier et prenait en compte le contexte dans lequel sont produits les « récits » en première personne.
Globalement, les résultats de ces recherches convergent sur l’existence d’un important écart entre les conceptions à la première personne et les conceptions scientifiques. La validité des perspectives à la première personne est alors couramment évaluée à l’aune de leur conformité ou non aux savoirs biomédicaux. Autrement dit, il est observé que ces théories profanes, croyances ou représentations sociales ne sont pas des savoirs concernant les signaux corporels auxquels les médecins prêtent attention pour faire un diagnostic, ni ceux pour distinguer les maladies les unes des autres, encore moins des savoirs relatifs aux investigations qu’il faut mener pour établir tel ou tel fait, etc. Les théories profanes, croyances ou représentations sociales portent sur d’autres aspects du réel. Leur valeur et leur intérêt ne sont alors considérés qu’à l’aune des savoirs scientifiques.
Prior (2003) identifie un premier tournant dans la considération accordée aux savoirs et compétences en première personne avec le passage d’une désignation en termes de croyances à une dénomination en termes de savoir ou d’expertise. Ces savoirs portent sur l’expérience de la vie avec la maladie ou les situations de handicap et ses effets, sur l’engagement des personnes dans le système de santé et la société. Akrich (2010) est emblématique de ces travaux sur les savoirs profanes, avec son article montrant que de groupes d’échanges et de partages d’expériences singulières peuvent émaner des collectifs investis dans l’articulation des savoirs expérientiels et des savoirs biomédicaux avec des objectifs d’influence au niveau politique. « Profane » met alors la lumière sur les modalités non scientifiques de production de ces savoirs, tandis que « savoir » les requalifie en positif.
Un second tournant en France a consisté à donner à ces savoirs une dénomination plus exacte au regard de leur objet, à savoir : l’expérience vécue. Ils ont ainsi été désignés par : savoirs expérientiels (Jouet, Flora, Las Vergnas, 2010). La plupart des travaux reprenant cette terminologie se réfèrent au concept de Thomasina Borkman (1976) développé dans le cadre de ses analyses sur les self-help groups. Borkman désigne par cette appellation un type de savoir spécifique approprié par l’individu dans le cadre d’expériences d’un phénomène non moins spécifique qui est la raison d’être du groupe self-help. Il peut s’agir de faire face au bégaiement, à la dépression, à l’addiction, etc. Le savoir expérientiel produit est caractérisé selon Borkman par le fait qu’il soit basé sur l’expérience vécue unique et limitée d’un individu (plus ou moins représentative de celles de ses pairs) ; également par le fait qu’il soit concret, pragmatique et vise l’action et la résolution de problèmes, holistique sans découpage en aires de spécialisation, investi de la conviction de sa véracité (conviction renforcée par l’effet du groupe), etc. Borkman insiste également sur la distinction entre le savoir expérientiel et le savoir des professionnels.
Le concept de Borkman est aujourd’hui largement mobilisé en France, moins dans la perspective scientifique d’une analyse des groupes de soutien entre pairs que pour favoriser la reconnaissance des apports et contributions des personnes soignées ou accompagnées dans les secteurs sanitaires, social et médico-social. Ce projet et cette aspiration émanant d’acteurs professionnels, de personnes directement concernées et de leurs proches, de chercheurs, visent à davantage de justice sociale et de démocratie. Les usages politiques de la terminologie de savoir expérientiel sont en train d’en transformer le sens, sans véritable lien avec les primes analyses de Borkman. Ces usages ouvrent aussi sur d’autres publics et d’autres objets scientifiques.
Par ailleurs, diverses discussions, divers commentaires et critiques du concept de Borkman ont été produits. Parmi eux, il est important de retenir que de toute expérience vécue ne découle pas systématiquement du savoir. Demailly et Garnoussi (2015) mentionnent l’exemple du traumatisme sur ce point. Akrich (2010) ajoute que le savoir profane produit par les communautés épistémiques n’est pas purement expérientiel et intègre les catégories de la pensée biomédicale, voire mobilise la science pour des objectifs politiques. Gardien (2017) critique une distinction tranchée qui mettrait les savoirs expérientiels du côté des savoirs pratiques et les savoirs professionnels du côté des savoirs scientifiques. Les professionnels ont, comme tout à chacun, des savoirs expérientiels. Une distinction opérante serait entre savoirs expérientiels communs et rares. D’autres enfoncent le clou en travaillant sur les savoirs expérientiels des parents ou des professionnels (Dubé, Briand & St-Paul, 2016 ; Arborio, 2017). De nombreux auteurs reviennent sur le fait que le savoir expérientiel n’est pas individuel, parmi lesquels : Aubé & Thoër (2010), Tourette-Turgis, Thievenaz & Khaldi (2013), Godrie (2016) et Gardien (2017). Boardman (2014) s’intéresse aux savoirs expérientiels en compétition ou antagonistes. Etc.
Ce séminaire scientifique a pour ambition de faire le point sur :
- Les connaissances produites en première personne sur les expériences rares, expériences de la maladie, du handicap, des troubles de santé mentale, des addictions, de la vie à la rue, et autres expériences éprouvantes
- Les travaux scientifiques contemporains et ce qu’ils nous apprennent au sujet des savoirs expérientiels
- De discuter les concepts créés pour penser les savoirs expérientiels, et leur pertinence
Programmation
Lundi 30 septembre - 16h00-18h00
- Bernard Andrieu - « L’expérience indisponible »
Lundi 04 novembre - 16h00-18h00
- Yves Pillant - « Aidance et pair-aidance dans l’expérience vécue de la transcendance d’autrui »
Lundi 02 décembre - 16h00-18h00
- Eve Gardien - « Savoirs expérientiels rares et pairjectivité »
Lundi 20 janvier - 16h00-18h00
- Sophie Arborio - « Explorer les incertitudes comme vecteur d’expérience : « dires de soi » et identité dans l’exemple d’une épilepsie rare »
Lundi 17 mars - 16h00-18h00
- Gildas Bregain - « Analyser et présenter mes savoirs expérientiels personnels liés à une maladie chronique : ce que cela a impliqué »Paul-Fabien Groud « Les savoirs expérientiels rares des personnes amputées et appareillées »
Lundi 05 mai - 16h00-18h00
- Emmanuelle Simon « Le qui, le quoi et le comment des savoirs d'expérience - les apports d'une approche pragmatique et située »
Modalités de participation
L’inscription à la mailing-liste est nécessaire pour recevoir le lien Zoom de connexion. Pour ce faire, envoyer un mail à : contact@expairs.net
Partenaires
- GT 36 AISLF, Université Rennes 2, ESO UMR 6590, CNRS, MSH en Bretagne
Contact
- eve.gardien@univ-rennes2.f
Subjects
Event attendance modalities
Full online event
Date(s)
- Monday, September 30, 2024
- Monday, November 04, 2024
- Monday, December 02, 2024
- Monday, January 20, 2025
- Monday, March 17, 2025
- Monday, May 05, 2025
Attached files
Keywords
- expérience, savoir expérientiel, savoir profane, maladie chronique, handicap, santé mentale, addiction, sans-abrisme
Contact(s)
- Eve Gardien
courriel : eve [dot] gardien [at] univ-rennes2 [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Eve Gardien
courriel : eve [dot] gardien [at] univ-rennes2 [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0 .
To cite this announcement
Eve Gardien, « Expériences & savoirs expérientiels », Seminar, Calenda, Published on Monday, August 26, 2024, https://doi.org/10.58079/12753