HomeLe « droit au bonheur », une idée toujours neuve ?

HomeLe « droit au bonheur », une idée toujours neuve ?

*  *  *

Published on Wednesday, September 25, 2024

Abstract

Le colloque s’inscrit dans le cadre des travaux portés par l’UMR CNRS 6240 LISA de l’Université de Corse et par la Chaire Unesco, Devenirs en Méditerranée, et il se situera dans le prolongement du programme « Paoli-Napoléon » (Programme de recherche relatif aux études sur les grandes figures de l’histoire de la Corse des Lumières et des révolutions ainsi qu’à la valorisation économique de ces travaux).

Announcement

Argumentaire

« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». (Traduction de Thomas Jefferson).

Ces quelques lignes sont extraites de la déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776. Elles recèlent une idée qui pourrait s'avérer précieuse de nos jours : le droit au bonheur. Depuis le XVIIIe siècle, cette idée a eu une considérable postérité, et elle fait aujourd’hui l’objet de travaux de la part de nombreux chercheurs, notamment dans les domaines de la philosophie, du droit ou de la science politique[1]

Comme le fait observer le professeur Wanda Mastor dans son commentaire de la déclaration des droits de l’homme de 1789[2], malgré la célébrité des lignes précédemment citées, ce ne sont pas les États-Unis d’Amérique qui ont été les premiers à affirmer le droit au bonheur mais la Corse dans sa Constitution de 1755 :

« La diète générale du peuple de Corse, légitimement maître de lui-même (…) Ayant reconquis sa liberté et désirant donner à son gouvernement une forme durable et constante en le soumettant à une constitution propre à assurer le bonheur de la Nation… »[3]

Le Professeur Antonio Trampus, de l’Université de Venise, souligne ce caractère novateur de la Constitution corse dans un ouvrage consacré spécifiquement à la question, Il diritto alla felicità. Storia di un’idea :

Il s’agit d’un document de grand intérêt, parce qu’il nous montre de quelle manière le thème du bonheur, qui a d’abord été une idée religieuse et philosophique puis un principe politique, s’inscrit dans la culture constitutionnelle, en se transformant en droit. Dans le préambule, pour la première fois, le mot bonheur apparaît à côté de deux idées typiques de toute constitution moderne : celle d’un moment « constituant », c’est-à-dire la conscience de vivre une phase de rupture dans les événements historiques qui permet de construire un nouvel Etat, et celle de la naissance d’un nouveau sujet politique, qui est le peuple réuni en assemblée[4].  

Cette innovation aura une postérité prolifique. Dans l’espace, elle se répandit aussitôt en Europe en en Amérique. Si le texte le plus prestigieux demeure la déclaration d’indépendance des États-Unis, il avait été précédé de quelques jours par la déclaration des droits de l’État de Virginie votée le 12 juin 1776 et qui mentionnait « la recherche et la jouissance du bonheur et de la sécurité »[5]. Dans le temps, l’idée devait faire son chemin, en Amérique et ailleurs sur la planète… Bien que la Constitution fédérale des États-Unis (1787) n’en ait pas fait mention, plusieurs dizaines d’États fédérés américains la reprirent dans leurs constitutions. En France, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 – ayant, aujourd’hui encore, valeur constitutionnelle – fait référence dans son préambule au « bonheur de tous ». Quant à la déclaration introduisant la Constitution de 1793, son article 1er rappelait solennellement que « Le but de la société est le bonheur commun ». Pour sa part, Napoléon Bonaparte n’avait pas manqué d’insérer l’idée de « bonheur du peuple » dans le sénatus-consulte organique de la Constitution du 16 thermidor An X (4 août 1802)[6] ainsi que dans celui de la Constitution du 28 floréal An XII (18 mai 1804)[7]. Dans ces deux cas, il s’agissait d’une mention essentielle puisqu’elle avait sa place dans les serments devant-être prêtés, y compris par l’Empereur.

Depuis le XVIIIe siècle, nombre de pays ont repris cette notion dans leurs textes constitutionnels, parmi lesquels Haïti, le Japon, les Seychelles, les deux Corée (en des termes évidemment différents), ainsi que l’Egypte en 2014… Sans compter le Bhoutan qui, dès 1972, a écarté l’indicateur de PIB (Produit Intérieur Brut) au bénéfice du BNB (Bonheur National Brut) et qui a intégré ce dernier dans sa constitution en 2008 ! Citons encore le Venezuela : dans la « Constitution bolivarienne » de 1999 est mentionné l’objectif de permettre à tous les citoyens de « rechercher leur bonheur » (buscar su felicidad)[8]. Observons qu’on trouvait déjà cette idée dans la Constitution de Cúcuta, inspirée par la pensée bolivarienne et créant la République de Colombie en 1821[9].

Aujourd’hui, cette notion fait plus que jamais l’objet de commentaires quant à sa portée juridique, et ce à l’échelle internationale. S’agissant de son contenu, elle semble notamment permettre d’ouvrir une nouvelle voie vers un renforcement des droits sociaux. En 2010, une démarche novatrice était engagée au Brésil : la commission « Justice et citoyenneté » du Sénat approuvait un amendement à la Constitution fédérale dit « busca da felicidade » (poursuite du bonheur), évoquant : « Les droits sociaux essentiels à la recherche du bonheur ».

Le droit au bonheur, une notion sans cesse renouvelée.

Une idée toujours neuve, en somme…

Parmi les différentes pistes de recherche, il serait possible d’aborder, à travers une approche pluridisciplinaire, les thématiques suivantes (liste non exhaustive) :

  • Le droit au bonheur aux États-Unis d’Amérique, du XVIIIe siècle à nos jours (textes, jurisprudence) ;
  • Bolivar et la « felicidad » ;
  • Le droit au bonheur dans la Corse paolienne ;
  • Le droit au bonheur dans les textes français de valeur constitutionnelle ;
  • La portée du droit au bonheur ;
  • Droit au bonheur : une félicité individuelle ou collective ? ;
  • Droit au bonheur et droits sociaux (droit au travail, à la santé, à l’éducation, à la « sécurité matérielle », au repos et aux loisirs etc.) ;
  • Le Bhoutan et son Bonheur National Brut (BNB)…
  • Mesurer le bonheur ? Les indicateurs socio-économiques du bonheur ;
  • L’approche philosophique du bonheur (Antiquité, XVIIIe siècle, débats actuels) ;
  • Bonheur et République.

Le colloque s’inscrit dans le cadre des travaux portés par l’UMR CNRS 6240 LISA de l’Université de Corse et par la Chaire Unesco, Devenirs en Méditerranée, et il se situera dans le prolongement du programme « Paoli-Napoléon » (Programme de recherche relatif aux études sur les grandes figures de l’histoire de la Corse des Lumières et des révolutions ainsi qu’à la valorisation économique de ces travaux).

Les actes du colloque seront publiés dans le n°6 de la revue Lumi, consacrée aux études sur l’âge des Lumières et des révolutions et leur postérité, créée en décembre 2022.

La revue est consultable, en libre accès, à cette adresse : m3c.universita.corsica/lumi/

Modalités de soumission

Une proposition de communication au colloque (une quinzaine de lignes maximum), assortie d’une brève présentation de l’auteur, sera soumise

avant le vendredi 15 novembre 2024 à midi

Merci de transmettre votre proposition aux six adresses suivantes

  • talamoni_jg(at)univ-corse.fr
  • tomasi_pa@univ-corse.fr
  • quenot_s(at)univ-corse.fr
  • mattei_an(at)univ-corse.fr
  • lumi(at)universita.corsica
  • unesco(at)univ-corse.fr

Le comité de lecture fera connaître sa décision à chaque auteur d’une proposition avant le 6 janvier 2025 :

  • Soit la proposition n’est pas retenue ;
  • Soit la proposition est retenue en vue d’une participation au colloque avec une éventuelle publication d’un article dans le numéro 6 de la revue Lumi qui sera édité en juillet 2025.

Dans le deuxième cas, l’auteur devra faire parvenir le texte de sa communication (maximum 40 000 signes espaces compris) aux organisateurs du colloque avant le lundi 3 mars 2025 à midi.

Direction scientifique

  • Jean-Guy Talamoni
  • Pierre-Antoine Tomasi

Comité scientifique de la revue Lumi

  • Laetizia Castellani, Professeur certifiée, Université de Corse, Histoire (XIXe siècle)
  • Jean-Yves Coppolani † , Professeur émérite des universités en Histoire du Droit et des institutions, Université de Corse
  • Alain Di Meglio, Professeur des universités, Université de Corse, langue et culture corse
  • Thierry Dominici, enseignant-chercheur à l’Université de Bordeaux, sciences politiques
  • Eric Dubesset, Professeur des universités, Directeur du Centre Montesquieu de Recherches Politiques, Université de Bordeaux, sciences politiques
  • Bruno Garnier, Professeur des universités, Université de Corse, sciences de l’éducation
  • Eugène Gherardi, Professeur des universités, Directeur de l’UMR LISA 6240, Université de Corse, Histoire culturelle
  • Antoine-Marie Graziani, Professeur des universités, Université de Corse, Histoire (XVIIIe siècle)
  • Sylvain Gregori, Directeur du musée de Bastia, Histoire
  • Florence Jean-Coppolani, Maître de conférences, Université de Corse, histoire du droit et des institutions, droit musulman
  • Denis Jouffroy, Maître de conférences, Université de Corse, anthropologie
  • Christophe Luzi, Ingénieur de recherche CNRS, HDR, Université de Corse, Humanités numériques
  • Wanda Mastor, Professeur des universités, Université de Toulouse, agrégée de Droit public
  • Jean-Marc Olivesi, Conservateur de la maison Bonaparte à Ajaccio, Histoire de l’art
  • Stéphane Paquin, Professeur à l’Ecole nationale d’administration publique (ENAP), co-directeur de la collection « Politique mondiale » aux presses de l’Université de Montréal, Québec, économie politique internationale et comparée.
  • Jean-Paul Pellegrinetti, Professeur des universités, directeur de publication de la revue Cahiers de la Méditerranée et de la revue Études Corses, Université de Nice, histoire (XIXe siècle)
  • Jean-Dominique Poli, Maître de conférences, Université de Corse, littérature
  • Géraud Poumarède, Professeur des universités, Bordeaux Montaigne, Histoire moderne, Co-directeur du Centre d’Etudes des mondes moderne et contemporain
  • François Quastana, Professeur des universités, Aix-Marseille Université, Histoire du droit et des institutions
  • Sébastien Quenot, Maître de conférences, responsable de la chaire Unesco « Devenirs en Méditerranée », Université de Corse, Sociologie, imaginaire
  • Didier Rey, Professeur des universités, Université de Corse, Histoire contemporaine
  • Guillaume Rousseau, Professeur agrégé, Université de Sherbrooke, Droit public.
  • François Saint-Bonnet, Professeur des universités, Université Paris Panthéon-Assas, Histoire du droit
  • Daniel-Louis Seiler, Professeur des universités, Sciences Po Aix-en-Provence
  • Kamel Skander, Professeur, Directeur du Laboratoire d’Études et de Recherches Interdisciplinaires et Comparées de l’Université de Sfax, littérature
  • Jean-Guy Talamoni, Avocat, enseignant-chercheur HDR à l’Université de Corse, Histoire des idées
  • Jacques Thiers, Professeur des universités émérite, Université de Corse, langue et culture corse
  • Pierre-Antoine Tomasi, enseignant-chercheur à l’Université de Corse, Droit constitutionnel
  • Marie-France Verdier, Maître de conférences HDR à l’Université de Bordeaux, Directrice de la revue de droit constitutionnel comparé Politeia, Droit public
  • Michel Vergé-Franceschi, Professeur des universités, université de Tours, Histoire (XVIIIe siècle)

Comité de lecture de la revue Lumi

  • Eugène Gherardi
  • Christophe Luzi
  • Wanda Mastor
  • Sébastien Quenot
  • Jean-Guy Talamoni
  • Pierre-Antoine Tomasi

Notes

[1] Voir notamment le site internet du projet « BonDroit : bonheur et droit » de l’Université d’Angers : bondroit.univ-angers.fr ; Le droit au bonheur, ouvrage collectif, Institut Universitaire Varenne, Collection Colloque & Essais LGDJ, 2016, p. 311 ; Jean-Guy Talamoni, « Campate felici ! Le droit au bonheur fondement des droits sociaux ? », Expérimenter le droit à l’emploi, ouvrage collectif (dir. Laurent Grandguillaume), Berger-Levrault, 2024, pp. 79-90.

[2] « Pourtant, le premier texte à proclamer le droit au bonheur au XVIIIe siècle ne fut pas adopté outre-Atlantique mais en mer Méditerranée. La Diète Générale représentant le peuple de Corse (…) proclame (…) une constitution propre à assurer la félicité de la nation… » (Éditions Dalloz, octobre 2021, p. 13 sq.)

[3] Consulte de Corte des 16, 17, 18 novembre 1755 (préambule du texte constitutionnel).

[4] Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Corriere della sera, 2021, p. 188, première édition : Laterza, Roma-Bari, 2008.

[5] « …pursuing and obtaining happiness and safety ».

[6] Article 44.

[7] Article 53.

[8] « Exposición de motivos de la Constitución bolivariana de Venezuela » (Títolo I. Principios fundamentales).

[9] Dans l’article final (art. 191). 

Places

  • Corte, France

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Friday, November 15, 2024

Keywords

  • droit, bonheur

Reference Urls

Information source

  • Andrea Mattei
    courriel : mattei_an [at] univ-corse [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Le « droit au bonheur », une idée toujours neuve ? », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, September 25, 2024, https://doi.org/10.58079/12ch3

Archive this announcement

  • Google Agenda
  • iCal
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search