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L’économie sociale et solidaire au travail !

Enquêter sur les pratiques de résistance, de transformation et d’émancipation

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Published on Wednesday, October 09, 2024

Abstract

Les vingt-quatrièmes rencontres du Réseau inter-universitaire de l’Économie sociale et solidaire (RIUESS) ont pour ambition de porter l’attention sur des activités et des pratiques concrètes déployées par les acteur·rices souhaitant incarner un projet politique fondé sur des stratégies d’émancipation, de transformation et plus que jamais aujourd’hui de résistance. Plutôt que de se pencher sur les différentes conceptualisations de l’économie sociale et solidaire (ESS) ou ses singularités ontologiques, il nous semble nécessaire, dans le cadre de ces rencontres, de restituer des enquêtes sur l’ESS au travail pour saisir les pratiques, les efforts, les difficultés et parfois les dévoiements que traversent les acteur·rices au quotidien et entrevoir des voies de réalisation par l’action des projets.

Announcement

XXIVe Rencontres du Réseau inter-universitaire de l’Économie sociale et solidaire RIUESS 2025 Lyon

Argumentaire

L’économie sociale et solidaire s’est construite autour de la question sociale. Les expériences diverses qui se sont déployées au cours du XIXe siècle dans le cadre de l’associationnisme, avaient pour finalité d’améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs et travailleuses et de leurs familles, tout en contribuant à leur émancipation par la coopération, la solidarité et le mutuellisme. Les différents mouvements d’institutionnalisation de ces démarches au cours des dernières décennies ont conduit à rassembler des organisations marchandes ou non marchandes aux statuts différents, associatifs, coopératifs, mutualistes notamment, sous le vocable d’économie sociale et solidaire (ESS). Ces organisations prennent en charge des missions sociales et répondent à des besoins sociaux ou à des défis écologiques et/ou mettent en œuvre des organisations du travail originales fondées sur la participation des travailleurs et travailleuses, salarié.es, usager.es ou bénévoles.

En ce sens, l’ESS s’est construite sur une histoire longue, autour de projets politiques différents et pluriels, affirmant des principes de démocratie, réciprocité, coopération, mutualité, association et action sociale. Aussi bien dans son histoire que dans ses théorisations, l’ESS s’inscrit largement dans des projets de transformation des systèmes sociaux, politiques, écologiques, économiques et d’émancipation des personnes et des travailleurs et travailleuses. Mais on peut également concevoir l’ESS comme une force de résistance : résistance au capitalisme et au libéralisme économique, résistance contre la fabrique des inégalités, résistance contre l’hégémonie et l’autoritarisme. Pour d’autres elle apparait comme un mouvement accompagnant ou atténuant ces résistances.

Les 24èmes rencontres du RIUESS ont pour ambition de porter l’attention sur des activités et des pratiques concrètes déployées par les acteur·rices souhaitant incarner un projet politique fondé sur des stratégies d’émancipation, de transformation et plus que jamais aujourd’hui de résistance. Plutôt que de se pencher sur les différentes conceptualisations de l’ESS ou ses singularités ontologiques, il nous semble nécessaire, dans le cadre de ces rencontres, de restituer des enquêtes sur l’ESS au travail pour saisir les pratiques, les efforts, les difficultés et parfois les dévoiements que traversent les acteur·rices au quotidien et entrevoir des voies de réalisation par l’action des projets. Bien sûr, les modalités de l’enquête sont variées : il peut tout aussi bien s’agir de l’enquête scientifique des sciences sociales que de l’enquête démocratique enclenchée et réalisée par des personnes pour résoudre les problèmes et les troubles qui les saisissent.

Nous adoptons donc clairement une perspective engagée de production de connaissances au service de la transformation sociale et l’émancipation ; nous proposons de considérer l’ESS comme un champ pluriel et hétérogène mais également comme un objet d’analyse qu’il ne s’agit pas d’essentialiser. Il s’agit de considérer l’ESS sous le prisme du travail, c’est-à-dire des activités et des pratiques concrètes déployées par les acteur·rices pour réfléchir à la capacité de l’ESS à répondre à de grands enjeux sociologiques, politiques, sociaux, écologiques et économiques. Par conséquent, ces rencontres sont ouvertes à toutes les sciences sociales (économie, science politique, sociologie, gestion, droit, géographie, anthropologie, histoire, ...) en invitant à un dialogue pluridisciplinaire et/ou interdisciplinaire tout en y associant les acteur·rices des organisations de l’ESS.

Les propositions de communication pourront porter sur un ou plusieurs des cinq sous- axes thématiques énumérés ci-après.

Axe 1. Travailler et employer : frontières, sens et modes de gestion

L’Economie sociale et solidaire représente un champ d’entreprises et d’organisations important dans la société et l’économie française : l’économie sociale représente à elle seule 14 % de l’emploi privé soit plus de 2,5 millions d’emplois en 2019 en équivalent temps plein (ETP). Porter son attention sur l’ESS au travail, c’est donc s’intéresser à l’ESS sous le prisme des emplois et des activités de travail que ces organisations et économies créent, suscitent et génèrent. Les organisations associatives représentent plus de trois quarts des emplois de l’ESS et œuvrent particulièrement dans les activités de services, au premier rang desquels l’action sociale – qui représente 40 % des effectifs de l’ESS –, les sports et loisirs, les arts et spectacles, les activités financières et d’assurance. Souvent citées en exemples types d’organisations de l’ESS, elles n’en épuisent pourtant pas la diversité et il conviendra dans cet axe de s’intéresser aux formes de travail et d’emploi présentes dans toutes les structures se réclamant de l’ESS : associations, coopératives, mutuelles, fondations, mais aussi entreprises commerciales intégrées par la loi dans l’ESS, avec ou pas l’agrément ESUS.

Plusieurs pistes de réflexion composent ce questionnement :

  • Les sciences sociales interrogent depuis une vingtaine d’années les frontières entre travail salarié, travail indépendant et d’autres formes de travail dans l’ESS parfois désignées comme travail gratuit : bénévolat, volontariat, stages, ou encore services civiques. La professionnalisation des organisations de l’ESS et notamment des associations transforme la place et la nature des activités bénévoles au côté d’autres personnes travailleurs et/ou engagées. Comme dans le reste de la société, les frontières « administratives » entre l’emploi, le chômage et l’inactivité restent floues dans l’ESS, en particulier dans les secteurs comme l’insertion par l’activité économique. Il s’agira ainsi de se demander où en sont ces formes de mise au travail aujourd’hui dans l’ESS, quelle est leur évolution et quelles en sont les conséquences sur l’activité concrète des travailleurs et travailleuses, et plus largement des organisations.
  • Il semble nécessaire en second lieu de porter une attention sérieuse sur la question du sens et de l’engagement au travail tant du point de vue des travailleurs et travailleuses que des organisations employeuses. La question du sens au travail fait l’objet de nombreuses appropriations et approximations qui nous semblent important d’instruire à la fois du point de vue scientifique et pour les acteur.rices engagées dans l’ESS. Les organisations de l’ESS prennent en charge des missions sociales et répondent à des besoins sociaux et/ou mettent en œuvre des organisations du travail originales fondées sur la participation des salariés.

Pourtant, il semblerait que le sens ne suffise pas ou plus et que les nouvelles générations aient un rapport renouvelé à l’engagement et au travail dont serait victime les organisations de l’ESS. Il parait important d’envisager sérieusement la thèse de l’érosion du sens et des valeurs chez les salarié.es et particulièrement chez les jeunes générations : la notion d’attractivité des emplois de l’ESS auprès des jeunes travailleurs et travailleuses a-t-elle du sens ? Est-elle pertinente ? Si la thèse de la croissance des emplois associatifs du fait des transformations de l’Etat a reçu un écho important, de nombreux travaux ont depuis également souligné l’intérêt des jeunes générations pour les formes de travail spécifiques mises en avant par l’ESS. Que dire empiriquement de ces spécificités ? D’un autre côté, la crise du sens et des valeurs agit sur les organisations employeuses de l’ESS qui semblent subir un turn-over important des salarié.es, des difficultés de recrutement, plus largement des difficultés de gestion de ressources humaines. Encore une fois, nous invitons à remettre sur la scène de l’ESS les questions relatives à l’organisation du travail, aux conditions de travail et aux modalités de gestion des ressources humaines : les outils de gestion des ressources humaines dans des organisations de sens sont-ils particuliers ? Comment concrètement, sont appréhendés les processus de recrutement, la structure de rémunérations, les politiques de gestion des carrières, etc. ? Les pratiques d’autogestion et d’auto- organisation, se développent, parfois pour répondre à ces problèmes et à celui de la pénibilité au travail, parfois comme projet politique, parfois enfin comme refus du salariat. Même si elles restent minoritaires, ces expérimentations réactivent la question du travail et de son organisation dans le projet politique de l’ESS et interrogent la capacité de l’ESS à proposer des façons de « travailler autrement ». Elles méritent d’être documentées et questionnées.

  • Une troisième piste de réflexion consiste à se pencher sur les spécificités des relations professionnelles dans l’ESS. De fait, au-delà des valeurs, l’ESS présente des spécificités en termes de gestion des ressources humaines : dans les associations comme dans les coopératives ou mutuelles, la fonction d’employeur est souvent rendue floue, en particulier entre CA, bénévoles et salarié.es. Dans les coopératives, la perméabilité entre employeur.euse et employé.e, entre apporteur.euse de capital et salarié.e, parfois même entrepreneur.euse salarié.e associé.e est encore plus forte, allant jusqu’à poser des questions de Ces zones grises, souvent oubliées ou mal connues des institutions et du législateur, passent ainsi fréquemment au travers des mailles des instances de représentation et de régulation des salarié.es, des contre-pouvoirs, et du dialogue social qui constituent pourtant des questions centrales. Quelles formes de représentation des personnels dans les organisations de l’ESS ? Quelle place occupent les syndicats de salarié.es dans l’ESS, et surtout quels rôles jouent-ils aujourd’hui dans la transformation de l’ESS – sur les conditions de travail et d’emploi, mais aussi la gouvernance, etc. ? Dans quelles mesures les pratiques de l’ESS questionnent-elles le champ, les pratiques et les représentations traditionnelles du syndicalisme ?
  • L’ESS pourra être analysée à plus grande échelle, comme possible marché du travail faisant l’objet de politiques d’emploi. Observe-t-on des passages entre organisations de cet univers ou ses différents sous espaces restent-ils cloisonnés ? Est-il possible d’identifier un ou plutôt plusieurs marchés du travail : au sein du réseau coopératif par exemple, plutôt qu’entre celui-ci et le monde associatif ; ou encore au sein du commerce équitable, ou entre celui-ci et le champ de l’agriculture biologique ? Fait-on carrière dans l’ESS, et si oui, selon quels types de parcours, quels profils, quels diplômes et compétences ? Quelles politiques d’emploi ont-elles été menées ces dernières années, le cas échéant, en direction des organisations de l’ESS ?
  • Enfin, des réflexions autour de l’avenir de l’emploi et du travail dans l’ESS sont vivement attendues. L’ESS a joué, et continue d’occuper un rôle clé, dans les métiers de la transition écologique (économie circulaire, IAE, etc.). Mais ces métiers restent encore peu reconnus et précaires : quel rôle peut jouer l’ESS pour la légitimation et l’institutionnalisation de ces métiers et carrières ? Plus largement, dans quelles mesures ces défis comme celui de la digitalisation, amènent-ils à repenser les politiques et les contenus de formation ainsi que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ? La digitalisation de l’économie est source de tensions importantes dans les pratiques de travail et d’emploi menaçant certaines catégories de travailleurs et travailleuses et d’emplois ; elle peut constituer en même temps le terreau de nouvelles formes d’organisations du travail comme en témoigne l’exemple des plateformes coopératives.

Axe 2. Emanciper ou dominer : Questionner le travail d’inclusion de l’ESS

Discriminations, oppressions, dominations, exploitations, exclusions, etc. L’ESS entend lutter contre, dans une perspective d’émancipation et d’inclusion de tous et toutes. Mais elle n’y échappe pas non plus, reproduisant même parfois des logiques qu’elle entend pourtant dénoncer. Ces différentes notions traversent l’ESS et méritent d’être questionnées dans toutes leurs polysémies. Elles tendent à mettre l’accent sur les processus à l’œuvre pour expliquer des différenciations et des inégalités sociales, le plus souvent imbriquées - la notion d’intersectionnalité est de plus en plus utilisée. C’est notamment le cas des études et travaux sur les discriminations liées aux genre, à la sexualité, la race (au sens sociologique), la classe sociale, la religion, l’âge, l’éducation, le handicap, etc. Par exemple, les travaux sur l’emploi dans les associations féministes de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et pour l’accès aux droits reproductifs montrent qu’elles sont susceptibles de reproduire les inégalités qu’elles entendent combattre, notamment en s’appuyant sur un salariat féminin aux conditions d’emploi précaires.

Il s’agit donc, dans cet axe, d’interroger la manière dont l’ESS travaille et est travaillée par ces différentes logiques en croisant les regards à différentes échelles : des individus, des organisations de l’ESS et de la société dans son ensemble. Cet axe cherche ainsi, à partir de différents points de vue, à mettre l’accent sur la manière dont l’ESS favorise l’émancipation et/ou la domination.

Du côté de l’émancipation, il s’agit de se demander quels sont les acteur.rices, les outils, les formes d’organisation, les mouvements, etc. qui contribuent au sein de l’ESS à favoriser des rapports plus égalitaires et inclusifs. Il s’agira de questionner, entre autres :

  • les dynamiques d’empowerment, d’inclusion et d’accompagnement de certains groupes sociaux minoritaires ou opprimés et des publics les plus fragiles (par exemple dans les champs du handicap, de la pauvreté, etc.),
  • les formes de gouvernances démocratiques, de dispositifs organisationnels, d’évaluation de l’utilité sociale ou de l’impact social, etc. qui favorisent la participation et l’inclusion du plus grand nombre dans les activités socio- économiques (en croisant ici, par exemple le travail d’évaluation, de coopération),
  • la capacité de certaines organisations et mouvements à porter des revendications, à innover socialement et à transformer l’action publique (et croisant ici largement le travail politique), à l’image des mouvements contemporains contre les violences sexistes et sexuelles, le validisme, le racisme ou encore la précarité économique, qui se structurent et prennent majoritairement appui sur des associations,
  • la centralité du travail du care au sein de l’ESS, en particulier comment les éthiques du care peuvent constituer un cadre de pensée et d’action pertinent pour reconnaitre et revaloriser le travail pénible et genré essentiel au secteur, tout en permettant de penser des processus d’action et d’organisation démocratique et inclusif

Du côté de la domination, il s’agit de rendre compte de la manière dont les différentes formes d’oppression, d’exploitation, qui se produisent, et se reproduisent dans l’ESS, notamment autour des questions suivantes :

  • Comment expliquer la reproduction d’inégalités de classe, de sexe et de race (au sens sociologique dans l’organisation du travail et la répartition du pouvoir au sein d’organisations dites démocratique, comme en témoigne la gouvernance à prédominance masculine des associations ? En quoi ces inégalités font le lit de violences individuelles et organisationnelles spécifiques à l’ESS ?
  • Comment rendre compte des nouvelles formes d’exploitation de travail gratuit (des bénévoles et volontaires par exemple) qui se développent aujourd’hui dans l’ESS ?
  • Les associations sont-elles instrumentalisées dans le cadre des politiques de lutte contre l’exclusion et les discriminations en contribuant à moindre coût, à éviter que la cohésion sociale explose ?

Axe 3. Transformer par l’innovation, la coopération et le financement

“L’ESS au travail !” est aussi une invitation à mettre l’ESS en mouvement dans un objectif de transformation sociale. Il s’agit de questionner la capacité de l’ESS à définir les problèmes publics, relevant de besoins à satisfaire comme d’aspirations à réaliser, en particulier à l’échelle des territoires de vie, et à proposer des innovations susceptibles de soutenir des formes de transformation sociale. L’innovation sociale en tant que caractéristique distinctive de l’ESS prend différentes formes, technologiques par exemple, mais aussi organisationnelles ou juridiques. Elle peut ainsi prendre la forme de la création de nouveaux droits, comme en témoigne l’expérimentation des Territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD) ou les expérimentations locales d’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA), possiblement appuyées sur des monnaies locales. Elle peut également prendre la forme de nouvelles modalités d’accès aux droits, comme en matière de logement, de santé ou de revenu (revenu de transition écologique, revenu inconditionnel).

La réponse apportée aux problèmes publics identifiés et construits requiert le déploiement de coopérations qui peuvent nécessiter des activités d’intermédiation territoriale dévolues à des acteur·rices de l’ESS au sein de collectifs d’organisations de plus en plus hétérogènes : réseaux territorialisés, PTCE, projets multi-parties prenantes, SCIC, tiers-lieux, LivingLab, etc. La coopération exige des formes d’acculturation, par l’identification et la construction de proximités institutionnelles et organisationnelles et par un travail de traduction apte à enrôler les partenaires. Cela conduit à souligner le rôle du travail discursif, de la construction de plaidoyer, de la mise en récit, de la mobilisation, etc. Si l’on pose que ce travail de construction de la coopération n’est pas neutre, dans quelle mesure un projet qui la nécessite est-il lui-même transformé par ces expériences de coopération, de mise en proximité et de traduction ?

Cela pose aussi la question des formes de régulation du pouvoir, de domination, de solidarités au sein de ces collectifs. S’appuyant sur des postures et compétences proches de celles d’acteurs publics traditionnels, les postes de coordination méritent un éclairage quant à la nature même de leur travail, à leurs compétences et aux risques psychosociaux associés.

Cela amène des questions autour des apprentissages et de la formation : comment apprend-on à coopérer, que ce soit à l’intérieur d’une organisation de l’ESS, d’une méta- organisation ou d’un écosystème ? Également, l’écosystème d’accompagnement de l’ESS et de l’innovation sociale (DLA, CRESS, têtes de réseaux, incubateurs, services ESS des collectivités locales, consultants, etc.) mérite d’être interrogé quant à sa capacité à mettre au travail l’ESS pour la transformation sociale : à quelles pressions institutionnelles fait-il face ? Quels sont les effets performatifs sur les projets accompagnés ? Comment repolitiser l’activité d’accompagnement ? Comment favoriser l’émergence et le développement de formes plus radicales d’innovation sociale ? Quels liens avec la recherche académique en sciences humaines et sociales ?

Les activités construites en réponse aux besoins et aspirations doivent par ailleurs être financées, ce qui pose la question des ressources monétaires et non monétaires et surtout la place des dispositifs de financement par les collectivités comme les financeurs privés (subventions, appels à projets, appels d’offre voire mécénat) mais également par les institutions financières (crédit bancaire) et les dispositifs de finance participative (prêt, don). Le rôle des monnaies dites complémentaires peut également être interrogé. Si l’on pose que les sources de financement ne sont pas neutres, quelles sont les possibilités et les contraintes liées à chacune d’entre elles ? Sont-elles aptes à soutenir la transformation sociale, au-delà du financement de projets et d’activités ? Quelles sont les conséquences des transformations des liens entre action publique et ESS à l’œuvre depuis quelques décennies ? Les processus de marchandisation des associations et la privatisation de leurs ressources conduit-elle à une forme de dépolitisation ?

Axe 4. Résister : Travail politique et de légitimation

“L’ESS au travail !” renvoie également au travail politique mené par les acteur.rices de l’ESS. Celui-ci peut s’entendre dans différents sens : il s’agit aussi bien du travail mené par une partie des porteurs et porteuses de ces activités pour participer à un changement social et résister à différentes formes de dominations socialement instituées, qu’elles soient directement liées à l’Etat et des institutions publiques ou non. Il s’agit également du travail politique entrepris dans les années les plus récentes pour poursuivre l’institutionnalisation de ce secteur et en défendre la légitimité.

Dans ce premier sens (participation à un changement social et action collective), le travail politique renvoie aux raisons d’être et d’agir des acteur.rices de l’ESS. Leur projet politique – ou devrait-on dire, plus justement, leurs projets politiques, dans toute leur diversité – ont souvent été questionnés. Ces réflexions interrogent parfois quant à l’existence même d’un tel projet pour une partie des organisations de l’ESS, ramenées à leur seule dimension économique. Si des travaux historiques ont montré les liens existants entre ESS et socialisme utopique, parti socialiste ou encore parti écologiste, d’autres questionnent les liens passés et actuels entre cet univers et les projets néolibéral ou anticapitaliste.

Qu’en est-il aujourd’hui de ce travail politique des membres de l’ESS ? Que peut-on dire de l’inscription de ces organisations entre économie et politique (pris au sens institutionnel du terme ou non) ? Dans quelle mesure les acteur.rices de cet espace social ambitionnent-ils et elles de contribuer à un changement social et si oui lequel ? Et avec quels appuis éventuels ou quelles contraintes : que sait-on des relations entre individus, organisations et institutions de l’ESS d’une part et partis politiques, d’autre part ? Quelles relations existe-t-il, le cas échéant, au niveau local, national ou international entre ESS et mouvement syndical ou mouvement social plus largement ? Existe-t-il des rapprochements entre l’ESS et des démarches potentiellement transformatrices telles que celles relevant du mouvement des communs, des utopies réelles ou des expériences de vie et de travail se présentant comme alternatives (hackerspaces, tiers lieux, mouvement altermondialiste, ZAD, …) ? De façon inversée, comment nos sociétés peuvent-elles s’enrichir des pratiques démocratiques émanant du travail politique de l’ESS ?

Il est ensuite nécessaire de considérer la mise en œuvre et la transcription du projet politique dans les outils, les modèles économiques et les pratique de ces organisations : comment traduire en outils et modèles d’action économique un projet politique ? Dans quelle mesure les outils et modèles économiques renouvèlent-ils le projet politique ? Dans quelle mesure des innovations technologiques, sociales interrogent les projets politiques ?

Pris dans un second sens, le travail politique de l’ESS est aussi celui consistant à poursuivre son institutionnalisation et sa légitimation. Ce travail apparaît d’autant plus prégnant ces toutes dernières années que le champ des acteur·rices et institutions se réclamant de l’intérêt général ou collectif s’élargit. Si l’ESS intègre depuis la loi Hamon des entreprises commerciales lucratives conventionnelles respectant un certain nombre de pratiques de gestion et gouvernance, d’autres telles que les “entreprises à mission” (loi Pacte), les “entreprises libérées” ou “entreprises à impact” s’emparent elles-aussi de thématiques chères au secteur, telles qu’un but autre que la seule rentabilité du capital ou la démocratie économique. Ces évolutions du monde de l’entreprise plus largement modifient les frontières déjà mouvantes de l’ESS (Mouves devenu MIF, création du MOUVESS, mouvement des entrepreneurs engagés…) et conduisent à des reconfigurations de ses instances représentatives et alliances.

Comment les acteur·rices et organisations de l’ESS pensent et justifient-ils et elles leur singularité vis-à-vis des autres organisations visant la prise en charge de l’intérêt général – Etat inclus ? Que peut-on dire de leurs pratiques effectives en comparaison de celles de ces autres acteur·rices ?

Enfin, ce travail politique de légitimation de l’ESS est également celui lié à l’inscription de fait de ces organisations dans un ordre économique et social dominant néolibéral. Comment s’articulent alors la nécessaire soumission de court terme à celui- ci et la possible promotion de logiques de transformation à long terme ? Dans quelle mesure l’adoption de pratiques et de modes de pensées jugés légitimes (adoption de mesures d’impact social, financements sur projets, promotion de l’individu entrepreneur…) affecte-t-elle les activités de l’ESS ? Quelles résistances éventuelles ses acteur·rices développent-ils et elles en retour ?

Axe 5. Enquêter : le travail de recherche dans/sur l’ESS comme un objet

Notre appel invite à porter une attention particulière au travail de recherche, appréhendé comme des activités de réflexion et de production de connaissances.

Comme le soulignait déjà l’appel du RIUESS de Metz, l’histoire de l’économie sociale comme les dynamiques contemporaines sont marquées par une forte réflexivité des participant.es, qu’il soit dirigeant.es, salarié.es, citoyens par des allers et retours entre conceptualisations théoriques voire utopiques et expériences pratiques. L’ESS est partie prenante à de nombreux égards du développement intense et récent des sciences participatives, coopératives, etc.

Il semble nécessaire de s’intéresser en premier lieu à ces activités de recherche en considérant la nature des acteur·rices impliquées, aux modalités de leur financement et aux dispositifs d’organisations créées. Nous invitons à s’interroger sur les liens et relations entre les différentes initiatives de recherche coopératives, participatives avec l’environnement et les partenaires que constituent les organisations « classiques » de recherche, les consultants mais également le travail des organisations de l’ESS qui les portent. Le foisonnement des recherches participatives voit en effet émerger de nouvelles organisations, de nouveaux métiers à la lisière des organisations traditionnelles de la recherche comme les universités et/ou les organismes de recherche : dans quelles mesures ces recherches percutent et peut être performent les modes d’organisation et de financement de la recherche « classique » ? Quelles sont les relations avec ces organisations ? Quels liens entretient le travail de recherche avec le travail de l’accompagnement et des consultant.es ? Enfin, des acteur·rices de l’ESS peuvent mener des travaux de recherche sur leur propre organisation ou sur des problématiques qu’ils et elles traversent : comment ces activités s’insèrent-elles dans le flot classique d’activités de ces organisations ? Que cela produit-il ? Au-delà de la caractérisation de la pluralité des formes de recherche participatives, il s’avère en outre nécessaire de considérer les difficultés économiques, organisationnelles, institutionnelles traversées par les acteur·rices dans la mise en œuvre de projets de recherche coopératives, participatives.

Nous invitons ensuite à considérer le travail de recherche en/sur l’ESS sous le prisme de ces épistémologies et méthodologies. Si l’économie sociale et solidaire est une économie plurielle, dans quelles mesures ces recherches le sont-elles aussi ? Nous invitons tout particulièrement à questionner les différentes figures et postures des chercheur.es. Si la recherche en ESS est engagée, que doit-elle produire et à quoi doit- elle servir ? Quelles sont les différentes voies et stratégies pour consolider et amplifier des formes de recherche aux méthodologies et épistémologies originales et ancrées ? Du point de vue de ces méthodes, quels sont les (nouveaux) outils et les dispositifs de la recherche en ESS ?

Enfin, nous proposons aux contributeur·rices un déplacement du regard vers d’autres frontières spatio-temporelles que la France aujourd’hui : nous encourageons à ce titre les travaux & enquêtes historiques qui pourraient donner à voir des activités originales de création de connaissances et nourriraient les démarches contemporaines de recherche. De la même façon, la France constitue un terreau historique de l’ESS, aujourd’hui fortement institutionnalisée, nous sommes intéressé.es à déplacer le regard vers des recherches menées par des collègues issus d’autre contextes politiques, socio- économiques mais aussi de traditions conceptuelles et théoriques différentes. Les épistémologies et méthodologies des Suds, les approches décoloniales constituent sans nul doute des perspectives fécondes pour appréhender l’économie sociale et solidaire au travail.

Modalités de soumission

Les intentions de communication, d’une page et demie maximum, doivent préciser le titre de la communication, l’axe thématique privilégié de l’appel à communications l’objet traité et la problématisation, le ou les terrains et matériaux, le ou les méthodes mobilisées ainsi que l’originalité et l’ambition des résultats attendus.

Chaque proposition sera évaluée en double aveugle par le comité scientifique des 24eme Rencontres. Les collaborations entre chercheur·ses et acteur·ices sont encouragées. Les propositions de communication doivent prioritairement s’inscrire dans l’un des cinq axes mais des communications hors axes peuvent être acceptées si elles s’inscrivent dans la thématique générale du colloque.

Les intentions de communications et communications finales sont à déposer sur le site des RIUESS 2025 : https://riuess2025.sciencesconf.org.

avant le 9 décembre 2024

Doctoriales

Comme chaque année, le RIUESS accueillera sur une demi-journée, le lundi 26 mai 2025 de 9h-12h, des doctorant.e.s et jeunes chercheur.e.s (ou étudiant.e.s de M2 avec un projet de thèse) ayant comme objet d’étude l’ESS. Des ateliers seront organisés en petit groupe. Ce sera l’occasion de réfléchir collectivement aux présentations des doctorantes et doctorants. Ces doctoriales concernent toutes les disciplines et ne nécessitent pas d’être intégrées dans les axes thématiques du colloque. Pour les doctorant.es intéressé.es veuillez-vous manifester à l’adresse suivante : doctorants@riuess.org.

Référent.e.s doctorant.e.s jeunes chercheur.e.s – doctoriales XXIVe Rencontres du RIUESS :

  • Salomé Cousinié
  • Christel Décatoire
  • Willy Gibard
  • Hélène Monnet
  • Aubin Tantot

Calendrier indicatif

  • Diffusion de l’appel à communication : 23 septembre 2024
  • Date limite pour les dépôts des intentions de communication : 9 décembre 2024 (attention il n’y aura pas d’extension de cette date de dépôt, ni de deuxième vague de soumission)
  • Réponse aux auteur.rices : 31 janvier 2025
  • Dépôts des communications : du 1er avril au 5 mai 2025
  • Inscriptions sur https://riuess2025.sciencesconf.org : du 1er février au 5 mai 2025

Comité scientifique

  • J. Blanc (Sciences Po Lyon)
  • E. Bucolo (Cnam)
  • G. Caire (Université de Poitiers)
  • S. Celle (Université Lyon 2)
  • J. Cermeno (Université Lyon 2)
  • M. Cervera (Université de Lorraine)
  • J.L. Chautagnat (Université Lyon 2)
  • J. Combes (Ripess)
  • E. Dacheux (Université de Clermont-Ferrand)
  • I. Dedun (Université Lyon 2)
  • H. Defalvard (Université Gustave Eiffel)
  • T. Duverger (Sciences Po Bordeaux)
  • M. Fare (Université Lyon 2)
  • C. Ferraton (Université Montpellier 3)
  • M. Filippi (Université de Bordeaux)
  • L. Gardin, (UPHF Valenciennes)
  • P. Gianfaldoni (Université d’Avignon)
  • P. Glémain (Université de Rennes 2)
  • D. Goujon (Université de Saint-Etienne)
  • E. Lanciano (Université Lyon 2)
  • L. Lethielleux (Université de Reims Champagne-Ardenne)
  • V. Lhuillier (Université Lorraine)
  • J. Maisonnasse (Université d’Aix-Marseille)
  • L. Manoury (Université Haute-Alsace)
  • F. Petrella (Université d’Aix-Marseille)
  • N. Richez-Battesti (Université d’Aix-Marseille)
  • D. Rodet (Université Lyon 2)
  • E. Ros (Université Paris 8)
  • S. Rospabe (Université Rennes 1), S. Saleilles (Université Lyon 2)
  • J. Saniossian (Université de Saint-Etienne)
  • J. Stoessel-Ritz (Université de Haute- Alsace)
  • D. Vallade (Université de Montpellier 3)
  • G. Vollat (Université de Clermont- Ferrand)

Comité d’organisation

  • Jérôme Blanc
  • Sylvain Celle
  • Juliette Cermeno
  • Jean-Luc Chautagnat
  • Salomé Cousinié
  • Christel Décatoire
  • Isabelle Dedun
  • Marie Fare
  • Willy Gibard
  • Emilie Lanciano
  • Hélène Monnet
  • Diane Rodet
  • Armand Rosenberg
  • Séverine Saleilles
  • Jennifer Saniossian
  • Aubin Tantot

Places

  • 4bis Rue de l'Université
    Lyon, France (69007)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Monday, December 09, 2024

Attached files

Keywords

  • économie sociale et solidaire, travail, résistance, émancipation

Reference Urls

Information source

  • Sylvain Celle
    courriel : sylvain [dot] celle [at] univ-lyon2 [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« L’économie sociale et solidaire au travail ! », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 09, 2024, https://doi.org/10.58079/12fte

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