(Un)Doing Democracy. Practices of Participation and Contestation (19th–21st Century)
(Dé)faire la démocratie. Pratiques de la participation et de la contestation (XIXe–XXIe siècles)
Die Demokratie (ab)schaffen. Praktiken der Partizipation und des Protests (19.–21. Jahrhundert)
17e colloque du Comité franco-allemand des historiens (CFAH)
17. Kolloquium des Deutsch-Französischen Komitees für die Erforschung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts e.V (DFHK)
Published on Thursday, October 10, 2024
Abstract
A l’heure où la crise de la démocratie est sur toutes les lèvres, le colloque vise à apporter un éclairage sur l’ambivalence de la participation et de la protestation et à les analyser dans leur articulation complexe avec les processus de démocratisation et les systèmes étatiques démocratiques. En effet, si la participation et la protestation sont indispensables à la pensée et à l’action démocratiques, elles peuvent aussi dans certains cas constituer une menace pour les démocraties représentatives. En analysant comment la « démocratie » a toujours été générée, transformée, élargie, mais aussi remise en question par des pratiques concrètes, le colloque entend contribuer à une histoire critique de la légitimité démocratique du XIXe siècle à nos jours. L’accent sera principalement (mais pas exclusivement) mis sur l’Allemagne et la France.
Announcement
Argumentaire
La « crise dans la démocratie» (Marcel Gauchet) est actuellement sur toutes les lèvres. Des voix issues de la philosophie, de la sociologie et des sciences politiques ont déjà proclamé une ère de la « post-démocratie » (Jacques Rancière/Colin Crouch), marquée par une érosion des procédures démocratiques et de la participation politique. Les deux plus grands pays de l’Union Européenne, la France et l’Allemagne, sont eux aussi directement confrontés à une insatisfaction croissante vis-à-vis des formes existantes de démocratie à différents niveaux (processus de prise de décision, gouvernement, administration). Ce malaise actuel se traduit notamment par un nombre élevé d’abstentionnistes, une radicalité et une intransigeance plus marquées des revendications politiques et le succès grandissant de partis populistes d’extrême droite comme le Rassemblement national (RN) et l’Alternative für Deutschland (AfD).
Ces symptômes et diagnostics suscitent des réactions aussi diverses que contradictoires : d’un côté sont revendiquées de nouvelles formes de participation – « démocratie directe »,
« intelligence collective », conventions citoyennes ou Bürgerräte ; de l’autre, la légitimité des institutions et des procédures démocratiques existantes est remise en cause, des résultats électoraux sont contestés et des élu·e·s agressé·e·s. En France et en Allemagne, des mouvements de protestation relevant de différentes orientations partisanes et aux revendications très hétérogènes tels que « Pegida », les « Querdenker », « Nuit debout », les Gilets jaunes, les « Antivax » ou encore « Friday for Future » ont exprimé ces dernières années leur mécontentement dans la rue. Nombre d’entre eux mettent en avant de manière violente la prétendue « volonté du peuple » face aux « élites » politiques qui agiraient contre les intérêts de la majorité.
La participation et la possibilité de protester sont indispensables à la pensée et à l’action démocratiques. Toutefois, la revendication d’une participation systématique et les formes de protestation radicales peuvent aussi constituer une menace pour les démocraties représentatives. C’est particulièrement le cas lorsque l’idée de participation n’est pas formulée de manière inclusive et intégrative, mais corrélée à des concepts exclusifs et essentialisés de « Peuple » et de « Nation ». En outre, la mise en scène de plébiscites, l’organisation et l’orientation de la participation et de la protestation sont depuis le XIXe siècle également des pratiques courantes dans les systèmes autoritaires. Les débats récents sur le Kaiserreich wilhelminien et la « communauté du peuple » nationale-socialiste ont ainsi montré que participation politique et sociale et « démocratisation » ne vont pas nécessairement de pair. On pourrait argumenter de la même manière en ce qui concerne le Second Empire en France.
Le colloque vise à apporter un éclairage sur « l’ambivalence normative » de la participation et de la protestation (Kruke/Kufferath) et à les analyser dans leur articulation complexe avec les processus de démocratisation et les systèmes étatiques démocratiques. Il s’agit donc de se demander comment la « démocratie », en tant qu’idée et cadre d’action politique, a toujours été générée, transformée et remise en question par des pratiques concrètes. Le colloque s’intéressera donc à la création, l’établissement, l’élargissement et la défense de la « démocratie », mais aussi à son érosion, sa remise en question et son abolition – en considérant participation et protestation à la fois comme des conditions préalables et comme des menaces potentielles pour les sociétés démocratiques.
Conformément à une approche praxéologique, nous ne partons pas d’un concept analytique déterminé de « démocratie ». Il s’agit plutôt d’étudier la manière dont la « démocratie » a été construite ou déconstruite par les acteurs individuels et collectifs. Cela implique de différencier entre les dynamiques initiées « d’en bas » et « d’en haut », entre les pratiques pacifiques et violentes, ou encore entre les formes quotidiennes, routinières et souvent inconscientes de (dé)construction de la « démocratie », d’une part, et les actions conscientes, ciblées et révolutionnaires d’autre part. L’objectif est d’illustrer la diversité historique des pratiques associées à la démocratie et de mettre à jour les antécédents complexes de nos débats contemporains sur la « démocratie », la participation et la protestation.
Le colloque entend ainsi contribuer à une histoire critique de la légitimité démocratique du XIXe siècle à nos jours à travers des contributions d’historien·ne·s et de chercheurs·ses issus de disciplines connexes adoptant une approche historique. L’accent sera principalement mis sur l’Allemagne et la France : outre la comparaison des conceptions et des pratiques démocratiques souvent très différentes entre ces deux pays, une réflexion en termes de transferts, d’hybridations et d’histoire croisée pourra s’avérer particulièrement fructueuse. Par ailleurs, des études de cas concernant d’autres pays européens et des espaces extra- européens sont les bienvenues, notamment si elles sont combinées avec des approches comparatives, transnationales ou d’histoire globale.
Les quatre axes exposés ci-dessous ont vocation à structurer le champ thématique du colloque ainsi qu’à suggérer des questionnements et problématiques possibles :
Sujets et objets
Quels acteurs ont contribué à (dé)faire la « démocratie » ? Sur quels objets et contre qui leurs revendications de participation et leurs protestations étaient- elles dirigées ? Qui fut exclu de la participation et sur quels critères (race, classe, genre, âge, notamment) ? Qui a volontairement renoncé à la participation politique ou a rejeté certaines formes de protestation ? Au-delà des objets de recherche classiques tels que les partis, les associations, les groupes de pression et les mouvements sociaux, la relation entre science (à travers la figure de l’expert) et démocratie ou des groupes tels que les « abstentionnistes », les « électeurs protestaires »/» Protestwähler », les « citoyens en colère »/» Wutbürger » ou la « majorité silencieuse » constitueraient autant d’autres thématiques possibles.
Formes et médias
Comment et avec quels moyens la participation et la protestation ont-elles été pratiquées et comment ces pratiques ont-elles évolué avec le temps ? Comment le choix des moyens s’est-il répercuté sur les formes et les contenus de la participation et de la protestation ? Et dans quelle mesure les pratiques démocratiques ont-elles modifié le caractère et la perception de certains médias ? Parmi les thématiques envisageables, on peut penser, outre aux formes bien établies de pratique démocratique telles que les pétitions, les manifestations et les grèves, à des modalités de protestation à leur époque originales et nouvelles telles que les banquets, les cérémonies publiques, les sit-ins et teach-ins. Le rôle de la presse, de la radio, de la télévision ou des médias sociaux dans la création d’espaces publics participatifs pourrait également être analysé.
Espaces et lieux
Où la participation et la protestation ont-elles pris forme et se sont- elles articulées, et avec quelle portée géographique ? Dans quelle mesure la participation et la protestation ont-elles dépendu de l’accessibilité ou du cloisonnement des espaces ? Et comment les pratiques démocratiques ont-elles modifié la perception, l’aménagement et l’utilisation de certains lieux, contribuant ainsi à la (dé)construction des espaces ? Des contributions portant sur les salons et les clubs, les parlements et la Bannmeile, la « rue » en tant que lieu de protestation à la fois abstrait et concret, les lieux symboliques de l’expression politique (la Place de la République à Paris, le carnaval de rue rhénan, etc.), les protest camps ou encore les sommets internationaux seraient ici envisageables.
Périodes et conjonctures
Quelles ont été les phases les plus intenses de participation et de protestation et quand ces pratiques ont-elles été plutôt dépassionnées et routinières ? Comment les césures révolutionnaires se sont-elles articulées avec les processus sur la longue durée ? L’évolution de la participation depuis le 19e siècle a-t- elle été une histoire linéaire de succès et de progrès – ou plutôt une histoire cyclique faite de hauts et de bas ? On peut ainsi penser aux césures révolutionnaires telles que « 1789 », « 1848 », « 1918 », « 1968 » ou « 1989, mais également à l’étude de la transformation « silencieuse » des pratiques participatives (par exemple dans le cadre d’actes administratifs, de jugements de principe des tribunaux, du travail d’éducation politique ou encore de l’engagement de la société civile).
Modalités de soumission
Les personnes intéressées sont invitées à envoyer le titre de leur communication, un résumé (500 mots maximum) ainsi que leur CV (une page maximum) en français, allemand ou anglais aux deux adresses suivantes (merci pour des raisons pratiques de tout regrouper dans un seul fichier) :
johannes.grossmann@lmu.de
nathalie.le-bouedec@u-bourgogne.fr
avant le 15 décembre 2024
Les propositions de contribution émanant de doctorant·e·s et de post-doctorant·e·s seront particulièrement bienvenues.
Informations importantes
- Le colloque aura lieu du 5 au 7 novembre 2025 à l’Institut für Zeitgeschichte de Munich.
- Les langues du congrès seront le français et l’allemand.
- Les frais de déplacement et d’hébergement des intervenants seront pris en charge par le CFAH (sous réserve de l’obtention des fonds demandés).
- Une publication des contributions est ensuite prévue dans la collection du CFAH (Franz Steiner Verlag).
Contacts
- Johannes Großmann : johannes.grossmann@lmu.de Nathalie
- Le Bouëdec : nathalie.le-bouedec@u-bourgogne.fr
Organisation
- Johannes Großmann (Ludwig-Maximilians-Universität München)
- Nathalie Le Bouëdec (Université de Bourgogne)
Comité scientifique
- Emmanuel Droit (Sciences Po Strasbourg)
- Valérie Dubslaff (Université Rennes 2)
- Bernhard Gotto (Institut für Zeitgeschichte, Munich)
- Silke Mende (Universität Münster)
- Jörg Requate (Universität Kassel)
Subjects
- History (Main category)
- Periods > Modern > Nineteenth century
- Periods > Modern > Twentieth century
- Society > Political studies > Political history
- Periods > Modern > Twenty-first century
- Zones and regions > Europe > France
- Society > Political studies > Political and social movements
- Zones and regions > Europe > Germanic world
Places
- Institut für Zeitgeschichte, Leonrodstraße 46B
Munich, Federal Republic of Germany (80636)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Sunday, December 15, 2024
Attached files
Keywords
- démocratie, démocratisation, participation, protestation, pratiques
Contact(s)
- Nathalie Le Bouëdec
courriel : nathalie [dot] le-bouedec [at] u-bourgogne [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Nathalie Le Bouëdec
courriel : nathalie [dot] le-bouedec [at] u-bourgogne [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0 .
To cite this announcement
Johannes Großmann, Nathalie Le Bouëdec, « (Un)Doing Democracy. Practices of Participation and Contestation (19th–21st Century) », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, October 10, 2024, https://doi.org/10.58079/12g1d