Ce que l’animal fait au vieillissement
Revue « Gérontologie et société » - Vol 47 no 178
Published on Thursday, October 24, 2024
Abstract
Si l’être humain et la société avancent progressivement vers une société de la longévité, cette expérience personnelle et sociétale se réalise sous les yeux d’êtres vivants qui accompagnent ces processus. Que ce soit au détour d’une recherche, que ce soit à travers des pratiques professionnelles anciennes ou innovantes, la place des animaux domestiques/domestiqués au cœur de l’avancée en âge des humains reste un sujet fort peu exploré de manière systématique et pluridisciplinaire. C’est à cet objectif, que cet appel entend répondre en évitant, d’entrée de jeu, deux écueils.
Announcement
Argumentaire
Si l’être humain et la société avancent progressivement vers une société de la longévité, cette expérience personnelle et sociétale se réalise sous les yeux d’êtres vivants qui accompagnent ces processus. Que ce soit au détour d’une recherche, que ce soit à travers des pratiques professionnelles anciennes ou innovantes, la place des animaux domestiques/domestiqués au cœur de l’avancée en âge des humains reste un sujet fort peu exploré de manière systématique et pluridisciplinaire. C’est à cet objectif, que cet appel entend répondre en évitant, d’entrée de jeu, deux écueils. D’un côté, si les expériences innovantes, ou présentées comme telles, autour de l’implication thérapeutique d’animaux face aux difficultés cognitives ou d’isolement social, ont toute leur place dans ce numéro, elles devront bien s’accompagner d’un questionnement et s’appuyer sur des expériences similaires ou généralisables afin d’éviter l’empilement d’expérimentations uniques et difficilement adaptables. D’un autre côté, l’ambition de ce projet est de faire cohabiter des travaux et des disciplines au cœur de ces dispositifs et réflexions autour de la question animale face au vieillissement, avec des disciplines moins fréquemment présentes dans la Revue mais qui pourrait ici apporter un regard particulièrement original. Trois axes composent ce dossier, et les propositions tâcheront, dans la mesure du possible, de situer leurs apports dans ce triptyque.
- Animal, lien social et avancée en âge
- Animal comme médiateur du bien vieillir
- L’animal vieillissant : source d’inspiration ou projection humaine ?
Animal, lien social et avancée en âge
Première figure de nos réflexions, particulièrement saillante à l’occasion des formes d’isolement social imposé à l’occasion de la pandémie de la COVID-19, la question de l’animal au cœur du lien social suscite une série d’interrogations. L’animal est-il le moteur de certaines formes de liens sociaux, par exemple autour de la socialisation canine, soit ces rencontres « fortuites » dans l’espace public autour de la promenade d’un chien. Si ce type de socialisation peut s’opérer à tout âge de la vie, prend-elle un tour particulier quand, le vieillissement voyant les années se dérouler, les interactions humaines diminuent ? Au cœur des rapports familiaux, des solidarités familiales, quelle place l’animal (ou les animaux) prend-il, notamment quand celui-ci renvoie à un véritable processus identificatoire ? Lors du décès d’un proche, d’un conjoint, l’animal dit « de compagnie » vient-il remplacer l’humain disparu ? À l’inverse, et en lien avec l’axe 3, que nous apprend l’existence de cimetières pour animaux, ou l’apparition d’obsèques à leur intention ? Que signifient de longues années de vie commune entre un animal et un humain ? Que signifie, pour son propre vieillissement, que de voir son animal mourir avant soi ? Si nous parlons d’animal ici, il serait sans doute nécessaire de diversifier cette entité : de quel animal ou de quels animaux parle-t-on ? Posséder, aimer, vivre avec un chat ou un serpent a-t-il le même sens tout au long de la vie ? Ou ces pratiques participent-elles aussi de pratiques distinctives ? On peut aller jusqu’à s’interroger sur nos conceptions théoriques de l’avancée en âge qui, à l’instar de la déprise récemment explorée au sein de la revue, pourrait être revisitée en intégrant la présence animale au sein de l’expérience du grand âge. Si la déprise est un concept fréquemment mobilisé pour traiter du grand âge dans l’espace francophone, l’animal entre-t-il en jeu dans ces processus ? Comment l’économie domestique, « l’identification subjective » à « son » animal, participent-elles de ces déprises ? Finalement et pour en revenir à la question de l’isolement social, en quoi les politiques publiques intègrent-elles l’animal domestique dans ces pratiques ou, au contraire, participent-elles à un renforcement des exclusions (par exemple en refusant d’accueillir le chien d’un nouveau résident en Ehpad) ? En cas d’hospitalisation temporaire, que devient l’animal domestique ? Et si la question du vieillissement et de la précarité des personnes SDF commence à émerger, quelle place y tient l’animal ?
Animal comme médiateur du bien vieillir
Deuxième figure possible du questionnement autour de la rencontre entre l’humain et l’animal domestique ou entre l’animal domestique et l’humain, la conception de l’animal comme médiateur de certaines formes du vieillissement apparait de manière massive dans la (rare) littérature sur le sujet des liens entre vieillissement et animalité. Les travaux de l’anthropologie, de l’ethnographie voisinent avec les nombreux travaux de psychologie, ces derniers prenant alors corps dans des pratiques de zoothérapie. En effet, le thème de la « médiation animale » au sein des institutions de soin fermées est au cœur de nombreuses pratiques thérapeutiques dites alternatives à l’instar de la zoothérapie et de multiples expériences de terrain. Ici, les chats, chiens, chevaux, oiseaux entrent en lice et servent, plus ou moins consciemment/rationnellement, dans une logique de soins thérapeutiques. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un animal vivant, ni d’un animal domestique, les expérimentations de gérontechnologie autour du phoque Paro (dispositif le plus médiatisé et renvoyant aux « robots sociaux ») appellent des analyses croisées. Par exemple, quels sont les résultats de ces expérimentations en termes de santé publique, tant sur la vie des personnes ciblées que sur celle des professionnels en gérontologie ? Les animaux domestiques rentrent-ils alors dans la catégorie des « traitements/interventions non médicamenteux/ses » à l’instar de l’activité physique ? Dans cette thématique, ce n’est pas d’abord la question de l’animal comme source ou facteur de lien social qui est questionnée comme dans le premier axe, mais plus exactement la manière dont l’animal peut servir en tant que « ressource thérapeutique », que cela soit pensé/construit en raison de l’existence d’une histoire commune entre un patient et un animal (par ex. lorsqu’un Ehpad accepte la venue de l’animal domestique d’un nouveau résident à son entrée), en raison d’arguments ou de présupposés thérapeutiques de certains types d’animaux (à l’instar des chevaux et de l’hippothérapie dans certaines formes de troubles de la santé mentale) ou pour d’autres justifications à l’instar de projets expérimentaux ou d’innovations sociales, par exemple dans le cadre de la recherche sur la maladie d’Alzheimer et les troubles apparentés.
L’animal vieillissant : source d’inspiration ou projection humaine ?
Si les deux premiers axes se concentrent sur les animaux domestiques/domestiqués, ceci pour explorer a priori essentiellement, le vieillissement des humains (vieillissement individuel ou vieillissement social), ce troisième axe ne s’y limite pas en se focalisant sur le vieillissement des animaux proprement dit, qu’ils soient domestiques ou non. Il vise à apporter un éclairage sur les effets du regard porté aux animaux vieillissants. Comment passe-t-on du vieillissement des animaux au vieillissement humain ? Qu’est-ce que cela construit comme science et comme pratique ? L’objet consiste ici à donner à voir des modèles pour étudier le vieillissement à un public non-lecteur, non initié, et de l’interpeler sur le champ des possibles en termes de représentations et de projections.
D’un côté, l’animal vieillissant est au cœur de nombreux travaux de biologie du vieillissement, qui cherchent à comprendre l’avancée en âge à partir de facteurs biologiques (les cellules, les télomères, les tissus, etc.) et proposent autant de « modèles du vieillissement » pensés à partir d’une espèce (la souris, le rat, le poisson, la méduse, etc.) et censés pouvoir être appliqués à l’humain. Sans pour autant centrer le propos sur le prolongévisme, les avancées de la médecine régénérative, ou les travaux sur les modèles de longévité exceptionnelle, quand ils prennent appui sur l’exemple de certaines méduses biologiquement immortelles, soulèvent d’importantes questions tant pratiques (le modèle peut-il s’appliquer à l’humain ?) qu’éthiques (le modèle devrait-il s’appliquer à l’humain ?). Quand on étudie la restriction calorique, qu’est-ce qu’il se passe au départ sur les animaux ?
De l’autre côté, l’animal vieillissant suscite également une série de questions et d’étonnements. Même si leur domestication remonte à plusieurs millénaires et si leurs formes de domestication méritent d’être distinguées et questionnées (de l’animal du zoo à celui vivant en appartement) en introduction de ce dossier, la vie et l’avancée en âge des animaux domestiques amènent une série de pistes. Certaines expériences sont remontées d’animaux littéralement « mis à la retraite » plutôt que d’être euthanasiés (voir l’association « Agir pour la vie animale » du vétérinaire Thierry Bedossa) ; s’il existe aujourd’hui des psychologues pour animaux, comment interpréter l’apparition d’assurances santé (« mutuelle santé chien et chat ») qui reprennent un modèle d’assurabilité similaire aux humains (assurances des accidents et maladies, non pas des traitements prévisibles tels une vaccination ou un examen de contrôle) ? Si l’âge des doyens/doyennes de la terre est suivi à la loupe par les experts de la longévité, faut-il s’étonner de ce que l’on décerne le titre de « chien le plus vieux de tous les temps » à Bobi, « un rafeiro de l’Alentejo vivant dans un village portugais » de « 30 ans passés » ? Ainsi, à travers cet axe, il s’agit de se questionner sur ce que l’âge, le vieillissement et la longévité des animaux dit non seulement de ceux-ci mais également de notre société humaine, notamment quand des notions comme « la retraite » ou « l’assurance » fondées et pensées à partir de l’expérience humaine s’appliquent à ces animaux : les notions en sont-elles transformées ? L’expérience qu’en font les animaux permet-elle de transformer celle qu’en font les humains ?
Modalités de soumission
Les propositions d’article complet, en français ou en anglais (40 000 signes, espaces compris) accompagnées d’un titre et d’un résumé sont à envoyer à : Cnavgerontologieetsociete@cnav.fr
avant le 4 novembre 2024
Le comité de rédaction informe les auteurs de l’acceptation ou du refus de la proposition pour entrer dans le processus éditorial dans l’une des trois rubriques de la revue (« Articles originaux », « Perspectives et retours d’expériences », « Libres propos »). Les soumissions dans les rubriques « Articles originaux » et « Perspectives et retours d’expériences » sont ensuite expertisés en double aveugle par des relecteurs externes ; les articles proposés en « Libre propos » sont évalués par le comité de rédaction. Les soumissions d’articles doivent impérativement s’inscrire dans l’une des trois rubriques de la revue et mentionner ce choix en première page.
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Coordinateurs du numéro
- Thibauld Moulaert - Maître de conférences sociologie, Laboratoire Pacte, Université Grenoble-Alpes (thibauld.moulaert@umrpacte.fr)
- Anne Marcilhac - Maître de conférences HDR en neurobiologie, École pratique des hautes études - EPHE (anne.marcilhac@umontpellier.fr)
Rédacteurs en chef
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- Nicolas Foureur
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- Thibauld Moulaert
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- Ingrid Voléry
- Service de la coordination éditoriale
- Hélène Trouvé
- Marie Villeneuve
- Valérie Zilli
Subjects
- Ethnology, anthropology (Main category)
- Society > Ethnology, anthropology > Social anthropology
- Society > Sociology
- Mind and language > Psyche > Psychology
- Society > Science studies > Philosophy of science
- Mind and language > Thought > Cognitive science
- Society > Geography > Geography: society and territory
Date(s)
- Monday, November 04, 2024
Attached files
Keywords
- vieillissement, animalité, lien social, zoothérapie, médiation animale
Contact(s)
- Coordination éditoriale de Gérontologie et société
courriel : cnavgerontologieetsociete [at] cnav [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Valérie ZILLI
courriel : cnavgerontologieetsociete [at] cnav [dot] fr
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To cite this announcement
« Ce que l’animal fait au vieillissement », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, October 24, 2024, https://doi.org/10.58079/12kgh