C’est à l’occasion de la mise en place du colloque sur l’édition juridique et de la publication de ses actes que nous nous sommes aperçus que le livre juridique restait le parent pauvre de la recherche en histoire du livre. Malgré la tendance forte et récente de l’histoire culturelle du droit qui a permis le développement de travaux dans ce sens, il demeure qu’un programme de recherche fédérateur et complet sur ce thème serait le bienvenu. Il nous apparaît indispensable de construire un projet qui associe aussi bien des historiens·nes du droit que des historiens·nes du livre. 

Participation

Le séminaire est organisé en hybride sur inscription, libre et gratuite mais OBLIGATOIRE, dans la limite des places disponibles. Aussi, nous vous remercions de bien vouloir répondre au questionnaire en ligne.

Argumentaire

C’est à l’occasion de la mise en place du colloque sur l’édition juridique et de la publication de ses actes^[1] que nous nous sommes aperçus que le livre juridique restait le parent pauvre de la recherche en histoire du livre. Malgré la tendance forte et récente de l’histoire culturelle du droit^[2] qui a permis le développement de travaux dans ce sens^[3], il demeure qu’un programme de recherche fédérateur et complet sur ce thème serait le bienvenu. De nombreuses pistes de travail nous apparaissent pertinentes lorsque l’on s’interroge sur les acteurs de l’imprimé juridique et ses publics (de l’auteur aux lecteurs en passant par le libraire-imprimeur) ; sur les usages de ce type d’ouvrages (l’apprentissage du savoir, la réflexion théorique ; la recherche d’une solution pratique ; la prospection d’un part florissante du marché ; etc.) ; sur la matérialité de l’objet juridique (sa forme et l’organisation de sa composition ; sa mise à jour ; l’usage des notes de références ; la place des autorités, l’usage des illustrations, etc.) ; sur la circulation géographique des savoirs (transferts, traduction et diffusion).

Il nous apparaît indispensable de construire un projet qui associe aussi bien des historiens.nes du droit que des historiens.nes du livre. Nous avons constitué un comité scientifique de spécialistes à parité égale entre juristes et historiens.

Notre finalité est de monter un projet de recherche qui serait soumis à l’ANR d’ici deux ans. À cette fin, nous lançons un séminaire annuel de 4 à 5 séances par an, de trois heures chacune sur un thème préalablement choisi avec deux intervenants (20-45mn) et un ou deux discutants.es. Nous envisageons d’associer à ce projet des bibliothèques de droit et éventuellement des éditeurs juridiques.

Programme de 2024-2025

 Lieu   : Salle Saleilles, de la Bibliothèque Cujas (1   er étage)

Durée : 3 heures

Hybride, sur inscription.

1/- Matérialité de l’imprimé juridique

Date : 6 novembre. 2024, 10h-13h

L’austérité apparente du droit n’empêche pas, ni les auteurs, ni les éditeurs d’avoir pensé une variété infinie de mises en forme des textes juridiques, de l’énoncé organisé au commentaire (glose circulaire, linéaire), en passant par la codification, etc. Il demeure surprenant que l’abstraction graphique n’ait jamais été envisagée, au point que certaines questions ont déjà usé de diagrammes, d’arborescences (filiation), voire d’une mise en images (servitudes) favorisant la circulation (pédagogique) des savoirs, sinon l’appropriation des connaissances et des pratiques.

Inscription

• Valérie Hayaert « Le stemma de Cujas ou le juriste à l'œuvre quand il se saisit de l'image »

Il s’agira de montrer comment Cujas reproduit un diagramme de parenté très ancien (IXè siècle) pour le réinventer et le publier en 1564, et nous faire entrer dans la spatialisation détaillée d'un système alors révolu, celui de la chronologie amputée de l'histoire de l'ancienne succession ab intestato. Je m'interrogerai sur la valeur didactique, heuristique et mnémonique de ce diagramme pour montrer l'importance que Cujas accorde à ce document graphique.

Historienne de l'humanisme juridique, je cherche à inscrire mes travaux dans une réflexion de plus longue haleine sur les liens entre les outils de visualisation et le droit pour jauger sa "raison graphique". Un second axe concerne l'iconographie judiciaire et l'iconologie de la justice, à travers l'étude des représentations que l'institution judiciaire donne d'elle-même. Comment se sont formées historiquement, les représentations du juge, de sa mission, et de son éthique? Cette année, je suis chargée d'un cours au collège de Droit de l'Université de Versailles intitulé: "Au delà de l'illustration: Asseoir la Justice grâce aux images" (L3).

• Quentin Epron « L’âge des index (XVI^e-XVII^e siècles) »

Si l’on parle ici d’un « âge des index », c’est afin de réserver aux index des livres de droit une place qui ne les astreint pas exclusivement à un chapitre de l’histoire de l’édition juridique, mais qui les considère également comme des outils intellectuels. Cet aspect est essentiel. Il est pourtant difficile à comprendre pour des lecteurs contemporains : les index n’ont plus l’aura dont ils étaient revêtus à l’époque humaniste ou à l’âge classique. Ils restent aujourd’hui des outils importants mais ils n’ont plus le statut particulier, à la fois pratique et dogmatique, qu’ils avaient alors. L’index imprimé était, à cette époque, la face visible d’une évolution de la science du droit. Leur importance tenait à cette liaison. La confection d’index était indissociable d’une nouvelle appréhension du phénomène juridique, de ses manifestations, de son fonctionnement et de ses fins. Ils emportaient avec eux les usages et les raisonnements d’une nouvelle conception de la scientia iuris qui, en retour, les revêtait d’une autorité, d’une importance qui dépassaient de beaucoup leur simple fonction utilitaire. Ce double mouvement les faisait participer à un mouvement général de redéfinition des « sources du droit » dont ils étaient à la fois le symbole et l’effet. C’est cette articulation entre l’histoire du livre, l’histoire de la pensée et de la culture juridiques que nous essaierons ici de présenter.

Université Paris Panthéon Assas.

2/- (Re)productibilité du texte juridique

5 février 2025, 14h-17h

Le grand paradoxe du droit est d’à la fois se présenter comme un dogme gravé dans la pierre (codification : pierre de Rosette du droit) au sens propre comme au sens figuré (la règle serait immuable, comme d’essence immatérielle, quasi « divine » – ne nous rendons nous pas compte du conservatisme du savoir juridique ?^[4] – et à la fois de devoir être constamment mis à jour pour fournir la dernière information en vigueur et donc applicable ; bref le dernier état du droit. De plus, le droit français ne traque-t-il pas le précédent^[5] ?

Intervenants : Guillaume Richard, Guillaume Leroy.

3/- Travailler avec l’imprimé juridique

2 avril 2025, 14h-17h

Comment se sert-on de la littérature juridique quand on est apprenti-juriste, praticien ou enseignant ? Les méthodes diffèrent : lire la plume à la main chez soi, prendre des notes en bibliothèque, résumer un chapitre de cours, rassembler une documentation sur une question à traiter, souligner des photocopies de décisions judiciaires, etc. L’usage du numérique et la volonté de l’open science ont probablement contribué à transformer nos usages de l’écrit et nos méthodes de recherche^[6].

Intervenants : Yves Le Guillou, Jean-Louis Halpérin. 

4/- Les contraintes juridiques du livre

14 mai 2025, 14h-17h

L’écrit est une arme de propagande que les différents pouvoirs ont parfois combattue allant jusqu’à sa mise à l’Index. Le système du droit de propriété intellectuelle en souhaitant protéger le créateur sur les atteintes portées à son œuvre n’abuse-t-il pas quand l’œuvre comme les résultats de la recherche deviennent des biens communs ?! Le strict respect de la législation la plus récente en cette matière (obtenir l’autorisation d’utiliser une œuvre) ne se heurte-t-il pas avec les principes de l’open access ? Une analyse de l’économie du livre serait indispensable^[7].

Intervenants : Jean-Yves Mollier, Laurent Pfister

5/- Élaboration du projet

4 juin, 14h-17h

La séance sera consacrée à monter le projet à partir d’un état de l’art. Une bibliographie la plus complète possible servira de base à la réflexion et aux débats. Les axes de travail seront mis en place avec sources et méthodes choisies. Nous échafauderons un premier budget de financement ainsi que des livrables. La question du travail comparatif avec les pays européens devra être tranchée. Les partenariats seront recherchés auprès des bibliothèques et des éditeurs spécialisés. L’équipe porteuse du projet sera constituée. 

Comité d’organisation

Robert Carvais, Alexandra Gottely, Viera Rebolledo-Dhuin

Comité scientifique

Patrick Arabeyre, Frédéric Audren, Pierre-Nicolas Barenot, Bruno Blasselle, Emmanuelle Chapron, Géraldine Cazals, Anne-Sophie Chambost, Fatiha Cherfouh-Baïch, Quentin Epron, Sébastien Evrard, Jean-Charles Geslot, Laurence Giavarini, Alexandra Gottely, Laetitia Guerlain, Nader Hakim, Jean-Louis Halpérin, Valérie Hayaert, Sabine Juratic, Yves Le Guillou, Guillaume Leroy, Jean-Dominique Mellot, Véronique Meyer, Jean-Yves Mollier, Laurent Pfister , Yann Potin, Xavier Prévost, Guillaume Richard, Catherine Rideau-Kikuchi, Diane Roussel, Anne Simonin, Valérie Tesnière.

Notes

[1] Robert Carvais et Jean-Louis Halpérin (dir.), L’Histoire de l’édition juridique (XVIe-XXIe siècle). Un état des lieux, Paris, LGDJ, 2021.

[2] Frédéric Audren et Jean-Louis Halpérin, La culture juridique française. Entre mythes et réalités. XIX^e – XX^e siècles, Paris, CNRS Édition, (2013) 2^e ed. 2023.

[3] Voir la collection « Contextes » chez LGDJ dirigée par Anne-Sophie Chambost, la revue en ligne Clio@Themis. Revue électronique d’histoire du droit depuis 2009. Nous pensons également à la création, en 1984, de la « Société pour l’histoire des facultés de droit et de la culture juridique » et de sa revue (Annales, puis Revue) qui a ajouté plus tard dans son titre la mission d’étudier « le monde des juristes et du livre juridique ». Voir également la bibliographie présentée dans l’ouvrage de la note 1, qui formera le matériau de départ d’une bibliothèque partagée sur Zotero, en cours de construction.

[4] François Colonna d’Istria, « La doctrine face aux idées juridiques nouvelles. Réflexion dur le conservatisme du savoir juridique en droit civil », RTDC, 2024, p. 1-24.

[5] Guillaume Leroy, La pratique du précédent en droit français. Étude à partir des avis de l’avocat général à la Cour de cassation et des conclusions du rapporteur public au Conseil d’État, Paris, LGDL, 2023.

[6] Voir le dossier « L’accès aux sources et aux résultats de la recherche sur le droit », coordonné par Isabelle Boucobza, Robert Carvais, Olivier Leclerc et Anne-Charlotte Martineau, à paraître en ligne dans Amplitudes du droit en 2025. Également Camille Girard Chanudet, La justice algorithmique en chantier. Sociologie du travail et des infrastructures de l'Intelligence Artificielle, thèse de sociologie, EHESS, 2023.

[7] Voir à ce sujet deux projets : le premier intitulé « Primary sources on copyright. 1450-1900 » qui rassemblent en libre accès des documents importants relatifs à l'histoire de la législation et de la pratique en matière de droit d'auteur, soutenu depuis 2008 par le Arts and Humanities Research Council (https://www.copyrighthistory.org/) et le second intitulé « ERC project Before copyright: Privileges & Politics: Printing privileges and the circulation of knowledge (14501850) » (Marius Buning, University of Oslo, Max Planck Institute for the History of Science), 2023. Il ne faut pas négliger le projet français « Privilèges de libraires », 2009 (https://privileges-librairie.huma-num.fr/) qui a déjà donné lieu à de précieuses publications.