HomeUne réforme radicale de la démocratie représentative par la participation citoyenne
Published on Friday, November 22, 2024
Abstract
Les démocraties représentatives de nombreux pays sont marquées par une crise de confiance de la part des citoyen·ne·s envers les représentant·e·s politiques et les institutions. Face à ce constat, plusieurs pays – Irlande, Islande, Danemark, France, Belgique, Bolivie, Chili, … – ont tenté de résoudre cette crise démocratique en élaborant et en éprouvant des processus de démocratie participative. Leur progression a permis de mettre en exergue des enjeux centraux de nos sociétés en les questionnant d’une autre manière et en donnant des pistes de solution pour y faire face. Ils peuvent prendre différentes formes et reposer sur différents degrés d’implication des citoyen·ne·s dans la prise de décision. L’émergence de ces processus, ces dernières années, doit être analysée sous différents angles afin de mieux en déterminer les conditions de réussite, de s’assurer de l’implication de la population dans son ensemble et d’éviter les freins, directs ou indirects, à cette participation effective.
Announcement
Argumentaire
Les démocraties représentatives de nombreux pays sont marquées par une crise de confiance de la part des citoyen·ne·s envers les représentant·e·s politiques et les institutions ; un sentiment de désillusion et d’impuissance politique se développe jusqu’à l’abandon, pour une partie de la population, des valeurs démocratiques. Face à ce constat, plusieurs pays – Irlande, Islande, Danemark, France, Belgique, Bolivie, Chili, … – ont tenté de résoudre cette crise démocratique en élaborant et en éprouvant des processus de démocratie participative. Leur progression a permis de mettre en exergue des enjeux centraux de nos sociétés en les questionnant d’une autre manière et en donnant des pistes de solution pour y faire face. Ils peuvent prendre différentes formes et reposer sur différents degrés d’implication des citoyen·ne·s dans la prise de décision. L’émergence de ces processus, ces dernières années, doit être analysée sous différents angles afin de mieux en déterminer les conditions de réussite, de s’assurer de l’implication de la population dans son ensemble et d’éviter les freins, directs ou indirects, à cette participation effective.
La réforme de la démocratie représentative doit se baser sur des expériences nouvelles qui doivent être analysées et améliorées. C’est par des « essais-erreurs » qu’il sera possible de développer des processus rigoureux et novateurs permettant de faire progresser la démocratie. Le présent colloque vise à questionner ces processus tant d’un point de vue théorique que sur la base d’études de cas empiriques et ainsi actualiser et compléter une littérature déjà fournie sur le sujet.
L’appel à propositions s’adresse ainsi à toute personne (quelle que soit son origine géographique ou disciplinaire : sciences juridiques, politiques, sociologie, philosophie, histoire, etc.) intéressée par ces questions. Le programme sera articulé autour de cinq panels brièvement décrits ci-dessous. Les propositions de contribution doivent s’inscrire dans l’un de ces panels.
Panel #1. Les balises des processus participatifs
De nombreux processus sont mis en place par les autorités publiques, à différents niveaux de pouvoir (du local au supranational), avec des résultats très inégaux au niveau de l’impact des citoyen·ne·s sur la prise de décisions et le suivi de ces dernières. Au fil du temps, des chercheur·se·s ont tenté l’exercice consistant à identifier les conditions de réussite de ce type de processus. Quelles sont les conditions les plus fréquemment pointées tant par la littérature que par les expériences de terrain ? Quelles sont à l’inverse les faiblesses qu’ont pu présenter certaines expériences démocratiques participatives ? Ces conditions apparaissent- elles valides en tout temps et quelles que soient les configurations institutionnelles particulières dans lesquelles les dispositifs participatifs prennent cours ou doivent- elles faire l’objet d’une adaptation ? Quels sont les appuis juridiques et administratifs qui ont contribué à assurer une plus grande solidité, qualité et durabilité des processus participatifs ? Comment examiner ce que disent et font les textes de droit à la participation en propre ? Quelles méthodes d’enquête peuvent être déployées pour étudier avec attention les échecs, les ratés, les mises à l’épreuve de la participation ?
Répondre à ces questions, parmi d’autres, semble indispensable en vue de mieux déterminer quelles sont les balises nécessaires à l’efficacité de dispositifs participatifs et susceptibles de contribuer à leur généralisation comme alternative aux mécanismes décisionnels propres à tout régime représentatif. Ce premier panel, relativement général, vise ainsi à faire le point sur les leçons que l’on peut tirer des multiples expériences observées ces dernières année et de la littérature scientifique qui leur a été consacrée.
Panel #2. Les processus participatifs mettent-ils en danger le rôle de la société civile et des corps intermédiaires ?
Si la participation des citoyen·ne·s est présentée comme une des solutions à la crise de la démocratie, elle est aussi vue avec circonspection, sinon avec crainte, par plusieurs organisations de la société civile (notamment les structures historiquement constituées autour de la participation citoyenne) et autres corps intermédiaires comme les structures syndicales, les conseils d’avis ou les fédérations professionnelles. D’après certains discours, la participation citoyenne représenterait une sorte de « nucléarisation » de la société alors qu’historiquement ces structures, représentant une collectivité et généralement basée sur une forte légitimité, ont réussi à se faire une place reconnue et souvent institutionnalisée dans les procédures décisionnelles.
Entre représentation catégorielle et participation individuelle, ce panel vise à comprendre les différents ressorts de cette critique et imaginer les pistes permettant de la dépasser. Comment examiner cette critique d’une participation perçue comme un risque pour les droits sociaux, comme une disqualification des acteurs associatifs et syndicaux, comme un levier pour affaiblir les mécanismes de l’État social ? L’État instrumentaliserait-il les citoyen·ne·s, les panels citoyens, les dispositifs participatifs contre la concertation plus classique avec les organisations syndicales ou les mutualités ? Comment développer une participation plus directe des citoyen·ne·s sans remettre en question le rôle de la société civile et des corps intermédiaires ? Comment développer ces processus en renouvelant leurs rôles pour mieux les renforcer ? Peut-on étudier les formes d’invention et d’innovation démocratique à travers le droit, les textes de loi, les balises juridiques et ses effets sur le sens critique, le formatage des prises de parole et de la participation ? Comment les autorités publiques, gouvernementales ou parlementaires parviennent-elles à articuler dans leurs travaux la nécessaire représentation d’intérêts collectifs et le souci d’inclure les voix citoyennes ?
Panel #3. Processus participatifs face aux ennemis de la démocratie
De nombreux processus participatifs sont axés sur le dialogue ou même la co-construction, pendant tout le processus ou à différentes étapes de celui-ci, entre les citoyen·ne·s et les responsables politiques que sont les membres du parlement, du gouvernement ou des conseils municipaux (ex. Irlande, Belgique, …). Ces processus peuvent-ils poursuivre leur objectif de démocratisation des sociétés avec la participation d’élu·e·s qui poursuivent un objectif opposé, tels que les membres de partis d’extrême-droite ? Faut-il, et si oui comment, appliquer dans ce contexte le cordon sanitaire ? Comment articuler le respect de la volonté populaire exprimée dans le vote et la réticence exprimée par de nombreuses personnes à l’idée de collaborer avec des responsables de partis non-démocratiques ? Dans les pays où l’extrême droite est déjà au pouvoir, ces processus peuvent-ils être une voie de re-démocratisation de la société politique ? Est-ce que les dispositifs participatifs issus du terrain et portés par les citoyen·ne·s eux-mêmes plutôt que par les arènes politiques permettent de mieux négocier ce dilemme ? Observe-t-on d’ailleurs un impact, positif, négatif ou nul, sur le succès électoral de ces partis et l’existence ou non de dispositifs participatifs ? Et enfin, quelle est la position de ces partis par rapport aux dispositifs participatifs et de manière plus large par rapport à une culture participative et délibérative ? Comment enquêter sur les formes de participation et sur la critique de la participation au sein des partis et mouvements d’extrême droite ? Quels enjeux éthiques et méthodologiques mais également politiques se posent pour l’enquêteur scientifique ? Assiste-on à un genre d’instrumentalisation spécifique de la participation par des autorités publiques inspirées par l’extrême droite ? Existe-t-il une participation particulière sur les thèmes considérés comme prioritaires par ces partis et mouvements comme par exemple sur la migration, la sécurité, la position des femmes dans la société, les droits sociaux et économiques ?
Panel #4. La mixité et la non-mixité dans les processus participatifs
La participation citoyenne, sous les différentes formes qu’elle peut prendre, est souvent axée sur la mixité des participant·e·s. Les panels sont souvent représentatifs de la population, avec parfois l’obligation de respecter des critères de genre, de provenance géographique, de formations, de situations socio- économiques, … C’est bien par la rencontre et l’échange entre des personnes qui vivent des réalités différentes et qui présentent des expériences professionnelles et de vie multiples que la délibération s’enrichit et que les décisions qui en ressortent peuvent être plus justes et mieux adaptées à l’ensemble de la société. C’est par la rencontre de l’altérité que les enjeux sociétaux sont mieux appréhendés, dépassant ainsi certains préjugés et stéréotypes.
Mais la mixité peut parfois être vécue avec difficulté. Par exemple, pour les personnes qui vivent dans la grande pauvreté, ces processus délibératifs mixtes pourraient être vécus comme une violence institutionnelle supplémentaire. Leur déroulé concret peut également renforcer certaines logiques de domination, symbolique, sexuée ou ethnique, observables dans la société. S’il existe, de longue date, des associations spécialisées dans la récolte et la diffusion des expériences vécues par les personnes marginalisées, si certaines ont pour objet social de non seulement porter cette parole mais également de l’inscrire au cœur de leurs activités, retrouve-t-on ce type de pratiques dans le cadre de la mise en œuvre de dispositifs participatifs ? Comment étudier les forces et les faiblesses de la multiplication des pédagogies alternatives et critiques utilisées par nombre d’associations, de collectifs citoyens, d’organisations actives en éducation permanente ? Doit-on aménager ces dispositifs en vue par exemple de valoriser la parole de ces populations généralement exclues et à ce titre peu familières des processus décisionnels ?
Faut-il par exemple prévoir des dispositifs non mixtes, ainsi un dispositif exclusivement féminin pour interroger des enjeux qui leur sont spécifiques comme l’interruption volontaire de grossesse ou la procréation médicalement assistée ou rassemblant uniquement des personnes racisées lorsqu’il s’agit d’évaluer les politiques de lutte contre les discriminations ? Bref, quel est l’équilibre permettant, d’une part, grâce à la rencontre de l’altérité, d’enrichir les décisions tout en évitant, d’autre part, des violences sociétales et institutionnelles que ces débats pourraient représenter pour certaines personnes ? Quelles sont les leçons et enseignements des expériences de terrain en Europe ? Quelles sont les promesses démocratiques en termes d’émancipation et les plus grands points de vigilance ?
Panel #5. Quelle place pour les générations futures et les entités non humaines dans les processus participatifs ?
Les processus participatifs permettent de prendre des décisions dépassant le court-termisme régulièrement appliqué et critiqué dans nos démocraties représentatives. Les décisions qui émergent de ces processus participatifs ont dès lors souvent des conséquences pour les générations futures. C’est notamment et particulièrement le cas lorsque ces processus portent sur des enjeux sociétaux comme la transition écologique. Comment intégrer les générations futures dans les dispositifs délibératifs ? Faut-il organiser et si oui sous quelles modalités la représentation d’entités non humaines, végétales ou animales, dans les discussions qui s’y nouent ? Cette prise en compte nécessite-elle une adaptation des méthodologies de participation et laquelle ? Comment en amont identifier les intérêts des générations futures ou des entités non humaines et sous quelles formes peuvent-ils être dûment pris en compte dans les discours experts ou profanes qui alimentent les travaux menés dans le cadre de la démocratie participative ?
Conditions de soumission
Les propositions de communications (max. : 500 mots) doivent être envoyées
avant le lundi 9 décembre 2024
à l’adresse courriel : cdps@ulb.be
Elles doivent indiquer le panel dans lequel elles pourraient s’inscrire et être accompagnées d’une brève biographie de leur auteur·autrice. Les propositions collectives ou émanant de collectifs associatifs sont les bienvenues.
Les renseignements quant aux modalités de soumission d’une proposition de communication et de participation au colloque peuvent être adressées au professeur Julien Pieret à l’adresse suivante : julien.pieret@ulb.be
Le colloque aura lieu à l'université libre de Bruxelles le 13 juin 2025
Comité scientifique
- Anne-Emmanuelle Bourgaux, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, professeure Umons
- Fabrizio Cantelli, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, collaborateur scientifique
- Vincent de Coorebyter, Président du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, professeur ULB
- Thibault Gaudin, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, maître de conférences suppléant ULB
- Mao Lin, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, post-doctorante
- Julien Pieret, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, professeur ULB
- Magali Plovie, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, collaboratrice scientifique
- Jérôme Sohier, Membre du Centre de droit public et social de l'Université libre de Bruxelles, maître de conférences ULB
Subjects
- Law (Main category)
- Society > Political studies > Political science
- Society > Law > Sociology of law
- Society > Political studies > Governance and public policies
Places
- Université libre de Bruxelles - Avenue F.D. Roosevelt 50
Brussels, Belgium (1000)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Monday, December 09, 2024
Attached files
Keywords
- démocratie, représentative, participation, citoyen
Contact(s)
- Julien Pieret
courriel : julien [dot] pieret [at] ulb [dot] be
Reference Urls
Information source
- Soizic Huet
courriel : cdps [at] ulb [dot] be
License
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To cite this announcement
« Une réforme radicale de la démocratie représentative par la participation citoyenne », Call for papers, Calenda, Published on Friday, November 22, 2024, https://doi.org/10.58079/12qq8