HomeLa marche en montagne en tant que pratique langagière, esthétique et politique
Published on Tuesday, November 26, 2024
Abstract
Par rapport à une littérature foisonnante sur le sujet et grâce à la collecte de différents corpus de la part des membres du projet, notre spécificité se situe autour d’une approche multidimensionnelle de la marche éclairant les trois points suivants : la dimension langagière, etshétique et politique. L’analyse des différents corpus et pratiques – performances, interactions audio et vidéoenregistrées à la montagne, entretiens avec les membres de collectifs artistiques et politiques – nous amènera à dresser un bilan sur ces trois dimensions à l’œuvre, à réfléchirà leur possible imbrication afin de mettre en place une approche multidimensionnelle etinterdisciplinaire croisant sciences sociales, pratiques artistiques et somatiques.
Announcement
Présentation
Ce workshop de deux jours est le résultat d’un projet de recherche MSH Lorraine réunissant des chercheur·es et des artistes travaillant sur la marche en tant que pratique langagière, esthétique et politique. Par rapport à une littérature foisonnante sur le sujet et grâce à la collecte de différents corpus de la part des membres du projet, notre spécificité se situe autour d’une approche multidimensionnelle de la marche éclairant les trois points suivants :
1. la dimension langagière : nous nous intéressons aux discours (écrit, oraux, numériques) produits sur la marche de la part de collectifs militants, randonneuses·eurs mais aussi à la marche en tant que discours, narration, pratique interactionnelle et multimodale ;
2. la dimension esthétique : nous travaillons à la fois sur les œuvres ayant fait de la marche une ressource artistique mais également sur les conduites esthétiques des randonneuses·eurs et autres usagers de la montagne. Des récits d’ascension dans la littérature aux performances dans l’art contemporain en passant par les récits ordinaires collectés in-situ, on mobilise la marche en montagne comme un registre d’actions participant à l’émergence d’expériences esthétiques profanes (ordinaires) et professionnelles (artistique) ;
3. la dimension politique : nous nous intéressons à la façon dont la marche dénaturalise et transforme la montagne en espace politique à la fois pour la revendication d’une identité nationale, du côté des mouvements d’extrême droite, ou pour l’émancipation des frontières dans les mouvements de la gauche antagoniste et radicale. Marcher contrairement à escalader permet de dépasser une approche compétitivo-capitaliste de l’agir en montagne tout en interrogeant la dichotomie marcheur sujet actif vs. montagne agent passif.
L’analyse des différents corpus et pratiques – performances, interactions audio et vidéo enregistrées à la montagne, entretiens avec les membres de collectifs artistiques et politiques – nous amènera à dresser un bilan sur ces trois dimensions à l’œuvre, à réfléchir à leur possible imbrication afin de mettre en place une approche multidimensionnelle et interdisciplinaire croisant sciences sociales, pratiques artistiques et somatiques.
Programme
5 décembre 2024
09h30-10h : Accueil des participant·es
- 10h-10h15 : Luca Greco – Introduction et présentation de la journée
- 10h15-10h45 : Luca Greco, La marche en montagne : un assemblage multi-matériel et expérientiel
- 10h45-11h15 : Anne Laure Vernet, S’arrêter pour voir : les photographes de paysage et la pause
11h15-11h45 : Discussion
- 11h45-12h15 : Manuel Houssais - Retour sur une excursion montagnarde à visée pédagogique : workshop Hautes études
12h15-12h30 : Discussion
12h30-14h30 Pause déjeuner
- 14h30-16h00 : Serge Cartellier, Séance collective de la méthode Feldenrkrais autour de la marche
- 16h00-16h30 : Ami Skånberg, Walking like Yamamba : a workshop through Japanese suriashi walking
16h30-17h00 : Discussion
19h30 : Diner en ville
6 décembre 2024
09h15-09h30 : Accueil des participant·es
- 09h30-10h00 : Niko Besnier, Comment ethnographier la marche en montagne dans un contexte néolibéral ?
- 10h00-10h30 : Antoni Collot, Montagne de mousse : rituel festif, performativité et déconstruction des espaces au pied des Alpes
10h30-11h00 : Discussion
- 11h-11h30 : Julien Thiburce, Explorer, documenter et (re)configurer les discours déambulés par la caméra
11h30-12h : Discussion et bilan
Résumés des communications
Luca Greco (Université de Lorraine, CREM)
MAPLEPO : La marche en montagne en tant que pratique langagière, esthétique et politique. Présentation du projet de recherche
Dans cette courte et introductive présentation, je présenterai les lignes directrices du projet de recherche qui a rassemblé des chercheur.es, linguistes, anthropologues, philosophes et théoricien.nes de l’art, des artistes (danse, cinéma, photo) et des practicien.nes de la technique Feldenkrais.
Luca Greco (Université de Lorraine, CREM)
La marche en montagne : un assemblage multi-matériel et expérientiel
A partir d’une ethnographie multisite et multi-sémiotiques, en ligne, en face à face, en Italie et en France sur la marche en montagne en tant que pratique langagière, esthétique et politique, ma communication se penche sur la mise en discours de la marche en tant qu’assemblage multi-matériel et expérientiel. En me focalisant sur un corpus composé d’entretiens avec randonneuses.eurs, d’enregistrements vidéo de randonnées à des fins personnels, politiques et esthétiques, je proposerai une vision de la marche en tant qu’assemblage composé par une multiplicité de matérialités, verbales, non verbales, humaines, non humaines (De Landa 2016, Pennycook 2018). L’analyse de ces extraits me permettra de saisir la marche à la fois comme une rencontre avec plusieurs types d’altérités (environnementales, corporelles, historiques) et relevant d’une expérience politique et poétique (Rancière 2000, Greco 2022).
Manuel Houssais (UL CREM, LIER-FYT Ehess)
Retour sur une excursion montagnarde à visée pédagogique : workshop Hautes études
Pour cette communication, je reviendrai sur un workshop mené en septembre 2018 à destination des étudiants d’une école supérieure d’art afin d’y questionner les enjeux à la fois artistiques et pédagogiques. S’inscrivant dans cette lignée des excursions en montagne à visée éducative, cette expérience a pris la forme d’une randonnée de quatre jours en autonomie dans le parc national du Mercantour. Le groupe était constitué de quinze étudiants, un enseignant, quatre intervenants et moi-même. L’unique consigne donnée aux étudiants était de concevoir un projet dans les conditions particulières du workshop. Chaque jour et afin de nourrir leur réflexion créative, les intervenants ont proposé deux exposés. A cela s’ajoutait des moments d’échanges pendant lesquels les étudiants pouvaient présenter à tous leur projet respectif. A l’issue du workshop, une exposition des travaux des étudiants a été organisée dans l’école d’art d’Angers. En reprenant les enregistrements audio et vidéo réalisés pour documenter l’expérience, j’interrogerai le format de ce workshop afin d’en décrire les pratiques pédagogiques en jeu, leurs implicites et présupposés socio-historiques.
Anne Laure Vernet (Université de Lorraine, CREM)
S’arrêter pour voir : les photographes de paysage et la pause
A partir du travail photographique de Sophie Ristelhueber et de Walter Niedermayr, on interrogera le statut de la pause dans la marche en quête d’images, au plan du suspens de la déambulation. La faveur accordée par ces artistes à la démultiplication mécanique de leurs déplacements dans les espaces de leurs prises de vue jouera paradoxalement comme révélateur de la pause et de ses enjeux dans le déroulé immédiat des gestes photographiques. Plus encore, elle permettra d’avancer quelques questions et hypothèses sur la qualification de différentes acceptions du statut même de la marche dans la photographie de paysage, ainsi que sur leurs liens avec la pause entendue cette fois comme suspens dans un processus de création.
Serge Cartellier (metteur en scène, praticien Feldenkrais)
Séance collective de la méthode Feldenkrais autour de la marche
Pratiquer la méthode Feldenkrais : c’est faire une expérience pour soi en mouvement dans l’espace. Moshé Feldenkrais disait lui-même : une prise de conscience par le mouvement. La méthode Feldenkrais c’est alors aller dans une recherche intime à propos de sa manière d’agir. C’est une découverte de soi ; c’est-à-dire du système complexe que nous sommes et avec lequel nous nous mouvons dans le monde.
Il s’agira, à partir d’une fonction comme la marche, de prendre le temps de sentir, de percevoir et d’écouter ses sensations, ses propres façons d’agir en les observant de manière sensible et, peut-être, de s’en proposer de nouvelles. Au cours de cette séance nous explorerons ensemble une ou deux composantes (ex. : les pieds et le regard) qui participent de la fonction de la marche. On verra comment en se proposant de varier quelques aspects de ces composantes, notre rapport à la marche, à l’espace et au monde s’en trouvent peut-être modifiés.
Moshé Feldenkrais (1904-1984) a élaboré sa méthode - aujourd’hui dite somatique - à partir des années 30 notamment lors de son séjour à Londres pendant la Seconde guerre mondiale. Ensuite, il développe et expérimente la méthode qui porte son nom en Israël pendant plusieurs années. C’est aux États-Unis, à partir des années 70, qu’il a pu diffuser les idées et les concepts qu’il avait développés et expérimentés auparavant.
p.s. : pour la pratique, il n’y a pas besoin d’une tenue spéciale, soyez juste à l’aise. Nous débuterons sans doute le travail dans une salle (imaginez d’être possiblement en chaussettes) et si le temps nous le permet - ce que je nous souhaite - nous irons aussi dans l’espace public extérieur (en chaussures – rassurez-vous !)
Ami Skånberg (Stockholm University of the Arts)
Walking like Yamamba : a workshop through Japanese suriashi walking
We will process the Japanese mythology of Yamanba - the old Mountain Crone through walking. In legends, she is an enigma : ‘she is, simultaneously, a benevolent demon, a supernatural human, and an enlightened being tormented by delusive attachments’ (Brazell, 207, 1998). From the original Noh play by Zeami :
And then there is Yamanba :
birthplace unknown, lodgings uncertain, wandering with clouds and streams,
no mountain depths unreachable
Yamanba as a symbol represents contradictions with regards to grief and madness. She activates thinking around the interpretation of certain societal prejudices – she who has no home must be a mad one, she who wanders alone does not belong to society, she who has no known birthplace is bound to live as an outcast. The Noh play Yamanba by Zeami processes the legend of Yamanba through Buddhist concepts : ‘a she-demon appears before our eyes ; however, when right and wrong are seen as one, form itself is emptiness, and likewise’ (Brazell, 222). Through poetry, Yamanba instead appears as a being entangled with nature, thus praising concepts of non-dualism popular in medieval Japan. Yamanba is portrayed as a being who watches over the mountains and co-exists with the clouds. The words Form then is emptiness, emptiness then is form - shiki sokuze ku ; ku sokuze shiki comes from the much quoted Heart Sutra.
Niko Besnier (La Trobe University Melbourne, Universidade Federal de Santa Catarina)
Comment ethnographier la marche dans un contexte néolibéral ?
La randonnée pédestre, selon Bourdieu, est un des plaisirs de la bourgeoisie dans la France qu’il étudiait dans les années 60 et 70 : individualiste, intellectuelle, axée sur le soin du soi, elle incorporait pour lui les idéologies des classes moyennes qui les distanciaient des autres classes sociales. Plus de cinquante ans plus tard, comment peut-on comprendre cette activité, maintenant beaucoup plus structurée, globalisée et organisée qu’elle l’était à l’époque de ces recherches sur le goût ? La présentation se focalisera sur un projet de recherche ethnographique sur les randonneurs et randonneuses qui s’intéressent aux randonnées de long trajet, en particulier la fameuse Route de Lycie au sud de la Turquie.
Antoni Collot (Université de Lorraine, CREM)
Montagne de mousse : rituel festif, performativité et déconstruction des espaces au pied des Alpes
La soirée mousse à Ribiers, bien plus qu’un événement festif, est une configuration esthétique et sociale qui permet d’explorer des dimensions telles que l’espace, le corps et la fluidité des identités. Située au pied des Alpes, la soirée mousse se déroule dans un contexte où la montagne est omniprésente mais paradoxalement inexplorée, créant une tension entre le village et le massif. La mousse agit comme une matière instable qui redéfinit les relations sociales et les frontières corporelles, à l’instar de la marche en montagne, qui engage une dynamique de déplacement et de transformation. L’analyse convoque des concepts de performativité (Judith Butler) et de communitas (Victor Turner) pour explorer les rituels de libération collective que constitue la soirée mousse, tout en mettant en parallèle la marche en montagne comme pratique immersive qui, elle aussi, interroge les conventions sociales et les rapports de pouvoir. La montagne, bien que visible, reste inoccupée, et la mousse devient un substitut symbolique permettant une immersion sensorielle et une redéfinition des espaces transitoires. Cette communication propose de voir la soirée mousse comme une pratique déstabilisante, une micro-politique de la fête, où les corps et l’espace se redéfinissent constamment, tout en établissant des liens avec la marche en montagne comme expérience de transformation et de fusion avec l’environnement.
Julien Thiburce (UMR 5191 ICAR, CNRS, ENS de Lyon, Univ. Lumière Lyon 2)
Explorer, documenter et (re)configurer les discours déambulés par la caméra
À partir de nombreux travaux menés dans le champ des sciences sociales, la marche constitue tout aussi bien un dispositif d’enquête (une recherche par la marche) qu’un objet épistémologique à part entière (une recherche sur la marche). Les réflexions et expérimentations en esthétique s’en sont emparées notamment pour ses vertus expérientielles et performatives : des « walkscapes » (Careri, 2008) émergent et se dessinent dans la rencontre des marcheurs et de leur environnement, interrogeant les rapports ordinaires sensibles aux espaces. Traduisant cette dimension configuratrice, l’« énonciation piétonnière » étudiée par Michel de Certeau (1990) fait le pont entre activité sociale de déambulation et activité langagière (Ostrowetsky, 1979 ; Augoyard, 1979). Prise dans un ensemble d’arts de faire au/le quotidien, la marche informe, renseigne et dit quelque chose des conduites sociales qui se font jour en situation, des formes d’attention, des déplacements et des recadrages qui s’opèrent en interaction (Goffman, 1974). Dans une perspective des sciences du langage qui fait dialoguer l’analyse des interactions d’inspiration ethnométhodologique (Mondada, 2008) et la sémiotique des pratiques (Fontanille, 2008), ma communication consistera à mettre en regard deux terrains d’enquête des discours dans la ville et sur la ville à travers la marche : les balades urbaines guidées programmées par le musée d’Histoire de la Ville de Lyon (Thiburce, 2015-2018), une médiation culturelle où guides et publics parcourent la ville à pieds en échangeant sur une thématique donnée ; les entretiens déambulés filmés (Pink, 2006 et 2008 ; Thiburce et al., 2022), où chercheur.es et participant.es échangent sur leur rapport à l’espace urbain tout en marchant. Je me focaliserai sur les méthodologies audiovisuelles mises en œuvre pour ce qu’elles permettent d’observer, de documenter et d’analyser des pratiques langagières dans leur dimension écologique, située et incarnée.
Subjects
Places
- Campus Saulcy, Université de Lorraine, Espace Rabelais, salle des thèses, 2ème étage
Metz, France (57)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Thursday, December 05, 2024
- Friday, December 06, 2024
Attached files
Keywords
- montagne, marche, assemblages, art, politique, langage
Contact(s)
- Luca Greco
courriel : luca [dot] greco [at] wanadoo [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Luca Greco
courriel : luca [dot] greco [at] wanadoo [dot] fr
License
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To cite this announcement
« La marche en montagne en tant que pratique langagière, esthétique et politique », Study days, Calenda, Published on Tuesday, November 26, 2024, https://doi.org/10.58079/12rgk