HomePenser et discuter la démocratie écologique. Le droit de l'environnement fait-il société ?

Penser et discuter la démocratie écologique. Le droit de l'environnement fait-il société ?

Colloque annuel de la Société française pour le droit de l'environnement 2025

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Published on Thursday, January 09, 2025

Abstract

Le thème de ce colloque invite à la réflexion sur les différentes déclinaisons de la démocratie et leur liaison avec le droit de l’environnement, en dépassant la réflexion qui serait limitée à une « démocratie environnementale » telle que souvent restreinte à la mise en oeuvre des principes d’information et de participation. À l’échelle de ce colloque, les réflexions proposées par les intervenant(e)s doivent nous conduire à repenser les caractéristiques démocratiques du droit de l’environnement.

Announcement

Colloque annuel de la Société Française pour le Droit de l’Environnement

Université de Reims, les 5, 6 et 7 novembre 2025

Colloque organisé par la Faculté de droit et de science politique de Reims, le Centre de Recherche Droit et Territoire (CRDT) et le Centre d’Études Juridiques sur l’Efficacité des Systèmes Continentaux (CEJESCO)

Orientations scientifiques

Objet et problématique

Le colloque annuel de la SFDE sera organisé en 2025 sur le thème de la démocratie écologique. Par cet appel à propositions, le comité scientifique invite à interroger le concept de démocratie(s) à l’aune des enjeux du droit de l’environnement. La définition classique de la démocratie s’intéresse avant tout à ses caractéristiques en tant que régime politique relatif à l’organisation du pouvoir1 et à sa légitimité2 organisé autour d’un « fonds commun de règles, de mécanismes et de conventions »3. Le thème du présent colloque dépasse cependant les questions à propos de la démocratie dans son sens le plus évident, relatif donc à ces questions d’organisation du pouvoir (démocratie représentative, démocratie directe, semi-directe…). Comme le formule Jean-François Kervégan, « la démocratie ne désigne plus un régime parmi d’autres, mais semble être l’horizon de tout ordre politique légitime »4. Dès lors, nous nous rangeons à l’observation faite par Richard Wittorski et Patrick Obertelli lorsqu’ils avancent que « si le mot démocratie désigne en effet d’abord tout système politique dans lequel le peuple est souverain c’est-à-dire capable par ses contributions de présider aux décisions qui engagent la collectivité, il renvoie tout autant aujourd’hui à un mode de gouvernance sociale donnant la priorité à la parole de chacune et chacun »5. En mettant ainsi l’accent sur la question de la citoyenneté, située en arrière-plan de la démocratie, le présent colloque s’intéresse au droit de l’environnement, comme « une forme de lien social », « un facteur de structuration des rapports sociaux »6, qui dépasse alors la seule dimension politique du concept de démocratie.

Plusieurs incarnations de la démocratie (participative, représentative, délibérative, administrative, environnementale, écologique, etc.), plusieurs exercices démocratiques (consultation, élection, manifestation, recours juridictionnel, etc.) sont ainsi convoqués dans la réflexion collective afin de saisir les différents positionnements des personnes physiques et morales vis-à-vis de la norme environnementale. Plus que les questions techniques de démocratie participative ou de démocratie environnementale, le colloque cherchera à questionner la place faite aux citoyennes et citoyens dans l’élaboration, l’application et l’accueil des règles de gestion, préservation, réparation ou d’information relatives à l’environnement.

Au cœur de ce colloque se situe l’interrogation vive et essentielle du rapport qu’entretiennent les citoyennes et citoyens avec le droit de l’environnement. Est-ce un rapport de défiance, de confiance, d’indifférence ? Cette interrogation est d’autant plus forte aujourd’hui que les juristes, attachés à la démocratie, font face à une crise de celle-ci, les rapports de force installés entre les différents acteurs créant des déséquilibres au détriment de la protection de l’environnement. À l’heure où les régimes autoritaires gagnent du terrain et où la criminalisation des défenseurs de l’environnement se répand, la question des leviers compatibles avec la démocratie se pose avec une acuité particulière.

Le bien-fondé de ces interrogations se fait d’autant plus fort au regard des enjeux liés à la défense de l’environnement. Les bouleversements écologiques et climatiques perturbent directement les conditions d’existence de chaque individu. Dans ce cadre, les normes relatives à l’environnement sont susceptibles de concerner les individus dans chacune de leurs activités, que l’on pense aux transports, au travail, à la santé, à l’alimentation ou au chauffage, aux loisirs.

Face à la transversalité des règles relatives à l’environnement, il est indispensable d’examiner le rapport d’adhésion des citoyens et citoyennes à celles-ci. Ces règles sont perçues par certains comme particulièrement contraignantes alors que d’autres les jugent insuffisantes. Les aspirations diverses sont susceptibles de donner naissance à des conceptions et des priorités multiples voire contradictoires en matière de défense de l’environnement. La question de la réception des règles de protection de l’environnement se pose alors.

Le thème de ce colloque invite à la réflexion sur les différentes déclinaisons de la démocratie et leur liaison avec le droit de l’environnement, en dépassant la réflexion qui serait limitée à une « démocratie environnementale » telle que souvent restreinte à la mise en œuvre des principes d’information et de participation. En effet, sans nous attacher uniquement aux concepts de « démocratie environnementale »7 ou de « démocratie écologique » promu par Dominique Bourg et Kerry Whiteside, nos réflexions se rapprochent de leur affirmation selon laquelle « le défi écologique est indissociablement un défi politique : nous ne le relèverons qu’en modifiant en profondeur nos institutions »8. À l’échelle de ce colloque, les réflexions proposées par les intervenant(e)s doivent nous conduire à repenser les caractéristiques démocratiques du droit de l’environnement.

Les axes présentés infra ne doivent pas limiter l’orientation des propositions, ils ne sont là que pour suggérer certaines pistes de réflexion et tenter de structurer la thématique globale.

1ère piste de réflexion : « Participation »

Dans un contexte de déficit de démocratie tel qu’on le vit aujourd’hui, la piste de réflexion sur la participation est envisagée à travers la question de la participation des citoyennes et citoyens à la production de la norme environnementale.

Les communications pourront concerner la participation des individus ou des associations dans les instances de délibération, à l’élaboration de décisions publiques et à leur accès à la justice. Le rôle des entreprises dans la construction de la norme environnementale à travers les instruments de soft law comme de lobbying pourra être traité. D’autres formes de participation pourront être encore envisagées : participation via l’élection et la représentation, participation via le contentieux et la sollicitation du pouvoir de réformation du juge, etc. Au regard de la difficulté rencontrée d’une participation individuelle, il faut s’interroger sur la question de savoir ce que recouvre la notion de public. Le public
 est-il homogène, hétérogène ? Renvoie-t-il à une addition d’individus, à l’intérêt général ou des intérêts diffus, à des approches plus collectives ?

Enfin, la menace que constitue la dictature écologique9 vis-à-vis des aspirations démocratiques pourra également être interrogée dans le cadre de cette piste de réflexion en particulier à l’aune des limites qu’elle pose à la participation des citoyennes et citoyens.

2e piste de réflexion : « Réception »

Les propositions soumises pourront également répondre à la question de savoir comment les normes environnementales sont reçues par les citoyennes et citoyens. Des enjeux de démocratie peuvent transparaître dans des thèmes comme les caractéristiques de la norme (accessibilité et intelligibilité, effectivité, efficacité et adaptabilité) et les récepteurs (information, éducation). La complexité et la technicité intrinsèque au droit de l’environnement renforcent d’autant les questions relatives à la qualité de la norme juridique.

La question de la légitimité des règles en matière de protection de l’environnement sera susceptible d’être discutée dans ce deuxième axe. Les conceptions de cette protection se diversifient : elles divergent, par exemple, en fonction du caractère individuel, sectoriel, collectif, des intérêts défendus. Si ces phénomènes font écho aux syndromes NIMBY, NEIMBY ou BANANA, ils peuvent également renvoyer aux enjeux de justice sociale et environnementale10. Autre exemple, les mouvements de désobéissance civile ou les regroupements tels que les Soulèvements de la terre viennent directement interroger la question de la licéité ou de la légitimité de la loi.

En lien étroit, la question de la contrainte et de la coercition peut également être abordée. La protection de l’environnement, finalité d’intérêt général, encadre l’exercice des libertés fondamentales, encadrement à réévaluer à la lumière du contexte du dépassement des limites planétaires et de l’urgence écologique et climatique.

De manière plus globale, cette piste de réflexion pourra également être l’occasion de réfléchir au rôle du droit de l’environnement en tant que « médium »11 permettant la mise en place effective de la protection de l’environnement auprès des destinataires de la norme.

3e piste de réflexion : « Contestation »

La troisième piste de réflexion de ce colloque traite des voies de contestation des règles relatives à l’environnement. Peuvent ici être envisagées les différentes formes d’opposition à la norme, mais aussi les reproches de l’insuffisance de la norme. Les voies de la contestation, multiples, peuvent relever des voies légales (action en justice, pétition, manifestation, lanceur d’alerte, lobbying…) comme des voies extra‑légales (mobilisations écologiques, boycott, désobéissance civile…). Les contributions analysant les moyens de défense utilisés au profit des individus concernés seront les bienvenues. De même, les emprunts au vocabulaire du droit pénal comme celui d’éco-terrorisme pour qualifier certains mouvements écologistes d’opposition à la règle juridique pourront être discutés. Le colloque pourrait
 être l’occasion d’ouvrir un espace de réflexion sur l’apport et la pertinence de ces modes de contestation dans l’opposition à la norme environnementale comme dans sa construction.

Enfin, signalons que certaines interrogations pourront couvrir de manière transverse les axes proposés, tels les divers modes d’action des groupements ou associations ou encore la perception des impératifs environnementaux comme étant synonymes d’une « dictature verte ».

Modalités de réponse à l’appel

Le comité scientifique accueille les propositions de contributions qui abordent une problématique sous un angle théorique ou pratique (étude de cas par exemple). Ces réflexions peuvent poursuivre les interrogations formulées dans les pistes de réflexion proposées, voire dépasser ces premières propositions. De même, si le colloque concerne principalement le droit, les contributions examinant ce corps de règles sous l’angle de la sociologie, de la philosophie, de la science politique, de l’anthropologie, de l’histoire… sont les bienvenues.

Modalités d’envoi des propositions

Les propositions de communication (format doc/pdf) sont à adresser par message électronique à colloquesfde2025@gmail.com sous la forme d’un document comprenant :

  • d’une part, une page indiquant le nom de l’auteur, son statut, ses coordonnées, ses principaux travaux, activités ou publications liés au thème ;
  • d’autre part, une à deux pages maximum, anonyme(s), indiquant le titre de la communication ainsi que la présentation de la proposition de communication

au plus tard le 28 février 2025. 

Examen des propositions

Les propositions seront examinées sous forme anonymisée par le comité scientifique.

Les contributeurs et contributrices seront informés en mars 2025 de la décision du comité scientifique. Dans le cas où la contribution serait retenue par le comité scientifique, la première version écrite de celle-ci devra être envoyée par mail pour le 5 novembre 2025, afin de faciliter la publication des actes à la RJE en temps utile eu égard aux contraintes éditoriales. Des modifications pourront toutefois être apportées à cette version écrite postérieurement au colloque.

Composition du comité scientifique

  • Raphaël Brett (Université Paris-Saclay)
  • Marie-Pierre Camproux-Duffrène (Université de Strasbourg)
  • Anaïs Danet (Université de Reims Champagne-Ardenne)
  • Vadim Jeanne (Université de Reims Champagne-Ardenne)
  • Eric Naim-Gesbert (Université Toulouse Capitole)
  • Line Touzeau-Mouflard (Université de Reims Champagne-Ardenne)

Renseignements

  • colloquesfde2025@gmail.com
  • vadim.jeanne@univ-reims.fr
  • line.touzeau@univ-reims.fr

Notes

1 G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadrige », 13e éd., 2020, p. 321.

2 G. Agamben, « Note liminaire sur le concept de démocratie », in G. Agamben et al., Démocratie, dans quel état ?, La Fabrique éditions, 2009, p. 9.

3 D. Chagnollaud de Sabouret, Introduction à la science politique. Éléments de sociologie politique, Lefebvre Dalloz, coll. « Cours », 9e éd., 2024, p. 74.

4 J.-F. Kervégan, « Démocratie », in P. Raynaud et S. Rials, Dictionnaire de philosophie politique, PUF, coll. « Quadrige », 3e éd., 2012, p. 149.

5 R. Wittorski et P. Obertelli, « Introduction : Quelle contribution des recherches en sciences humaines et sociales (SHS) au “faire société” ? », in R. Wittorski et P. Obertelli (dir.), Comment (mieux) faire société ?, Champ social, 2022, p. 8 ; v. aussi, F. Giust-Desprairies et G. Arnaud, « Introduction. Faire société autrement ? », Nouvelle revue de psychosociologie, 2019/2 n° 28, 2019, p. 9-10.

6 P. Noreau, Le droit. Une forme du lien social, PUL, coll. « Sociologie contemporaine », 2023, p. 2 : Le droit « peut être conçu comme un facteur de structuration des rapports sociaux en même temps que comme le produit changeant de ces mêmes rapports. Mécanisme d’ordonnancement, sa signification, ses contenus et les conditions de sa mise en œuvre sont constamment reconstruits socialement. Il ne s’agit pas ici d’un simple paradoxe, mais de la condition même de ce qui signifie “faire société” ».

7 Voir sur les réserves à l’égard du concept de démocratie environnementale, D. Schnapper, in Conseil d’État, La démocratie environnementale. Un cycle de conférences du Conseil d’État, La documentation française, coll. « Droits et Débats », 2013, p. 32.

8 D. Bourg et K. Whiteside, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique, Seuil, coll. « La République des idées », 2010, p. 10 ; voir aussi, J. Zask, « La démocratie est écologique, ou elle n’est pas », in J. Fourniau et al. (dir.), La démocratie écologique. Une pensée indisciplinée, Hermann, p. 49-67.

9 Voir H. Jonas, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, trad. J. Greisch, Paris, Flammarion, coll. « Champs essai », 1995 [1979], p. 280.

10 N. Fraser, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, La Découverte, coll. « Poche », 2011, p. 143.

11 J. Habermas, Droit et démocratie  : entre faits et normes, Gallimard, coll. “NRF essais”, 1997, p. 170 : « À la différence de la morale, le droit ne réglemente pas les contextes d’interaction en général, mais sert de médium permettant à des communautés juridiques qui, au sein de leur environnement social, s’affirment dans des conditions historiques déterminées, de s’organiser elles-mêmes » [Il souligne].

Places

  • Université de Reims
    Reims, France (51)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Friday, February 28, 2025

Keywords

  • Droit de l'environnement, Citoyens, Société, Démocratie, Légitimité

Information source

  • Vadim Jeanne
    courriel : vadim [dot] jeanne [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Penser et discuter la démocratie écologique. Le droit de l'environnement fait-il société ? », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, January 09, 2025, https://doi.org/10.58079/131w7

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