Parole artistique, parole médiatique
Expressão artística, discurso midiático
Parcours et performances politiques au Brésil et en France
Trajetórias e performances políticas no Brasil e na França
Published on Thursday, January 09, 2025
Abstract
Cette rencontre cherche à mettre au jour les parcours, peu connus des publics, de Carolina Maria de Jesus en France et de Françoise Ega au Brésil, afin de poursuivre le dialogue fictif créé entre ces deux femmes du XXe siècle et dont les regards et les réflexions sont encore d’actualité et précieuses pour notre société contemporaine. Ces femmes nous invitent à réfléchir sur les multiples (et ambivalentes) possibilités qu'offre la publication de récits autobiographiques (du livre aux formats éphémères) dans l’espace public élargi : en ligne et hors ligne, au croisement entre médias, politique et recherche. Nous souhaitons ainsi discuter de la manière dont la mise en récit de soi conditionne l’accès à l’espace médiatique et politique des personnes venant des marges. Comment des individus isolés, aux parcours singuliers, deviennent-ils, parfois à leur insu, les porte-paroles d’une réalité collective ?
Announcement
Argumentaire
L’Institut français de presse de l'Université Paris-Panthéon-Assas (IFP) et l’École de communication et d’art de l’Université de São Paulo (ECA/USP) organisent un colloque international dans le cadre des commémorations de l’année France-Brésil.
Cette rencontre cherche à mettre au jour les parcours, peu connus des publics, de Carolina Maria de Jesus en France et de Françoise Ega au Brésil, afin de poursuivre le dialogue fictif créé entre ces deux femmes du XXe siècle et dont les regards et les réflexions sont encore d’actualité et précieuses pour notre société contemporaine. Ces femmes nous invitent à réfléchir sur les multiples (et ambivalentes) possibilités qu'offre la publication de récits autobiographiques (du livre aux formats éphémères) dans l’espace public élargi : en ligne et hors ligne, au croisement entre médias, politique et recherche.
Nous souhaitons ainsi discuter de la manière dont la mise en récit de soi conditionne l’accès à l’espace médiatique et politique des personnes venant des marges. Comment des individus isolés, aux parcours singuliers, deviennent-ils, parfois à leur insu, les porte-paroles d’une réalité collective ? En quoi le passage par les supports culturels leur confère-t-il la possibilité de parole médiatique, au nom d’une pluralité de voix ?
Dans deux pays aux histoires politiques distinctes, avec des paysages médiatiques et des histoires de luttes sociales différenciées, comment ces deux femmes peuvent-elles nous rassembler ? Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega nous permettent d'explorer le silence social et médiatique, et d’éclairer toutes celles et ceux dont la parole est refusée ou non entendue par le plus grand nombre. Comment ces deux figures constituent-elles des archives vivantes des exclus ? En quoi leur absence des espaces institutionnels et de pouvoir reflète-t-elle une marginalisation plus large dans la société ? Elles illustrent une forme d'existence et de résistance par le biais de leurs écrits, transformant leurs récits personnels en témoignages universels.
À travers la publication de leurs ouvrages, elles accèdent à une visibilité médiatique et politique, devenant ainsi les porte-paroles de nombreuses voix en France et au Brésil. Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega sont ainsi devenues des symboles politiques, reconnues pour leurs engagements en s'impliquant dans diverses causes : le droit à la ville, au logement, à l'éducation, à la diversité ethnique et à l’égalité de genre. Ainsi, tout en reconnaissant Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega comme des figures emblématiques, il est important de ne pas les considérer comme un écran, mais plutôt comme des points d’entrée vers une exploration plus vaste d’autres contextes et situations, permettant de questionner les dynamiques sociales, culturelles et politiques qui sous-tendent leurs productions et leurs engagements.
Impliquant des artistes, des chercheurs et des professionnels de la communication, français et brésiliens, cette rencontre poursuit quatre objectifs majeurs :
1. Étudier le récit autobiographique comme stratégie de visibilité pour les groupes marginalisés dans les sphères médiatiques et politiques. Comment leurs récits personnels enrichissent-ils les réflexions autour des vulnérabilités sociales ? Quels enseignements en tirer pour comprendre l'articulation entre identité, mémoire collective et reconnaissance publique ?
2. Explorer les nouvelles formes et reconfigurations des formats d’expression à l'ère des plateformes numériques. Quelles sont aujourd'hui les formes privilégiées pour l'expression de soi ? Sommes-nous limités aux vlogs, vidéos courtes et contenus éphémères ? Quelle est la place des formats traditionnels tels que le livre, la littérature de cordel , ou la correspondance ? Dans quelles conditions ces derniers formats persistent-ils et continuent-ils de jouer un rôle crucial dans la transmission des récits personnels ? Quelles opportunités sont offertes par les plateformes immersives, transmédias ou utilisant des modèles d'intelligence artificielle ? Comment cette nouvelle dynamique affecte-t-elle des marchés consolidés tels que la télévision, la radio, le cinéma, les jeux vidéo et la société du spectacle elle-même ?
3. Interroger la circulation des idées et des récits personnels dans les sphères médiatiques et culturelles. Comment le rapport à la diversité de parcours est-il traduit et discuté dans les œuvres des artistes, journalistes et intellectuels d'aujourd'hui ? En quoi ces récits permettent-ils d’ouvrir de nouveaux horizons pour penser la pluralité des expériences humaines et la reconnaissance des parcours multiples dans l’espace public ?
4. Discuter les circonstances historiques et culturelles qui ont favorisé l'émergence de figures comme Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega sur la scène publique. Comment les groupes sociaux perçus dans une position marginalisée utilisent-ils aujourd'hui les réseaux sociaux et autres plateformes numériques pour subvertir les normes, élaborer des stratégies de visibilité, et mobiliser des tactiques de résistance ? Quelles politiques publiques (post-coloniaux) ont été ou sont encore possibles pour favoriser une plus grande diversité et inclusion dans les processus médiatiques ?
Parcours biographiques
Carolina Maria de Jesus (1914 - 1977)
Caroline Maria de Jesus a embrassé la carrière d'écrivaine après avoir mené une existence marquée par les métiers de femme de ménage et de chiffonnière dans la collecte d’ordures. Elle circulait quotidiennement entre le centre de la ville de São Paulo et le bidonville où elle élevait ses trois enfants : Vera Eunice, João José et José Carlos. Dans la promiscuité de la Favela du Canindé, Carolina Maria de Jesus trouvait une « chambre à soi » à travers la tenue rigoureuse d’un journal intime, une pratique peu commune parmi les classes populaires brésiliennes. Elle décrit sa lutte pour survivre à São Paulo, faisant face à la famine et à l’extrême pauvreté.
Dans les années 1960, certains de ses cahiers personnels ont été compilés en un livre par le journaliste Audálio Dantas, qui a rencontré Carolina Maria de Jesus à la suite d’une enquête de terrain qu’il réalisait dans le quartier où elle vivait. Il est devenu son agent littéraire et orientera sa carrière d’auteure. Cette rencontre fait actuellement l’objet de discussions par la famille de Carolina Maria de Jesus : le journaliste connaissait-il l’existence déjà de l’existence de Carolina Maria de Jesus avant son arrivée au Canindé ? Un premier reportage sur Carolina Maria de Jesus avait déjà été publié dans le journal Folha da Manhã en 1940 sous le titre « Carolina Maria, poetiza preta ». Le récit d’Audálio Dantas, qui affirme avoir « découvert » Carolina Maria de Jesus par hasard, soulève des questions fondamentales sur la notion même de "découverte" et, plus largement, sur le rôle de la médiation journalistique à l’égard des personnes en marge. Qui découvre qui, dans quel but, et qui donne accès à quoi ? Ces interrogations mettent en lumière les dynamiques de pouvoir et les intentions sous-jacentes dans les processus de médiatisation.
La publication au Brésil de l’ouvrage Quarto de Despejo : Diário de uma favelada (1960) permet la mise en visibilité de Carolina Maria de Jesus et lui donne une présence médiatique dans différents titres de la presse brésilienne et internationale . A ces répercussions symboliques s’ajoutent des implications plus personnelles permettant à Carolina Maria de Jesus de quitter le bidonville et de s’installer en ville dans une « casa de alvenaria » en Santana, et ensuite dans une ferme à Embu-Guaçu. Carolina Maria de Jesus est la première femme noire brésilienne à voir son œuvre traduite à l’étranger, en 14 langues. En français, son premier livre est publié sous le titre Le Dépotoir chez Stock, deux ans après sa parution au Brésil (1962).
L'une des trois publications de Carolina Maria de Jesus - le Journal de Bitita - a initialement paru en français aux éditions Métailié en 1982, avant d'être éditée au Brésil en 1986. Ce livre suscite une polémique toujours d'actualité autour de l'œuvre de Carolina Maria de Jesus : le rapport entre l'oralité et l'écriture, entre les différents registres de parole et l'usage d'une langue dépourvue des normes grammaticales, syntaxiques et orthographiques. Entre le livre publié et le manuscrit original, des changements profonds s’observent dans la structure du texte, des omissions, et même l'inclusion de passages, sans le consentement de l'auteure, décédée en 1977. Par exemple, le titre retenu en France, Journal de Bitita, se démarque de celui choisi initialement par l’auteure (Um Brasil para os brasileiros). Ces différences sont emblématiques d’une parole qui pour être entendue se doit se conformer à des normes et stratégies éditoriales, mais également à des normes de visibilité sociale et médiatique, jouant également avec les imaginaires français à propos du Brésil au XXe siècle.
De septembre 2021 à avril 2022, l’Institut Moreira Sales (IMS) a inauguré à São Paulo, en plein cœur de l’Avenida Paulista, une exposition intitulée Um Brasil para os brasileiros, reprenant le titre de l'ouvrage dédié à Carolina Maria de Jesus. L'exposition, organisée par l'anthropologue Hélio Menezes et l'historienne Raquel Barreto, avec la collaboration d'une équipe autonome de l'IMS, est structurée en 16 sections intégrant des extraits, des livres, des cahiers manuscrits, des photographies, des journaux, des vidéos et des documentaires sur Carolina Maria de Jesus, en dialogue avec les œuvres d'artistes visuels brésiliens réalisées entre 1951 et 2021.
Françoise Ega (1920 - 1976)
Françoise Ega a transformé sa vie en un témoignage poignant sur les femmes ultra-marines venues en métropole pour exercer des métiers domestiques tels que le ménage, la garde d'enfants et la cuisine. Arrivée à Marseille au milieu des années 1950, en provenance de la Martinique, Françoise Ega s’installe à La Busserine, au nord de la ville. Elle s’engage comme femme de ménage – ou « bonne à tout faire » - de 1962 à 1964. Elle consigne ses expériences dans des carnets de notes qui deviendront son journal de terrain (ou journal de résistance), un document puissant qui témoigne des conditions des femmes antillaises arrivées en France métropolitaine dans les années 1960.
Françoise Ega a découvert l'existence de Carolina Maria de Jesus à travers un reportage de Paris Match (1962) et a commencé à lui écrire. Bien que ces lettres ne soient jamais parvenues à leur destinataire, elles constituent la matière première du livre de Françoise Ega. Deux ans après sa mort, ses écrits prennent la forme d’un livre, intitulé Lettres à une Noire (L’Harmattan, 1978), réédité par Lux en 2021 et publié la même année en portugais par Todavia. Par leur existence, ces lettres soulèvent la question des dialogues transatlantiques entre l'Europe, l'Afrique et les Amériques, mettant en lumière les rencontres, les partages d'expérience et la construction d'un savoir dépassant les frontières géopolitiques.
Récit à la première personne, Françoise Ega tire de ce qu’on pourrait appeler une ethnographie ordinaire des « éléments de compréhension [qu’elle en retire] nous en apprennent peut-être autant sur [elle-]même que sur les autres ». De la même manière que dans les années 1970, Awa Thiam part à la rencontre des femmes du Mali, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée, du Ghana et du Nigéria pour écrire un livre qui retrace des parcours similaires au sien. Ces récits descriptifs mêlant l'intime et le politique perdurent en France, portés aujourd’hui par des femmes telles que Douce Dibondo (animatrice de podcast, essayiste et autrice), Amandine Gay (réalisatrice, comédienne et autrice), Axelle Jah Njiké (animatrice de podcast, chroniqueuse et auteure) et Kiyémis (blogueuse et autrice).
Le roman autobiographique de Françoise Ega retrace les dialogues et les activités d’un individu directement concerné par les questions qu’il aborde, sans qu’une autre personne n'oriente sa manière de raconter les expériences vécues ou témoignées. Une nouvelle fois, le format livre devient un outil pour redonner la voix aux invisibles, en l’occurrence ces femmes issues des territoires ultra-marins, qui, une fois arrivées en France métropolitaine, voient leur destin scellé en tant qu’employées de maison. La publication devient en quelque sorte une pièce maîtresse dans la construction de la mémoire collective d’un groupe dont l’activité est marquée par la discrétion et la modestie. Un travail invisibilisé réalisé par des femmes qui nettoient le monde (gares, aéroports, musées, villes...), dans une économie où leurs corps sont épuisés . Dans ce contexte, où l’invisibilisation est une caractéristique centrale, on s'intéresse encore très peu aux savoirs qui se construisent par le partage des pratiques, des expériences et des échanges sociaux.
Les femmes venues des Antilles dans les années 1950 et 1960 font l’objet d’une forme de déshumanisation selon Françoise Ega qui utilise l’expression d’« engin convenable ». Celle-ci se cristallise dans les interactions quotidiennes : les difficultés ajoutées aux tâches, les échanges humiliants, les ordres injustes, la réduction au silence et à la solitude. Dans le cas de Françoise Ega, les patrons lui attribuent même un prénom différent, écrasant ainsi son identité et son individualité. Cette expérience ne lui semble pas isolée, Françoise Ega l’estime liée aux politiques publiques, dont la création en 1963 du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer (Bumidom) par Michel Debré en est pour elle le symbole .
Depuis 2019, une rue dans le 14e arrondissement de Marseille porte le nom de Françoise Ega : « Rue Françoise-Ega. Dites Mam’Ega, poète et militante (1920-1976). De même, une association sociale et culturelle porte son nom – Comité Mam’Ega – et lutte contre l’illettrisme et « toute forme d’exclusion au sein du quartier du grand Saint-Barthélemy dans les quartiers nord de la Ville de Marseille ».
Ouvertures et questions de l'actualité
À la croisée de la « diversité des sociétés » et du « dialogue transatlantique », les parcours de Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega soulèvent des questions contemporaines en sciences de l’information et de la communication, tant en France qu'au Brésil.
Axe 1 - Médias, journalisme et récit de soi
Les parcours médiatiques de Carolina Maria de Jesus et de Françoise Ega mettent en lumière la place ambivalente des médias et du journalisme dans la visibilité des « minorités », oscillant entre espace d'émancipation et de stigmatisation. Ces auteures n’ont-elles pas été prisonnières d’un "récit unique" sur leur œuvre qui les cantonne au rôle de femme noire et les réduise au statut de porte-parole de cette partie de la population ? Dans le cas de Carolina Maria de Jesus, les photographies dans les journaux brésiliens de l’époque en témoignent : elle est souvent mise en scène pour représenter ce qu'elle était (une habitante d’un favela), et non ce qu'elle est devenue (une écrivaine). Quelle place les médias et les journalistes accordent-ils aux voix marginalisées ? Et de façon plus générale, quels traitements réservent-ils aux personnes en marge de la société ? Ce désir de construire des récits moins cloisonnés se retrouve plus récemment dans la publication collective Noire n’est pas mon métier (Seuil, 2018). Sous l’impulsion de l’actrice Aïssa Maïga, un groupe de professionnels de l’audiovisuel y retrace leurs parcours professionnels, marqués par les questions de stéréotypes. Il apparaît donc pertinent d’étudier comment Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega, à travers une démarche de lutte et de résistance par l’écriture , ont habilement contourné (ou détourné) la stratégie médiatique du « récit unique » et de la mise en visibilité des minorités.
Axe 2 - Le « style littéraire » dans le parcours des minorités
Récemment, lors de la réédition au Brésil des deux volumes de Casa de Alvenaria (Companhia das Letras, 2021), l'écrivaine et spécialiste en littérature afro-brésilienne Conceição Evaristo et la fille de Carolina Maria de Jesus, Vera Eunice de Jesus, ont intérrogé à nouveau la dimension autour des tentatives de mise en forme des écrits de Carolina Maria de Jesus. Conformer son œuvre aux normes des maisons d’édition standardiserait-elle non seulement sa force, mais aussi son style unique ? Certes, factuellement, Carolina Maria de Jesus ne maîtrisait pas le registre formel de la langue portugaise, puisqu’elle n’a pas pu terminer ses études au collège. Par conséquent, elle ne pouvait pas s’ajuster à la forme soutenue pour s’adresser à ses lecteurs. Cette façon d'écrire ouvre-t-elle des possibilités ou enferme-t-elle Carolina Maria de Jesus dans un stéréotype de classe ? Cela pose aussi la question en filigrane de la dimension sociale du style littéraire, des normes éditoriales et plus largement du travail qui font les maisons d’édition spécialisés. Par exemple, Anacaona, une maison d'édition indépendante spécialisée dans la littérature, les essais et les manifestes écrits par des auteurs et auteures qui traitent de thèmes considérés comme marginaux en France et au Brésil. En quoi neutraliser un texte, pour le rendre standard, contribue-t-il à l'effacement de son caractère original ? Cet axe permet ainsi d'explorer les ruptures que le « style littéraire » de Carolina Maria de Jesus et de Françoise Ega engendrent et inspirent en tant que modes d’auto-représentation . Par ailleurs, une autre ligne de réflexion concerne la création de formes autonomes de publication et l'utilisation d'autres « médias périphériques », tels que les saraus15, les slams16, les cercles littéraires et les fanzines.
Axe 3 - Maintenance, care et visibilité du travail
Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega restituent leur expérience à partir de leur travail domestique au sein d’une sphère privée, renvoyant traditionnellement aux enjeux du soins, souvent dévolus aux femmes (perçues comme racisées). Le care est un concept politique qui interroge la distribution inégale des responsabilités de soin dans la société, ainsi que la manière dont ce travail est réparti et valorisé. L’invisibilité de ce travail (ou le mépris qu’on lui accorde) réalisé quotidiennement par les femmes dans la maintenance des espaces publics et privés doit encore être interrogée. Qui nettoie le monde ? Quelle place et quelles fonctions occupent ces femmes dans la construction des récits médiatiques, culturels et politiques ? La visibilité (ou invisibilité) demeure cruciale dans la médiatisation de certains groupes professionnels, comme en témoignent les 22 mois de grève menés par les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles, entre 2019 et 2021. La pertinence d’étudier les relations entre les productions littéraires et l’engagement collectif de Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega à l’égard des mouvements sociaux de leur époque s’impose. En particulier la réciprocité entre littérature et engagement social : de quelle manière ces écrivaines ont-elles inspirés ces mouvements, et, inversement, comment les mouvements ont nourri leur oeuvres et leur vie.
Axe 4 - L’intime et les formats médiatiques
Les publications de Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega adoptent la forme d’un récit autobiographique, ouvrant ainsi la voie à une réflexion sur la construction de l'intimité et du soi à l'ère des plateformes et réseaux sociaux. L'émergence du récit de soi semble intrinsèquement liée aux avancées du Web 2.0, facilitant la production et le partage de contenu et permettant à des individus ordinaires de s'exprimer. Toutefois, Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega montrent que cette pratique n'est pas nouvelle : l'exposition de soi trouve ses racines dans une pluralité de formats, tels que la correspondance ou les enregistrements sonores.. Par exemple, l’émission radio que la journaliste Émilie Mendy a réalisé une sur les cassettes envoyées par sa grand-mère depuis le Sénégal19. Ainsi, une analyse pourrait s'étendre à explorer comment ces différentes modalités ont permis à travers les générations d’exprimer une parole sur le soi pour accéder à des espaces médiatiques, politiques et culturels.
Conditions de soumission
Les propositions de communication, en français ou en portugais, doivent être envoyées à jaercio-bento.da-silva@u-paris2.fr et schwartz@usp.br
avant le 31 janvier 2025
Elles comporteront :
- Le titre de la communication ;
- Une proposition de 3 000 signes maximum (espaces compris), précisant l’objet de la présentation, son orientation disciplinaire, théorique et méthodologique, sa problématique ainsi que les principaux résultats ;
- Une bibliographie indicative ;
- Une brève biographie ;
Les propositions de communication, une fois rendues anonymes, seront évaluées en double aveugle par des membres du comité scientifique.
Les modalités non académiques (journalistiques, biographiques, artistiques) sont acceptées et pourront être mises en valeur dans la programmation de l'événement.
Les propositions relevant de tous les champs disciplinaires seront examinées : sciences de l’information et de la communication, sociologie, économie, droit, sémiologie, cinéma, anthropologie, histoire, philosophie, art, ingénierie informatique, architecture et urbanisme, politiques publiques et relations internationales.
L'inclusion d'autres personnalités – en plus de Carolina Maria de Jesus et Françoise Ega – est évidemment possible et souhaitée.
Les propositions retenues devront être suivies de la rédaction d'un texte complet (20 000 signes, espaces compris), à soumettre au plus tard le 25 juillet 2025.
Ce document servira aux modérateurs et modératrices des panels et sera transmis au service de traduction simultanée (français-portugais-français).
Calendrier prévisionnel
- Diffusion de l'appel à communications : octobre 2024
-
Date limite de soumission des propositions : 31 janvier 2025
- Envoi des notifications d'acceptation : mars 2025
- Parution du programme : juin 2025
- L’envoi du texte complet de la communication : 25 juillet 2025
- L'événement est prévu du 27 au 29 août 2025, à l’IMS Paulista (São Paulo, SP, Brésil)
Comité d’organisation
- Marie-France Chambat-Houillon, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism)
- Jaércio da Silva, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism)
- Izabela Moi, Agência Mural de Jornalismo das Periferias
- Gilson Schwartz, Universidade de São Paulo (ECA/USP)
- Vitor Souza Lima Blotta, Universidade de São Paulo (ECA/USP)
Comité scientifique
- Rosangêla Aparecida Hilário, Université de São Paulo (Diversitas/USP)
- Rebecca Botelho Portela de Melo, Universidade Federal de Pernambuco (UFPE)
- Manon Cerdan, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism)
- Valérie Devillard, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism
- Raquel de Barros Pinto Miguel, Université fédérale de Santa Catarina (CFH/UFSC)
- Carla Maria dos Santos Silva, Université de São Paulo (Diversitas/USP)
- Roseli Lopes, École Polytechnique de l'Université de São Paulo (EP/USP)
- Cécile Méadel, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism)
- Camila Moreira Cesar, Université Sorbonne-Nouvelle (ICM/Irmeccen)
- Itania Maria Mota Gomes, Universidade Federal da Bahia (Facom/POSCOM)
- Sophie Noël, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism)
- Bibia Pavard, Université Paris-Panthéon-Assas (IFP/Carism)
- Luana Rabetti, Université de São Paulo (Diversitas/USP)
- Maria Angélica Souza Ribeiro, Université de São Paulo (Diversitas/USP)
- Teresa Cristina Teles, Université de São Paulo (Diversitas/USP)
- Victor Vicente, Universidade de São Paulo (ECA/USP)
Ce projet bénéficie du soutien du Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaires sur les médias (Carism), de l'Agência Mural de Jornalismo das Periferias, du groupe UAIFAI – Universos Abertos à Imaginação, à Fantasia e aux Arts de l'Invention de l'Institut d'Études Avancées de l'USP (IEA/USP), de l'Instituto Moreira Salles (IMS), du Groupe de Recherche Journalisme, Droit et Liberté (JDL/ECA/USP) et du Programme de Master Interdisciplinaire en Humanités, Droits et Nouvelles Légitimités (PPGHDL/FFLCH/USP).
Subjects
- Information (Main category)
- Mind and language > Epistemology and methodology > Biographical approaches
- Zones and regions > America > Latin America
- Mind and language > Information > History and sociology of the book
- Zones and regions > Europe > France
- Mind and language > Information > History and sociology of the press
- Periods > Modern > Twentieth century > 1945-1989
- Mind and language > Information > History and sociology of the media
Places
- Sao Paolo, Brazil
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, January 31, 2025
Attached files
Keywords
- Françoise Ega, Carolina Maria de Jesus, publication, récit autobiographique, minorité, travail domestique, care, médias
Reference Urls
Information source
- Jaércio da Silva Jaércio da Silva
courriel : jaercio-bento [dot] da-silva [at] u-paris2 [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Parole artistique, parole médiatique », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, January 09, 2025, https://doi.org/10.58079/131wc