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Au risque du sport

Intégrité corporelle, management de soi et changement climatique

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Published on Friday, January 31, 2025

Abstract

En vue d’allonger la durée de vie des individus, la recommandation d’un sport orienté sur la santé est devenue vive au sein des sociétés contemporaines. La pratique sportive, ou tout du moins physique, fait partie du souci de soi médical ou diététique. Elle présage finalement la quête d’un mieux-être et d’un contrôle sur sa vie. L’appel scientifique porte sur les conduites des acteurs face au sport et aux loisirs sportifs, en questionnant notamment le dépassement de soi, le rapport au corps et l’accès à la nature.

Announcement

Argumentaire

En vue d’allonger la durée de vie des individus, la recommandation d’un sport orienté sur la santé est devenue vive au sein des sociétés contemporaines (Gallenga & Soldani, 2023). La pratique sportive, ou tout du moins physique, fait partie du souci de soi médical ou diététique. Elle présage finalement la quête d’un mieux-être et d’un contrôle sur sa vie. « Bouger » représente le gage d’une existence maîtrisée tel que le martèlent les campagnes de santé publique. La sédentarité est au contraire stigmatisée, symbolisant le laisser-aller. On parle de la « sportivisation » du corps (ou de « sportisation », mais peu importe le néologisme invoqué) où chacun serait responsable de son image. Dans ce sens, l’individu est censé modeler son corps durant son temps libre, en réponse à une attente collective et sociale. L’entretien du corps « athlétique » s’impose ainsi, synonyme de santé. Le corps individuel ne doit plus reposer sur le groupe, et son manque d’entretien devient synonyme de risque en retour. Le sport génère alors un corps technique, un corps mesuré, et ses progrès comme ses entraînements sont « mécanisés ». Dans quelle mesure l’instrumentalisation du corps pousse-t-elle à prendre des risques pour se rapprocher d’un corps idéal au nom d’une meilleure santé ? En quoi cette prise de risque répond-elle à la crainte d’un risque au sein du corps collectif dans la prise en charge des corps considérés comme plus « fragiles » ou « faibles » ? L’individu se trouve-t-il ainsi confronté à une nouvelle injonction paradoxale, celle d’un risque face à un autre ?

Les logiques sportives d’entraînement peuvent produire un rapport au corps instrumentalisé et amener certaines dérives. En effet, le corps devient compétitif, il entre pleinement au service de la performance, au détriment parfois, pour ne pas dire souvent, de la santé de l’individu. Ce corps est sculpté dans une exploitation souvent déformatrice de ses potentialités biologiques : du remodelage de la morphologie à la destruction de l’organisme, que celui-ci soit dû d’ailleurs au dopage ou à l’entraînement intensif. Le dépassement de soi ou encore une gestion du corps rationnellement construit, implique ainsi des risques qui consistent à jouer avec les limites de ce qui est possible et illicite. Le progrès médical mais aussi les nouvelles technologies y contribuent et laissent entrevoir des possibilités d’action sur le corps alimentant le marché du corps. Comment ces nouvelles manières de transformer les corps pour gagner en performance s’organisent-elles au niveau des loisirs sportifs ?

  Ce corps sportif idéalisé (Duret, 1993), largement médiatisé et glorifié (Duret, 1994 ; Vigarello, 2006) est devenu un objet de consommation (Baudrillard, 1986) influençant notre existence corporelle. Se conformer aux normes corporelles existantes (Quéval, 2008), c’est aussi une activité très prisée. Depuis les années 1980, un véritable marché s’est développé (Bessy, 1987), nommé la « vague aérobic » où l’exercice physique et les régimes sont devenus des produits marketing. La société dite « de consommation » semble lui fournir un ensemble de moyens pour sculpter son corps et lui faire vivre des expériences « remarquables » (Andrieu, 2008). Dans ce sens, la « civilisation des loisirs » (Dumazedier, 1964) pousse les individus à se fabriquer un corps idéalisé mais aussi à développer des activités ludo-sportives faisant du milieu naturel (sports terrestres, aquatiques/nautiques et aériens) un nouvel espace de jeu (Bourdeau, 1994). Cet engagement rapprochant de la nature, envisagée comme « source de bien-être » (Perera et Le Roux, 2021), a été amplifié par des expériences collectives récentes, notamment par la période COVID-19 (Charrier, 2021). Il est finalement question de sortir d’un quotidien perçu comme trop aseptisé (Barthelemy, 2002) afin de vivre une aventure hors du commun au cours de laquelle une certaine prise de risque peut avoir lieu. Le jeu entre mesures de sécurité et environnement naturel – laissant entrevoir une issue hasardeuse – crée un climat propice au sentiment de vivre un événement hors norme. La sécurité, souvent augmentée par les nouvelles technologies, joue un rôle dans la sensation de prendre des risques où « la prudence est souvent la meilleure auxiliaire du risque » (Le Breton, 1991).

  In fine, les logiques de sécurité semblent d’autant plus importantes à prendre en compte que les changements climatiques (comme les vagues de chaleur, les diminutions de rendements agricoles, les pénuries d’eau et les inondations) bouleversent les manières de pratiquer des activités de pleine nature (APPN) (Orr & Inoue, 2019). Plus précisément, les changements climatiques constituent un risque à considérer parce qu’il tend à limiter la pratique et l’accès aux APPN. D’une part, l’impraticabilité des APPN peut résulter de phénomènes environnementaux extrêmes tels que la chaleur, la sècheresse ou encore la dégradation des lieux de pratiques, manifestée par des glissements de terrain ou des incendies de forêts par exemple. À une échelle plus locale ou circonscrite, les rapides changements météorologiques nécessitent une nouvelle forme de réactivité pour ne pas prendre de risques inconsidérés face à une rivière qui entre en crue ou une paroi d’escalade devenue trop glissante et, ce faisant, dangereuse, pour ne rendre compte que de quelques cas de figure devenus récurrents. D’autre part, des mesures de limitation des accès aux espaces naturels sont politiquement décidées pour protéger les espaces naturels et la biodiversité. Les activités incluant des animaux, le cheval par exemple, semblent autant travaillées par ces mêmes problématiques, si ce n’est plus en fonction de la place qu’ils occupent au sein de la pratique concernée et des effets multiples que ces changements peuvent avoir sur eux.

 Ce colloque s’intéresse de façon appuyée aux conduites du sport-santé et à la recherche d’aventure, qui peuvent paraître naturelles, mais sont en réalité des comportements sociaux et culturels (Elias, 1993). Sous les effets du pouvoir médical, la responsabilité de soi, la pression des marchés, le corps se façonne, « se redresse » (Vigarello, 2004), se normalise et la recherche de sensations devient une prise de risque plus ou moins contrôlée. L’exercice devient un impératif catégorique rationalisé, une obsession, marquant le glissement vers un idéal qui combine, ou veut associer, santé et performance. Et même si on assiste au développement de nouvelles pratiques de loisirs sportifs, qui valorisent davantage la recherche de sensation que de performance, celles-ci n’échappent pas aux logiques d’une recherche d’une meilleure santé et interrogent la juste mesure, sur le rapport entre risque et sécurité, liberté et servitude, de l’engagement de soi. Il se joue également un rapprochement avec la nature, dont il s’agirait aussi de comprendre ce qu’elle représente pour les acteurs, de plus en plus marqué par le biais de la pratique physique constitutive d’une gestion de soi et de son propre bien-être. Composer avec les risques climatiques, dans le cadre des sports de nature ou de plein air, soulève non seulement de nouveaux enjeux de santé publique (risques accrus pour la santé de ceux qui y accèdent) mais aussi des enjeux sociaux d’accès aux espaces naturels (risques de non praticabilité des espaces et/ou de restriction d’accès). Ces enjeux cristallisent une tension entre la nécessité de préserver les espaces naturels et le bien-être associé à la pratique physique et/ou sportive au sein de ces espaces.

Axe 1 : Dépassements sportifs : management du corps et gestion des risques

La gestion du capital humain, entendue comme un ensemble d’outils régissant le rapport que l’individu entretient avec l’organisation, apparaît comme un dispositif technique et symbolique (Townley, 1994 ; Alvesson, Karrëman, 2007) encourageant des formes de contrôle de soi au sein de différents types d’organisations : entreprises, associations, clubs sportifs, etc. Être efficace, performant, heureux et compétent, l’activation de soi et ses techniques de développement collectif ou individuel sont omniprésentes. Ainsi, de l’homme entrepreneurial (Broeckling, 2016) à l’individu investisseur de lui-même (Feher, 2017) en passant par l’homme créatif (Reckwitz, 2017), les processus de subjectivation (Brown, 2003 ; Butler, 1997 ; Foucault, 1994) trouvent dans le sport un terreau tout particulièrement favorable à des façons d’être et de se comporter pour toujours se transformer.

L’entraînement qui s’impose de nos jours, pour atteindre un corps compétitif, est l’héritage des méthodes hygiéniques qui ont longtemps œuvré pour un corps santé, au point de devenir le maître-mot des pédagogies en éducation physique (Bourdelais, 2001). Au début du siècle, l’hébertisme propose un développement méthodique et des formations physiques (Delaplace, 2005). Cette méthode est rapidement rejointe et concurrencée par la « gymnastique suédoise » de Philippe Tissié, faite de mouvements aussi rigides que rigoureux (Saint-Martin, 2006). À la même période, Edmond Desbonnet cherche à « fabriquer des athlètes complet » grâce à l’utilisation d’haltères (Andrieu, 2014).

L’approche méthodique de l’effort a bien évolué depuis, et les sportifs cherchent une pleine exploitation des potentialités biologiques au risque de la blessure, d’un entraînement intensif et de l’usage de produits dopants. Ces dérives sont le prix à payer pour atteindre un corps idéalisé, qui ne peut être envisagé que rationnellement construit. La recherche d’un constant « dépassement de soi » peut conduire au dopage. Le sport de haut niveau est considéré comme un « laboratoire expérimental » de ce repoussement des limites personnelles (Queval, 2001 ; Rouanet, 2014). La diététique, la musculation, jusqu’au dopage, sont les outils modernes d’une gestion du corps. Par ailleurs, outre le dopage, les dérives liées à l’instrumentalisation du corps sous toutes ses formes commencent à être dénoncées.

L’usage du corps, parfois jusqu’à l’usure – très présente dans la compétition de haut niveau, mais pas seulement –, et la recherche constante de l’augmentation de ses capacités (par l’entraînement, le dopage, ou l’utilisation de matériel comme extension de leur corporéité), dans le sillage de celle de performances, finissent par entrer en collision, voire en contradiction, avec la dimension hygiénique de l’exercice physique, aujourd’hui reconnu comme nécessaire à l’équilibre de l’individu et à sa santé, aussi bien physique que mentale (Ehrenberg, Mongin & Vigarello, 1999). Le dopage peut pousser le corps dans ses ultimes retranchements (Vigarello, 1999 ; Vigarello & Béja, 2013), et son inscription dans le système plus large de la compétition sportive pose la question de son contrôle mais aussi de la légitimité et du sens de la lutte engagé contre lui (Bodin & Sempé, 2012). Où doit se placer la gestion des risques et qui doit en être le garant ?

Cette mise en jeu des corps contraint des sportifs professionnels, répondant de plus en plus aux canons de l’entrepreneur du soi, à gérer leurs efforts et à temporiser certaines injonctions (de leur milieu, de leur fédération, de leur club, etc.) pour préserver leur capital corporel qui est aussi leur principal outil de travail et source de revenus. Une carrière se construit aussi sur la gestion des blessures et des excès auxquels la pratique régulière intense expose de manière prononcée. Cette gestion ambivalente du corps, en réponse aux injonctions paradoxales de la pratique, vient souligner un peu plus visiblement l’écart entre le quotidien du sportif et les représentations extérieures, celle du public ou des financeurs, qui portent sur ce même quotidien et la finalité même du sport.

Le corps rationnel, le corps du futur, est aussi celui du présent surinvesti, la matière sensible par laquelle se fabrique l’existence et plus que jamais sur laquelle se centre l’identité. Le corps rationnel fait par la raison, tend à se conformer à des caractéristiques supposées ou fantasmées : supposées car le corps est notre reflet en perpétuel incarnation de ce que l’on est ; et fantasmées, lorsqu’il renvoie à une perspective techno-scientifique de l’identité humaine. Il s’agit de cerner la dimension contemporaine d’un projet d’appropriation et de production du corps par la rationalité, notamment celui du sportif de haut niveau (Howe, 2004), qui est aussi projet de construction identitaire impliquant une part de risques.

Ainsi le corps, pris dans sa dimension d’objet, et fruit de techniques toujours plus poussées, crée l’ambiguïté et suscite de nouvelles interrogations face aux comportements déviants : homme mécanique ou homme mutant ? Corps idéalisé ou corps déformé ?

Axe 2 : L’accès aux loisirs sportifs face aux changements climatiques

Le temps libre dédié à l’entretien du corps est aussi l’occasion de s’aventurer vers des activités de pleine nature. « La nature s’est réaffirmée comme un référent culturel et idéologique majeur pour les civilisations urbaines » (Bourdeau, 1994, p. 6). Un marché se développe autour de nouvelles formes de lieux de pratique et s’accompagne de l’émergence d’imaginaires culturels inouïs et de structures renouvelées. Celles-ci nécessitent de multiples innovations techniques et une grande créativité en termes d’aménagement (Mao et al., 2013). Ces « formes se font jour en explorant de manière explicite ou implicite des modèles de relation inédits aux temps, lieux et usages de l’Ailleurs » (Bourdeau, 2012, p. 31). Elles sont aussi une source de sensations où la prise de risque est discutable. Les nouveaux « aventuriers » vont choisir une destination propice à l’exercice d’activités de pratiques qui peuvent être : terrestres (la randonnée pédestre, équestre, à ski, l’alpinisme, l’escalade, le trekking, le vélo tout terrain et la spéléologie), aquatiques et nautiques (voile, planche à voile, sport d’eau vive, rafting, canoë-kayak et plongée sous-marine) et aériens (deltaplane, parapente et vol à voile) (Bourdeau, 1994). Dans ce sens, « Les touristes veulent échapper le temps d’un séjour à nos sociétés hyper sécurisées » (Le Breton, 1991). De nombreux voyages d’aventure sont commercialisés par des Tours opérateurs proposant des séjours de pratiques sportives en harmonie avec la nature ou encore des rencontres avec les populations locales. Ils intègrent dans ce genre de voyage une part de risque mesurée mais qui participe à la qualité de l’expérience recherchée (Ladwein, 2005). En jouant par exemple sur les consignes de sécurité, le Tour opérateur participe à créer des sensations de prise de risques, un climat propice au sentiment de vivre une aventure (Barthelemy, 2002).

Par ailleurs, comme le souligne Le Breton (1991), l’aventure est aussi un projet de communication. Chacun souhaite partager l’expérience de son aventure sur les réseaux sociaux avec des preuves à l’appui. Dans quelle mesure l’utilisation de nouveaux outils vidéo pousse-t-elle à une mise en scène de soi risquée ? Il est question également de s’attarder sur les sports dits « à risques » (comme le BASE-Jump) (Martha & Griffet 2006 ; Raveneau, 2006), comme pinacle de la recherche de sensations fortes. On peut dès lors s’interroger sur la gestion et l’euphémisation du risque dans des pratiques où il constitue un paramètre central (comme l’escalade). Il est possible de s’interroger aussi sur les glissements dans les représentations qui ont fait de ces pratiques autrefois considérées comme « déviantes » (Donnelly, 1985), un levier de conquêtes de territoires encore inexplorés.

De nos jours le risque est d’autant plus en débat que les changements climatiques font évoluer les modes d’engagement aux APPN ainsi que leur accès. À ce sujet, l’exemple des arrêtés relatifs à la sécheresse illustre comment des seuils sont établis pour interdire certaines pratiques aquatiques, comme le canoë-kayak ou le canyoning. Par ailleurs, la mise en œuvre de réglementations visant à limiter le risque d’incendie entraîne la fermeture temporaire de massifs forestiers prisés par les amateurs de sports de nature. Le changement climatique impacte également les comportements des sportifs et des touristes, avec une prise de conscience des risques qui rapproche de la tendance au « slow sport » intégrant un engagement en connexion avec l’environnement, compris à la fois comme naturel et social. Les activités de loisirs ainsi pratiquées interviennent dans l’aménagement des paysages, et les initiatives sportives encouragent la participation à la sensibilisation et à la préservation du patrimoine naturel. Ces initiatives sont d’autant plus intéressantes à étudier que les flux touristiques évoluent avec des tendances de la fréquentation estivale en diminution sur les littoraux contre une hausse des régions tempérées. Des politiques publiques sont aussi progressivement élaborées et mises en œuvre dans le sens d’une préservation croissante des milieux naturels, mais à des rythmes souvent insatisfaisants pour les défenseurs de l’environnement et en déléguant parfois aux acteurs locaux la responsabilité de les réaliser sans pour autant leur en fournir les moyens, financiers notamment.

Les enjeux de cet axe concernent donc l’accessibilité mais aussi la pérennisation des lieux de pratique de pleine nature ainsi que des réflexions de la part des territoires d’une maitrise des fréquentations et de leurs effets. Dans une société où les sports de nature sont toujours très socialement clivants, ou discriminants, les restrictions d’accès aux espaces naturels ne risquent-ils pas de renforcer les inégalités sociales déjà fortement présentes ? La régulation des accès aux espaces peut-elle indirectement renforcer les difficultés d’accès à la nature de populations qui en sont déjà éloignées pour de multiples raisons (handicap, santé, sociales, genre…) ?

Axe 3 : Les acteurs du sport : entre intégrité corporelle et agentivité éthique

L’éthique du sport dépend désormais « démocratiquement » (Callède, 1998 ; Eichberg, 2010) de ses agents pour exister sur les terrains de sport mais aussi dans les différents comités d’éthiques des fédérations et institutions. L’agentivité des acteurs (Scott, 1977) et actrices du sport, par leur engagement corporel (Soulé et Corneloup 2007), s’oppose à une conception passive de l’éthique qui consisterait à attendre l’application de règlements et de sanctions pour bien agir. Par leurs actes, les sportifs (Andrieu, 2011) peuvent manifester des valeurs éthiques alternatives à travers de nouvelles pratiques en s’adossant à une « conscience corporelle » (Vigarello, 1985 : 320) qu’aucune institution ne pourra (leur) imposer. Tel semble être l’enjeu des engagements, manifestations et autres innovations techniques et éthiques. Par leurs actes les sportifs interrogent les normes, critiquent les normalités, et participent à l’émergence de la normativité éthique contre la normalisation morale des comportements. En incarnant des valeurs inédites, leur indépendance surgit en agissant de manière autonome dans le monde du sport et en renouvelant le sens à donner à l’action. 

L’émergence de la body agency révèle des agents minoritaires et inventeurs de nouveaux modes de descriptions vécues des pratiques corporelles du sport comme le corps hybridé d’Oscar Pistorius (Marcellini et al., 2010), le corps dopé et testoroné de Heidi Krieger devenu depuis Andréas, le corps hermaphrodite de la Sud-Africaine Caster Semenya, la main de Thierry Henry, le coup de tête de Zinédine Zidane, ou le corps violé d’Isabelle Demongeot (Demongeot, 2007), la grève de l’entraînement par des joueurs de l’équipe de France, les insultes publiques contre les entraineurs de Cantona à Anelka, ou les trois athlètes noir-américains Lee Evans, Larry James et Ronald Freeman qui salueront les spectateurs poings levés, bérets noirs vissés sur la tête et sourire aux lèvres. L’auto-organisation des sportifs de rue (Gasparini et Vieille-Marchiset, 2008) prouve combien la pratique définit ses propres règles.

Les acteurs du sport, par leur agentivité éthique, sont désormais au centre de la production éthique des normes sportives dans ce que Canguilhem appelait la normativité comme création de nouvelles normes subjectives : les femmes (Bois, 1976 ; Carton-Missoum, 1985 ; Davisse & Louveau, 1991 ; Velez, 2010), gender (Bohuon, 2008), le care, le sport colonial, la discrimination, la guerre, les violences (Mouret, 1975 ; Sabatier, 1993), et d’autres part par une incarnation des acteurs et actrices du sport qui se constituent en objet d’étude ouvrant de nouvelles lectures des pratiques, des éthos : les rugbymen (Darbon, 1995, 1999 ; Saouter, 2000), les basketteurs de rue (Vieille-Marchiset, 1998) les supporters (Charrion, 1994 ; Beccarini, 2001), les body-builders (Roussel, 2000 ; Perera, 2017), les dopés (Coste et al., 2017), les prisonniers (Courtine, 1980, 1998 ; Garnier, Minotti, 1993 ; Sempé, 2007), les alpinistes (Lejeune, 1974 ; Lefèvre, 2004), les grimpeurs comme lieu anthropologique (Leséleuc, 2000), les surfers (Sayeux, 2008), hooligans (Bodin, 1998), les naturistes (Bauberot, 1998, Villaret, 2001 ; Barthe-Deloizy, 2003), les médecins (Quin, 2011), l’écologie (Sirost, 2009 ; Andrieu, 2011), les personnes handicapées (Seguillon, 1998), hybrides (Andrieu, 2008), lesbiennes (Gury, 1999), androgynes (Gassel, 2000) ou blessées...

Le harcèlement sexuel, présent dès 1986 dans la communauté scientifique (Crossett, 1986 ; Brackenridge, 1987 ; Lenskyj, 1992a ; 1992b) au Canada, Australie et Royaume Uni, est devenu un problème éthique depuis une dizaine d’années (Kirby & Greaves, 1996 ; Cense, 1997 ; Brackenridge, 2001 ; Leahy et al., 2002 ; Fasting et al., 2003 ; Fasting et al., 2004) dans la communauté internationale dans la relation entraîneur-entraîné(e) (Brackenridge,1997 ; 2001) avant que des voies procédurales et juridiques ne soient mises en œuvre (Demongeot, 2007) : trois catégories de relation sont maintenant dégagées, « typology that consists of three main types : (1) The Flirting-Charming Coach ; (2) The Seductive Coach ; and (3) The Authoritarian Coach » (Fasting, & Brackenridge, 2009 : 21). En distinguant le harcèlement (Pryor, & Whalen, 1997) de l’abus sexuel, la difficulté de définir des profils types n’interdit pas de poser la question de la confiance dans la relation de pouvoir (Shogan, 1991 ; Tomlinson, Yorganci, 1997 ; Burke, 2001) paternaliste qui s’instaure entre l’entraîneur et l’entraîné(e) : ainsi la valorisation ou non de l’estime de soi dans un système performance/récompense autoriserait l’entraineur à étendre son pouvoir jusque dans la sphère privée ; l’inégalité situationnelle entre les deux personnes est non contractualisée si bien que les valeurs morales pourraient suffire à contenir les investigations et les dépassements de limite que toute action éducative.

Modalités de soumission

Les communications orales (20 minutes et 10 minutes de discussion) se feront soit en français, soit en anglais ; les langues officielles du colloque. Le résumé proposé doit être formaté de la manière suivante : Titre de la proposition, (Times, 12, aligné à gauche) Nom du ou des auteurs, adresse (Times, 12, aligné à gauche) Résumé de 300 mots maximum (Times, 12, justifié). Mots-clefs : 5 mots-clefs précisant bien les thèmes et les champs scientifiques. Les propositions de communication sont à envoyer aux adresses électroniques suivantes : eric.perera@umontpellier.fr & jeromesoldani@hotmail.fr

avant le 3 mars 2024

Informations : https://santesih.edu.umontpellier.fr/congres/

Comité d'organisation

Il est co-organisé par les laboratoires suivants :

  • SantESiH (Santé Education Situations de Handicap, UR_UM211) Université de Montpellier,
  • pôle SOC ;
  • UMR SENS (Savoirs, environnement, sociétés), Université Paul-Valéry Montpellier 3 ;
  • LIREM, Université de Pau et ses pays de l’Adour ;
  • I3SP - EA 3625 (l'Institut des Sciences du Sport-Santé de Paris) Université Paris Descartes.

Le comité d’organisation est composé de :

  • Bernard Andrieu, PU, Université de Paris-Cité
  • Alexiane Coqueret, doctorante, Université de Paris-Cité
  • Frédéric Gal, Doctorant, Université de Montpellier
  • André Galy, PAST, Université de Montpellier
  • Nathalie Le Roux, MCU, Université de Montpellier
  • Gilles Lecocq, PR, Institut Catholique de Paris
  • Olivier Obin, PAST, Université de Montpellier
  • Eric Perera, PU - Université de Montpellier
  • Camille Ricaud, MCU - Université de Pau & des pays de l’Adour
  • Thomas Riffaud, chercheur associé, Université de Montpellier
  • Maguelone Rouvarel, doctorante, Université de Montpellier
  • Anne-Sophie Sayeux, MCU, Université Clermont-Auvergne
  • Jérôme Soldani, MCU - Université Montpellier 3

Comité scientifique

  • Agostinucci Marie, Maître de Conférences, Université de Strasbourg (France)
  • Anastasovski Ivan, Professeur, Université de Ss Cyril and Methodius Skopje (Macédoine)
  • Andoh Armelle, Maître Assistant, Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d'Ivoire)
  • Ba Ousmane, Professeur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
  • Boutroy Eric, Maître de Conférences, Université de Lyon (France)
  • Campillo Philippe, Maître de Conférences, Université Lille 2 (France)
  • Diallo Souleymane, Professeur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
  • Diop Mountaga, Professeur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
  • Diouf Douada, Professeur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
  • Fall Ibrahima, Professeur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
  • Fauré Laurent, Maître de conférences, Université Montpellier 3 (France)
  • Gjeloshaj Kolë, Collaborateur Scientifique, Université Libre de Bruxelles (Belgique)
  • Héas Stéphane, Professeur, Université Rennes 2 (France)
  • Kinnunen Taïna, University lecturer of Cultural Anthropology, University of Eastern (Finlande)
  • Lecocq Gilles, Professeur, Institut Catholique de Paris (France)
  • Le Henaff Yannick, Maître de Conférences, Université de Rouen (France)
  • Lebreton Florian, Maître de Conférences, Université du Liottoral Côte d’Opale (France)
  • Lima Neto Avelino de, Enseignant-chercheur, IFRN, Natal, RN (Brésil)
  • Lognon Jean-Louis, Maître Assistant, Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d'Ivoire)
  • Loum Mbacke Fatou Dame, Professeur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
  • Mao Pascal, Maître de Conférences, Université Grenoble Alpes (France) Márcio Marreiro das Chagas, Enseignant-chercheur, IFE ST, Rio Grande do Norte (Brésil)
  • Marsac Antoine, Maître de Conférences, Université Gustave Eiffel (France)
  • Matichescu Marius, Lecteur universitaire, Université Ouest de Timisoara (Roumanie)
  • Mendes Isabel, Professeur, UFRN, Natal, RN (Brésil)
  • Noblega Petrucia da, Professeur, UFRN, Natal, RN (Brésil)
  • Pappous Sakis, Reader, Université de Kent (Angleterre)
  • Perrin-Malterre Clémence, Maître de Conférences, Université Savoie Mont-Blanc (France)
  • Petracovschi Simona, Maître de Conférences, Université Ouest de Timisoara (Roumanie)
  • Richard Arnaud, Professeur, Université de Toulon (France)
  • Ruffié Sébastien, Professeur, Université des Antilles Guyane (France)
  • Soulé Bastien, Professeur, Université de Lyon (France)
  • Tuaillon Demésy Audrez, Professeure, Université de Franche-Comté (France)
  • Vallet Guillaume, Maître de Conférences HDR, Université de Grenoble (France)
  • Villoing Gaël, Maître de Conférences, Université des Antilles Guyane (France)

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Places

  • UFR STAPS Montpellier - 700 avenue du Pic Saint-Loup
    Montpellier, France (34)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Monday, March 03, 2025

Keywords

  • sport, loisirs, risque, corps, changement climatique

Contact(s)

  • Eric Perera
    courriel : eric [dot] perera [at] umontpellier [dot] fr

Reference Urls

Information source

  • Eric Perera
    courriel : eric [dot] perera [at] umontpellier [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Au risque du sport », Call for papers, Calenda, Published on Friday, January 31, 2025, https://doi.org/10.58079/137p3

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