Le substantif « enfermement » désigne à la fois une action, celle d’enfermer, et le résultat de cette action, le fait d’être enfermé. Dans le cadre de ce colloque, au-delà des établissements qui font figure de proue en matière d’enfermement, nous proposons de questionner les différentes formes plus subtiles et moins radicales que revêt l’enfermement dans d’autres contextes institutionnels et spatiaux. Il ne s’agit donc pas de circonscrire la notion à ce que recouvrent les concepts de discipline et d’institution totale, mais d’appréhender l’enfermement sous ses multiples facettes et au regard de ses différentes échelles d’intensité.

Organisé par le Réseau Thématique « Normes, déviances et réactions sociales » de l’Association Française de Sociologie (AFS) avec le laboratoire CeRIES de l’Université de Lille en partenariat avec l’IUT Carrières sociales de l’Université de Lille, le Centre de recherche sur les sociétés et environnements en Méditerranées (CRESEM) de l’UPVD et l’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales (ACOFIS).

Argumentaire

Le substantif « enfermement » désigne à la fois une action, celle d’enfermer, et le résultat de cette action, le fait d’être enfermé. Le verbe « enfermer » nomme, quant à lui, l’action de « mettre en un lieu d’où il est impossible de sortir », « mettre dans un lieu clos », « entourer complètement (un terrain, un espace) », ou encore, dans un cadre sportif, « serrer (un concurrent) à la corde, ou à l’intérieur du peloton, de façon à briser son élan » (Dictionnaire Robert en ligne).

Les sciences sociales se sont intéressées aux phénomènes qui entourent cette notion à partir de plusieurs angles : recherches portant sur la prison, l’hôpital, les asiles, les hospices, les institutions policières, les espaces de ségrégation ou encore les centres d’hébergement. De manière transversale, les travaux s’interrogent sur les modes de graduation de « l’enfermement » et les formes de régulation qui structurent la société.

Cet appel à communication souhaite approcher la notion d’enfermement de façon plus circonscrite. Nous souhaitons donner à cette notion issue du sens commun davantage d’épaisseur sociologique et permettre une meilleure prise analytique à des processus ou des expériences qui ne correspondent pas complètement aux concepts désormais classiques pour penser la coercition – « institution totale » (Goffman, 1968), « dispositifs disciplinaires » (Foucault, 1975), « carcéralité » (Chantraine, Delcourt, 2019), « contrôle » (Deleuze, 1986) … En somme, nous nous intéressons en particulier aux institutions et espaces par, au sein et autour desquels s’accomplissent « les enfermements » et « les désenfermements ».

Dans les années 1950, le sociologue Erving Goffman construit le concept idéal-typique d’institution totale à partir de son « étude sur la condition sociale des malades mentaux » (Goffman, 1968). Bien qu’il se fonde sur une enquête de terrain dans un hôpital psychiatrique américain, le concept étend sa portée analytique à d’autres groupes d’institutions présentant des traits caractéristiques semblables (hôpitaux, prisons, casernes, monastères, camps de concentration…). Selon Goffman, une institution totale désigne « un lieu de résidence et de travail, où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées » (Ibidem, 1968, p. 41). Au même moment, Michel Foucault (1972) s’intéressait à l’existence d’établissements d’enfermement, notamment celle de l’Hôpital général, puis de l’asile. La psychiatrie peut alors être pensée comme un construit social basé sur l’exclusion et la séparation physique de certaines catégories d’individus. La prison et le développement de l’enfermement comme pilier du système pénal ont par ailleurs été analysés comme l’expression d’un processus bien plus large de construction de la discipline comme moyen d’assujettissement (Foucault, 1975). C’est tout un « archipel carcéral » que composeraient diverses institutions, à travers lesquelles s’établit le pouvoir disciplinaire : les collèges, les écoles, les hôpitaux, les casernes… De ce point de vue, la diversité des espaces d’enfermement n’a d’égal que la multiplicité de publics qu’ils ciblent.

Dans le cadre de ce colloque, au-delà des établissements qui font figure de proue en matière d’enfermement, nous proposons également de questionner les différentes formes plus subtiles et moins radicales que revêt l’enfermement dans d’autres contextes institutionnels et spatiaux. Il ne s’agit donc pas de circonscrire la notion à ce que recouvrent les concepts de discipline et d’institution totale, mais d’appréhender l’enfermement sous ses multiples facettes et au regard de ses différentes échelles d’intensité. Pour ce faire, nous proposons d’envisager la notion d’enfermement à partir de trois axes.

Pour participer, il faut remplir le formulaire d’inscription en ligne avant le 24 mars 2025.

Programme

Jeudi 3 avril 2025

8h30-9h/Accueil des participants

9h-9h30/ Ouverture du colloque

• Michel Castra, Directeur du Centre de recherche « Individus Épreuves Sociétés » (CeRIES), Université de Lille
• Manuel Boucher, Professeur de sociologie, CRESEM, Université de Perpignan Via Domitia, Réseau thématique « Normes, déviances et réactions sociales » de l’Association Française de Sociologie
• Jean-Sébastien Alix, Directeur du département Carrières sociales de l’IUT de Lille, CeRIES, Université de Lille

9h30-10h15/ Introduction scientifique du colloque

• Laura Delcourt, Chercheuse associée au CeRIES - Université de Lille, membre du Réseau thématique « Normes, déviances et réactions sociales » de l’Association Française de Sociologie

10h15-10h45/Pause-café

10h45-12h/ Conférence plénière

Animation : Manuel Boucher, CRESEM, Université de Perpignan Via Domitia, RT3

• Sur les murs des quartiers prioritaires de la politique de la ville, Gérard Mauger, Directeur de recherche émérite au CNRS
• A l’épreuve du ghetto, Michel Wieviorka, Directeur d’études à l’EHESS

12h-13h30/ Pause déjeuner

13h30-15h30/Sessions parallèles

L’enfermement à travers l’Histoire

Animation : Mohamed Belqasmi, RT3 AFS, ACOFIS, LERS-IDS Normandie

• Surveiller sans enfermer, surveiller pour enfermer ? Le traitement des signalements pour troubles mentaux à Paris (1950-1980), Marie Derrien, IRHiS, Université de Lille
• Le prisonnier-travailleur : régulations et appropriations du labeur carcéral entre 1846 et 1931, Alix Heiniger, Département d’histoire contemporaine, Université de Fribourg
• Dynamiques psychiques de l’enfermement : regards croisés entre le milieu carcéral et le monastère, Mila Rossetti, SuLiSom, Centre Hospitalier de Rouffach - Université de Strasbourg

Trajectoires et expériences dans et au-delà des murs

Animation : Régis Pierret, RT3 AFS, ACOFIS, IDS Normandie

• « Erreurs de casting », « clients réguliers » et « longues peines » : les inscriptions temporelles de la prison au sein de trajectoires biographiques, Clément Beunas, F2RSM Psy, Clersé, Université de Lille
• La dégradation des prévenu·e·s en comparution immédiate comme condition professionnelle et morale de leur enfermement, Matteo Giouse, Docteur en sociologie, Chercheur associé, Centre Max Weber, Université Lyon 2
• Des expériences de "carcéralité" entre institutions sanitaire, médico-sociale, éducative et pénitentiaire : sociologie de parcours marqués par diverses prises en charge, Laura Delcourt, CeRIES, Université de Lille
• Punir les indésirables : les jeunes sans statut légal pris dans l’étau d’une justice criminalisante, Marco Motta, Institut d’ethnologie, Université de Neuchâtel    
• Emprisonnement : continuités et discontinuités historiques de l’espace institutionnel, Mohamed Abdel, LLIE, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès

Territoires de l'enfermement et processus ségrégatifs

Animation : Manuel Boucher, CRESEM, Université de Perpignan Via Domitia, RT3 AFS, ACOFIS

• A la marge et "enfermés dehors". Cheminements biographiques et stratégies de civilité, David Puaud, Formateur-chercheur, IRTS Poitou-Charentes, Directeur de l’EHESS et HDR au CNAM, LAP/CNRS-EHESS
• Expérience spatiale et régulation des conflits au sein d’un dispositif d’hébergement expérimental pour sans-abri en situation de grande marginalité, Thibaut Besozzi, IRTS de Lorraine, LIR3S-Université de Bourgogne
• Soigner entre ou au-delà des murs de la ville ? Controverses thérapeutiques autour de la prise en charge des usagers de crack à Paris, Julie Costa, LSCP, Université de Paris Cité

15h30-16h/ Pause-café

16h-17h30/ Sessions parallèles

L’enfermement à travers l’Histoire

Animation : Mohamed Belqasmi, RT3 AFS, ACOFIS, LERS-IDS Normandie

• Enfermement et exploitation des femmes Africaines-Américaines au pénitencier d’Angola : expériences d’emprisonnement dans la Louisiane de Jim Crow (1901-1961), Nathalie Rech, Département d’histoire, Université de Liverpool
• L’organizing abolitionniste à Los Angeles : fondements, pratiques, réalisations, Thomas Chevallier, CriDIS – Université Catholique de Louvain, CERAPS – Université de Lille
• Graffitis des détenus des espaces carcéraux du Struthof (67) et du fort de Metz-Queuleu (57) : gestion de la fin du conflit et témoignage de la société d’après-guerre, Juliette Brange, Doctorante Cifre, ARCHE, Louise Guedj, Master 2 Histoire Faculté des sciences historiques de Strasbourg, Michaël Landolt, Directeur du CERD - ONaCVG - ARCHIMEDE
• L’internement des soldats français réfractaires à la cause du Général Charles de Gaulle pendant la seconde guerre mondiale au Cameroun, Joseph Woudammike, Département d’histoire, Université de Maroua

Trajectoires et expériences dans et au-delà des murs

Animation : Laura Delcourt, RT3 AFS, CeRIES, Université de Lille

• Bad cops, good people & dirty work : (dis)qualification et (dé)légitimation du travail carcéral à l’épreuve de la privatisation des prisons françaises, Nathan Rivet, CSO Sciences PO, ENS
• La probation à l’épreuve de la rationalisation : le cas du placement extérieur, Marion Goglio, Pacte, Université de Grenoble
• Face au verdissement des prisons françaises : appropriations, perceptions et résistances des personnes détenues et des personnels, Alexandre Berthe, LiRIS, Université Rennes 2 ; Anaïs Henneguelle, Ladyss, Université Paris Cité ; Antonin Margier, ESO, Université Rennes 2

Territoires de l'enfermement et processus ségrégatifs

Animation : Julie Costa, RT3 AFS, LSCP, Université de Paris Cité

• Quartiers populaires, ghettoïsation et interventions sociales : entre conformisme déviant, innovation et émancipation, Manuel Boucher, CRESEM, Université de Perpignan Via Domitia
• L’évolution des pratiques d’enfermement : de la réhabilitation à la gestion du risque, Lucile Franz, Haute école de travail social et de la santé de Lausanne (Suisse)
• L’ambivalence du squat en milieu rural. Entre espace d’émancipation et d’enclave nomade, Émilie Auger, Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux

19h30/ Repas convivial Grand scène 31 rue de Béthune 59800 Lille (réservation obligatoire)

Vendredi 4 avril 2025

8h30-9h/Accueil café

9h-10h30/Sessions parallèles

Trajectoires et expériences dans et au-delà des murs

Animation : Thibaut Besozzi, RT3 AFS, IRTS de Lorraine, LIR3S-Université de Bourgogne

• Des fermes qui dés-enferment ? La production d’un territoire de la peine ambiguë, entre transition vers la sortie et continuités coercitives, Sophie Clair-Caliot, EVS, Université Lyon 2
• De l’enfermement total à la recomposition du vécu : l’action culturelle en milieu carcéral, Louise Baudinet, CREAT, Université de Lorraine - Metz
• Les ajustements punitifs à la prison centrale de Makala à Kinshasa, Denis Augustin Samnick, Institut de Politique de Développement, Université d'Anvers
• Vie carcérale et réintégration des détenus de la maison d’arrêt de Kelo (Tchad), Gérard Mbaïo-Ndoum, Université de Maroua

Enfermement et accompagnement

Animation : Émilie Auger, RT3 AFS, Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux

• Les dynamiques de (dés)enfermement dans la scolarisation des enfants sourds en France, Tamara Dmitrieva, EHESS/ CNE, Université de Marseille
• Éduquer par la discipline ? Les contradictions de l’accompagnement éducatif en institutions fermées et contraignantes, Asma Cherigui, Profeor-CIREL, Université de Lille
• Les Lits Halte Soins Santé : outil de « prendre soin » ou de régulation des corps précaires ?, Christelle Achard, doctorante en sociologie, Centre de Recherche Risques et Vulnérabilités Sociales, Université de Caen-Normandie
• Les effets ambivalents des enfermements sur les processus de désistance, Valérian Benazeth, CESDIP, Université de Paris-Saclay

10h30-11h/Pause-café

11h-12h30/Sessions parallèles

Trajectoires et expériences dans et au-delà des murs

Animation : Laura Delcourt, RT3 AFS, CeRIES, Université de Lille

• Entre déclassement et distinction : l'expérience carcérale des détenues « hors normes », Lola Legendre, CLERSE, Université de Lille
• Entre contrainte et permission : adaptations et rapports à la règle pour (sur)vivre en détention, Alexia Stathopoulos, CRID&P, Université Catholique de Louvain ; Léna Sarrut, CEAC, Université de Lille ; sept chercheurs actuellement en détention provisoire à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis
• L’action des délégués du Défenseur des droits en détention : une action marquée du sceau de l’enfermement, Bénédicte Fischer, CERDAP, Sciences Po Grenoble/Université Grenoble Alpes
• L'ambivalence de l'ouverture de la prison. Ethnographie d'une action culturelle en Maison d'arrêt, Julie Ruberto, Lavue, Université Paris 8

Enfermement et accompagnement

Animation : Lucile Franz, Haute école de travail social et de la santé de Lausanne (Suisse)

• Enfermer les portes ouvertes ? Ethnographie des pratiques d’atteinte à la liberté d’aller et venir dans une unité d’hospitalisation psychiatrique ouverte, Anna Duday, IHRIM, ENS Lyon
• L’« institution totale » de la coercition à la protection, Régis Pierret, IDS Normandie
• L'accompagnement des individus usagers de drogues en structures de soins avec hébergement : entre régulation et enfermement, Brandon Dutilleul, membre associé, CIREL ULR 4354, Université de Lille
• Déjouer l’enfermement du travail social à partir du dés-enfermement des étudiants, Claire Michel, Profeor-CIREL, Université de Lille

12h-13h30/ Pause déjeuner

13h30-15h30/Conférence plénière

Animation : Lucile Franz, RT3 AFS, Haute école de travail social et de la santé de Lausanne (Suisse)

• Surveiller et réinsérer ? Parcours et paradoxes des mesures de surveillance communautaire au Québec, Elsa Euvrard, Professeure agrégée, École de travail social et de criminologie, Université Laval
• Les soins pénalement ordonnés : une hybridation médico-légale au service d’un désenfermement ? Virginie Gautron, Maîtresse de conférences en droit pénal et sciences criminelles, HDR en sociologie, Laboratoire Droit et Changement Social, Nantes Université
• La prison, d’une crise à l’autre : de l’islamisme radical à une criminalité sans nom, Farhad Khosrokhavar, Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)

15h30-16h/ Clôture du colloque et perspectives

Comité d’organisation

• Jean-Sébastien Alix, Directeur du département carrières sociales de l’IUT de Lille, membre du CeRIES de l’Université de Lille.
• Manuel Boucher, Professeur de sociologie à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD), co-responsable du Réseau Thématique « Normes, déviance et réactions sociales » de l’Association Française de Sociologie (AFS), Président de l’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention Sociales (ACOFIS).
• Laura Delcourt, Chercheuse associée au CeRIES de l’Université de Lille, membre du réseau thématique « Normes, déviances et réactions sociales » de l’AFS.
• Lucile Franz, Professeure associée, HETSL, HES-SO (Suisse), co-responsable du réseau thématique « Normes, déviances et réactions sociales » de l’AFS.