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Préserver, enseigner et transmettre la mémoire de la guerre

Premier congrès national sur la mémoire et l’histoire de la guerre de libération algérienne

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Published on Tuesday, March 11, 2025

Abstract

Le premier congrès national sur la mémoire et l’histoire de la guerre de libération algérienne, organisé par le laboratoire de didactique de la langue et des textes littéraires de l’université de Médéa, Algérie, aborde la problématique de la transmission et de l’enseignement de la mémoire de la Guerre de libération algérienne soixante-trois ans après l’indépendance. 

Announcement

Institutions organisatrices

  • Université Yahia Farès, Médéa, Algérie
  • Faculté des Lettres et des Langues
  • Le Laboratoire de Didactique de la Langue et des Textes

En collaboration avec :

  • Le Laboratoire des Études Historiques de la Méditerranée à Travers les Âges
  • Le Laboratoire de Communication Politique et Sociale en Algérie

Argumentaire

La Guerre de libération  algérienne, longtemps appelée en France « les événements d’Algérie », a duré sept ans et demi. Cependant, pour l’Algérie, il ne s’agissait pas de simples troubles, mais bien d’une révolution majeure, une véritable guerre de libération, qui a servi de modèle de mémoire et de lutte pour de nombreux peuples opprimés à travers le monde. Elle est célébrée en Algérie et ailleurs comme « l’acte fondateur d’une nation recouvrant ses droits de souveraineté[1]

Soixante-trois ans après l’indépendance, les tensions entre la France et l’Algérie demeurent vives, et les conflits mémoriels sont loin d’être apaisés. Du côté algérien, le traumatisme est profond. La colonisation française fut l'une des plus dévastatrices du XIXe siècle en Afrique. Récemment, le président Abdelmadjid Tebboune a déclaré lors d’une interview à la télévision nationale algérienne[2] : « Je n'irai pas à Canossa», signifiant ainsi que les relations entre les deux pays resteront tendues tant que la France continuera d’ignorer les questions mémorielles liées à la guerre d’Algérie. Il a souligné que l’Algérie avait été « choisie pour le grand remplacement », une tentative de déstabilisation démographique par le massacre des populations locales pour y installer une population européenne. « Il y a eu un génocide », a-t-il insisté. Il a aussi demandé que la France reconnaisse son passé nucléaire au Sahara algérien[3].

Il est à noter qu’en France, il n’a jamais été question de remettre en cause l’héritage colonial et aucune reconnaissance des crimes coloniaux commis en Algérie et ailleurs en Afrique n’a été envisagée. Le président français, Emmanuel Macron, est allé jusqu’à remettre en question l’existence même de la nation algérienne avant la colonisation, estimant que l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle[4]». Ces propos ont suscité une vive polémique en Algérie et en France, conduisant l’Algérie à rappeler son ambassadeur à Paris pour consultation, menaçant même de rompre les relations diplomatiques[5].

Les archives sont également au cœur de la construction mémorielle et identitaire. Cependant, les différents gouvernements français continuent de contrôler les archives de la guerre d’Algérie, agissant comme des outils de pouvoir et de dissimulation. Bien que les archives aient été ouvertes en décembre 2021, l’accès reste restreint aux chercheurs, excluant ainsi une grande partie de la population algérienne de sa propre mémoire collective. Ce manque d’accès ne fait qu’attiser la guerre des mémoires.

Les traumatismes de la guerre d’Indépendance sont toujours présents dans la mémoire collective du peuple algérien. Cela apparaît clairement dans la littérature d’expression française, héritage de la guerre, où les écrivains ont successivement transmis l’histoire et ses lacunes. Depuis les années 2000, une nouvelle écriture a émergé, inspirée par la littérature d’urgence, mais aussi par la nécessité de se ressourcer dans le passé malgré la distance qui sépare ces jeunes auteurs de la guerre. Ces écrivains, comme Mohamed Abdellah, Samir Toumi, Djawad Rostom Touati et Riyad Girod, etc., s’efforcent de donner une voix à une mémoire ignorée ou déformée, exprimant ainsi un besoin de vérité historique et de construction identitaire.

Il est évident que les plaies de l’histoire coloniale en Algérie restent ouvertes. Mais si « la mémoire divise, l’Histoire peut rassembler[6]», comme le souligne l’historien Pierre Nora. L’histoire de la guerre d’Algérie est encore en chantier, et plus que jamais, elle devient un projet d’avenir, de paix et de réconciliation.

Le congrès international sur la Mémoire et l’Histoire de la Guerre de libération algérienne répond à la polémique actuelle autour des relations tendues entre l’Algérie et la France, dominées par un passé colonial lourd. Ce colloque s’inscrit dans un débat essentiel sur les conflits mémoriels et la nécessité d’une réécriture de l’histoire qui intègre les mémoires douloureuses des deux peuples. Les questions suivantes guideront nos réflexions :

  • Quelle relecture de l’histoire et quel exercice de la mémoire peuvent se faire des deux côtés de la Méditerranée ?
  • Comment enseigner la guerre d’Algérie à la jeune génération sans nourrir la haine et le mépris ?
  • Comment écrire et transmettre les mémoires de la Guerre de libération nationale ?
  • Quel rôle la création artistique et littéraire peut-elle jouer dans la gestion des conflits mémoriels ?
  • Comment rendre l’indicible des crimes de guerre lorsque les témoignages des survivants révèlent les limites du langage ?
  • Faut-il enseigner des thèmes sensibles, comme la torture, le viol et les crimes de guerre ? Si oui, comment ?

Ces questions seront au cœur des discussions lors de ce Congrès. Un état des lieux est également nécessaire pour évaluer la place de ce fait historique primordial dans le projet d'État et pour évaluer ce qui a été accompli et ce qui reste à faire dans le domaine de l’enseignement, de la préservation et de la transmission de cette mémoire.

Axes de réflexion proposés

Littérature, Art et Médias

  • Transmettre les mémoires de la guerre de libération
  • Le roman de la guerre ou la guerre dans le roman
  • La guerre et l’histoire d’Algérie dans les écrits des jeunes romanciers
  • L’épistolaire de la guerre : guerre et correspondance
  • Les conflits ou la guerre des mémoires
  • Pour une mémoire apaisée de la guerre d’indépendance
  • La guerre peinte et dessinée : dessins animés, bande dessinée et roman graphique
  • Le cinéma comme outil d’enseignement de l’histoire
  • La torture ou l’indicible : comment l’écrire ?
  • Les autobiographies et mémoires sur la guerre
  • Témoignages littéraires : entre vérité et fiction
  • La guerre en photos
  • Les archives de la guerre en France et en Algérie
  • L’archive intime
  • Le musée historique : conservation de la mémoire et éducation
  • Les femmes : ces autres témoins de la guerre
  • La chanson patriotique comme patrimoine à sauvegarder
  • Le théâtre en temps de guerre
  • La place des médias audio-visuels dans la guerre de libération algérienne

Didactique

  • La mémoire de la guerre de libération en contexte scolaire
  • La guerre de libération  dans les manuels scolaires en Algérie
  • La torture et les crimes de guerre : des thèmes à enseigner ?
  • Enjeux scolaires et sociaux de la guerre de libération
  • Comment aborder l'histoire de la Guerre d’indépendance ?
  • La Guerre de libération  algérienne à l’école française
  • La place du texte historique sur la guerre d’Algérie dans les manuels scolaires
  • Approches didactiques pour enseigner le texte historique (chroniques, biographies, lettres, témoignages, chansons patriotiques, etc.)
  • Utilisation de l’histoire comme levier pour le développement des compétences langagières et communicationnelles
  • Exploitation des ressources numériques pour enseigner l’histoire de la Guerre de libération

En marge du congrès

  •   Exposition 1 : Objets et pièces d’archives personnelles liées à la Guerre de libération algérienne (photos, objets, cartes postales, lettres)
  •   Exposition 2 : Les écrits des deux rives sur la guerre d’Indépendance 
  •   Projection 1 : La Bataille d’Alger (1966) suivie d’un débat animé par des spécialistes du cinéma en Algérie
  •   Projection 2 : Quelques chansons du patrimoine et grands reportages sur la guerre
  •   Conférences : Auteurs, historiens et spécialistes de la Guerre de libération nationale

Modalités de participation

Les propositions de communications (environ 400 mots) en français, en arabe ou en anglais, comportant un titre, un résumé, quatre mots-clés et une courte notice biobibliographique, en précisant l’axe de réflexion, doivent être envoyées à : maissaleila@hotmail.com et loudmilaayag@yahoo.fr

avant le 20/04/2025

Calendrier

  • Lancement de l’appel à communications : 26/02/2025
  • Date limite de réception des propositions : 20/04/2025

  • Retour d’expertise : 20/05/2025
  • Réception des textes de communications : 01/09/2025
  • Date du Congrès : 02/11/2025

Les instances du congrès

  • Présidentes du colloque : Dr Leila KERBOUBI et Dr Ludmia YAAGOUB, département des langues étrangères, Faculté des Lettres et des Langues, Université de Médéa
  • Directeur du congrès : Pr Ghali El GHERBI, département d'histoire et d'archéologie, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université de Médéa 
  • Président du comité scientifique : Dr Leila KERBOUBI
  • Présidente du comité d’organisation : Dr Fatima AKKAL, Département de langue arabe, Faculté des Lettres et des Langues, Université de Médéa

Bibliographie indicative

BEDARIDA F., « La mémoire contre l’histoire » in Esprit, n° 193, juillet 1993, p.7.[En ligne] : https://www.jstor.org/stable/24275693?seq=1#page_scan_tab_contents BRANCHE Raphaëlle Branche, « Les Films français de fiction et la guerre d’Algérie », maîtrise d’histoire sous la direction de Benjamin Stora, université Paris VIII, 1994.

BENMESSAOUD Hamid, « La Guerre d’Algérie dans le cinéma français », thèse de doctorat (littérature), sous la direction de Georges Mailhos, université Toulouse II, 1996.

BRANCHE, Raphaëlle, La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Paris, Seuil, 2005.

CHARVON Guillaume, «La mémoire et l’histoire», in Quart Monde, N°199 – « Forger la mémoire d'un avenir commun » Année 2006. [En ligne] : http://www.editionsquartmonde.org/rqm/document.php?id=241.

GIRAUD Françoise, « Les âmes cassées de la guerre d’Algérie », dans Le Journal des psychologues, n° 189, octobre 2001.

HALBWACHS Maurice, La Mémoire collective, Paris, PUF.1950.

HALBWACHS Maurice, Les Cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994.

LE GOFF Jacques, Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, coll. «folio histoire», 1988.

NORA Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire. Tome 1, Paris, La République, Gallimard, 1986.

QUEMENEUR, T. ; SiariTengour, O. et Thénault, S. (Dir.), Dictionnaire de la guerre d'Algérie. Paris : Bouquins la Collection, 2023.

PRSTOJEVIC Alexandre, Raconter l’Histoire, L’improviste, Paris, 2009.

RICOEUR Paul, La Mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil, 2000.

RICOEUR Paul, « Entre la mémoire et l’histoire », Transit, Transit-virtuelles, Forum, n° 22, 2002.  

SERVOISE Sylvie, Le Roman face à l’histoire, Chapitre IV. « L’histoire comme expérience et l’histoire comme trace(s) », Presse universitaire de Renne, coll « Interférences, 2011, p. 121-149.

SULEIMEN Susan, « Crises de mémoire », LE RUYET Marine et RUYMBEKE Thomas Van (trad.), Presses universitaires de Rennes, 2012, [En ligne], www.pur-editions. Fr. 

STORA Benjamin, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie,  rapport,  janvier 2021.

STORA Benjamin, « Les photographes d’une guerre sans visage. Images de la guerre d’Algérie dans des livres d’histoire(s) », pp. 236-243, dans Laurent Gervereau et al. (dir.), Voir/Ne pas voir la guerre. Histoire des représentations photographiques de la guerre (cat. exp.), Paris, BDIC/Somogy, 2001.

TODOROV Tzvetan, « La mémoire devant l'histoire », Terrain, n°25, septembre 1995. [En ligne], http://terrain.revues.org/2854. 

VEYNE Paul, Comment on écrit l’histoire ?, Paris, Seuil, 1971, 352p.

VOLDMAN Danièle (dir.), « La Bouche de la vérité ? La recherche historique et les sources orales », CNRS, LesCahiers de l’IHTP n° 21, novembre 1992.

VIAUD J., « Mémoire collective, représentations sociales et pratiques sociales », Connexions, 2/2003 no80, p. 13-30. [En ligne] : http://www.cairn.info/revue-connexions-2003-2-page-13.htm.

W.SIGG Bernard, Le Silence et la honte. Névroses de la guerre d’Algérie, Paris, Messidor, 1989.

Notes bibliographiques

1 Benjamin Stora, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie rapport, janvier 2021, p.8.

2 Samedi 05 octobre 2024.

3 Entre 1960 et 1966, ce sont 17 essais nucléaires français qui ont été menés sur plusieurs sites dans le Sahara algérien. Des documents déclassifiés en 2013 ont révélé des retombées radioactives encore importantes, s'étendant de l'Afrique de l'Ouest au sud de l'Europe.

4 Rencontre  avec les jeunes descendants de protagonistes de la guerre d'Algérie (1954-1962),  Le Monde,  11/12/2021.

5 Communiqué de la Présidence de la République, APS, 02/10/2021.[En ligne] : https://www.aps.dz/algerie/128247.

6 Cité par Benjamin Stora, op.cit.

Places

  • Faculté des Langues, Ain El dheb
    Médéa, Algeria (26000)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Sunday, April 20, 2025

Keywords

  • guerre d'Algérie, enseignement, littérature, mémoire, histoire

Contact(s)

  • Leila Kerboubi
    courriel : maissaleila [at] hotmail [dot] com

Reference Urls

Information source

  • Leila Kerboubi
    courriel : maissaleila [at] hotmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Préserver, enseigner et transmettre la mémoire de la guerre », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, March 11, 2025, https://doi.org/10.58079/13g42

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