HomeRévoltes juvéniles

Révoltes juvéniles

Rôles et places des enfants et des adolescent.es dans la contestation socio-politique depuis le XIXe siècle

*  *  *

Published on Monday, March 17, 2025

Abstract

L’Irrégulière - Revue d’histoire de l’enfance consacre un numéro thématique à la place et au rôle des enfants dans les contestations politiques à l’époque contemporaine (XIXe-XXIe siècle). Les axes de réflexion sont les manières de nommer et de catégoriser les jeunes révoltés ; l’étude des formes de mobilisation et des formes de répression ; les différentes représentations de ces révoltes juvéniles. Tous les espaces géographiques sont concernés.

Announcement

Argumentaire

Évoquant l’insurrection de juin 1832 qui suit l’enterrement du général Lamarque, le chef de la sûreté, Canler, écrit dans ses mémoires : « Tout le monde connaît cette race du gamin de Paris, qui dans nos rassemblements a toujours poussé le premier cri séditieux, dans nos émeutes a porté le premier pavé à la première barricade, et qui presque toujours a tiré le premier coup de feu. ». « Emeutes après la mort de Nahel : très jeunes, organisés, connectés, quel est le profil des révoltés  ? » titre, le 1er juillet 2023, le journal Sud-Ouest avant de laisser la parole au Président de la République et à son ministre de l’Intérieur : « Sur les 875 personnes interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi, un tiers sont des jeunes, parfois des très jeunes », a détaillé vendredi Emmanuel Macron. « La moyenne d’âge, c’est 17 ans », a précisé Gérald Darmanin ».

Ces citations, qui concernent des évènements distants de près de deux cents ans et donc différents quant à leur origine et leur déroulement, insistent sur la participation des « jeunes » et même des « très jeunes », parfois qualifiés d’« enfants », aux mobilisations collectives. En effet, où que l’on étudie les révolutions ou les insurrections, les révoltes frumentaires ou antifiscales, les grèves ou les manifestations, les soulèvements ou les émeutes urbaines et, plus largement, les diverses formes de protestation socio-politique, l’on tombe presque systématiquement sur des observateurs, des membres des forces de répression ou de l’appareil judiciaire ou encore des hommes et des femmes politiques qui relèvent la présence de mineur.es parmi les participant.es. C’est la place et le rôle des plus jeunes protagonistes de ces mouvements, depuis leur mobilisation initiale jusqu’à l’éventuelle postérité de leurs actions réelles ou fantasmées, que voudrait interroger cette livraison de la RHEI.

Nombreuses et importantes ont été ces dernières décennies les recherches sur la mobilisation politique des étudiant.es, souvent jeunes majeur.es, tout comme sur les enfants-soldats, ou encore sur les affrontements entre jeunes de village ou de quartier. C’est la raison pour laquelle ce numéro souhaite plutôt privilégier l’engagement politique, au sens large du terme, de celles et ceux que la citoyenneté et la justice ordinaire considèrent comme mineur.es au nom d’un âge qui ne cesse d’évoluer depuis deux siècles et qui est en lui-même un objet de débat politique un peu partout dans le monde. Autrement dit, les acteurs et actrices analysé.es seront ceux et celles que les sources et les discours provoqués par des mouvements locaux, nationaux, anticoloniaux ou globaux de contestation de l’ordre sociopolitique, ordre de classe, de genre, de race, mais aussi d’âge, nomment alternativement « enfants », « gamins », « adolescents », « jeunes » ou autres termes dont les définitions fluctuent et qu’il conviendra évidemment de questionner et d’expliciter.

Nommer et catégoriser les plus jeunes révoltés

Des « jeunes drôles en blouse » repérés par Victor Hugo lors de l’insurrection blanquiste de 1839 aux « racailles » dénoncées par Nicolas Sarkozy lors des émeutes de 2005, les expressions péjoratives ne manquent pas pour dénigrer l’investissement des plus jeunes dans des mobilisations sociopolitiques ou a fortiori les révoltes juvéniles. D’autres sont plus laudatives, par exemple lors des Trois glorieuses où sont parfois mis en avant de très jeunes combattants, ouvriers, apprentis ou commis, assimilés – temporairement – à des « héros ». C’est également le cas lors de l’insurrection de juin 1848 mais à front renversé puisque les « héros » célébrés par le magazine L’Illustration sont les très jeunes Gardes mobiles qui montent à l’assaut des barricades. En d’autres lieux et à d’autres époques, la mobilisation juvénile prend aussi une coloration contre-révolutionnaire assumée. Peut-on parler aussi d’« héroïsation » concernant les agents juvéniles des mouvements protestataires qui lors des « années 68 » déferlent dans les rues puis sur les écrans du monde entier ? Depuis les années 1980, les « jeunes » de « banlieue », de « cité » ou de « quartier », catégories médiatico‑politiques aux connotations et instrumentalisations plurielles, cristallisent les angoisses ou les espoirs qui se nouent autour de territoires populaires qui s’embrasent régulièrement en Europe, aux États‑Unis, mais sans doute ailleurs dans le monde.

Ces quelques exemples, qui sont loin de former une liste exhaustive, appellent à interroger le processus de dénomination et de catégorisation de ces jeunes : peut-on en dresser un portrait fondé sur des critères objectifs ? Parmi ces critères, l’âge en premier lieu : car la confusion est grande parfois entre des désignations – « gamin », « enfant », « adolescent », « jeune », etc. – qui recouvrent des réalités générationnelles sensiblement différentes. Le genre en deuxième lieu : la révolte a longtemps relevé du registre de la virilité, et donc l’engagement réel ou fantasmé de « filles » a souvent été un moyen de la stigmatiser, les chercheuses et chercheurs ont appris à repérer la participation de jeunes femmes dans les mobilisations collectives, et avancent l’idée d’un lent mais réel accroissement de leur présence. Le social en troisième lieu : peut-on élaborer une catégorisation précise de l’origine sociale de ces jeunes contestataires ? Quel est, le cas échéant, le ratio entre homogénéité sociale et diversité sociale ? Enfin le culturel, à prendre au sens le plus large, allant de l’origine géographique à l’appartenance religieuse, que l’une et l’autre soient revendiquées ou assignées.

Des formes de mobilisation à la répression

Ce deuxième axe souhaite analyser la place spécifique des mineur.es dans les différentes formes de révoltes socio-politiques, depuis la mobilisation protestataire jusqu’à l’éventuel traitement judiciaire de l’événement. Dans un premier temps, entre le « cri séditieux » du XIXe siècle et les actuels réseaux sociaux, comment se nourrit et s’effectue la mobilisation des acteurs et des actrices ? Ensuite, il convient d’évaluer leur contribution effective au temps insurrectionnel ou émeutier proprement dit : sont-iels une simple force d’appoint à un mouvement global ou forment-iels la majorité, voire la totalité des partcipant.es ? Cette proportion aurait-elle une incidence sur le traitement de la révolte ? Quant au temps du combat proprement dit, il est marqué par l’usage d’armes variées et parfois symboliques, des pavés et des chassepots de la Commune aux mortiers d’artifice des black blocs en passant par les pierres des intifada. Plus généralement, il serait intéressant de mesurer une éventuelle spécificité juvénile et/ou genrée, tout comme de suivre l’évolution de ces « répertoires d’actions collectives » (Charles Tilly).

Au sein de la révolte, les jeunes peuvent donc incarner le fer de lance de l’événement ou, a contrario, être cantonné.es à des tâches subalternes, comme par exemple la fabrication de la barricade ou le ravitaillement des combattant.es. Ce qui pose en dernier lieu la question centrale de leur degré d’autonomie dans la lutte et, plus largement, de leur agentivité politique. Ces jeunes révolté.es sont-iels des protagonistes « de plein exercice » si l’on peut dire ou des « supplétifs » obéissant à des combattant.es plus aguerri.es ? Enfin, dans l’immédiat après événement, voire durant l’événement lui-même, quelle place accordent à ces jeunes insurgé.es les discours produits à chaud, les réactions immédiates, médiatiques en particulier, par le mot et par l’image ? Et, quand l’insurrection échoue, comment la répression policière et judiciaire traite-t-elle ces jeunes vaincu.es ? À l’inverse, quand la révolte est légitimée, cela amène à interroger la place qu’occupent les jeunes dans les panthéons des vainqueurs comme dans les martyrologies des vaincus ou, plus généralement, dans le discours historique qui s’élabore parfois à chaud.

Représenter la révolte juvénile

Du XIXe siècle à nos jours, textes et images représentent en abondance la révolte juvénile non sans intentions politiques. On assiste de fait à des formes d’instrumentalisation et de captation de ces mouvements, quelle que soit leur nature. Histoires, mémoires, correspondances et plus largement littérature grise, y compris sociologique, anthropologique ou psychiatrique, fournissent des représentations à la fois contradictoires et complémentaires de la participation des plus jeunes aux révoltes, de leurs causes et de leurs effets, utilisant au besoin un langage médical : on parle par exemple de « symptôme », de pathologie, etc. Quant aux images médiatiques, ainsi que l’ont démontré les révolutions du « printemps arabe » ou, plus récemment encore, les révoltes ayant réclamé justice suite à la mort de Nahel Merzouk en 2023, l’instantanéité et l’ampleur de leur diffusion via les réseaux sociaux en font des sources et des agents essentiels des mouvements contestataires contemporains.

La politisation du regard posé sur la « jeunesse », qu’elle soit « victime » ou « coupable », ou sur une adolescence parfois qualifiée de « criminelle », se retrouve également dans la fiction qui pose la question du déterminisme social. En témoigne Les Misérables, œuvre dans laquelle Hugo met en scène le groupe de l’ABC mais aussi Gavroche ou Éponine comme figures de la révolte et plus précisément de la barricade. Côté images, la peinture et la lithographie puis la photographie et enfin le cinéma, documentaire ou de fiction, abondent de représentations de jeunes contestataires : de La Liberté guidant le peuple de Delacroix à Athéna de Romain Gavras, la révolte juvénile, quels qu’en soient les protagonistes comme les lieux, les causes comme les conséquences, fournit un ample matériau visuel, demandant un décryptage précis.

Modalités de soumission

Les propositions de contribution (2500 signes maximum) seront adressées aux coordinateurs du numéro.

Elles sont attendues avant le 31 mai 2025

Elles mentionneront clairement les archives et/ou les sources sur lesquelles l’auteur(e) entend s’appuyer.

  • Les projets seront examinés et retenus début juin.
  • Les articles rédigés sont attendus pour octobre 2025.

Coordinateurs

  • Jean-Claude Caron : jean-claude.caron75@orange.fr
  • Alexandre Frondizi : alexfrondizi@hotmail.com
  • Jean-Jacques Yvorel : jjyvorel@wanadoo.fr

Date(s)

  • Saturday, May 31, 2025

Keywords

  • révolte juvénile, émeute urbaine, mobilisation politique, adolescent, jeunesse, enfance

Contact(s)

  • Jean-Claude Caron
    courriel : jean-claude [dot] caron75 [at] orange [dot] fr
  • Jean-Jacques Yvorel
    courriel : jjyvorel [at] wanadoo [dot] fr
  • Alexandre Frondizi
    courriel : alexfrondizi [at] hotmail [dot] com

Information source

  • Jean-Claude Caron
    courriel : jean-claude [dot] caron75 [at] orange [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Révoltes juvéniles », Call for papers, Calenda, Published on Monday, March 17, 2025, https://doi.org/10.58079/13hlp

Archive this announcement

  • Google Agenda
  • iCal
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search