Published on Tuesday, April 29, 2025
Abstract
Ce colloque est dédié à l’une des facettes les plus évidentes de la question au centre du projet de recherche. Lorsque l’on évoque musique et violence au cinéma, on pense naturellement à celle qui accompagne les films d’action, les films de guerre, l’épouvante, le thriller, le policier, le western ou encore le slasher. La violence est polymorphe et s’insinue dans divers genres. Tout en questionnant l’influence d’œuvres emblématiques, nous chercherons à les confronter à des corpus moins étudiés et moins légitimés, par exemple ceux issus du cinéma d’exploitation, du mondo movie au quinqui.
Announcement
Université Rouen Normandie, Maison de l’Université, jeudi 4, vendredi 5 et samedi 6 décembre 2025
Langue : français, anglais
Argumentaire
Ce colloque d’une durée de trois jours est consacré à la représentation musico-sonore de la violence à l’écran à travers le prisme des conventions et des codes génériques. Il s’inscrit dans le cadre du projet de recherche ANR “Muviscreen”. Représentations musico-sonores de la violence à l’écran. Résonances Hollywood/Europe (1970-2000)”. Il fait suite à un premier événement scientifique (“Musique et violence dans le cinéma européen : effets, topiques et intertextualité (1970-2000)”) qui visait à étudier la représentation de la violence musico-filmique à travers trois axes : exacerbation, distanciation, intériorisation.
Si la violence se manifeste quotidiennement sur les écrans à l’ère du numérique et d’internet, sa présence médiatique s’est en réalité affirmée depuis cinquante ans. Ce phénomène entre en résonance avec les fictions audiovisuelles qui sont un vecteur privilégié de représentations socio-culturelles. Dans ce contexte, la musique et le son s’apparentent à des catalyseurs émotionnels qui ont participé à accentuer ou au contraire à nuancer la monstration de la violence selon une pluralité de codes. A partir de la fin des années 1960, les modes de figuration cinématographiques de la violence se transforment profondément. En 1968, un système de classification des œuvres se substitue ainsi au Code Hays en vigueur à Hollywood. La place accordée à la violence, qui se manifeste alors sur les écrans d’une manière plus explicite – on commence à parler « d’ultraviolence » – devient dans le dernier quart du 20e siècle un sujet complexe dont la compréhension varie dès lors en fonction de perspectives distinctes les unes des autres. L’image de l’agression physique a pu ainsi être interprétée aussi bien comme le signe d’une exploitation outrancière et racoleuse ; comme un geste radical, provocateur et transgressif ; comme le nécessaire dévoilement d’une sordide réalité ; comme un spectacle aux vertus cathartiques ; ou même comme un simple motif d’ordre esthétique ou symbolique, emblématique du style « post-moderne » alors en vogue. Les trois décennies envisagées sont par ailleurs caractérisées par des évolutions technologiques majeures de l’avènement du dolby jusqu’aux infrabasses de plus en plus immersives en passant par les techniques de bruitage, la généralisation du numérique dans les années 1990 et par la standardisation des drones, générateurs de tension au début des années 2000.
En mobilisant des approches historiques, esthétiques, analytiques et techniques, on éprouvera ces trois positionnements narratifs musico-filmiques, dont on n’exclut pas la porosité ni les entrelacs des différents registres, évoluent dans des proportions diverses tout au long de la période étudiée, en fonction de nombreux paramètres : le contexte socio-politique, la technologie, les courants dominants, les genres cinématographiques, les générations de réalisateurs et de compositeurs, ou encore l’émergence de nouveaux styles musicaux. Dans une démarche comparative, on examinera un corpus Dans une démarche comparative, on examinera un corpus de films européens s’inscrivant dans une circulation Hollywood/Europe et comprenant autant des exemples emblématiques que des films moins analysés.
Ce nouveau colloque, “Musique et violence à l'épreuve des genres dans le cinéma européen (1970-2000) : porosités et résonances”, est dédié à l’une des facettes les plus évidentes de la question au centre du projet de recherche. Lorsque l’on évoque musique et violence au cinéma, on pense naturellement à celle qui accompagne les films d’action, les films de guerre, l’épouvante, le thriller, le policier, le western ou encore le slasher. La violence est polymorphe et s’insinue dans divers genres.
Si l’on prend l’exemple du cinéma d’horreur, on y entend des chromatismes tortueux, des ostinatos lancinants, des déchaînements orchestraux (de plus en plus souvent mêlés à un design sonore au caractère sombre) ; et plus précisément, des stingers dont on trouve une expression exacerbée dans les coups d’archet incisifs des violons de la scène de la douche dans Psycho (Hitchcock, Herrmann, 1960). Chez John Carpenter, au contraire, ce sont des cellules minimales, froides et une mécanique du timbre, qui servent à évoquer le caractère inhumain de l’Homme (Halloween, Carpenter, 1978). Dans le cinéma d’horreur italien de Dario Argento, dont l’esthétique mise sur l’exacerbation du gore, le rôle de la musique, notamment celles des Goblin ou de Keith Emerson pour la trilogie des trois mères, est d’accentuer la violence en créant l’illusion du monstre, en l’occurrence la sorcière, dans la matière musicale et sonore.
Autre exemple, dans le film de guerre, loin du canon habituel renvoyant à du symphonisme militaire, ce qui retient régulièrement l’attention à l’écoute de certaines bandes originales comme Les Sentiers de la gloire (Stanley Kubrick, Gérard Fried, 1957), Platoon (Oliver Stone, Georges Delerue, 1986), La Ligne Rouge (Terrence Malick, Hans Zimmer, 1998), ou encore Joyeux Noël (Christian Carion, Philippe Rombi, 2005) c’est que la violence montrée n’est pas forcément relayée par la musique. Ces compositions dont la nature relativement calme, voire minimaliste et/ou texturale, s’étirant parfois en nappes au caractère élégiaque, permettent de mettre en relief les coups de feu, explosions et autres cris de souffrance lors des affrontements ; elles amplifient, par antinomie, le danger imminent et la violence prête à exploser (distanciation, intériorisation).
Les trajectoires énoncées ci-après offrent des pistes de réflexion à privilégier, qu’il s’agira d’explorer de manière isolée ou conjuguée :
- Etude d’un corpus (film et/ou un groupe de films) à l’intérieur d’un genre : on pourra analyser les articulations précises des séquences centrées sur la violence pour en montrer les codes génériques. On observera, par exemple, les fonctions attribuées aux compositions originales pour traduire la violence dans les films policiers allemands des années 1970 ; le rôle attribué aux chansons pop-rock dans le cinéma fantastique espagnol ; l’importance du bruitage des coups de couteaux dans des genres comme le slasher ou le giallo, ou les techniques de son des armes à feu dans les films policiers ou de guerre.
- Modèle, croisements et interactions. Il s’agit de se focaliser précisément sur les résonances Europe/Hollywood ou encore les influences réciproques qui caractérisent les productions cinématographiques européennes. Tout en questionnant l’influence d’œuvres emblématiques, nous chercherons, pour notre part, à les confronter à des corpus moins étudiés et moins légitimés, par exemple ceux issus du cinéma d’exploitation, du mondo movie au quinqui. On pourra par exemple se demander si le bruitage des films gore européens impacte celui du slasher américain ; si la musique originale du thriller psychologique américain sert de matrice aux compositeurs du cinéma de suspense français contemporain ; si les jeux intertextuels qui définissent le style musical d’un cinéaste américain influent des années 1990 se retrouvent dans l’utilisation de morceaux préexistants dans les films de gangsters britanniques ; ou si de mêmes chansons ou morceaux célèbres du répertoire circulent entre des productions relevant de l’horreur surnaturelle et issues de différents pays européens.
- Approches génétiques (scénarios, archives, partitions, carnets de travail). L’étude des sources servira de fondement à une réflexion sur l’approche génétique des codes génériques. Par exemple, l’examen des partitions et des cue-sheets du compositeur Carlo Savina pour le cinéma d’exploitation italien des années 1970 révèle une circulation de motifs d’un genre à l’autre, permettant notamment de retrouver les mêmes mesures du cue d’un film fantastique dans des films d’horreur, un giallo et un drame. Ou encore, la prise en compte des différentes étapes de la scénaristique pour une série de films d’action produits en Allemagne dans les années 1970 met en évidence la place centrale accordée, dès ce stade de l’écriture, à la musique et aux sons dans certaines scènes plus particulièrement marquées par la violence.
- Contextualisation, transformations et mutations. Il sera également bienvenu d’appréhender la représentation musico-filmique de la violence au centre d’un genre dans une perspective transversale, historique et évolutive. On pourra alors s’interroger sur la transformation des éléments musico-sonores dans les séquences de combats des films visant à renouveler le genre du cape et d’épée dans les années 1980-1990. Dans quelle mesure les choix de musiques préexistantes pour les films de guerre cherchent-elles à renvoyer aux codes stylistiques d’une époque donnée ? Est-il possible de périodiser les codes musicaux du giallo, entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980 ?
- Réception et impacts émotionnels. On s’intéressera ici à la manière dont l’accompagnement musical des scènes violentes provoque des réactions psychologiques plus ou moins en phase avec les attentes propres à certains genres bien établis, ou entraîne des débats chez les critiques rendant compte des films. Ainsi la brutalité extrême des films consacrés au motif de l’anthropophagie dans le cinéma italien des années 1970-1980 a-t-elle suscité des réactions nourries qui doivent être rattachées à la façon dont la musique couvre certaines scènes potentiellement perçues comme insoutenables.
Dans le cadre de l’ANR, un dernier colloque sera dédié à la question des enjeux techniques : « Son et violence au cinéma : articulations technologiques » – Lyon 2, Passages XX-XXI, (Martin Barnier, Chloé Huvet et Jérôme Rossi), en novembre 2026.
Modalités de soumission
Les propositions de communication, de 300 mots environ, accompagnées d’une courte notice bibliographique, sont à envoyer Cécile Carayol (cecile.carayol@univ-rouen.fr), Martin Barnier (martin.barnier@univ-lyon2.fr), Laurent Guido (laurent.guido@sorbonne-nouvelle.fr), Jérôme Rossi (jerome.rossi@univ-lyon2.fr)
pour le 30 juin 2025.
Organisation
Colloque organisé par Cécile Carayol (Université Rouen Normandie, CEREdI/IRCAV), Martin Barnier (Université Lumière Lyon 2, Passages XX-XXI), Laurent Guido (Université Paris Sorbonne Nouvelle, IRCAV), Jérôme Rossi (Université Lumière Lyon 2, Passages XX-XXI).
Membre associé: Steve (Janet) K. Halfyard (The Royal Conservatoire of Scotland)
Comité scientifique
- Martin Barnier (Université Lumière Lyon 2)
- Roberto Calabretto (Università di Udine)
- Cécile Carayol (Université Rouen Normandie)
- Simon Daniellou (Université Rennes 2)
- Laurent Guido (Université Sorbonne Nouvelle)
- Steve Halfyard (The Royal Conservatoire of Scotland)
- Chloé Huvet (Université Évry Paris-Saclay)
- Kathryn Kalinak (Rhodes Island College)
- Raphaëlle Moine (Université Sorbonne Nouvelle)
- Jérôme Rossi (Université Lumière Lyon 2)
- Tom Schneller (Ithaca College)
Subjects
- Representation (Main category)
- Mind and language > Representation > Cultural history
- Periods > Modern > Twentieth century > 1989 to the present day
Places
- Université Rouen Normandie, Maison de l’Université, Salle de Conférences - 3 place Emile Blondel
Mont-Saint-Aignan, France (76)
Date(s)
- Monday, June 30, 2025
Attached files
Keywords
- Musicologie, Esthétique du cinéma, cinémusicologie, violence, genre cinématographique, cinéma européen
Contact(s)
- Cécile CARAYOL
courriel : cecile [dot] carayol [at] univ-rouen [dot] fr
Information source
- Cécile CARAYOL
courriel : cecile [dot] carayol [at] univ-rouen [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Musique et violence à l’épreuve des genres dans le cinéma européen (1970-2000) : porosités et résonances », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, April 29, 2025, https://doi.org/10.58079/13u2p