Published on Tuesday, May 06, 2025
Abstract
La liberté académique est-elle le principe constitutif de toute université ? En principe, la notion est certes reconnue comme centrale dans de nombreux textes constitutifs des institutions universitaires. Mais dans les faits, la réponse est sans doute beaucoup plus mitigée, voire plutôt négative. L’Academic Freedom Index de 2024 élaboré par le V-Dem Institute révèle ainsi que près de la moitié de la population mondiale vit dans des pays où la liberté académique n’est pas du tout reconnue. À l’autre bout du spectre, seule 14,6% de la population mondiale en 2023 vit dans des pays où cette liberté est pleinement reconnue ce qui inclut l’essentiel des sociétés occidentales. Au demeurant, même dans ces pays, la liberté académique se trouve aujourd’hui confrontée au développement de menaces multiples qui attisent les inquiétudes du monde universitaire. Ce colloque entend explorer les liens qu’entretiennent la liberté académique et la démocratie universitaire. L’université est, en effet, une institution singulière puisqu’elle est la seule à être dirigée par une autorité élue dans le cadre d’un principe d’autogouvernement. Dès lors la liberté académique n’est-elle pas la condition structurelle de toute authentique université ?
Announcement
La mission "démocratie universitaire" de Nantes Université, en collaboration avec l’ERC BildungLearning de l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, l’Université de Bordeaux et l’Université Paris Est Créteil, et avec le soutien des réseaux France Universités et l’Initiative, vous invite à débattre de la liberté académique dans la démocratie universitaire à l’occasion d’un Colloque international qui se tiendra à Nantes, les 17 et 18 novembre 2025.
Présentation
La liberté académique est-elle le principe constitutif de toute université ? En principe, la notion est certes reconnue comme centrale dans de nombreux textes constitutifs des institutions universitaires. Mais dans les faits, la réponse est sans doute beaucoup plus mitigée, voire plutôt négative. L’Academic Freedom Index de 2024 élaboré par le V-Dem Institute révèle ainsi que près de la moitié de la population mondiale vit dans des pays où la liberté académique n’est pas du tout reconnue. A l’autre bout du spectre, seule 14,6% de la population mondiale en 2023 vit dans des pays où cette liberté est pleinement reconnue ce qui inclut l’essentiel des sociétés occidentales. Au demeurant, même dans ces pays, la liberté académique se trouve aujourd’hui confrontée au développement de menaces multiples qui attisent les inquiétudes du monde universitaire. En réponse, pétitions, prises de positions publiques, colloques, articles scientifiques et livres se multiplient sur ce sujet. Une autre illustration de ces inquiétudes est le fait que l’association française de science politique et l’association française de sociologie ont instauré en commun un « observatoire des atteintes à la liberté académique » en 2023 pour recenser celles-ci, venir en aide aux victimes, sensibiliser sur ce sujet et soutenir des recherches sur cet enjeu.
Ce colloque entend explorer les liens qu’entretiennent la liberté académique et la démocratie universitaire. L’université est, en effet, une institution singulière puisqu’elle est la seule à être dirigée par une autorité élue dans le cadre d’un principe d’autogouvernement. Dès lors la liberté académique n’est-elle pas la condition structurelle de toute authentique université ? Les dispositifs de démocratisation de l’université n’exigent-ils pas une défense accrue de la liberté académique ? À l’inverse, si la liberté académique implique, entre autres réquisits normatifs, l’autonomie institutionnelle de l’université et l’autogouvernement des membres de la communauté académique, n’appelle-t-elle pas le développement d’une démocratie universitaire pour se renforcer ?
Axe 1 - Démocratie et liberté académique : pour une clarification conceptuelle
La notion de liberté académique est frappée d’un certain flou et d’un flottement terminologique. Le vocabulaire en témoigne : doit-on parler de libertés universitaires, de libertés académiques au pluriel, de liberté académique au singulier, de « akademische Freiheit » comme le font les allemands ou d’« Academic Freedom » comme le font les anglo-saxons ? Ces vocables ne sont pas équivalents.
La liberté académique est également composite ; elle regroupe des libertés multiples et a minima la liberté de recherche (y compris de publication), la liberté d’enseignement mais aussi la liberté d’étudier, l’autonomie de l’université ou encore la liberté de s’auto-gouverner. Mais les contours de ces libertés varient grandement d’un pays à l’autre. Le statut de cette liberté est également extrêmement variable : norme constitutionnelle en Allemagne (article 5 §3 de la loi fondamentale), en Italie (article 33), en Espagne (article 20), en Grèce (art. 16 alinéa 1), en Finlande (art. 16), norme législative au Canada et au Québec, création jurisprudentielle et législative en France et en Belgique, simple déclaration consacrée des professionnels de l’Association américaine des professeurs d’université (AAUP) aux États-Unis…, mais aussi droit humain fondamental dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (art.13). À cet ensemble, il faut encore ajouter de la « Soft Law » comme les recommandations de l’UNESCO ou du Conseil de l’Europe en la matière.
La qualité de cette norme fait elle-même débat : s’agit-il d’une norme exclusivement juridique ou d’une norme générale intégrant une composante juridique ? Doit-elle être comprise d’abord comme une « liberté professionnelle » spécifique à un métier ou comme un droit fondamental, voire comme une condition structurante de toute démocratie ?
Axe 2 - La liberté académique : l’exigence de justification
Classiquement, la liberté académique est référée soit à la tradition allemande du « néo-humanisme » allant de Kant à Humboldt, soit à la tradition américaine du pragmatisme. La déclaration américaine sur la liberté académique de 1915 fut, en effet, largement inspirée par le philosophe John Dewey. Les deux traditions ne justifient pas de manière identique la liberté académique. Dans la mesure où cette liberté académique se révèle aujourd’hui lourdement menacée, il est utile et important de revenir sur la question de ses fondements, de sa justification. Écoutons, par exemple, le philosophe Paul Ricoeur dans une conférence à l’Université catholique de Louvain de 1970 alors qu’il venait de démissionner de son poste de doyen de la faculté de Lettres de l’Université de Nanterre parce qu’il jugeait que la liberté académique y était menacée (ce qu’il avait éprouvé personnellement) :
« Dans la conception libérale de l’université, la liberté académique n’a pas d’autre origine que le droit de l’humanité à poursuivre quelque part la recherche de la vérité sans contrainte. La liberté académique n’est donc pas un privilège de caste, ni de l’institution en tant que telle ni des enseignants en tant que corporation, ni des étudiants en tant qu’organisation syndicale, corporative, politique ou idéologique ; elle procède du droit de l’université à poursuivre quelque part la recherche de la vérité. C’est la requête de ce ‘quelque part’. Il faut revenir à ce fondement pour dénoncer les malfaçons et les caricatures de la liberté académique ; elle ne saurait se ramener à un simple droit d’extraterritorialité qui permettrait aux enseignants et aux enseignés de se soustraire au droit commun ; la liberté académique n’assure ni immunité, ni impunité à l’égard des lois (…). Précisément, parce que le droit de la communauté universitaire se fonde dans son rapport à la vérité et se fonde dans un droit de l’humanité, il n’est ni anarchique, ni oligarchique, ni corporatif. Le refus de la censure politique n’en est même que l’envers, le négatif. La liberté académique est définie positivement par la responsabilité à l’égard du savoir. Le droit de contestation des étudiants, la liberté d’expression des professeurs dans l’exercice de l’enseignement, l’autonomie pédagogique, administrative et financière de l’université, ne sont que des expressions et des organes de cette responsabilité des uns et des autres à l’égard du savoir ».
C’est ce rapport à la vérité scientifique et cette responsabilité collective à l’égard du savoir qui distinguent la liberté académique de la liberté d’expression. Mais jusqu’où s’étend une telle responsabilité à l’égard du savoir, de la vérité ? Comment s’articule-t-elle avec les exigences d’ouverture délibérative des démocraties libérales ? Peut-elle s’étendre au champ de l’action jusqu’à vouloir justifier de changer la société ou même simplement de la gouverner au nom de la science ?
Axe 3- La liberté académique : les défis de l’application
La liberté académique – comme toute autre liberté – a elle-même des limites. La détermination des contours juridiques de cette liberté est ici un premier chantier. Une perspective comparée peut ainsi révéler des dissonances, des aménagements spécifiques, des cas-limites.
Un second chantier est l’étude des menaces et des réponses que celles-ci peuvent susciter. Une première série de menaces sont externes et couvrent aussi bien les pratiques des régimes illibéraux (Trump, Orban…) que les conséquences de dispositifs néolibéraux (par exemple, le contrôle exorbitant des données ou des résultats des recherches par les financeurs notamment lorsqu’il s’agit d’entreprises). Quels types de réponses les universitaires peuvent-ils envisager ou déployer face à ces menaces externes d’acteurs très puissants ? Un second type de menace est plus interne à l’Université elle-même. La littérature récente mentionne ainsi aussi bien les risques engendrés par la bureaucratisation des universités sur la liberté académique des universitaires, que le déploiement de recherches jugées idéologiques et militantes mais aussi les risques liés à l’intervention des universitaires dans l’espace public comme « experts » ce qui conduit souvent à une tension entre la liberté d’expression garantie à tout citoyen et la liberté académique qui pourrait être soumise à des règles déontologiques et d’intégrité scientifique. Comment réguler ces différents cas de figure ? Faut-il envisager une autolimitation comme, par exemple, la formulation de règles déontologiques lors d’interventions auprès de la société ?
Les contributions peuvent aborder ces questions sous un angle réflexif et théorique mais aussi peuvent témoigner de dispositifs pratiques déployés ou expérimentés pour réguler la liberté académique, ou expériences concrètes relatives à la mise en danger de la liberté académique.
Conditions de soumission
Pour postuler, veuillez envoyer les documents ci-dessous à l’adresse suivante : mission-democratie@univ-nantes.fr
jusqu’au 30 mai 2025.
- Un CV actualisé avec liste des publications (ou courte biographie)
- Une proposition de communication (500 mots)
Les communications peuvent être proposées en français ou en anglais. Vous serez informés du résultat de l’appel mi-juin.
Une publication des actes du colloque est envisagée.
Prise en charge financière
Les candidats qui seront retenus pour participer à ce colloque n’auront aucun frais d’hébergement et de transport.
Sont intégralement pris en charge par les organisateurs : l’hébergement en hôtel, le transport aller-retour en train (ou en avion pour les trajets ne pouvant se faire en moins de 7h en train), les repas du midi et du soir les jours du colloque ainsi que les petits déjeuners.
Comité scientifique
- Arnauld Leclerc, professeur de sciences politiques à Nantes Université et responsable de la mission « démocratie universitaire »
- Quentin Landenne, chercheur qualifié au FNRS, professeur à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, Principal Investigator de l’ERC BildungLearning.
- Sandrine Rui, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université de Bordeaux
- Émilie Frenkiel, maîtresse de conférences en sciences politiques à l’Université Paris-Est Créteil
- Guillaume Cuny, chercheur postdoctorant en Sciences de l’éducation au sein de la Mission Démocratie Universitaire de Nantes Université.
- Susanna Zellini, chercheuse postdoctorante sur les mutations philosophiques de la liberté académique au sein de l’ERC BildungLearning à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles.
Contact
Pour davantage d’informations concernant cet évènement, veuillez contacter :
Manon DAMESTOY, chargée de mission « Démocratie universitaire » - Nantes Université
- +33 6 08 93 94 40
- mission-democratie@univ-nantes.fr
Subjects
- Science studies (Main category)
- Mind and language > Thought > Philosophy
- Society > Political studies > Political science
- Mind and language > Education > Educational sciences
- Society > Political studies > Political sociology
- Society > Political studies > Governance and public policies
- Mind and language > Education
- Society > Law
Places
- Nantes Université
Nantes, France (44)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, May 30, 2025
Attached files
Keywords
- liberté académique, universités, démocratie, institutions universitaires, concept, autonomie, justification, menaces
Contact(s)
- Manon Damestoy
courriel : mission-democratie [at] univ-nantes [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Manon Damestoy
courriel : mission-democratie [at] univ-nantes [dot] fr
License
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To cite this announcement
« La liberté académique dans la démocratie universitaire », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, May 06, 2025, https://doi.org/10.58079/13vd8