Cette édition explore le lien essentiel entre phénoménologie clinique et engagement politique. Face aux enjeux contemporains, la clinique ne peut ignorer les rapports de pouvoir, les normes sociales et les réalités matérielles qui traversent l’expérience des patient·es et des clinicien·nes. Cette édition mettra particulièrement l’accent sur les situations-limites, à la fois objets philosophiques, cliniques et existentiels, et sur les formes d’exclusion et de vulnérabilité souvent négligées dans les approches classiques : déviance, sexualité, fin de vie, racisme, sexisme, emprise, précarité… Ces journées seront l’occasion de penser à la limite, de croiser les regards, et d’interroger les frontières mêmes de nos disciplines pour faire émerger une clinique plus libre, critique et engagée.

Argumentaire

Plusieurs indices (épistémologiques, cliniques, mais aussi « atmosphériques ») laissent à penser que la phénoménologie clinique, du moins celle que nous essayons à plusieurs de construire depuis quelques années, doit se doter d’un ancrage et d’une préoccupation politique. Écouter un sujet, tenter de le comprendre ou de le soigner, qu’on le veuille ou non, s’inscrit dans des rapports de force, des logiques de domination, convoque de nombreuses lectures normatives et mobilise le clinicien et le théoricien dont l’engagement est toujours déjà présent. Introduire une pensée politique n’est dès lors pas seulement une intention, une position ou même un choix, c’est avant tout un geste, même une série de gestes qui méritent d’être étudiés et discutés.

Sans doute, cette dimension politique et inéluctablement critique est-elle la pierre d’angle de la quatrième édition du colloque international de psychopathologie phénoménologique. Précisons que si ce « nous » est convoqué, il ne se veut surtout pas exclusif, et il est bien évident que ce colloque et son appel à communication sont ouverts à toutes et tous, pour peu qu’un dénominateur commun, celui des phénomènes cliniques au sens large, soit convoqué.

L’étude des situations-limites a ceci de passionnant qu’elle nous conduira probablement à des anachronismes. Ce concept peut en effet être considéré, grâce à Jaspers, comme étant à l’origine de la pensée philosophique en psychiatrie au début du XX^e siècle, tout comme il fera écho aux conditions borderline ou états-limites, que les fondateurs de ces disciplines n’ont pas rencontrées (du moins nommément), et qui agitent aujourd’hui de nombreux débats théoriques et cliniques. Ces journées internationales seront, à n’en pas douter, l’occasion pour de nombreuses contributrices et de nombreux contributeurs de présenter des études originales sur ces manières d’être-au-monde si déconcertantes, sources autant de souffrance que de richesse.

Les objets plus classiques de la clinique pourront également être traités sous l’angle varié de la limite : dimensions trans-nosographiques et diagnostics différentiels, l’expérience thérapeutique et ses bordures, le vécu de spatialité et de frontière de conditions psychopathologiques diverses, l’émotion en tant que vécu « à la limite », et tant d’autres pistes qui sont à inventer. Des objets moins communs à la phénoménologie clinique s’apparient également de façon intuitive avec la situation-limite et ses dimensions existentielles : pensons aux problématiques délinquantes et déviantes, à la sexualité interrogeant les normes, aux problématiques psychiques de fin de vie, aux vécus en situation de subalternité, à l’expérience du racisme, du sexisme, du vécu d’emprise, et toutes ces logiques d’exclusions subies en raison d’une position minoritaire, de vulnérabilité ou de précarité.

L’occasion sera belle également de penser à la limite, c’est-à-dire d’une fois de plus réunir de nombreuses disciplines comme la psychologie, la psychiatrie, la philosophie, ainsi que la criminologie, l’anthropologie, la psychanalyse, les études féministes et intersectionnelles, le monde artistique et de nombreuses autres encore. Ce dépassement des limites de l’esprit – surtout s’il apparait étriqué – est assurément salvateur pour la clinique d’aujourd’hui et indispensable pour celle que nous aurons à construire demain. Les outils méthodologiques, critiques et thérapeutiques ont sans doute, parmi leurs vocations les plus nobles, d’aller interpeller les autres disciplines desquels ils n’ont pas émergé. Ils nous offrent alors la possibilité de penser en dehors, à la marge ou au-delà. Bref, à dépasser les limites. Ne pourrions-nous pas alors nous souhaiter de sortir de ces journées d’étude avec moins de certitudes sur nos disciplines, mais plus de convictions sur une indiscipline commune ?

Il est évident qu’aussi puissante que soit la qualité des descriptions phénoménologiques de l’existence et le degré remarquable de nuance et de sophistication de la compréhension de l’humain affecté par un trouble, il est sans aucun doute urgent de considérer le point de vue matériel et la situation concrète de nos sujets et de nous-mêmes. Inscrit·e·s dans des écologies, dans des logiques sociales, dans des régimes disciplinaires, celui ou celle qui est soigné·e, aidé·e, rencontré·e et celui ou celle qui soigne, aide et rencontre sont des êtres faits de matérialités, traversés par des déterminations, et libres malgré les murs sur lesquels l’existence vient buter.

Conditions de soumission

Les propositions de communication sont attendues

pour le 16 juin 2025

et doivent être envoyées à l’adresse : Thomas.Rochet@ulb.be

Les soumissions ne devront pas dépasser 300 mots et seront accompagnées d’un titre et d’une brève présentation du ou des auteur·es.

Calendrier

• Dead line soumission : 16 juin 2025
• Décisions d’acceptation : 4 juillet 2025
• Diffusion officielle du programme : 1er septembre 2025
• colloque : 3-5 décembre (Louvain la Neuve)

Keynote speakers confirmés (conférencières/conférenciers invités pour une conférence plénière) :

• Elizabeth Pienkos (Duquesne University, USA)
• Claudia Serban (Université de Toulouse - Jean Jaurès)
• Laurence Kaufmann (Université de Lausanne)
• Hourya Bentouhami (Université de Toulouse - Jean Jaurès)
• Héloïse Koenig (Centre Hospitalier de Lavaur)
• Friedrich Stiefel (CHUV de Lausanne)
• Roland Breeur (KU Leuven)

Bureau scientifique international

• Jérôme Englebert (Université Catholique de Louvain, Université Libre de Bruxelles)
• Grégory Cormann (Université de Liège)
• Christophe Adam †
• Tudi Gozé (CHU de Toulouse, Université Toulouse Jean Jaurès)
• Elisabetta Basso (Université de Pavia)
• Jean Naudin (Université Aix-Marseille)
• Jean-Arthur Micoulaud-Franchi (Université de Bordeaux)
• Michel Cermolacce (Université Aix-Marseille)
• Thomas Lepoutre (Université Paris-Cité)
• Dorothée Legrand (Archives Husserl, CNRS-ENS)
• Louis Sass (Rutgers University)
• Michael Saraga (CHUV, Lausanne)
• Friedrich Stiefel (CHUV, Lausanne)
• Jasper Feyaerts (Université de Gand)
• Jacques Quintin (Université de Sherbrooke)
• Lucas Bloc (Université de Fortaleza)
• Hubert Wykretowicz (CHUV, Lausanne)
• Régis Marion-Veyron (CHUV, Lausanne)
• Marie-Cécile Lallement (CHUV, Lausanne)
• Istvan Fazakas (Université de Wuppertal)

Comité d’organisation

• Elodie Querton (Université Catholique de Louvain)
• Pierre de Thier (Université Catholique de Louvain)
• Johan Kalonji (Université Catholique de Louvain)
• Christophe Janssen (Université Catholique de Louvain, Chapelle-aux-Champs)
• Chloé Branders (Université Libre de Bruxelles)
• Nelson R. das Neves Ribeiro (Université Libre de Bruxelles)
• Luce Molitor (Université Libre de Bruxelles)
• Adrien Adam (Université Libre de Bruxelles)
• Lila Martin (Université Libre de Bruxelles)
• Esther Simonet (SSM de l’ULB)
• Sandrine Detandt (Université Libre de Bruxelles)
• Ibrahim Khayar (Chapelle-aux-Champs)
• Fabian Lo Monte (Université Libre de Bruxelles, Université Paris-Cité)
• Florestan Delcourt (Université Paris-Cité)
• Laurent Chabert (Université Catholique de Lille)
• Maud Hagelstein (Université de Liège)
• Gautier Dassonneville (ULiège/SAvoirÊtre asbl)
• François Monville (ISoSL), Julien Lagneaux (UPPL)
• Emmanuelle Mélan (Université Catholique de Louvain)
• Julie Patesson (Université Catholique de Louvain)
• Thomas Rochet (Université Libre de Bruxelles)
• Grégory Cormann (Université de Liège)
• Jérôme Englebert (Université Catholique de Louvain, Université Libre de Bruxelles)