StartseiteSe projeter dans l’espace : territoire(s), terroirs, paysages et frontières

Se projeter dans l’espace : territoire(s), terroirs, paysages et frontières

Projecting into space: territory(ies), terroirs, landscapes and borders

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Veröffentlicht am Montag, 12. Mai 2025

Zusammenfassung

Ce colloque sera l’occasion pour les jeunes chercheur·euses de réfléchir ensemble aux interactions symboliques entre les individus, les sociétés et l’espace géographique et aux représentations qui y sont associées, dans une orientation résolument interdisciplinaire. Les échanges en marge du colloque seront l’occasion de décloisonner des concepts souvent enfermés dans les « frontières » disciplinaires.

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Argumentaire

Territoire, terroir, paysage, frontière, nation, tous ces termes renvoient à une façon de s’approprier l’espace, de s’y projeter. L'être humain projette en effet sa perception de l’espace géographique sur des supports, qu’il s’agisse de cartes, de plans ou de maquettes. Ces projections permettent de réduire la complexité de l’espace réel pour le rendre compréhensible et utilisable. Il projette également ses intentions sur l’espace physique à travers l’aménagement d’un « territoire », résultant de choix culturels, sociaux, économiques. En somme, « l’espace n’est jamais neutre, écrit Henri Lefebvre ; il est le produit de l’interaction entre l’homme et son environnement, à la fois condition et conséquence de son existence sociale, culturelle et historique ». (Henri Lefebvre, 1974). La dynamique de ces interactions individuelles et collectives est également symbolique. L’homme ne cesse de projeter sur l’espace sa propre subjectivité, des valeurs, des symboles ou des identités culturelles, son folklore. Nous souhaiterions explorer ces interactions symboliques entre l’individu, les sociétés et l’espace à l’occasion de ce colloque jeunes chercheurs.

Le terme « territoire » est certainement l’un des plus polysémiques du vocabulaire des sciences humaines et sociales, et donc l’un des plus définis. Le terme territoire est formé du radical latin « terra », qui désigne aussi bien la matière terrestre, le sol, qu’un pays, une contrée, et du suffixe « - torium », utilisé pour former des noms désignant un lieu associé à une action ou une fonction. Le territoire revêt donc, étymologiquement, une dimension anthropologique : à la fois associé à une action de l’homme sur le sol, mais également à un rôle, une fonction déterminée.

Le sens moderne de « territoire », dont l’usage s’est généralisé au XVIIIe siècle dans la langue française comme « étendue de païs, ou l’on a droit d’exercer la justice » (Antoine Furetière, 1690), semble s’être restreint à une acception administrative (voir Le Berre 1995). Les travaux sur la notion de territoire se sont particulièrement développés dans les études géographiques au cours des années 1980, essayant de dépasser son aspect « figé », « délimité » et de comprendre les dynamiques territoriales à l’œuvre dans le processus de mondialisation. Dans la lignée des études géographiques, d’autres disciplines interrogent cette notion, à l’aune de leur propre méthode et de leurs propres objets de recherche : l’éthologie, le droit, la sociologie, ou encore la littérature s’emparent ainsi de cette notion. Devant la multiplication des définitions qui s’opère autour de cette notion, force est de constater une réticence croissante à employer un terme devenu trop polysémique, dépourvu d’unité.

Une constante ressort toutefois : le territoire n’est pas seulement une réalité tangible, matérielle, géographiquement déterminée, mais aussi et avant tout un produit culturel. Il revêt de ce fait une dimension matérielle, symbolique, parfois subjective, croisant des enjeux de pouvoir, de culture, d’identité et de mémoire. Joël Bonnemaison définit ainsi le territoire : « comme l’envers de l’espace ». Selon lui : « Il est idéel et même souvent idéal, alors que l’espace est matériel. Il est une vision du monde avant d’être une organisation ; il relève plus de la représentation que de la fonction, mais cela ne signifie pas qu’il soit pour autant démuni de structures et de réalité ». (Joël Bonnemaison, 2000).

Pendant « agricole » du terme « territoire » et typiquement associé au monde francophone. Le terme « terroir » fait référence à un espace géographique étroitement lié voire définissable par ses caractéristiques naturelles, agricoles, matérielles et culturelles. La pédologie et le climat conditionnent les possibilités agricoles de même que les savoirs faire des individus qui s’approprient ces sols. Le terme conjugue étroitement les notions de nature et de culture pour faire émerger l’idée selon laquelle le goût et la qualité d’un produit sont déterminés par la terre qui l’a produit et la main qui l’a façonné. À partir de la Renaissance « la France commença à construire, du moins partiellement, son identité culturelle en faisant appel au pouvoir causal de la terre pour créer des différences dans la nourriture, la langue et les hommes » (Parker, 2017). Le terroir et le concept auquel il fait appel est aujourd’hui porteur d’une connotation affective forte pour les populations et ainsi mobilisé non seulement par les marques et entreprises de tourisme mais également dans les discours politiques pour appeler à préserver l’environnement afin d’éviter l’altération des sols et de façon conséquente les qualités propres de la terre et de ses produits.

Le terme « terroir » est aussi associé à une forme de littérature, le « roman du terroir », véritable genre littéraire qui s’est développé au Québec entre 1840 et la seconde guerre mondiale. Il s’agit d’une forme de littérature célébrant la ruralité, avec une forte portée idéologique de type identitaire voire traditionaliste. Toutefois, le roman du terroir est aussi identifiable aujourd’hui avec tout un ensemble de romans et d’écrivains contemporains français. Ce type d’ouvrages sont également identifiés comme « régionaux », écrits par des auteurs qui ont en commun l’attachement à un certain espace géographique, l’utilisation du terroir en tant que contexte et/ou matériel narratif (comme dans certains polars contemporains dits « territorialisés » – Jacquelin 2022) plutôt qu’une idéologie partagée. Il s’agit d’un type de littérature présent au-delà du monde francophone, où il est intéressant de voir comme il est identifié et nommé.

Une autre notion qui met en évidence la relecture subjective à laquelle peut être soumise la réalité géographique est celle du paysage. Comme le souligne Jakob, la relation entre nature et sujet à l’origine de cette notion n’est jamais complètement vierge et immédiate : au contraire, comme on peut le constater en observant la naissance et l’histoire de la notion de paysage dans les différentes langues européennes, « le cadre, l’orientation et le caractère de l’expérience du paysage sont […] dans une mesure considérable préétablis par l’art et ce n’est qu’à un moment historique ultérieur […] qu’il y aura une véritable expérience du paysage » (Ivi, p. 10-11 ; sur la notion de paysage voir aussi, plus récemment, Besse 2018, D’Angelo 2021).

Bien que « dans le processus de constitution du paysage, la primauté revient à la peinture » (Jakob 2005), la littérature a également joué un rôle précoce et important dans l’histoire du concept : on peut mentionner, par exemple, la poésie de Pétrarque et la poésie lyrique en général, qu’en étant le genre poétique le plus lié à l’expression du sujet, « semble tout particulièrement apte à exprimer ces composantes subjectives de l’expérience paysagère » (Collot 2005). Dans les périodes historiques et culturelles au cours desquelles la subjectivité réclame une plus grande place, le paysage littéraire a une importance décisive et croissante. C’est le cas de la littérature moderne depuis le Romantisme : de Rousseau à Bonnefoy, de Goethe à Jaccottet, de Holderlin à Zanzotto le paysage représente pour le sujet lyrique ou pour le narrateur une occasion irremplaçable pour se connaître à travers le monde (Jakob 2005 : « dans l’expérience d’un paysage, et dans un sens encore à définir, ce qui est en jeu c’est le sujet lui-même »).

Certains poètes et certains romanciers s’emparent également de l’esthétique urbaine dans des poèmes ou des romans entiers comme Baudelaire (Tableaux parisiens, dans Les Fleurs du mal), Apollinaire (Zone, dans Alcool) et André Frénaud (Gare de l’Est, dans Les Rois mages et Suite de Paris, dans Il n’y a pas de paradis) ou encore Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit) – romancier par excellence du Paris du début du XXe siècle – et l’allemand W. G. Sebald, qui dans Austerlitz fait une large place à certains lieux typiques de la réalité urbaine, comme les gares ferroviaires, également à l’aide du médium photographique. Certains cinéastes et certains photographes accordent par ailleurs une place prépondérante au paysage dans leurs œuvres (voir Bernardi 2006, Thomas 2022, Amiel – Moure 2020) : en se limitant aux représentations urbaines, on peut mentionner Allemagne année zéro de Roberto Rossellini, dans lequel la caméra filme Berlin en ruine et, du côté de la photographie, Liam Wong, qui propose un rapport visuel esthétique à la lumière urbaine, aux néons, aux matériaux et autres éléments emblématiques de l’artificialité du paysage métropolitain nippon dans son ouvrage TO : KY : OO.

Ce colloque sera l’occasion pour les jeunes chercheur.euse.s de réfléchir ensemble aux interactions symboliques entre les individus, les sociétés et l’espace géographique et aux représentations qui y sont associées, dans une orientation résolument interdisciplinaire. Les échanges en marge du colloque seront l’occasion de décloisonner des concepts souvent enfermés dans les “frontières” disciplinaires.

Sur la base des réflexions préalablement proposées, nous proposons les pistes de recherche suivantes :

1.  Seuils et frontières 

Les communications pourront proposer une réflexion autour des notions de seuils, de limites ou de frontières : la façon de découper l’espace, la question de l’exploration et de l’expansion du monde connu ainsi que l’appropriation d’un espace par une personne ou un groupe d’individus pourraient en ce sens être des pistes intéressantes à développer. Les communicant-e-s pourront être amenés à s’interroger sur les permanences et mutations à l’œuvre au sein de ces zones de jonction. Dans cette perspective, l’étude des identités transfrontalières serait pertinente. La cristallisation des identités politiques et nationales sur la frontière ou sur un territoire pourra également être étudiée, aussi bien dans une perspective historique que contemporaine.

2. Imaginaire et espace / espaces imaginaires

Les communicants.es peuvent s’intéresser à l’articulation anthropologique entre imaginaire et espace : comment les populations s’approprient-elles symboliquement un espace ? Comment les récits anthropologiques contribuent-ils à créer un rapport particulier au à l’espace ? Les communications pourront aussi s’intéresser aux représentations artistiques et littéraires du paysage (naturel et urbain), notamment aux constantes (stylistiques, thématiques, culturelles) des représentations paysagères dans une période donnée de l’histoire de la culture ou bien dans l’œuvre d’un auteur particulier ou dans un courant artistique et littéraire.

3. Territoires et sociétés / territoires de l’intime

L’évolution de la notion de territoire pourra être vue comme le témoin de la mutation des sociétés. Le renouvellement de la compréhension du territoire au regard des préoccupations actuelles ayant trait au rapport entre les sociétés humaines et le vivant pourra par exemple être étudié. Plus largement, on prêtera une attention particulière au concept d’« habiter », comme construction de l’individu et des sociétés par l’espace, et inversement. L’habiter pourra être pris en compte dans sa dimension multiscalaire, de l’espace domestique, privé, au territoire lui-même. Dans cette perspective, les liens entre cartographie et pouvoir pourront être étudiés, de même que la cartographie de l’espace intime, à hauteur d’homme ou d’enfant.

4. Pratiques de l’espace 

La façon dont les différentes formes de pratique de l’espace influencent nos représentations pourront être étudiées. Les communications pourront par exemple interroger la façon dont les moyens de locomotion (train, voiture, avion, vélo…) et les pratiques (randonnée, ski, escalade…) contribuent à forger voire à transformer nos représentations de l’espace, et à nouer un rapport particulier au paysage, à l’environnement qui nous entoure. L’étude du tourisme, comme ensemble de pratiques de l’espace, est également un angle d’étude pertinent, en prêtant par exemple attention à la communication et au marketing territorial. Comment un territoire ou un terroir est-il valorisé, représenté, voire construit, par la communication touristique du territoire et/ou la communication commerciale des produits ?

Soumission des propositions

Le colloque, qui se déroulera les 11-12 décembre à l’Université de Lorraine, s’adresse aux doctorants, post-docs et post-doctorants diplômés depuis trois ans au maximum. Chaque communication durera au maximum 20 minutes. La soumission des propositions de communications pourra se faire en français ou en anglais. Les propositions, en format.pdf, devront contenir un résumé de 500 mots maximum, une bibliographie de référence (5 titres maximum) et une brève notice bio-bibliographique du communicant (200 mots maximum).

Les candidatures doivent être envoyées au plus tard le 15 juillet,

à l’adresse colloquedoctoralenancy@gmail.com ; les résultats seront communiqués par courrier électronique au plus tard le 15 septembre. La publication des actes est envisagée. Pour toute information, demande ou précision, veuillez écrire à colloquedoctoralenancy@gmail.com.  

Comité scientifique 

Christelle Di Cesare, Alain Guyot, Giuseppe Sangirardi, Marie-Lou Solbach, Marine Soubeille.

Comité d'organisation 

Manon Barret, Nicolas Gony, Carolina Morello, Stefano Volta.

Bibliographie sélective

AMIEL Vincent, MOURE José, Histoire vagabonde du cinéma, Paris, Vendémiaire, 2020.

BAUD Pascal, Bourgeat Serge et Bras Catherine, Dictionnaire de géographie, Hatier, coll. « Initial », 2003 [plusieurs rééd.].

BEGAG Azouz et al, D’une frontière à l’autre : Migrations, passages, imaginaires, Toulouse : Presses universitaires du Midi, 2020.

BERNARDI Sandro, Antonioni, personnage paysage, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2006.

BESSE Jean-Marc, « Approches spatiales dans l’histoire des sciences et des arts », L’Espace géographique, vol. 39, no 3, Belin, 2010.

BESSE Jean-Marc, La nécessité du paysage, Marseille, Parenthèses, 2018.

BONNEMAISON Joël, La géographie culturelle, Paris, Editions du C.T.H.S, 2000.

BROSSEAU M., Des romans-géographes, Paris, L’Harmattan, coll. Géographie et cultures, 1996

BRUNET Roger et Théry Hervé, « Territoire », in Brunet, Ferras et Théry (dir.), Les mots de la géographie. Dictionnaire critique. Reclus, La Documentation française, 1993 (1e éd. 1992).

CAWS, M. A. (sous la direction de), City Images : Perspectives from Literature, Philosophy, and Films, Gordon and Breach, New York 1991.

COLLOT Michel, Paysage et poésie du romantisme à nos jours, Paris, José Corti, 2005.

COLLOT Michel, « Pour une géographie littéraire », dans Fabula-LhT, n° 8, « Le Partage des disciplines », dir. Nathalie Kremer, mai 2011, URL : http://www.fabula.org/lht/8/collot.html.

D’ANGELO Paolo, Il paesaggio. Teorie, storie, luoghi, Turin, Einaudi, 2021.

DESPORTES Marc, Paysages en mouvement : transports et perception de l’espace, Paris, France, Gallimard, 2005.

FOUCHER Michel, L’Invention des frontières, Fondation pour les études de défense nationale, Paris, 1986.

GOEURY David, Introduction à l’analyse des territoires : concepts, outils, applications, Paris, Armand Colin, 2016.

HATEM Fabrice : Le marketing territorial, Principes, méthodes et pratiques, Colombelles, EMS Editions, 2007.

JACQUELIN Alice, Territorialisation du polar européen, entre représentation pittoresque et écriture des marges, dans Belphegor, 2022, 20 (1).

JAKOB Michael, Paesaggio e letteratura, Florence, Olschki, 2005.

LE BERRE Maryvonne, « Territoires », dans A. Bailly, R. Ferras et D. Pumain, Encyclopédie de Géographie, Économica, Paris, 1995, p. 617-638.

LEFEBVRE Henri, La Production de l'espace, Paris, Éditions Anthropos, 1974. 

LUGINBÜHL Yves, La mise en scène du monde. Construction du paysage européen, Paris, CNRS Editions, 2012.

PARKER, Thomas, Le goût du terroir, histoire d’une idée française, Tours, Presses universitaires FrançoisRabelais, 2017.

THOMAS Benjamin, De l’insistance du monde. Le paysage en cinéma, Caen, Passage(s), 2022.

WESTPHAL Bertrand, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 2007.

Orte

  • Université de Lorraine
    Nancy, Frankreich (54)

Veranstaltungsformat

Hybridveranstaltung


Daten

  • Dienstag, 15. Juli 2025

Schlüsselwörter

  • espace, territoire, terroir, paysage, littérature, études culturelles, représentation

Informationsquelle

  • Nicolas GONY
    courriel : nicolas [dot] gony [at] univ-lorraine [dot] fr

Lizenz

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Zitierhinweise

« Se projeter dans l’espace : territoire(s), terroirs, paysages et frontières », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Montag, 12. Mai 2025, https://doi.org/10.58079/13wqv

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