Published on Tuesday, May 13, 2025
Abstract
Durant cette journée de rencontre, juristes et historiens, spécialistes du génocide, noueront un dialogue. Leurs débats seront articulés autour de quatre questions d’intérêt commun pour la saisie du crime de génocide par les deux disciplines ou pratiques : Interdiction du génocide : des violences et « légendes noires » au crime de droit coutumier ; Auteurs du génocide : individuels, collectifs et/ou institutionnels ; Conditions du génocide : intentions et/ou processus génocidaires ; et Justice et vérité du génocide : « passé qui ne passe pas » et « assassins de la mémoire ». Le traitement de ces questions sera bien entendu l’occasion de revenir sur différents cas de génocide dans l’histoire, y compris dans celle du droit international.
Announcement
Argumentaire
Déclaré pour la première fois comme un crime par l'Assemblée générale des Nations unies en 1946 et interdit par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, le génocide est souvent considéré comme le « crime des crimes ». Contrairement aux trois autres grands crimes codifiés à nouveau depuis dans les statuts des différents tribunaux pénaux internationaux (dont le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 juillet 1998), le crime de génocide n’a jamais varié dans sa formulation. En comparaison, et jusqu’à il y a peu, il a en outre été plus rarement invoqué. Ses différents éléments n’ont, dès lors, aussi été que plus rarement interprétés dans la jurisprudence internationale, que ce soit par les tribunaux pénaux internationaux ad hoc comme les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie ou par la CPI. De cette permanence de la formulation du crime et de son interprétation comparativement plus limitée, certains ont déduit une force normative parmi les plus élevées en droit international, une valeur de reconnaissance historique des crimes commis et, c’est lié, un rôle avant tout préventif de son interdiction.
Depuis une vingtaine d’années, toutefois, une évolution significative se fait sentir grâce aux procès pénaux internationaux, puis nationaux pour génocide, notamment en ex-Yougoslavie et au Rwanda. En marge de ces procès, c’est aussi la violation de l’obligation de droit international qu’ont les États de prévenir le génocide qui est invoquée et précisée de manière de plus en plus fréquente en pratique. C’est ainsi que la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ) s’est étoffée autour de l’obligation de prévention du génocide (p.ex. affaires Croatie c. Serbie (1999-2015), Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro (1993-2007)). La clause de compétence de l’art. IX de la Convention de 1948 permet en effet à tout État partie à la Convention de saisir la CIJ d’un différend sur son interprétation. De plus en plus d’États y font recours, y compris afin d’obtenir un accès à la CIJ. C’est ainsi qu’actuellement, cette clause de compétence est au fondement de pas moins de cinq procédures contentieuses contre des États et, dès lors, de multiples ordonnances et arrêts à venir en lien avec la situation au Myanmar, en Ukraine, à Gaza et au Soudan : Soudan c. Émirats arabes unis (2025-) ; Nicaragua c. Allemagne (2024-), Afrique du Sud c. Israël (2023-), Ukraine c. Fédération de Russie (2022-) et Gambie c. Myanmar (2019-).
Face à cette évolution rapide de la pratique internationale en matière de génocide et aux nouvelles questions qu’elle soulève pour la conceptualisation du « crime des crimes », un bilan juridique et historique s’impose. Étant donné la place centrale qu’occupe à divers titres l’histoire au sein du raisonnement juridique en matière de génocide (p.ex. au titre de sources coutumières, de preuve, de causalité ou encore d’attribution de comportement, voire de responsabilité), il est intéressant d’y procéder en dialogue avec les historiens. La Convention de 1948 invite d’ailleurs les juristes à se rapprocher des historiens, voire participe à leurs débats, puisqu’elle reconnaît dans son préambule « qu’à toutes les périodes de l’histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité ». L’intérêt d’un tel bilan vaut aussi en histoire, ne serait-ce que parce que cette histoire s’écrit souvent en ou par la justice. La question se pose en outre de l’application du concept (juridique) récent de génocide aux réalités mouvantes de l’histoire, en particulier à un moment et à des endroits où de larges pans du passé sont vécus comme appartenant toujours à notre présent. Il ne s’agit pas de nier l’existence d’exterminations de masses par le passé, mais de déterminer si le concept de génocide apporte un élément supplémentaire de compréhension historique des processus étudiés.
Programme
09.00-09.30 Introduction Henry Laurens & Samantha Besson
09.30-11.00 — Partie 1 Interdiction du génocide : des violences et « légendes noires » au crime de droit coutumier
Présidence : Anne Cheng
- 09.30-10.00 Le génocide, norme de droit coutumier, mais depuis quand ? William Schabas
- 10.00-10.30 Guerres de Vendée et génocide : au-delà des polémiques, une question capitale Jean-Clément Martin
- 10.30-11.00 — Discussion
11.00-11.30 — Pause
11.30-13.00 — Partie 2 Auteurs du génocide : individuels, collectifs et/ou institutionnels
Présidence : Anne Cheng
- 11.30-12.00 The Elephant in the Room: Genocides, Past, Present and Future in an Era of Anthropogenic Omnicide Mark Levene
- 12.00-12.30 Les auteurs de génocide : de la difficulté de démêler ce qui est individuel de ce qui est collectif Monique Chemillier-Gendreau
- 12.30-13.00 — Discussion
13.00-14.30 — Pause
14.30-16.00 — Partie 3 Conditions du génocide : intentions et/ou processus génocidaires
Présidence : Didier Fassin
- 14.30-15.00 Établir le crime de génocide dans le procès pénal : histoire, émotion et preuves Guénaël Mettraux
- 15.00-15.30 Pour en finir avec la « motivation ». Intentions, stratégies, situations et expériences des acteurs de la violence nazie Christian Ingrao
- 15.30-16.00 — Discussion
16.00-16.15 — Pause
16.15-17.45 — Partie 4 Justice et vérité du génocide : « passé qui ne passe pas » et « assassins de la mémoire »
Présidence : Didier Fassin
- 16.15-16.45 Eradicating Gaza: How to Remember and Forget Genocide Omer Bartov
- 16.45-17.15 Mémoire, histoire et temps présent : le cas de Gaza Rafaëlle Maison
- 17.15-17.45 — Discussion
17.45-18.30 Discussion générale et conclusions Samantha Besson & Henry Laurens, co-organisateurs de la journée
Intervenantes et intervenants
Omer Bartov (université de Brown) ; Monique Chemillier-Gendreau (université Paris Cité) ; Christian Ingrao (CESPRA, École des hautes études en sciences sociales/CNRS) ; Mark Levene (université de Southampton) ; Rafaëlle Maison (IEDP, université Paris-Saclay) ; Jean-Clément Martin (IHMC, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) ; Guénaël Mettraux (Chambres spécialisées pour le Kosovo, La Haye & université de Galway) ; William Schabas (université de Middlesex, Londres).
Participation
La conférence est ouverte à toutes et à tous dans la limite des places disponibles.
Places
- Amphithéâtre Maurice Halbwachs - Collège de France, 11 place Marcelin Berthelot
Paris, France (75005)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, June 13, 2025
Attached files
Keywords
- génocide, droit, histoire, Collège de France
Contact(s)
- Camille Michel
courriel : camille [dot] michel [at] college-de-france [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Camille Michel
courriel : camille [dot] michel [at] college-de-france [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Génocide. Droit et histoire du crime des crimes », Conference, symposium, Calenda, Published on Tuesday, May 13, 2025, https://doi.org/10.58079/13wtu