Le contrôle des ressources financières, outil majeur de la domination masculine, peut aussi devenir un levier d’inflexion du patriarcat. L’autonomisation financière des femmes, conçu comme l’accroissement de leur accès aux ressources économiques et à la décision relative à leur usage, peut en effet devenir un vecteur de réduction des inégalités hommes/femmes. En zones rurales africaines, plusieurs indicateurs laissent à penser que les femmes accèdent davantage que par le passé aux ressources économiques. Du fait de l’amélioration de leurs niveaux d’éducation, elles accèdent aujourd’hui davantage à des emplois – éventuellement salariés – plus stables et mieux rémunérés. Quels sont leurs effets sur les relations entretenues avec les conjoints en termes de partage des tâches et des décisions, notamment celles concernant les enfants ? Quelles sont les résistances et réticences aux changements en la matière ?

Argumentaire

Le contrôle des ressources financières, outil majeur de la domination masculine (Gollac & Bessière, 2020), peut aussi devenir un levier d’inflexion du patriarcat. L’autonomisation financière des femmes, conçu comme l’accroissement de leur accès aux ressources économiques et à la décision relative à leur usage, peut en effet devenir un vecteur de réduction des inégalités hommes/femmes. L’exemple de l’avancée des droits des femmes à la suite de la première, puis la seconde guerre mondiale en Europe illustre de façon canonique le rôle de l’activité professionnelle des femmes – et des revenus qu’elles en tirent – sur le changement social et la réduction des inégalités genrées. Les enquêtes statistiques actuelles montrent que les couples dans lesquels les femmes gagnent davantage que leurs conjoints sont ceux où les inégalités dans la répartition des tâches ménagères sont les plus faibles (INSEE, 2000). Toutefois cette baisse des écarts procède davantage d’un allègement des tâches incombant aux femmes que d’une augmentation de celles prises en charge par les hommes.

En Afrique de l’Ouest, Laure Moguerou et al. (2019), Norbert Kpadonou et al. (2016) ou encore Bilampoa G. Thobiano (2018) ont montré des effets relativement similaires, mais bien plus modérés, de l’accroissement du travail économique des femmes sur l’organisation domestique des couples vivant en ville. Qu’en est-il dans les zones rurales, où les constructions sociales traditionnelles de genre brident, davantage qu’en ville, l'accès des femmes aux ressources économiques et à la prise de décision et où, plus qu’ailleurs, les femmes font face à des obstacles dans l'accès à la propriété, aux crédits et aux opportunités d'emploi rémunérés en espèces ?

En zones rurales africaines, plusieurs indicateurs laissent à penser que les femmes accèdent davantage que par le passé aux ressources économiques. Du fait de l’amélioration de leurs niveaux d’éducation, elles accèdent aujourd’hui davantage à des emplois - éventuellement salariés - plus stables et mieux rémunérés. En complément des traditionnelles formes de crédit, telles les tontines, que les femmes africaines organisent depuis longtemps, de nouvelles initiatives de microfinance visent à renforcer leur accès au crédit pour créer ou développer des micro-entreprises (Guérin, 2008 et 2017). Diverses ONG internationales développent, avec des succès variables, des projets de soutien aux activités génératrices de revenus pour les femmes (Gning, 2023).

De même, la diffusion de smartphones et des activités de services en ligne, notamment pour les paiements (à l’exemple du développement et de la diffusion rapide généralisée du Mobile Money sur le continent), participent aussi de cette dynamique en renforçant l’individualisation du contrôle des ressources (les femmes africaines ne mettant généralement pas en commun leurs ressources avec celles des maris). En outre, les migrations de retour (des villes vers les campagnes, ou des campagnes à fortes potentialités économiques vers des campagnes à faibles potentialités) participent à la diffusion de comportements contribuant à la reconfiguration des relations hommes/femmes en matière de contrôle des ressources et de gestion du foyer en milieu rural.

Une série de travaux récents ont documenté ces diverses voies d’autonomisation des femmes dans le contexte de l’Afrique rurale : exploitation commerciale de plantes « réservées aux femmes » (Diatta et al., 2023) ou, au contraire, plus classiques comme le manioc (Amoa et al., 2023) ; actions de cadastrage des terres (Rouamba et al., 2020) ou de formalisations légales des organisations féminines, avec ouverture de comptes bancaires (Touré & Kassoum, 2023) ; initiatives d’incitations financières (Chekrouni, (2023) ou de création de fonds de garanties (Kone-Barry, 2019) ; accompagnement entrepreneurial de la part de l’État (Ouattara, 2020) ou, plus prosaïquement, développement de l’accès à internet (Kegnide & Vodouhe, 2023). Si toutes ces initiatives visant l’accès aux ressources économiques des femmes permettent, avec des succès divers, un accroissement de leur autonomie économique, quels sont leurs effets sur les relations entretenues avec les conjoints en termes de partage des tâches et des décisions, notamment celles concernant les enfants ? Quelles sont les résistances et réticences aux changements en la matière ?

Les communications attendues à ce colloque porteront sur les reconfigurations des rapports de genre induits par les situations d’autonomisation financière des femmes. Elles pourront également porter, toujours à partir de situations d’autonomisation financière des femmes, sur les violences de genre et/ou des stratégies de maintien, voire de renforcement des stéréotypes et des discriminations genrées qui entravent la réduction des inégalités. Elles pourront ainsi traiter des configurations sociales dans lesquelles les relations hommes/femmes sont les plus conflictuelles, ainsi que de celles où les avancées concrètes se réalisent et où les dynamiques d’autonomisation financière des femmes s’accompagnent effectivement d’une réduction des inégalités structurelles de genre. Enfin, les communications pourront aborder la thématique du « développement féminin » par exemple en s’interrogeant sur le fait que les femmes investissent plus souvent que les hommes dans la santé, l'éducation et le bien-être de leur famille : cela génère-t-il des formes de développement alternatif, différent de celui piloté par des hommes ?

Les contributions pourront s’insérer dans les axes suivants :

Axe 1 : Rôle des gouvernements et des ONG dans la promotion de l’autonomisation économique des femmes rurales.

Axe 2 : L’entreprenariat agricole collectif et les organisations féminines pour l’autonomisation financière des femmes.

Axe 3 : Les violences de genre et/ou les stratégies de maintien du patriarcat en milieu rural africain.

Axe 4 : Éducation/formation des hommes et des femmes : des investissements spécifiques ? Des modèles de développement différents ?

Conditions de soumission

Les propositions de communication devront contenir :

•  Un résumé de 300 mots, ainsi que 5 mots clefs. L’ajout d’un développement d’au maximum une page est facultatif.
• Une identification du communicant : âge, sexe, plus haut diplôme obtenu et poste actuellement occupé.

Les propositions de communication devront être envoyées à l’adresse colloque-mondou@uvsq.fr

avant le 1er juillet 2025.

Les réponses seront données avant le 15 octobre 2025.

Le colloque se tiendra à l'Université de Moundou, Tchad les 29, 30 et 31 janvier 2026.

Comité scientifique

• Vincent de Paul Allambademel, Maître de Conférences, Université de Moundou, Tchad.
• Diddy Kondjo Brossala, Professeur Titulaire, Instituts UCAC, Moundou, Tchad.
• Alizée Delpierre, chargée de recherche, CNRS/Printemps.
• Man-Na Djangrang, MC, Centre National de la Recherche pour le Développement, Tchad.
• Isabelle Droy, chargée de recherche, IRD.
• Benoit Gaudin, Maître de Conférences, HDR, UVSQ/Laboratoire Printemps.
• Christine Hamelin, Maîtresse de conférences, UVSQ/Printemps.
• Salomon Kelgue, Maitre-Assistant, Université de Moundou, Tchad.
• Jean Claude Kouladoum, Agrégé d’économie, Université de N’Djamena, Tchad. Marie Lesclingand, Prof de socio-démographie, Université Côte d'Azur/URMIS Laure Moguerou, Maîtresse de conférences, Université Paris Nanterre/Cresppa.
• Giscard Nérade, Maitre-Assistant, Université de Moundou, Tchad.
• Cheikh Sadibou Sakho, Maître de Conférences, Université Gaston Berger, St Louis, Sénégal.
• Maciel Santos, Directeur du Centro de Estudos Africanos de l’Université de Porto, Portugal.
• Gabrielle Schütz, maîtresse de conférences HDR, UVSQ/laboratoire Printemps.
• Mahamet Timera, Professeur de sociologie, Université Paris Cité /URMIS. Boubacar Yamba, professeur, Université Abdou Moumouni de Niamey, Niger Adamou Yérima, Maitre-Assistant, Université de Moundou, Tchad.

Comité d’organisation

• Vincent de Paul Allambademel, Maître de Conférences, Université de Moundou, Tchad.
• Benoit Gaudin, Maître de Conférences, HDR, UVSQ/Laboratoire Printemps.
• Salomon Kelgue, Maitre-Assistant, Université de Moundou, Tchad.
• Giscard Nérade, Maitre-Assistant, Université de Moundou, Tchad.
• Adama Ouedraogo, Maître de Conférences, UVSQ/Laboratoire Printemps.
• Epaphrodite Valansa, Doctorant, UVSQ/Laboratoire Printemps.
• Dr Yerima Amadou (MA), Université de Moundou (Tchad)
• Dr Aldingangar Djimingar (MA), Université de Moundou (Tchad)
• Dr Moundakom Yandi (MA), Université de Moundou (Tchad)
• Dr Dadoum Djeko Magloire (Chargé de la Recherche), Université de Moundou (Tchad)
• Dr Djemon Model (MA) , Université de Moundou (Tchad)
• Dr Djimalde Faustin, Université de Moundou (Tchad)
• Dr Olame Houmina Patrice, Université de Moundou (Tchad)
• Dr Mbatel Ribar, Université de Moundou (Tchad)
• Dr Masrangar Nadjiara, Université de Moundou (Tchad)
• Dr Rahabia Assafi Sakhaire, Université de Moundou (Tchad)
• Dr Adoum Adei Mahamat, Université de Moundou (Tchad)
• M. Pafing Sobdibe Palou, Université de Moundou (Tchad)
• M. Djimingar Khamis Djibrine, Université de Moundou (Tchad)
• M. Djasrabe Bondo, Université de Moundou (Tchad)       
• Mme Neloumta Joseline, Université de Moundou (Tchad)
• M. Djimrabeye Richard, Université de Moundou (Tchad)
• Kada Gilbert, Université de Moundou (Tchad)
• Djiadingar Djimoguina Francis, Université de Moundou (Tchad)
• Djikoloum Rodrigue, Université de Moundou (Tchad)

Bibliographie

Amoa C., Amlan E., Adon K. et Okou K.N., La place du manioc dans l’autonomisation des femmes de Bonoua (Côte d’Ivoire), SCIREA Journal of Sociology 7.6, 2023, 481-500.

Chekrouni N., Autonomisation des femmes au Maroc : un potentiel incontournable pour le développement, Maghreb-Machrek 59.1, 2023, 25-35.

Diatta C.S. et al., Carapa procera, femme et économie des ménages dans les communautés diola de la Basse Casamance, Sud du Sénégal, Afrique et Développement 48.3, 2023, 75-104.

Gning, S., Joseph, G. & Sene, M., Discours religieux et pratiques d’entrepreneuriat féminin au Sénégal : controverses autour de l’autonomisation des femmes. Religiologiques, (45), 2023, 161–189.

Guérin, I., Du Pouvoir, De L’argent et de L’amour ! Les Ressorts Cachés de L’empowerment. Cahiers du Genre, 63(2), 2017, 121-144.

Guérin, I., L'argent des Femmes Pauvres : Entre Survie Quotidienne, Obligations Familiales et Normes Sociales. Revue Française de Socio-Économie, 2(2), 2008, 59-78.

Gollac S. et Bessière C., Le genre du capital, La Découverte, 2020.

Gomez-Perez M. (ed.), Femmes d'Afrique et émancipation : Entre normes sociales contraignantes et nouveaux possibles. KARTHALA Editions, 2019.

INSEE, Enquête Emploi du temps, 2010.

Kandil L., Périvier H., traduit par Richou C., Partager les tâches domestiques ? La division du travail dans les couples selon le type d’union en France, 1985-2009. Population, vol. 76(1), 2021, 155-191.

Kegnide E.R. et Fifanou G.V., Facteurs socio-économiques influençant l’autonomisation des femmes en milieu rural au Bénin, Revue Française d'Economie et de Gestion, 2023, 4.11.

Kone-Barry H., Le fonds de garantie, une approche solidaire pour l'autonomisation financière de la femme rurale burkinabè, CTA Experience Capitalization Series, 2019.

Kpadonou N., Adjamagbo A., Gastineau B. et Toudeka M-R, « Cycle de vie des couples et partage des tâches domestiques au sein des couples à Cotonou et Lomé » in Pennec S., Girard C., Sanderson J-P. (éd.), Trajectoires et âges de la vie. Association internationale des démographes de langue française, 2016.

Moguérou L., Vampo C., Kpadonou N., Adjamgbo A., Les hommes au travail... domestique en Afrique de l’Ouest L’effet modéré des reconfigurations du travail féminin sur les masculinités à Dakar et à Lomé. Cahiers du Genre, n° 67, 2019/2, 97-119.

Ouattara M. L. Entrepreneuriat féminin et autonomisation économique des femmes commerçantes en Côte d’Ivoire : une approche historique, Documents de recherche de l’observatoire de la francophonie économique (DROFE)(14), 2020.

Pailhé A. et Remillon D., Évolutions des calendriers démographiques et répartition des tâches domestiques. Céreq Essentiels, N° 4(1), 2022, 75-85.

Ponthieux S. et Schreiber A., Dans les couples de salariés, la répartition du travail domestique reste inégale, Données sociales INSEE, 2006, 43-51.

Roy D., L’argent du « ménage, qui paie quoi ?, TGS, 2006, n° 15.

Rouamba Bowendsom C.V., Kiswendsida M-M., Pouya O. et Yacouba Tengueri Z. Attestation de possession foncière rurale et autonomisation économique des femmes, une étude de cas des femmes bénéficiaires dans la commune de Cassou (Burkina Faso), Réflexions sur le développement durable en Afrique : Sous l'angle des lettres et des sciences humaines et sociales, 2020.

Senécal-Lirette V., Calvès A., Binetou Dial F.et Marcoux R. (dir.), Nouvelles dynamiques familiales en Afrique, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2018, 419 pages.

Thiombiano B.G., “Le travail et la famille en milieu urbain : un défi pour les femmes à Ouagadougou”, in Calvès A. et al (eds.), Nouvelles Dynamiques Familiales En Afrique, 1st ed., Presses de l’Université du Québec, 2018, 155–82.

Touré A., Ségbé G-R. Ballé, et Traore K., Des actions d’appui aux groupements de femmes dans la région de Poro (Côte d’Ivoire), Afrique contemporaine 275.1, 2023, 137-155.