Compte tenu de l’évolution rapide des enjeux sociaux en rapport avec les risques climatiques et les menaces qui pèsent sur les ressources naturelles, l’écopoétique se trouve dans une situation d’urgence. C’est pourquoi elle doit être attentive à tous les usages littéraires de la nature, aussi différents soient-ils, même si pour certains, la littérature environnementale peut représenter un discours alternatif. L’écopoétique s’est donc assignée pour mission, de renforcer son ambition critique en cherchant à identifier à quelles représentations de la nature les textes s’ordonnent. Ainsi, elle a pour objectifs de discerner son objet, de définir des questions d’ordre poétique et de délimiter / d’examiner ses enjeux critiques et le bien-fondé du rôle qu’elle attribue à la littérature.

Argumentaire

A la fin du XX^e siècle, la littérature s’est tournée vers de nouvelles formes littéraires axées principalement sur les préoccupations environnementales. On a vu un imaginaire écologique s’éclore, une sorte de retour à l’authenticité qui met l’environnement au-devant des questionnements d’un bon nombre d’écrivains contemporains. Une sorte de prise de conscience des enjeux climatiques ainsi que de l’emprise croissante de l’homme sur sa biosphère se fait voir y compris dans les milieux académiques. 

Descendant du nature writing, l’écopoétique est une discipline qui ne cesse de gagner du terrain. Cette mouvance littéraire, rapprochant les domaines de la littérature et de l’écologie, a émergé aux États-Unis au cours des années 1970, via l’« écologie littéraire » de Joseph Meeker et l’« ecocriticism » de William Ruecker. Succédant à la notion d’engagement qui a investi la littérature durant la période des deux guerres mondiales ainsi qu’à la littérature du « soupçon », elle trouve sa légitimité dans une prise de conscience de plus en plus aiguë de la nécessité de penser la « planète malade », surexploitée et défigurée. Cette prise de conscience de « l’entrée de l’ensemble des activités humaines dans l’anthropocène » (A. Gefen, Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité) ainsi que des dangers encourus par l’écosystème, légitime les questionnements de la littérature contemporaine sur le rapport entre l’homme et son environnement.

L’écopoétique essaie de combler la césure entre l’homme et le monde qui l’entoure, et de concilier l’étude environnementale dans sa dimension naturelle et socioculturelle avec la littérature. Celle-ci « entend à présent rejouer un rôle social et politique » et un grand nombre d’écrivains s’emparent de l’écologie comme thème ou en font la dynamique d’une intrigue.

Inscrite dans une prise de conscience philosophique de l’enchevêtrement entre l’homme et le monde, cette nouvelle discipline se trouve désormais dans la nécessité de faire appel à d’autres disciplines nouvelles telles que l’écostylistique, l’écosémiotique et l’écolinguistique, ce qui permet de parler d’une « écologie culturelle ». Cette « écologie culturelle » associe en fait les soucis de l’écrivain quant aux menaces encourues par la nature aux paysages intérieurs.

Ainsi, une interaction entre la question écologique et le mode de pensée écologique est née, engendrant une « forme textuelle qui brise les structures sociales et les idéologies ossifiées, donne symboliquement du pouvoir aux marginaux et reconnecte ce qui est culturellement séparé » (H. Zapf). En s’associant à la géopoétique (Bertrand Westphal, Michel Collot, Michel Deguy, Kenneth White, etc.) qui consiste à relever « les qualités sensibles du spectacle et ses résonances affectives », pour reprendre les termes de Michel Collot, l’écopoétique s’interroge sur des formes poétiques mettant en scène le règne végétal et animal et évoquant les problèmes écologiques tout en mettant en avant le travail de l’écriture.

La pensée écologique a donc fini par contaminer tous les autres domaines de la pensée, ainsi que l’affirme Timothy Morton,(Ecological Thought) y compris la théorie littéraire. Elle annonce un « réengagement politique de la littérature qui s’écarte du modèle de la pure contemplation esthétique désintéressée ». En tant que « pratique du sensible », l’art se trouve au premier plan des mutations perceptibles, liées à cette prise de conscience écologique. Son immense mobilité lui permet de devancer les discours sociaux. D’où l’apparition à la fois de la « littérature environnementale » ainsi que de la « non-fiction à visée écologique ».

De même, l’épanouissement de l’écopoétique témoigne du dépassement de l’opposition nature/culture consacrant la supériorité humaine, des faux partages et du renouvellement des questions littéraires (genres, personnages, points de vue) et l’avènement de l’écocritique qui est, selon Gefen ( Les théories écologiques de la littérature : de l’écopoétique à la biocritique) « invitée à décrire ces transformations du récit » et qui « est aussi une vraie rupture épistémologique pour les études littéraires ».

Notons également que l’écopoétique s’intéresse avant tout au texte en conscrivant son objet d’analyse, à savoir le texte littéraire et son approche théorique telles que l’analyse discursive, énonciative et narrative dans le cadre des études écocritiques.

L’analyse écopoétique n’est donc pas simplement une étude du thème de la nature, mais bien un thème critique spécifique qui permet l’émergence d’un nouveau savoir de la littérature. En d’autres termes, le propre de l’écopoétique est de porter une attention particulière aux multiples constructions propres aux questions environnementales au sein même du contexte littéraire

Thomas Pughe, dans son article « Réinventer la nature : vers une éco-poétique », estime que la réinvention littéraire de la nature est une illusion en dehors des représentations qui l’attachent à un espace aliéné par les avancées technologiques.

Compte tenu de l’évolution rapide des enjeux sociaux en rapport avec les risques climatiques et les menaces qui pèsent sur les ressources naturelles, l’écopoétique se trouve dans une situation d’urgence. C’est pourquoi elle doit être attentive à tous les usages littéraires de la nature, aussi différents soient-ils, même si pour certains, la littérature environnementale peut représenter un discours alternatif.

L’écopoétique s’est donc assignée pour mission, de renforcer son ambition critique en cherchant à identifier à quelles représentations de la nature les textes s’ordonnent. Ainsi, elle a pour objectifs de discerner son objet, de définir des questions d’ordre poétique et de délimiter / d’examiner ses enjeux critiques et le bien-fondé du rôle qu’elle attribue à la littérature.

Pistes de réflexion

Les axes de réflexion suivants pourront être étudiés :

• La place de l’écriture de la nature dans la littérature francophone
• Le rapport des écrivains contemporains à leur environnement naturel 
• A quelles stratégies ont recours les écrivains pour exprimer ce rapport à l’écologie ?
• L’écriture écopoétique dans sa dimension fictionnelle
• Enjeux actuels de l’écopoétique
• L’interdisciplinarité qu’il y a entre les études littéraires et les humanités environnementales (études décoloniales, écoféminisme, anthropologie environnementale)
• La notion de connectivité entre les écrits littéraires et la nature
• La notion de connectivité entre les écrits littéraires et la nature
• Littérature et engagement écologiste
• Domination de l’homme sur la nature
• Catastrophes naturelles et dérèglements climatiques : d’une nature menaçante à une nature menacée
• L’écriture de la nature au XXI^e siècle
• La littérature comme reflet des problèmes environnementaux à l’instar de la pollution de l’eau et de l’air, la disparition d’espèces animales et végétales et la menace nucléaire.
• L’écopoétique ou la naissance d’une conscience environnementale littéraire
• L’écopoétique du feu
• Manipulations sur l’écologie : les dangers de la post-vérité
• L’écologie politique qui se préoccupe des ressources naturelles (l’eau, les terres, les semences, etc.).
• La responsabilité humaine envers l’environnement partie intégrante du positionnement éthique du texte.
• La nouvelle, en tant qu’écrit littéraire concis, permet de traduire l’urgence de la crise environnementale et la nécessité de faire face aux problématiques qui lui sont liées.
• L’urgence écologique ou la dégénérescence du capitalisme et l’abdication citoyenne. 

Modalités de soumission

Le comité scientifique a le plaisir d’inviter les chercheurs désireux de participer à cette journée d’étude à soumettre des résumés de 250 mots maximum, accompagnés d’une courte bibliographie, en format Word à l’adresse électronique suivante : laboratoirederechercheetudespo@gmail.com,

avant le 14 juin 2025.

Communication de quinze minutes ; langue d’intervention : le français, l’arabe, l’anglais.

Calendrier

• La date limite de soumission des propositions est fixée au14 Juin 2025
• La notification d’acceptation ou de rejet sera communiquée à compter du 28 Juin 2025
• Date butoir pour l’envoi des communications : 12 Septembre 2025
• Date de la journée d’étude : 9 Octobre 2025

Comité scientifique

• Ridha Ben Hmid : Professeur de l'enseignement supérieur (Université de Sousse)
• Jamil Ben Ali : Maître de conférences (Université de Sousse)
• Mohamed Chagraoui: Professeur de l'enseignement supérieur (Université de Tunis El Manar )
• Salwa béji : Professeure de l'enseignement supérieur (Université de Kairouan)
• Emna Rmili : Professeure de l'enseignement supérieur (Université de Sousse)  
• Jihène Ameur : Maître de conférences (Université de Sousse)
• Thouraya Ben Salah : Maître de conférences (Université de Sousse)
• Samia Denguir : Maître de conférences (Université de Sousse)
• Mohamed Moez Jaafoura : Maître de conférences (Université de Sousse)
• Wissem Knaz : Maître-assistant (Université de Sousse)
• Najwa Kamel: Maître-assistante (Université de Sousse)
• Radhia Fleh : Maître-assistante (Université de Sousse)
• Fathia Daouès: Maître-assistante (Université de Sousse)
• Wiem Krifa : Maître-assistante (Université de Sousse)