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Design des transitions

Une nouvelle ère de conscience socio-environnementale

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Published on Friday, May 16, 2025

Abstract

Dans un monde où les standards s’érigent encore comme des étendards, le design plaide pour un nouveau regard, à la fois, un et multiple, invisible mais perceptible. Un regard, qui peut changer le monde, ou du moins, la façon de l’appréhender. Regarder, comme le définit Michel Edwards, n'est pas seulement voir, mais plutôt, « garder quelque chose, veiller sur lui, le protéger, l'accueillir dans la mémoire et dans l'être ». Pourtant, pendant longtemps, la question du progrès a été dissociée du bien-être social, de l’impact environnemental, et surtout, de la manière dont les designers conçoivent et produisent. C'est parce que nous nous sommes, peut-être, enfermés dans une vision linéaire du temps que ces rencontres invitent, aujourd’hui, à porter un regard, à repenser notre « ère », en intégrant notre réalité cyclique, pour accompagner les changements de demain.

Announcement

Argumentaire

Aujourd’hui, ce qui manque à l'humanité n'est certainement pas un autre objet, mais plutôt une « conscience de l’aventure humaine » (Morin, 2022). Cette prise de conscience nous invite à adopter un regard plus large sur notre manière d’habiter le monde. En tant qu’humains, nous partageons un destin commun. À cet égard, loin de se réduire à l’individu, l’humain représente, d’après Morin, une « trinité », il est à la fois un et trois : un individu, une partie de la société, mais aussi de la nature. Celle-ci est en nous autant que nous sommes dans la nature. Cette corrélation entre individu, société et nature dépasse largement la simple interaction physique, dévoilant un lien profond qui détermine notre futur, voire, notre existence commune.

Partant de ce postulat, les Rencontres Annuelles Internationales du Design - RAID 2025 organisées par l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design (ESSTED) ambitionnent d’explorer notre capacité d’agir, ensemble, en portant un projet, à la fois, social, environnemental et politique.

Dans un monde où les standards s’érigent encore comme des étendards, le design plaide pour un nouveau regard, à la fois, un et multiple, invisible mais perceptible. Un regard, qui peut changer le monde, ou du moins, la façon de l’appréhender. Regarder, comme le définit Michel Edwards, n'est pas seulement voir, mais plutôt, « garder quelque chose, veiller sur lui, le protéger, l'accueillir dans la mémoire et dans l'être » (Edwards, 2008). Pourtant, pendant longtemps, la question du progrès a été dissociée du bien-être social, de l’impact environnemental, et surtout, de la manière dont les designers conçoivent et produisent. C'est parce que nous nous sommes, peut-être, enfermés dans une vision linéaire du temps que ces rencontres invitent, aujourd’hui, à porter un regard, à repenser notre « ère », en intégrant notre réalité cyclique, pour accompagner les changements de demain.

Emprunté du bas latin aera, le mot « ère » signifie le point de départ d'une époque. Au premier examen, il s'agit d'un mot qui désigne une notion liée à un point de référence, relatif à la chronologie et au déroulement des temps. Toutefois, derrière cette définition qui peut paraître quelque peu anodine, se cache une réalité plus complexe. Loin d'être un simple repère chronologique, une « ère » semble marquer une phase de rupture, mais en même temps l'avènement d'une nouvelle période dans le cours de l'histoire humaine, façonnant ainsi l’avenir, en remettant en question l'ordre établi. Un nouvel ordre émerge, ainsi, prêt à être accueilli à travers différentes perspectives : en tant que mouvement, changement, basculement, transformation, évolution, réinvention, ou plus globalement, en tant que transition.

À mesure que l’humanité évoluait dans le temps et dans l’espace, un vent de changement soufflait continuellement, chaque « ère », semble, ainsi, porter en elle un souffle qui redéfinit les repères, les modes de production, les modes de vie et les modes de pensée (Foucault, 1969).

Comme l’a précisé Koselleck, ce mouvement joint l’idée de « seuils historiques », où le passé et le futur s’imbriquent donnant de nouvelles conceptions (Koselleck, 2000). À ce titre,​ Edgar Morin explique que tout changement doit être continuiste, prônant un retour aux sources culturelles et humanistes. Il affirme que pour vaincre le passé, il ne faut pas l’empêcher de s’écouler, mais plutôt saisir la meilleure manière de l’habiter.

Par ailleurs, le mot « ère » est rarement utilisé seul, son sens se décline selon les qualificatifs qui lui sont attribués comme : l'ère numérique, l’ère géologique, l’ère moderne, l'ère industrielle, etc. Ainsi, pouvons-nous admettre que le contexte constitue un élément essentiel pour appréhender cette notion temporelle. Néanmoins, convenir d’une définition exhaustive de notre « ère » actuelle, s’avère jusqu’à présent problématique. En fait, l’enjeu réside dans la difficulté à dessiner les limites claires entre progrès et effondrement, lesquelles limites, de plus en plus poreuses, semblent être incessamment transgressées.

En effet, elle représente à la fois, un terrain d’expérimentation et un lieu de désolation. Ce postulat laisse entendre, déjà, une certaine ambivalence. De nombreuses thèses montrent la difficulté́ à la cerner. Donna Haraway, par exemple, questionne notre « ère », en inventant le concept de « chtulucène ». Ce dernier vient remplacer l' « anthropocène », illustrant, à la fois, le désordre et l’entrelacement des liens entre chaque entité de notre écosystème (Haraway, 2016). Bruno Latour, quant à lui, invite à reconsidérer notre « ère », en réorganisant la société autour des urgences écologiques. Il proclame la nécessité de repenser nos liens avec le vivant, d’ « atterrir », de « décrire ce qui nous ancre réellement sur la Terre » et de « retrouver des puissances d’agir à notre échelle » (Latour, 2022). Dans la foulée des travaux de Haraway, Fanny Lederlin considère notre « ère », comme « abîmée », évoquant l’idée de vivre dans les ruines, dans le chaos actuel (Lederlin, 2025). Contrairement à une vision négative du chaos, elle le dépeint comme une force libératrice qui permet de se faufiler dans les interstices imperceptibles des espaces, offrant à notre « ère », une opportunité de se réorganiser. Il s’agit des lieux d’équilibres et de réajustements. Ne serait-ce pas là, probablement, le grand défi de notre ère : apprendre à habiter l’instabilité ?  

Axe 1 : réinventer les pratiques et les perspectives du design face aux transitions

Vu l’importance et la complexité des transitions actuelles qui entraînent des changements de paradigmes et une introspection de l’activité créative, il serait important voire indispensable de procéder à une redéfinition de nos modes de pensée, de conception et de production. En effet, dans ce revirement, se place implicitement une proposition de renouveler le rapport établi entre le design, le social et l’environnemental ; un rapport qui était basé autrefois sur la consommation (Nifle, 2010).

Omniprésent dans la vie humaine, le design détient une emprise significative aussi bien sur l’individu que sur la collectivité, d’autant plus qu’il n’a cessé de construire les lieux de « notre être ensemble ». C’est ainsi que le design permet de penser et de mettre en œuvre des conceptions qui pourront assurer un avenir durable à l’humain, au vivant et à la planète.

Ces considérations incitent à réfléchir à de nouvelles pratiques, faisant appel à une prise de conscience de la précarité de notre environnement et des limites des systèmes majoritaires. C’est dans ce contexte que le designer s'intéresse aux liens existants entre les différents écosystèmes. Ces liens pourraient concerner le territoire, les autres vivants, les matériaux, le patrimoine, touchant ainsi à des champs d’application très vastes. Il s’agit d’une approche renouvelée, fondée sur des modèles innovants tels que l'innovation sociale (Manzini, 2007), l’open innovation (Chesbrough, 2003), l'innovation ascendante “Democratizing Innovation” (Von Hippel, 2005), le design Thinking (Brown, 2008) ou encore l'innovation Jugaad (Radjou, Prabhu et Ahuja, 2012).

Axe 2 : Repenser l’enseignement du design à l'ère des transitions

Face à l’émergence de la crise socio-environnementale qui représente une condition sine qua none de notre « ère », la question de l’enseignement universitaire s’inscrit au cœur des transitions actuelles. Ayant pour mission de construire et de former « cet homme complet », selon la vision de Faure, l’enseignement ne saurait se réduire à la simple acquisition de connaissances, comme le souligne Morin, dans sa critique des approches réductionnistes (Morin, 2022). Il soutient l’idée de former les étudiants à une réflexion structurée, en les initiant à mettre en œuvre des processus créatifs respectueux de l’environnement et en développant chez eux, la capacité à analyser le monde de manière dialogique et contextuelle. Par ailleurs, Il souligne qu’il est essentiel de prendre conscience de notre communauté de destin.

L’enseignement du design était, longtemps, considéré comme un ensemble de constructions rationnelles et de normes standard. Mais, au regard de ces transitions, il ne peut plus être réduit à une entité intrinsèque. La formation en design ne se limite pas à penser un espace, un produit ou une image. Il s’agit plutôt, de repenser le rapport entre l’Homme et le monde qui se manifeste à travers ces éléments (Manzini, 2015). Désormais, l’enseignement du design s'oriente vers d’autres valeurs plus humanistes, en cherchant à soulager l’état de crise dans le monde et à appréhender sa complexité ainsi qu’à gérer l'incertitude, plutôt que de fournir des certitudes figées. Dans cette perspective, nous citons les différentes approches et méthodes pédagogiques, telles que l'approche par compétences (McClelland, 1973 ; Le Boterf, 2000), la taxonomie des objectifs éducatifs (Bloom, 1956), la pédagogie par projet (Freinet, 1964) ou encore la pédagogie active (Dewey, 1938 ; Piaget, 1970) qui ont permis d'expérimenter et d'intégrer des savoirs diversifiés dans un contexte réel, favorisant ainsi une meilleure compréhension des problématiques actuelles.

Axe 3 : Reconsidérer la recherche en design comme un levier stratégique au cœur des transitions

Les transitions actuelles appellent des contributions de tous les domaines de la recherche scientifique, notamment en design et ce, pour mieux appréhender les manifestations de ces crises, leurs causes et les réponses à apporter (Buchanan, 2001). Alors qu'une grande partie de la recherche scientifique est portée par les établissements publics, le statut du chercheur en design, que ce soit dans des structures privées ou publiques reste à définir. Cette situation soulève plusieurs interrogations quant à la reconnaissance de cette discipline dans le champ professionnel ainsi que sur les perspectives d’intégration des chercheurs en design au sein de ces structures. 

Dans une économie mondiale de la connaissance, impulsée par la recherche scientifique, François Jacob souligne l’importance de cette dernière dans un contexte de « compétition économique » (Jacob, 2003). Par-delà l’aspect économique, la recherche en design se présente aussi comme une démarche de co-création au service de l’environnement et de l’innovation sociale, en déployant des outils et des méthodes dérivées de la pratique du design au sein d’environnements multidisciplinaires (Manzini, 2015). Cela permet aux groupes d’acteurs hétérogènes de travailler ensemble et de mettre leurs efforts à contribution afin d’atteindre des objectifs communs, qui ne peuvent être atteints qu'en travaillant séparément. De ce fait, il semble important que le design soit aussi bien mobilisé dans l’expertise environnementale que dans les politiques publiques de transition.

Ainsi, loin d'être réservée à la sphère du design, la recherche scientifique en design se présente comme un levier indispensable pour le développement multisectoriel puisqu’elle a la faculté de traverser tous les secteurs et les champs d’action, qu’ils soient politiques, économiques, environnementaux ou sociaux.

Conditions de soumission

Les propositions comportant entre 15.000 et 30.000 signes (espaces compris, notes à part), seront rédigées en français, arabe ou anglais, accompagnées de maximum 3 images légendées, d’un résumé de 500 signes (espaces compris), de quatre mots-clés et d’une courte biographie de l’auteur de 300 signes 

Les propositions doivent être adressées à l’adresse électronique suivante : raid@essted.uma.tn

Les normes éditoriales seront jointes au message de communication des contributions sélectionnées.

Dates à retenir

  • 28 mars 2025 : lancement de l'appel à contribution

1er juillet 2025 : date ultime de soumission

  • 30 juillet 2025 : retour des formulaires d’évaluation
  • 15 septembre : remise des textes finaux
  • 16 octobre : mise en forme et publication de l’ouvrage collectif
  • 29-30-31 octobre :  colloque RAID’25.

Comité scientifique

  • Imen BEN YOUSSEF, Designer, Professeure adjointe à la Faculté de l'aménagement-École de design, Université de Montréal, Canada
  • Nomen GMACH, Théoricien de l’art, Professeur à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Ahmed KHOJA, Architecte-Ingénieur-Conseiller stratégique, Professeur en construction durable et gestion des produits à Technische Hochschule Deggendorf, Allemagne
  • Salma KTATA, Designer, Maîtresse de conférences à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Pierre-Michel RICCIO, Ingénieur, Professeur à École Nationale Supérieure des Mines d’Alès, France
  • Monia LACHAB, Sociologue, Professeure à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Hayla MEDDEB, Designer, Maîtresse de conférences à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Chiraz MOSBAH, Designer, Maîtresse de conférences à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Latifa BOUSSELMI, Ingénieur, Professeure et chercheuse au Centre de Recherches et des Technologies des Eaux, Nabeul, Tunisie
  • Anis SEMLALI, Designer, Maître de conférences à American University of Ras Al Khaimah, UAE
  • Éric VANDESCASTEELE, Théoricien de l’art, Professeur émérite à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne, France
  • Rym ZAYANI, Designer, Maîtresse de conférences à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Khaldoun ZREIK, Professeur en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Paris 8, France

Comité technique d’appui au comité scientifique

  • Aicha BEN SALAH, Directrice RAID’25, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Mariem BENNOUR, Coordinatrice RAID’25, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie

Comité éditorial

  • Lamia AZZABI, Enseignante chercheuse à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Alia NAKHLI, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Rachida AKIL, Philosophe, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Emna MOUSSA, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Hend Rahma ELLOUMI, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie

Comité d’organisation

  • Rania GHRABI, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Manna JMAL, Designer, Assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Afef JMAL, Ingénieur, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Aicha REDISSI, Designer, Assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Imen KECHIDA, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Aicha KAMMOUN, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Hager MACHTA, Designer, Maître-assistante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba, Tunisie
  • Maya DAHMANI, Designer, Enseignante à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design, Université de la Manouba,Tunisie 

Places

  • L'École Supérieure des Sciences et Technologies de Design - Avenue de l'Indépendance
    Tunis, Tunisia (2011)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Tuesday, July 01, 2025

Attached files

Keywords

  • design, transitions, écologie, environnement, social

Contact(s)

  • Mariem Bennour
    courriel : raid [at] essted [dot] uma [dot] tn

Reference Urls

Information source

  • Mariem Bennour
    courriel : raid [at] essted [dot] uma [dot] tn

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Design des transitions », Call for papers, Calenda, Published on Friday, May 16, 2025, https://doi.org/10.58079/13xwx

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