HomeLe Maroc atlantique : représentations, influences et confluences
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Published on Tuesday, May 27, 2025

Abstract

Le Maroc est-il un pays méditerranéen, atlantique ou atlantico-méditerranéen ? Ses premiers habitants étaient-ils condamnés à vivre cloisonnés entre deux mers et un continent désertique infranchissables ? L’ailleurs, ce lointain trop périlleux, ne les avait-il jamais tenté pour oser s’aventurer outre-Atlantique ? Par sa thématique éclatée tournant autour de l’Atlantique, ce colloque aspire à être transversal pour interpeller les chercheurs et académiciens de tous poils : littéraires, linguistes, historiens, géopoliticiens, archéologues, géographes, etc.

Announcement

Le laboratoire de recherches « Langue, Littérature, Imaginaire et Esthétique (LALIES) » organise un colloque international les 10 et 11 décembre 2025

Argumentaire

La culture marocaine a été à travers l’histoire le fruit d’une osmose  continuelle et d’une fécondation mutuelle entre les civilisations du désert, liées à son ancrage continental, et la composante méditerranéenne souvent plus valorisée dans les discours historiques et culturels. En effet, de par la splendeur des empires et des civilisations illustres qui ont marqué de leurs empreintes indélébiles cet axe du monde ancien et connu ; et eu égard au fait que cette zone convoitée depuis la plus Haute Antiquité, a été le berceau des premières découvertes de l’Humanité (néolithisation, premiers systèmes graphiques, premières entités urbaines, premières structures étatiques et bureaucratiques, premiers systèmes monétaires, berceau des religions monothéistes…etc.), le monde méditerranéen a façonné l’Etre identitaire marocain. Celui-ci va se forger et s’affirmer fondamentalement dans le métissage et la fertilisation croisée entre les apports moyen-orientaux, méditerranéens et le fond autochtone amazighe qui plonge de profondes racines dans l’humus nord-africain comme le prouvent les récentes et exceptionnelles découvertes archéologiques. Ces rencontres n’ont pas toujours été pacifiques et conviviales ; elles étaient travaillées aussi souvent par des logiques de méfiance et de soupçons issues des croisements conflictuels et des affrontements violents entre les deux rives.

Toutefois, ce déterminisme géographique a aussi doté le Maroc depuis toujours, d’un long littoral atlantique considéré comme une frontière qui donnait sur une vastitude océanique incommensurable incarnant la promesse d’un ailleurs mystérieux, périlleux et ténébreux qui nourrissait tous les fantasmes des eldorados et des terra incognitae. Les grands voyageurs et géographes  marocains, Ibn Battuta et El Ouazzan (Léon l’Africain) entre autres, lui ont tous tourné le dos. C’est que cet océan incarnait une idée des confins et des limites dotant le Maroc d’un caractère insulaire qui, malgré sa profonde maritimité, n’a jamais développé pour autant, de grands systèmes thalassocratiques. C’est dire que la civilisation marocaine a été essentiellement terrienne et a développé des relations tourmentées avec l’Atlantique.

Cet espace océanique infini, obscure et incarnant l’idée de l’aventure sans retour a inspiré une tradition narrative protéiforme. Celle-ci se déclinait sous forme d’histoire de terrifiants monstres, de mythes gigantomachiques, de théonymes étranges, de légendes racontant des univers engloutis et des récits d’aventure dont le Périple de l’amiral carthaginois Hannon, longeant les côtes atlantiques marocaines, en est probablement l’une des plus anciennes traces littéraires. Ainsi, depuis la Haute Antiquité avec la commercialisation de la pourpre, teinture royale très convoitée par les élites aristocratiques méditerranéennes, passant par la saga exploratrice des puissances ibériques annonçant la maritimisation du monde, à partir du XVIe siècle et jusqu’à l’atlantisme du XXe siècle, la façade atlantique s’imposait comme horizon onirique et comme plateforme de contact avec de nouveaux mondes.  Le commerce triangulaire qui a été une gigantesque saignée humaine infligée à l’Afrique, et la destruction des empires précolombiens étaient l’un des moments les plus tragiques et les plus dystopiques de cette geste moderne de l’Atlantique. La course internationale aux métaux précieux, l’essor du commerce transatlantique et plus particulièrement de l’économie des plantations esclavagistes ont renforcé la réputation d’Eldorado de l’océan atlantique et y furent un moteur de désenclavement. La Méditerranée devient ainsi, l’ancien monde, une espèce de  lac  intérieure et subalterne.

Pourtant, la piraterie salétine continuera à être redoutée pendant très longtemps ajoutant un autre épisode à cette espèce de revanchisme maroco-ibérique.

La figure de l’esclave marocain devenu explorateur Mustapha Azemmouri (plus connu outre-Atlantique sous le nom d’Estevanico, « Estéban le Maure » ou comme le Christophe Colomb africain,) figure le croisement des destins et des rencontres historiques entre trois continents l’Amérique, l’Europe et l’Afrique. Ce captif rescapé d’une expédition vers la Floride  était vénéré par les autochtones amérindiens pour son polyglottisme et ses savoirs phyto-thérapeutiques à telle enseigne qu’il a été divinisé. Des dizaines de colloques et de rencontres au Maroc et à l’étranger lui sont consacrés. Des écrivains et romanciers comme Bernoussi Saltani, Abdessalam Idrissi, Mohammed Al Bouabdi, Abdelaziz Ait Bensaleh et Abderrahim Al Khassar, l’ont immortalisé par des récits où le fictionnel côtoie la véracité et l’exactitude du fait historique.   Avant lui, réduits en esclavage avec l’implantation de la culture de la canne à sucre, les insulaires Guanches des Canaries et des Marocains déportés aux autres archipels atlantiques (Madère et Açores) vont faire les frais de cette épopée ibérique dont la prise de Ceuta marqua un tournant. Cette volonté expansionniste où l’esprit de croisade se mêlant à la soif de l’or et à l’appel de l’aventure, a amorcé le point de départ de l’hégémonie européenne sur le monde. Celle-ci s’inscrivait en continuité avec la Reconquista et était animée d’une pulsion mystique dont la controverse de Valladolid était l’un des moments les plus emblématiques. Ce commerce fructueux, lucratif et dont la licéité n’a jamais été mise en question, s’est effectué au nom des valeurs du christianisme, du progrès, des Lumières et de la Mission civilisatrice de l’Homme Blanc. Ainsi donc, en court-circuitant le commerce caravanier transsaharien, cette aventure exploratrice a affranchi l’Europe de sa dépendance à la rive sud de la Méditerranée, et ce en l’ouvrant sur des flux transcontinentaux et des routes océaniques alternatives. Le Maroc fut déplacé du système-monde. Pourtant, le 20 décembre 1777, le Royaume chérifien est devenu le premier pays au monde à reconnaitre l’indépendance des Etats-Unis.

Ainsi l’un des axes thématiques de ce colloque consistera-t-il à cerner la rencontre des mondes et les processus de transculturation et d’échange des héritages qu’elle implique. En effet,  à partir du XVème siècle, l’Atlantique, cessant d’être une abstraction sise au-delà du monde connu, sera de plus en plus apprivoisé et va devenir une plaque tournante du commerce international et négrier et un carrefour où tout va confluer. La littérarisation de ces récits de voyage à partir du XVIIIème siècle va consacrer des représentations plus intimistes et plus subjectives de l’espace océanique accordant le primat à la sensibilité des auteurs.  Elle se déclinera au travers d’une diversité générique qui consacrera des affinités et des divergences  structurales ainsi que la récurrence de motifs et de schèmes littéraires appartenant à un imaginaire océanique partagé.

Comment donc la littérature s’est-elle emparée de cette dynamique historique, culturelle et géostratégique du monde atlantique ? Comment s’est-elle représenté l’océan atlantique ?  Et à travers quel imaginaire ? A travers quelles subjectivités ? Et quels sont les différents genres littéraires qui se sont liés à l’inspiration océanique ? C’est par ce genre d’interrogations que ce colloque compte s’ouvrir sur la littérature de l’Océan en convoquant les grands chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Robinson Crusoe(1719) de D. Defoe avec ses accents écologistes avant la lettre, L’ile au Trésor (1884) de R.L. Stevenson, Moby-Dik de H. Melville avec ses Léviathans marins, la littérature antillaise, Voyages Extraordinaires de Jules Vernes, Saint-Exupéry et ses vols au-dessus de l’Atlantique … Toutes ces œuvres ont contribué à construire cet imaginaire de l’océan et se sont nourries de lui.

La littérature marocaine a été aussi irriguée de cet esprit océanique au travers de ses grands écrivains issus des cités atlantiques du Maroc. Lieu d'écriture, de mémoire, de mythe et de légende, l’océan  porte la trace de toutes les déchirures mémorielles et identitaires. Espaces à la fois mythique, imaginaire et réel, il est le présupposé culturel qui irrigue le texte et en constitue le terreau imaginaire, fixé et transfiguré par l'écriture. Toute l’œuvre de Chraïbi, ce natif de l’embouchure d’Oum-Errbia, se prêtant bien à une lecture géocritique, est structurée par l’imaginaire de l’eau. L’eau du fleuve et de l’océan y installe une dialectique de tension et de conflictualité entre l'amont et l'aval, entre la pureté de la source et l'immensité diluante et menaçante de l'océan. Le versant épique de sa tétralogie romanesque célébrant sur le mode monumentale, l’arrivée triomphale de la cavalerie du Général Oqba au littoral atlantique constituant à la fois une sorte de paroxysme et de sommet épiques incarnant la détermination surhumaine qui a triomphé de l’adversité et qui a buté contre l’océan comme barrière géographique à une aventure fulgurante.

L’océan habite aussi l'œuvre de Khatibi au travers d’une matière autobiographique éclatée en flashs qui parsèment de bout en bout son œuvre et qui renvoie aux deux villes de son enfance Essaouira (Mogador) et El Jadida (Mazagan). L’océan y est présent comme espace menaçant où se réalisaient les velléités expansionnistes des envahisseurs, mais  aussi comme espace, physique et métaphysique à la fois, incarnant la représentation hiératique d'une altérité absolue et insurmontable, d’une essence mystico-ontologique suggérée par l'infini océanique. Comme l’espace désertique, il incarne la figure de l'infini qui épouse le ciel et la terre et consacre l’alliance du dehors et symbolisant la liaison entre l’intériorité et l’altérité radicale du Tout Autre. Revendiquant sa sudité ethnolinguistique avec le particularisme de ses pratiques et ses coutumes typées, Mohamed Khair-eddine, la célèbre comme  « point de convergence heureuse de deux cultures la berbère et la négro-africaine ». Le Sud, lieu de la subjectivité existentielle de l'écrivain et creuset de la nostalgie de l'espace mythique de l'enfance est rendu au travers de la figure d’un arbre emblématique, l’arganier. Ce dernier, par son endémisme bien atlantique, constitue l'une des lignes de force de cet imaginaire qui habite le texte de Khaireddine. On pourrait ainsi multiplier les exemples de  cette fascination de l’océan comme pour le Safi natal  d’Edmond Amaran El Maleh ou le Casablanca de Binebine où l’éthique océanique modèle les sensibilités et les caractères. L'imaginaire collectif et individuel étant imprégné mutuellement par cette nature suggère l'interaction de l'homme avec son milieu et l'exaltation de l'identification de l'homme aux choses à travers la prégnance des lieux.  Cette aire géoculturelle qu’est l’Atlantique  se met en œuvre au travers d’une esthétique de l’espace qui consacre la synthèse de la nature et l'histoire, cette dernière n’étant que l'aboutissement et la valeur suprême de la première.

Les axes thématiques retenus pour ce colloque sont :

  • Les représentations littéraires de l’océan atlantique
  • L’Atlantique, relations internationales et enjeux géopolitiques
  • Flux migratoires et histoire des échanges tricontinentaux (Afrique-Europe-Amérique)
  • La façade atlantique du Maroc comme particularisme culturel
  • Poétique du nouveau monde et esprit pionnier
  • Représentations de l’océan dans les traditions orales et les folklores narratifs.
  • Océan et imaginaire de l’errance et du vagabondage
  • Les représentations mythologiques et spirituelles de l’océan dans les cultures africaines.
  • La mémoire collective de l’Atlantique comme espace de souffrance, de résistance et de renaissance.
  • Les pratiques rituelles, artistiques et festives liées à l’océan dans les communautés côtières africaines.
  • Imaginaire insulaire et vision du monde dans les iles Canaries et autres iles.

Le colloque espère offrir un cadre pour alimenter une réflexion pluridisciplinaire sur le thème de l’océan atlantique tout en favorisant une solidarité des savoirs et des approches. Cette thématique est remise au goût du jour dans un contexte national et régional marqué par la dynamique crée par l’Initiative Atlantique Royale. Celle-ci préconise la mutualisation continentale des ressources et des moyens dans le cadre d’une coopération Sud-Sud à même de réaliser plus d’intégration géoéconomique et géopolitique entre des pays qui présentent tous les facteurs d’un destin commun.

Modalité de soumission des communications

Les propositions de communication se feront via le formulaire en format Word joint à cet appel. Elles seront sélectionnées et évaluées selon la conformité avec la thématique du colloque et l’originalité du sujet. Pour toute participation, envoyer un cours résumé (20 lignes max) accompagné d’une notice biographique aux adresses suivantes : mohamed.zahir@usmba.ac.ma et mzahir6@yahoo.fr

avant le 15 octobre 2025.

Calendrier

· Date limite d’envoi des propositions : 15 octobre 2025

· Notification d’acceptation : 15 novembre 2025

· Tenue  du colloque : les 10 et 11 décembre 2025

Langues du Colloque

 Les communications se feront en arabe, en français, en espagnol et en anglais.

Coordinateur du colloque

· Prof. Mohamed ZAHIR

Comité d’organisation

· Pr. Mohamed ZAHIR

· Pr. Abdelmounïm El AZOUZI

· Pr. Abdelhak BOUAZZA

· Pr. Abdelghani EL HIMANI

· Pr. Hassan CHAFIK

· Pr. Mohammed NABIH

· Pr. Mohamed SEMLALI

· Pr. Mohammed EL FAKKOUSSI

· Pr. Mohamed AMHARZI

· Pr. Nissrine EL ADOULI

· Pr. Badr El Boudour RAHHALI

· Mme. Meryem BELFKIH (Doctorante)

· Mme. Najlae AMMARI (Doctorante)

· Mme. Samira BAHEJ (Doctorante)

· Mme. Soukaina BOUDRY (Doctorante)

· M. Hamza BOUI (Doctorant)

Comité scientifique

· Pr. Samir BOUZOUITA (Doyen de la FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Marc GONTARD (Professeur émérite. Université de Rennes II. France)

· Pr. Bernoussi SALTANI (Mayence-Allemagne)

· Pr. Abderrahim KAMAL (FLSH-Dhar El Mehrez-Fès. Maroc)

·Pr. Imed BENSALEH (Université Manouba, Tunisie)

· Pr. Abdelmounïm EL AZOUZI (FLSH Sais-Fès. Maroc)

· Pr. Abdelghani EL HIMANI (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Hassan CHAFIK (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Mohamed EL BOUAZZAOUI (FLSH-Dhar El Mehrez-Fès. Maroc)

· Pr. Hassan ID BRAHIM (Faculté des Sciences-Fès. Maroc)

· Pr. Aziz TAZI (FLSH Dhar El Mehrez-Fès. Maroc)

· Pr. Kamal ENNAJI (FLSH Dhar El Mehrez-Fès. Maroc)

· Pr. Mohammed NABIH (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Mohamed AMHARZI (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Jalal OURYA (Faculté Polydisciplinaire de Larache. Maroc)

· Pr. Atman BISSANI (Faculté Polydisciplinaire d’Errachidia. Maroc)

· Pr. Abdelouahed HAJJI (FLSH-Meknès. Maroc)

· Pr. Franscesca TODESCO (Université Udine. Italie)

· Pr. Naïma LOUMMOU ((FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Abdelhamid EL MOUNTASSIR (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Lahcen GHACHI (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Moulay Driss EL MAAROUF (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Khadija SEKKAL (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Abdelhak BOUAZZA (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Mohamed ZAHIR (FLSH Saïs-Fès. Maroc)

· Pr. Mohamed SEMLALI (ENS-Meknès. Maroc)

· Pr. Younès EZ-ZOUAINE (Faculté Polydisciplinaire- Taza. Maroc)

· Pr. Mohammed AZOUGAGH (FLSH Sais-Fès. Maroc)

· Pr. Mohammed EL FAKKOUSSI (FLSH Sais-Fès. Maroc)

· Pr. Larbi MOUMOUCH (FLSH Sais-Fès. Maroc)

· Pr.  Mohamed ARJI (FLSH Sais-Fès. Maroc)

· Pr.  Mourad FAHLI (ENSAM, Rabat. Maroc)

Subjects

Places

  • Salle des conférence - FLSH Sais-Fès, BP.59, Rte Immouzer, Fès
    Fes, Kingdom of Morocco (30000)

Date(s)

  • Wednesday, October 15, 2025

Keywords

  • Océan atlantique, Maroc, Histoire, mémoire collective, représentations, espace, géopolitique, l'ailleurs, souffrances

Contact(s)

  • Mohamed ZAHIR
    courriel : mzahir6 [at] yahoo [dot] fr

Information source

  • Mohamed ZAHIR
    courriel : mzahir6 [at] yahoo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Le Maroc atlantique : représentations, influences et confluences », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, May 27, 2025, https://doi.org/10.58079/140q5

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