HomeLa diaspora dans la langue, la littérature et la culture
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Published on Wednesday, June 11, 2025

Abstract

La diaspora occupe une place centrale dans les études interculturelles en rapport avec le contexte du choc des cultures et des civilisations. Transplantées de leurs terres natales, les communautés diasporiques se livrent à un exercice de résistance culturelle pour préserver les spécificités de leurs cultures d’origine. Or, c’est justement dans ce contexte de lutte acharnée pour perpétuer les coutumes des ancêtres qui furent le plus souvent contraints de quitter leur terre natale pour trouver refuge dans de nouvelles contrées que la langue devient l’emblème de l’identité nationale de telle ou telle diaspora. Les pistes littéraire, culturelle et linguistique constituent les axes majeurs de ce colloque international qui convie les chercheurs à présenter leurs contributions sur la question de la diaspora dans une perspective interdisciplinaire.

Announcement

Gabès, 16,17 et 18 octobre 2025

Argumentaire

« Le terme de diaspora vient du verbe grec speirein (semer) ou plus précisément du verbe composé diaspeirein (disséminer) et indique la dispersion volontaire ou forcée d'une population. D’ailleurs, longtemps appliqué de façon presque exclusive à la diaspora juive, le terme commence à s’étendre à d’autres diasporas à partir des années 1960 et n’entre dans les dictionnaires que dans les années 1980.      

Le terme « diaspora » désigne aujourd’hui aussi bien les membres d’une communauté dispersée à travers le monde que le phénomène de dispersion volontaire ou forcée d’une communauté ethnique ou d’un peuple qui garde un sentiment d’attachement et de nostalgie envers son pays d’origine, ce qui l’empêche de s’intégrer de façon totale dans la société de sa terre d’accueil. Il en va ainsi par exemple de la diaspora arménienne qui fut obligée de quitter son pays d’origine en raison de la répression ottomane du début du siècle dernier ou de la diaspora kurde qui fut la victime des régimes nationalistes turc, iranien, irakien et syrien. Un autre usage plus récent du terme est également attesté dans la langue et plus particulièrement au niveau des relations internationales puisque la diaspora désigne l’ensemble des ressortissants d’un quelconque pays qui sont en situation légale ou illégale dans un autre pays. Ainsi, avec le développement remarquable du phénomène de l’immigration, une même nation est susceptible de posséder plusieurs diasporas en raison de l’expatriation choisie ou imposée de ses citoyens aux quatre coins du monde. D’où une certaine « dilution » du concept qui trouve sa meilleure expression dans son éparpillement et sa dissémination dans plusieurs disciplines comme en atteste en l’occurrence les travaux de Gabriel Sheffer et de John Alexandre Armstrong au niveau de l’histoire des communautés diasporiques, de Michel Bruneau et de Roger Brunet en matière de géographie et d’étendue du phénomène à travers le monde. De même, dans les autres sciences humaines, la diaspora est un vaste champ d’étude en ce qui concerne les politiques d’intégration ou d’exclusion de ces minorités culturelles en rapport avec les notions de territorialité, de flux transnationaux, de crises identitaires, de problèmes économiques…

Dans une tentative de synthèse des questions soulevées par ce phénomène, l’anthropologue Christine Chivallon retient trois caractéristiques essentielles de la diaspora à savoir la conscience et la revendication d’une identité ethnique ou nationale, l’engagement du groupe dispersé dans des organisations politiques, religieuses ou culturelles et le maintien de diverses formes de contact avec le pays d’origine notamment à travers la mémoire collective. Or, c’est justement à ce niveau que la littérature prend le relais des sciences humaines pour permettre aux auteurs de tisser des liens ne serait-ce sur le mode imaginaire avec la terre et la culture de leurs aïeux. Dans son livre Pratique de la Diaspora (Rot-Bo-Krik, 2024), Brent Hayes Edwards multiplie en ce sens les exemples des écrivains tels que les sœurs Nardal, Langston Hugues, Lamine Senghor, René Maran, Claude McKay qui ont revendiqué depuis la France leurs identités culturelles et politiques faisant ainsi écho aux préoccupations et aux soucis des communautés noires dont ils sont issus et ouvrant la voie au mouvement de la négritude d’Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor. On peut noter aussi que plusieurs écrivains et artistes maghrébins qui vivent en France évoquent  leur nostalgie  de leur pays et les conflits identitaires et défis rencontrés. Nous citerons comme exemple Taher Bekri, Assia Djebar, Leila Slimani, Fouad Laroui, etc. De même, le conflit israélo-palestinien a donné lieu à toute une littérature de la diaspora palestinienne dont les thèmes de prédilection sont la nostalgie de la terre natale, considéré comme une sorte de « Paradis perdu », et le rêve d’une reconquête de cette terre. L’on peut citer à titre d’exemple à ce propos les romanciers Émile Habibi, Ossama Alayssa, Susan Abulhawa et Adham Sharqawi ou encore les poètes Mahmoud Darwish, Samih Al Qassim et Tawfiq Ziad.

Par ailleurs, la diaspora occupe une place centrale dans les études interculturelles en rapport avec le contexte du choc des cultures et des civilisations qui est une notion fondamentale dans les études postcoloniales inaugurées par le penseur palestino-américain Edward Wadie Saïd avec son livre L’Orientalisme, L’Orient crée par l’Occident, publié en anglais en 1978 et traduit en français aux Éditions du Seuil en 1980 puis dans trente-six langues vivantes y compris l’arabe. En effet, influencé notamment par les travaux de Jacques Derrida, Giambattista Vico, Gerard Manley Hoppkins, Antonio Gramsci, Theodor Adorno, Michel Foucault, Noam Chomsky, Joseph Conrad et Raymond Williams, Saïd critique l’hégémonie culturelle de l’Occident sur l’Orient et ouvre la voie à ses successeurs tels que Claude Clanet  qui a publié en 1993 son Introduction aux études interculturelles en sciences humaines pour étudier les relations de réciprocité et de complexité dans les échanges entre les cultures, et ce pour faire face à l’acculturation, qui est le processus à travers lequel une personne ou un groupe assimile une culture étrangère à la sienne jusqu’à sa déculturation dans des situations extrêmes. Transplantées de leurs terres natales, les communautés diasporiques se livrent en ce sens à un exercice pénible de résistance culturelle pour préserver les spécificités de leurs cultures d’origine. Or, c’est justement dans ce contexte de lutte acharnée pour perpétuer les coutumes des ancêtres qui furent le plus souvent contraints de quitter leur terre natale pour trouver refuge dans de nouvelles contrées que la langue devient l’emblème de l’identité nationale de telle ou telle diaspora.

À ce niveau, un autre champ d’étude semble être prometteur, celui du multilinguisme et du plurilinguisme. En effet, du fait de la maîtrise de leur langue d’origine et de l’usage de la langue du pays d’accueil, les membres d’une communauté diasporique répondent au critère du plurilinguisme qui est l’idéal d’une société où les individus parlent au moins deux langues différentes alors que le multilinguisme caractérise une société où les groupes d’individus parlent des langues différentes et où les citoyens sont plutôt monolingues. Ainsi, c’est en raison de la multiplication du nombre de diasporas sur son sol qu’une société est de plus en plus plurilingue et multilingue. Un autre champ d’investigation s’ouvre à ce propos, c’est celui de la linguistique comparée, appelée également linguistique comparative, grammaire comparée ou grammaire contrastive, qui a pour objet l’étude synchronique et diachronique des langues prises individuellement ou des familles de langues. Cela dit, la présence d’un grand nombre de ressortissants étrangers pratiquant une même langue est susceptible de poser un certain nombre de problèmes au niveau de l’intégration de ces ressortissants dans leur pays d’accueil comme c’est le cas notamment aux États-Unis d’Amérique où la communauté hispanophone a été estimée en 2022 à 62 millions de Latinos sur les 335 millions d’habitants soit 19 % de la population de cette grande nation. D’ailleurs, issus de plusieurs pays d’Amérique latine tels que le Mexique, l’Argentine, le Venezuela et la Colombie en l’occurrence, ces différentes communautés vivent en autarcie les unes par rapport aux autres dans des sortes de ghettos. D’où le développement constant et grave du trafic de drogues et du taux de criminalité aux États-Unis.

Les pistes littéraire, culturelle et linguistique constituent les axes majeurs de ce colloque international qui convie les chercheurs à présenter leurs contributions sur la question de la diaspora dans une perspective interdisciplinaire et à approfondir le débat à ce sujet. Un certain nombre de questions s’impose à ce niveau :

  • La présence d’une diaspora dans un quelconque pays est-elle une source de richesse culturelle ou un objet de conflit identitaire ?
  • Quels rapports entretiennent les auteurs d’une diaspora avec leur culture natale et avec la culture de leurs pays d’accueil ?
  • Quelle place occupe la diaspora dans le discours médiatique et sur les réseaux sociaux ?
  • La question de la diaspora engendre-t-elle une écriture une écriture monologique, unidimensionnelle ou dialogique, polyphonique ?
  • Quelles approches d’analyse doit-on mobiliser pour étudier les œuvres littéraires et artistiques diasporiques ?
  • Quelle politique faut-il adopter pour limiter les tensions entre les membres d’une communauté diasporique et les citoyens des pays où ils résident ?
  • Comment s’opère la communication linguistique entre une diaspora et les natifs des pays de refuge ? 

Modalités de contribution

Les propositions de communication (titre et résumé), d’environ une demie page, accompagnées d'une courte notice biographique sont à envoyer uniquement par voie électronique à l’adresse heni.lassaad76@gmail.com

avant le 01 juillet 2025.

Calendrier

  • 15 juillet 2025 : Réception des propositions de communications.
  • 31 juillet 2025 : Notification aux auteurs.
  • 01 octobre 2025 : Réception de la première version des articles.
  • 16, 17 et 18 octobre 2025 : Tenue du Colloque à l’Institut Supérieur des Langues de Gabès.
  • Décembre 2025 : Publication des Actes du Colloque.

Responsable

Lassàad Héni.

Comité d’organisation

Claudine Salinas-Kahloul, Ramzi Tej, Abdallah Terwait, Zouhour Besrour, Mahdi Zerai, Mohammed Naouar.

Comité scientifique

  • Ali Abbassi, Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de La Manouba, Tunisie.
  • Pierangela Adinofi, Université des Études de Turin, Italie.
  • Emna Beltaief, Faculté des Sciences humaines et Sociales de Tunis, Tunisie.
  • Thouraya Ben Amor, Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de La Manouba, Tunisie.
  • Arslène Ben Farhat, Faculté des Sciences humaines et Sociales de Tunis, Tunisie.
  • Abbes Ben Mahjouba, Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de La Manouba, Tunisie.
  • Nizar Ben Saad, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sousse, Tunisie.
  • Radhouan Briki, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sousse, Tunisie.
  • Xavier Blanco Escoda, Université Autonome de Barcelone, Espagne.
  • Mohammed Chagraoui, Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, Tunisie.
  • Mohammed Kameleddine Gaha, Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, Tunisie.
  • Foued Laroussi, Université de Rouen Normandie, France.
  • Chokri Rhibi, Institut Supérieur des Sciences Humaines de Médenine, Tunisie.
  • Samir Marzouki, Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de La Manouba, Tunisie.
  • Marco Menin, Université des Études de Turin, Italie.
  • Anis Nouairi, Faculté des Sciences humaines et Sociales de Tunis, Tunisie.
  • Mongi Kahloul, Institut Supérieur des Langues de Gabès, Tunisie.
  • Samia Kassab-Charfi, Faculté des Sciences humaines et Sociales de Tunis, Tunisie.
  • Jouda Sallemi, Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de La Manouba, Tunisie.
  • Abderrazek Sayadi, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Kairouan, Tunisie.
  • Mustapha Trabelsi, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax, Tunisie.
  • Cristina Trinchero, Université des Études de Turin, Italie.
  • Caroline Warman, Jesus College, Université d’Oxford.
  • Farah Zaiem, Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de La Manouba, Tunisie.
  • Sonia Zlitni-Fitouri, Faculté des Sciences humaines et Sociales de Tunis, Tunisie.

Bibliographie

Anteby-Yemeni, Lisa, Berthomière, William et Sheffer Gabriel, Les diasporas : 2000 ans d’histoire, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005.

Chivallon, Christine, La diaspora noire des Amériques, Expériences et théories à partir de la Caraïbe, Paris, CNRS Éditions, 2004.

Clanet, Claude, L’Interculturel, Introduction aux études interculturelles en sciences humaines, Toulouse, Presses universitaires Mirail, 1993.

Cohen James, Spanglish America, Les enjeux de la latinisation des États-Unis, Paris, Éditions du Félin, 2005.

Hammer Julianne, Palestinians Born In Exile : Diaspora And The Search For A Homeland, University of Texas Press, 2005.

Hayes Edwards, Brent, Pratique de la Diaspora, Sète, Rot-Bo-Krik, 2024.

Saïd, Edward Wadie, L’Orientalisme, L’Orient crée par l’Occident, Paris, Éditions du Seuil, 1980.

Parekh Bhikhu, Singh Gurharpal et Vertovec Steven, dir., Culture and Economy in the Indian Diaspora, Londres, Routledge, 2003.

Subjects

Places

  • Rue Ali Jmel
    Gabès, Tunisia (6000)

Date(s)

  • Tuesday, July 01, 2025

Information source

  • Lassaad Heni
    courriel : heni_lassaad [at] yahoo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« La diaspora dans la langue, la littérature et la culture », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, June 11, 2025, https://doi.org/10.58079/14335

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