Tourisme sportif et littoral : dynamiques territoriales, mutations sociales et enjeux durables
Numéro spécial de la « Revue de recherches francophones en sciences de l'information et de la communication » (REFSICOM)
Published on Friday, June 13, 2025
Abstract
Cet appel s’adresse aux chercheurs de différentes disciplines (géographie, sociologie, anthropologie, urbanisme, communication, etc.) souhaitant analyser les reconfigurations actuelles des littoraux sous l’effet conjoint des pratiques sportives, des dynamiques touristiques et des enjeux de durabilité.
Announcement
Argumentaire
Le présent appel vise à rassembler des contributions scientifiques issues de divers champs disciplinaires (géographie, sociologie, aménagement, anthropologie, économie, études environnementales, etc.) autour d’un objet commun : les transformations contemporaines des littoraux, sous l’effet conjugué des pratiques sportives, des dynamiques touristiques et des mutations territoriales.
La connexion entre tourisme et activités sportives est largement documentée (Corneloup, 2005 ; Terral et al., 2012 ; Martel et al., 2019 ; Slimani, 2019 ; Guibert, 2014). Les pratiques sportives renforcent l’attractivité des destinations, qu’il s’agisse de mobilités saisonnières, temporaires ou plus durables (Slimani, 2019; Corneloup, 2005; Terral & al. 2012; Martel & al., 2019; Guibert, 2014). Elles participent à la (re)mise en tourisme de certains territoires, à leur revitalisation économique, à leur transformation fonctionnelle, ou à leur valorisation identitaire. Dans cette logique, le sport agit comme un opérateur de projet territorial (Corneloup, Mao & Bourdeau, 2007), tout en s’inscrivant dans une géographie mondialisée de plus en plus influencée par les logiques de compétitivité des territoires (Augustin, 2016).
Ces dynamiques sont aujourd’hui amplifiées par plusieurs tendances contemporaines :
l’essor du slow tourisme et du slow sport (Lebreton, 2020), la montée des attentes en matière de durabilité, mais aussi les mutations du travail et des modes de vie – telles que le télétravail ou le nomadisme numérique – accentuées depuis la crise du Covid-19 (Tuppen & Langenbach, 2021). Ces changements entraînent une redéfinition des valeurs associées aux lieux, une diversification des manières d’habiter les espaces touristiques, et l’émergence de nouveaux régimes d’habiter”(Stock, 2003). Cette recomposition spatiale des usages s’inscrit dans des logiques de territorialisation différenciées selon les contextes, que l’on peut analyser à travers le prisme des ressources territoriales (Gumuchian & Pecqueur, 2007) ou des projets d’acteurs (Debarbieux, 2004 ; Clarimont et al., 2006).
Historiquement, le tourisme et le sport ont constitué des leviers distincts du développement des régions côtières (Bernard, 2017). Une convergence progressive, institutionnelle, fonctionnelle et commerciale entre ces deux sphères a conduit à la notion de « tourisme sportif ». Celle-ci joue aujourd’hui un rôle central dans les politiques d’aménagement et de développement des territoires littoraux. Les stratégies portées par les collectivités et les élus participent à la construction de l’offre sportive et touristique locale (Guibert, 2014). Les grands projets touristiques ou sportifs peuvent être lus comme des instruments de légitimation d’aménagements urbains (Gravari-Barbas & Jacquot, 2007), mobilisant les temporalités événementielles et les ressources symboliques locales. Mais ces dynamiques ne relèvent pas uniquement des institutions : les sportifs, les touristes, les acteurs de l’économie du sport, les entrepreneurs et les associations participent également aux recompositions territoriales à travers leurs usages, leurs investissements et leurs circulations.
Si les effets économiques, sociaux et médiatiques de ces politiques ont fait l’objet de nombreux travaux en sciences sociales, une question demeure : dans quelle mesure peut-on considérer que la relation entre sports, tourismes et développement local est systématique, voire mécanique ? Le lien entre pratiques sportives et bénéfices territoriaux mérite d’être interrogé de manière critique. Dans certains cas, les dynamiques de mise en projet échouent ou génèrent des effets pervers (Losseau, 2015), invitant à une lecture attentive des jeux d’acteurs (Gumuchian et al., 2003).
Ces dernières années, y compris durant et après la pandémie de Covid-19, le tourisme sportif s’est affirmé comme l’un des segments touristiques les plus dynamiques (UNWTO, 2023). De plus en plus de touristes souhaitent intégrer des activités sportives à leur séjour, qu’elles soient centrales ou périphériques à leur motivation initiale. Les sports de nature, en particulier, se présentent comme des leviers importants de développement territorial (Tuppen & Langenbach, 2021). Dans ce contexte, les destinations littorales sont incitées à adapter leurs stratégies aux nouvelles injonctions de durabilité, tout en assurant une articulation entre tourisme sportif et autres usages du territoire.
La superposition d’initiatives récentes sur des logiques de mise en tourisme préexistantes, souvent dynamiques, génère des tissus complexes, traversés par des influences locales, nationales et internationales (Crabeck, 2023). Certaines destinations sportives tendent à renforcer leur attractivité résidentielle et économique, en combinant loisir, bien-être, télétravail et entrepreneuriat touristique. Cela favorise l’émergence d’espaces hybrides comme les quart-lieux – à la fois lieux de vie, de création, de travail et de sociabilité (Gourlay et al., 2021).
La résilience des territoires face à la crise sanitaire a également révélé des capacités d’adaptation notables : innovation numérique, diversification des offres, mobilisation d’acteurs locaux. Cette dynamique est portée en partie par des indépendants et micro-entrepreneurs, souvent situés à l’interface entre sport, écologie et tourisme, qui jouent un rôle croissant dans l’animation et la structuration de ces espaces (Mabrouk & Van Den Plas, 2023).
Cependant, les littoraux sportifs, s’ils peuvent favoriser la croissance locale, poser des bases pour l’inclusion sociale ou stimuler la protection des milieux naturels, soulèvent aussi des tensions. Ils sont à la fois espaces de rencontre entre humains et milieux, territoires économiques et lieux de conflits d’usage (Ben Attou, 2023). Pressions environnementales, exclusions sociales, risques de gentrification touristique ou de saturation des écosystèmes imposent de penser la régulation de ces pratiques. Comment concilier attractivité économique et protection des ressources ? Comment assurer une inclusion équitable des populations locales, en évitant leur marginalisation ? La question de la gouvernance est ici centrale, au croisement des logiques de projet et des tensions de gouvernance territoriale (Pinson, 2009 ; Le Galès, 2011).
Dans les lieux devenus « mythiques », les logiques de marketing peuvent engendrer une simplification, voire une déformation, des identités culturelles et historiques. L’image promue du territoire tend alors à gommer les dissonances ou les réalités moins valorisantes, au risque de susciter des critiques de la part des communautés locales ou d’experts du patrimoine.
L’enjeu est donc d’accompagner le développement des pratiques sportives littorales de manière durable, en tenant compte à la fois des bénéfices économiques, de la préservation écologique, de l’accessibilité sociale et du respect des mémoires locales.
Cet appel se propose également d'analyser comment les activités sportives, adossées aux catégories indigènes et normatives (sports dits « lifestyle » (Wheaton, 2004), « de glisse », « outdoor », « d’aventure », « extrême », etc.) mais aussi des sports pratiqués hors institution (on pense au football ou à la marche sur les plages au Maroc, etc.), à l’aune de leurs propriétés éminemment plurielles et composites (Guibert, 2020), façonnent les identités culturelles, influencent les économies locales et interagissent avec les environnements naturels et urbains.
En mettant l'accent sur les dialogues interdisciplinaires et interculturels, l’ouvrage ambitionne de dévoiler de nouvelles perspectives sur les pratiques sportives littorales en tant que vecteurs de développement durable, d'inclusion sociale et de transformation territoriale. Les propositions peuvent s’appuyer sur des approches empiriques, comparatives ou théoriques, et mobiliser des disciplines variées (géographie, sociologie, anthropologie, communication etc.).
Axes
Ce numéro spécial vise ainsi à explorer la pluralité des enjeux liés au développement du tourisme sportif sur les littoraux à travers plusieurs axes de réflexion :
1. Pratiques sportives et reconfiguration des usages du littoral
- Quelles sont les pratiques sportives dominantes (surf, kitesurf, voile, nage, trail côtier, beach sports…) ?
- Comment ces pratiques redéfinissent les temporalités et spatialités touristiques ?
- Quelles tensions d’usage émergent entre sports, tourisme balnéaire, pêche, ou autres activités traditionnelles ?
2. Aménagements, infrastructures et impacts territoriaux
- Quels équipements (surf camps, bases nautiques, skateparks, sentiers, plateformes d'observation…) façonnent les paysages ?
- En quoi les infrastructures sportives influencent-elles l’esthétique, la planification et la résilience des littoraux ?
- Existe-t-il des stratégies d’intégration paysagère ou de sobriété infrastructurelle ?
3. Sport, marketing territorial et attractivité
- Comment les destinations mobilisent-elles le sport dans leur image de marque littorale ?
- En quoi les sports dits « lifestyle » (Wheaton, 2004) modifient-ils les imaginaires du littoral ?
- Quelle place occupe le tourisme sportif dans les stratégies de développement local et d’extension de la saisonnalité ?
4. Gouvernance, durabilité et justice spatiale
- Quelles sont les modalités de gestion des sites de pratique (zones de surf, sentiers côtiers, plages sportives) ?
- Comment sont associées les communautés locales aux décisions d’aménagement ?
- Quels dispositifs existent pour encadrer les pratiques dans une optique de durabilité sociale et environnementale (chartes, labels, concertation, accès libre ou régulé…) ?
5. Corps, genre et inclusion sur les rivages sportifs ● Qui pratique ? Qui est visible ?
- Quelles sont les dynamiques d’inclusion ou d’exclusion (genre, classe, âge, handicap) dans les sports littoraux ?
- Quelles scènes culturelles et modes de vie s’y greffent (surfers, vanlifers, digital nomads, sportives locales…) ?
Modalités de soumission
Les réponses à cet appel seront envoyées sous la forme d’un résumé long (10 000 signes) comprenant : titre, problématique de l’article, présentation de la méthodologie, du terrain d’étude, du corpus documentaire et, le cas échéant, de la chronologie, plan détaillé, mots clés, bibliographie.
La proposition fera apparaître clairement le nom des auteurs, leur fonction, leur rattachement institutionnel.
Elle sera à envoyer à a.benattou@uiz.ac.ma
pour le 15 juillet
Une réponse sera donnée aux auteurs sélectionnés au plus tard le 1er septembre
La version définitive des articles sera à remettre le 30 septembre.
Ils seront soumis à une double évaluation à l’aveugle par des pairs.
Coordination scientifique
- El Makhtar El Maouhal
- Stephanie Crabeck
- Ben Attou Amal
Comité scientifique
Aabi, Mustapha – Université Ibn Zohr (Maroc)
Aazmi, Kenza – Université Ibn Zohr (Maroc)
Abaragh, Brahim – Université Ibn Zohr (Maroc)
Agnaou, Fatima Zahra – Université Ibn Zohr (Maroc)
Ait Omar, Brahim – Université Ibn Zohr (Maroc)
Amadane, Rachid – Université Mohammed V, Rabat (Maroc)
Amsidder, Abderrahmane – Université Ibn Zohr (Maroc)
Aussant, Thibaut – Université d’Angers (France)
Ben Attou, Amal – Université Ibn Zohr (Maroc)
Bendahan, Mohamed – Université Mohammed V, Rabat (Maroc)
Boufous, Mohamed – Université Ibn Zohr (Maroc), LARLANCO
Crabeck, Stéphanie – HEPH Condorcet (Belgique)
Elachmit, Jamal – Université Ibn Zohr (Maroc)
Elharrachi, Ilham – ISPITS Agadir (Maroc)
El Maouhal, El Makhtar – Université Ibn Zohr (Maroc)
El Ouafa, Moulay Idriss – Université Ibn Zohr (Maroc)
Ennasiri, Ali – Université Ibn Zohr (Maroc)
Ennassiri, Hassan – Université Ibn Zohr (Maroc)
Erradi, Amina – Université Ibn Zohr (Maroc)
Guibert, Christophe – Université d’Angers (France) Hazim, Jawad – Université Cadi Ayyad (Maroc)
Hermas, Abdelkader – Université Ibn Zohr (Maroc)
Hidane, Khalil – Université Ibn Zohr (Maroc)
Jamai, Abdeslam – Université Ibn Zohr (Maroc)
Lebreton, Florian – Université Littoral Côte d’Opale (France)
Lhasnaoui, Mohammed Zaki – Université Ibn Zohr (Maroc)
Meyer, Vincent – Université Nice Côte d’Azur (France)
Moutia, Anas – Université Cadi Ayyad (Maroc)
Nacer Idrissi, Abdelfettah – Université Ibn Zohr (Maroc)
Oubelouhy, Hassan – Université Ibn Zohr (Maroc)
Reghai, Yasmina – Universiapolis – Agadir (Maroc)
Safe, Simone – Université PUCMINAS (Brésil)
Tifrout, Lahcen – Université Ibn Zohr (Maroc)
Van Den Plas, John – EPHEC (Belgique)
Références bibliographiques
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Subjects
- Modern (Main category)
- Society > Sociology > Sport and recreation
- Society > Urban studies
- Society > Geography
- Mind and language > Information
- Society > Economics
Date(s)
- Tuesday, July 15, 2025
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- Stéphanie Crabeck
courriel : stephanie [dot] crabeck [at] condorcet [dot] be
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« Tourisme sportif et littoral : dynamiques territoriales, mutations sociales et enjeux durables », Call for papers, Calenda, Published on Friday, June 13, 2025, https://doi.org/10.58079/144ad