Published on Tuesday, June 24, 2025
Abstract
L’École nationale d’administration (ENA), à travers son Centre de recherche sur l’administration publique et la gouvernance territoriale (CRAPT), pôle de recherche académique par excellence, place aujourd’hui le thème de son IVe colloque sur la « Souveraineté de l’État ». Ce Colloque international entend réunir intellectuels, praticiens, décideurs publics et chercheurs africains et africanistes. Cette rencontre s’inscrit dans la continuité d’une tradition intellectuelle et républicaine visant à questionner les fondements de l’action publique à l’heure d’un monde en recomposition. L’objectif est de proposer un espace de réflexion pluridisciplinaire sur les mutations contemporaines de la souveraineté, les défis qu’elle soulève, ainsi que les perspectives qu’elle ouvre pour les États.
Announcement
Argumentaire
La souveraineté, dans les relations internationales, constitue un fondement juridique et politique essentiel des rapports entre les États. Elle traduit l’indépendance d’un État, notamment son droit exclusif d’exercer, à l’intérieur de ses frontières, les fonctions étatiques sans immixtion extérieure . Cette définition classique, consacrée par la jurisprudence internationale, repose sur deux attributs fondamentaux : la plénitude et l’exclusivité.
La plénitude exprime la capacité de l’État à exercer toutes les fonctions de commandement sur son territoire, selon sa propre appréciation. Cela comprend la production de normes constitutionnelles, législatives, réglementaires, judiciaires ou coercitives, dans tous les domaines : politique, économique, social, environnemental ou culturel. L’État, dans ce cadre, peut organiser librement son régime politique, structurer ses services publics, édicter les règles régissant les relations entre individus et gérer ses ressources naturelles dans le respect du principe de souveraineté.
L’exclusivité, quant à elle, fait référence au fait que cette compétence souveraine ne souffre d’aucune rivalité sur le territoire national : aucun autre État ne peut y intervenir sans le consentement exprès de l’État souverain. Comme le réaffirme la Cour internationale de justice dans une jurisprudence constante, « entre États indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est une des bases essentielles des rapports internationaux ». Ce principe, pourtant fortement ancré dans le droit international, est aujourd’hui remis en cause par de multiples facteurs, au point de réinterroger la validité opérationnelle du modèle westphalien.
En outre, dans un monde globalisé, la souveraineté ne peut plus être appréhendée de manière figée. Si Jean Bodin définissait déjà au XVIe siècle la souveraineté comme « le pouvoir de commander et de contraindre sans n’être commandé ni contraint » , cette conception trouve aujourd’hui ses limites dans un environnement mondial marqué par la complexification des rapports de force et la montée en puissance d’acteurs non étatiques : organisations internationales, entreprises multinationales, ONG, groupes armés, réseaux numériques transnationaux . La souveraineté externe – soit l’indépendance vis-à-vis des puissances étrangères – et la souveraineté interne – l’autorité suprême sur les affaires intérieures – sont désormais soumises à des dynamiques multiples et souvent contradictoires. Le principe de noningérence, pierre angulaire de l’ordre international d’après 1945, est aujourd’hui confronté aux réalités des interventions dites humanitaires, de la responsabilité de protéger (R2P) telle qu’elle est appliquée par les États occidentaux aux États africains ou encore de la conditionnalité économique imposée par les bailleurs internationaux.
L’expérience africaine illustre bien cette tension. La Résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, justifiant l’intervention armée en Libye en 2011, a profondément marqué les perceptions africaines du droit d’ingérence, suscitant un débat majeur sur l’équilibre entre souveraineté et protection des populations. Le démantèlement du régime de Kadhafi, sans processus politique structuré, a mis en évidence les dérives possibles de l’interventionnisme international et souligné l’ambiguïté du discours humanitaire face aux intérêts géopolitiques .
En outre, des dimensions nouvelles viennent enrichir et complexifier davantage la conception de la souveraineté. L’essor du numérique, la maitrise et la gestion des ressources naturelles, les migrations, les enjeux sécuritaires, la culture, l’agriculture, la science ou encore le débat sur la décolonisation, interpellent la souveraineté à travers des prismes inédits. Ainsi, la souveraineté n’est plus seulement territoriale, elle est aussi économique, technologique, culturelle, voire alimentaire. Elle interroge les rapports entre l’État et ses citoyens, mais aussi entre les États et les forces transnationales. De plus, la montée des aspirations populaires – par le biais des réseaux sociaux, des mobilisations citoyennes – tend à redéfinir la souveraineté non plus uniquement comme monopole étatique, mais comme pouvoir partagé entre institutions publiques et société civile.
L’Ecole Nationale d’Administration (ENA), à travers son Centre de Recherche sur l’Administration Publique et la Gouvernance Territoriale (CRAPT), pôle de recherche académique par excellence, place aujourd’hui le thème de son IVème Colloque sur la « Souveraineté de l’Etat ». Ce Colloque international entend réunir intellectuels, praticiens, décideurs publics et chercheurs africains et africanistes. Cette rencontre s’inscrit dans la continuité d’une tradition intellectuelle et républicaine visant à questionner les fondements de l’action publique à l’heure d’un monde en recomposition. L’objectif est de proposer un espace de réflexion pluridisciplinaire sur les mutations contemporaines de la souveraineté, les défis qu’elle soulève, ainsi que les perspectives qu’elle ouvre pour les États.
Axes thématiques
Les contributions scientifiques devront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des axes suivants :
Axe 1 : La souveraineté des États à l’aune de la décolonisation
Cet axe se propose d’analyser les formes contemporaines d’ingérence, directe ou indirecte, dans les affaires intérieures des États africains, malgré les indépendances formelles acquises depuis les années 1960. Il s’agit d’examiner comment les interventions militaires étrangères, les ingérences politiques, les pressions économiques et diplomatiques, perpétuent un néocolonialisme qui remet en cause les principes fondamentaux du droit international, tels que la souveraineté, la non-ingérence et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En se proposant d’analyser les formes contemporaines du néocolonialisme, cet axe questionne les implications politiques et économiques de la décolonisation. Il s'agit de comprendre comment les États africains peuvent consolider leur souveraineté politique et institutionnelle dans un monde où les rapports de force restent déséquilibrés, et de réévaluer les liens hérités de la colonisation, notamment dans les domaines économique, militaire et diplomatique.
Axe 2 : La Souveraineté et l’économie
Peut-on parler de souveraineté politique sans souveraineté économique ?
Comment les dépendances monétaires limitent-elles la capacité des États africains à choisir leur propre modèle économique ? En répondant à ces interrogations, entre autres, ce deuxième axe aborde la souveraineté économique des États africains comme condition essentielle de leur émancipation politique. Il interroge la capacité des États à disposer librement de leurs instruments économiques stratégiques, notamment leur monnaie, leur politique industrielle, et leur autonomie financière. En mettant en lumière les limites structurelles de la Zone franc et la dépendance à l’égard de puissances extérieures, cet axe appelle à une réflexion sur la réforme monétaire et la coopération économique sous-régionale fondée sur des intérêts africains.
Axe 3 : Souveraineté et ressources naturelles
La maîtrise des ressources naturelles constitue un pilier fondamental de la souveraineté des États. Ce troisième axe explore les enjeux liés au contrôle, à l’exploitation et à la valorisation des ressources naturelles, énergétiques et minières en Afrique. Si la souveraineté sur les ressources est reconnue en droit international, sa mise en œuvre est souvent entravée par des rapports de force défavorables, des ingérences étrangères et une dépendance vis-à-vis des investissements extérieurs.
Les États africains exercent-ils une véritable souveraineté sur leurs ressources naturelles ? Comment les États peuvent-ils sécuriser, transformer et valoriser localement leurs ressources pour en faire des moteurs de développement plutôt que des sources de conflits ou de dépendance ?
Cet axe met en lumière les risques géopolitiques associés à la richesse en ressources naturelles, notamment les conflits armés, les crises humanitaires, et les pressions exercées par des acteurs internationaux. Il s’agit d’examiner les stratégies de sécurisation, de transformation locale et de gouvernance transparente de ces ressources, dans une optique de souveraineté durable et de développement autonome.
Axe 4 : La souveraineté numérique : cas des pays de l’Afrique subsaharienne
Dans un monde dominé par les technologies numériques, la souveraineté se décline aussi dans le cyberespace. Dès lors, comment l’Afrique subsaharienne peut-elle échapper au risque de la « cybercolonisation » dans un monde dominé par les géants du numérique ? Quelles politiques publiques, et quelles alliances régionales permettraient aux pays africains de reprendre le contrôle de leurs données, de leur cybersécurité et de leur avenir dans le cyberespace ? Ce quatrième axe explore la capacité des États africains à exercer leur autorité et à garantir leur indépendance dans l’espace virtuel. Il met l’accent sur les défis liés à la dépendance technologique, à la régulation des plateformes numériques étrangères, et à la maîtrise des infrastructures et des données.
Axe 5 : Souveraineté culturelle, académique et scientifique
Ce cinquième axe met en lumière les dimensions immatérielles de la souveraineté, en insistant sur l’importance pour les États africains de préserver et valoriser leurs patrimoines culturels, leurs savoirs endogènes, et leurs systèmes de formation. Face à la domination culturelle et académique issue de l’histoire coloniale, il devient urgent de repenser les contenus éducatifs, les politiques scientifiques et les systèmes de production de connaissances pour les ancrer dans les réalités africaines. Comment affirmer une identité culturelle et intellectuelle propre dans un monde globalisé où les références, les savoirs et les systèmes éducatifs restent largement dominés par l’héritage colonial ?
A travers cet axe la menace que représente l’impérialisme culturel pour l’identité africaine est explorée, notamment à travers la consommation de contenus étrangers standardisés, qui influencent les comportements sociaux et politiques. Il s’agit donc de promouvoir une souveraineté culturelle active, capable de résister aux modèles importés, de protéger les savoirs traditionnels, et de stimuler une renaissance intellectuelle, artistique et scientifique africaine.
Axe 6 : La souveraineté des États à l’épreuve des accords de coopération
Les accords internationaux renforcent-ils ou affaiblissent-ils la souveraineté des États africains ?
Comment concilier besoin de coopération internationale et exigence d’autonomie dans la prise de décision politique ? Quels types d’accords — militaires, économiques ou techniques — permettent un réel partenariat sans ingérence ni dépendance ? Peut-on redéfinir les règles du jeu de la coopération internationale à partir des priorités africaines ?
Ce dernier axe interroge la tension croissante entre les exigences de la souveraineté nationale et la multiplication des accords de coopération conclus par les États, notamment africains, dans un contexte de mondialisation, d’insécurité régionale et de dépendance économique. Un accent particulier sera mis sur les accords de coopération militaire, souvent justifiés par la lutte contre le terrorisme, mais qui suscitent des controverses quant à la présence de forces étrangères et aux limites qu’elle impose à l’autonomie stratégique des États. De même, les accords avec les organisations internationales — qu’il s’agisse d’institutions financières, politiques ou humanitaires — peuvent être examinés à l’aune de leur influence sur les politiques publiques nationales, leur conditionnalité et leur compatibilité avec les priorités souveraines. L’ensemble de ces problématiques permettront in fine de réfléchir à la manière dont les États peuvent concilier ouverture internationale et préservation de leur souveraineté dans un monde d’interdépendance constant.
Calendrier et modalités de soumission
Les propositions de communication, rédigées en français, en anglais ou en arabe, seront présentées sur une page et devront préciser le titre ainsi que l’axe choisi. Elles seront accompagnées d’informations relatives aux titres, fonctions et publications des contributeurs. Ces propositions devront parvenir au comité scientifique du colloque
avant le 27 juillet 2025.
Les auteurs dont les propositions seront retenues transmettront leurs textes complets avant le 27 Août 2025.
Les propositions et contributions seront adressées au Comité scientifique par courrier électronique, aux adresses suivantes :
- deatracrapt@ena.td
- rccrapt@ena.td
Le colloque se tiendra du 27 au 29 octobre 2025, et la publication des actes est prévue pour le premier trimestre 2026.
Les normes à respecter sont les suivantes :
- La contribution devra compter maximum une vingtaine des pages.
- Elle doit être rédigée sous format Word, en interligne simple, police Times New Roman, taille 12, texte justifié, avec des marges de 2,5 cm.
- Chaque contribution doit être accompagnée d’une biographie succincte de l’auteur (mentionnant son grade, sa fonction académique ou professionnelle, et son adresse e-mail en note de bas de page), ainsi que d’un résumé en français de dix lignes maximums, avec quatre à six mots-clés.
- Les citations doivent être insérées entre guillemets doubles, en conservant la même police et taille de caractères que le corps du texte.
- L’appel de note est continu et placé après le mot ou groupe de mots concerné, séparé par un espace insécable.
Les références bibliographiques seront présentées selon les normes suivantes :
Articles de revues : Nom (en majuscules) et initiale du prénom de l’auteur, « Titre de l’article », Titre de la revue, n° du volume, n° du fascicule, année, pages.
- Ex. : BACHELIER (G.), « Les transferts de propriété entre personnes publiques », JCP Administrations et Collectivités territoriales, n° 43, 2006, p. 1249.
- Livres : Nom (en majuscules) et initiale du prénom de l’auteur, Titre de l’ouvrage, lieu d’édition, maison d’édition, année, pages.
- Ouvrages collectifs : Nom (en majuscules) et initiale du prénom de l’auteur, « Titre de l’article », in Nom du directeur (dir.), Titre de l’ouvrage, lieu, éditeur, année, pages.
Comité scientifique
- Pr. REOUNODJI FREDERIC, Maître de Conférences, Université de N’Djaména
- Pr. MAHAMOUT YOUSSOUF KHAYAL, Professeur Titulaire, CNRD
- Pr. MEDARD NDOUTOLENGAR, Professeur Titulaire, Université de N’Djaména
- Pr. DJIKOLOUM BENJAMIN BENAN, Maître de Conférences, Université de Doba
- Pr. MADJINDAYE YAMBAIDJE, Maître de Conférences, Université de N’Djaména
- Pr. MAOUNDONODJI GILBERT, Maître de Conférences Agrégé, Université de N’Djaména
- Pr. KOULADOUM JEAN-CLAUDE, Maître de Conférences Agrégé, Université de N’Djaména
- Pr. MAHAMAT FOUDDA DJOURAB, Maître de Conférences, Université de N’Djaména
- Pr. TATOLOUM AMANE, Maître de Conférences, Université de N’Djaména
- Pr. ABDELHADI ABDELKERIM, Maîtres de Conférences, Conseil Supérieur des Universités Égyptiennes, Université N’Djaména
- Pr. OUSMAN MAHAMAT ADAM, Maîtres de Conférences, Conseil Supérieur des Universités Égyptiennes, Université N’Djaména
- Pr. MAHAMAT OUMAR ALFAL, Maître de Conférences, Conseil Supérieur des Universités Égyptiennes, Université N’Djaména
- Pr. CAMILLE KUYU, Professeur des Universités, Président de l’Académie Africaine de Théorie du Droit
- Pr. BLAISE TCHIKAYA, Professeur, Vice-Président, Cour Africaine des Droits de l’Homme
- Pr. ABANE PATRICK EDGARD, Agrégé de droit public, professeur titulaire, Université de Yaoundé 2
- Pr. IBRAHIM DAVID SALAMI, Agrégé de droit public, Professeur Titulaire, Université d’Abomey Calavi
- Pr. ABDOULAYE SOMA, Agrégé de droit public, Professeur Titulaire, Université Thomas Sankara/Ouaga II
- Pr. ADAMA KPODAR, Agrégé de droit public, Professeur Titulaire, ENA-Togo
- Pr. SENI OUEDRAOGO, Agrégé de droit public, Professeur Titulaire, Université Thomas Sankara/Ouaga II
- Pr. ALIOUNE BADARA FALL, Agrégé de droit public, Professeur Titulaire, Université de Bordeaux
- Pr. BAKARI CAMARA, Maître de Conférences Agrégé, Université de Bamako
- Pr. KOUSSETOGUE ROGER KOUDE, Professeur de Droit international à l’Institut des droits de l’homme de Lyon (IDHL), Titulaire de la Chaire UNESCO « Mémoire, Cultures et Interculturalité ».
Subjects
- Law (Main category)
- Society > Economics > Political economics
- Society > Political studies > Political science
- Society > Economics > Economic development
- Society > Political studies > International relations
- Society > Political studies > Governance and public policies
- Society > Political studies > Wars, conflicts, violence
Places
- N'Djamena, Chad
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Sunday, July 27, 2025
Attached files
Keywords
- souveraineté, Afrique, État
Reference Urls
Information source
- Mamahat Youssouf
courriel : terriyoussouf [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« La souveraineté des États », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, June 24, 2025, https://doi.org/10.58079/146pl