Published on Wednesday, June 11, 2025
Abstract
Cette journée d’études souhaite réfléchir aux publications d’écrivaines brésiliennes en France dans ce contexte de forts changements sociaux et intellectuels, en s’interrogeant sur les rapports existants entre cette circulation et les perceptions de genre des sociétés brésiliennes et françaises au XXe siècle.
Announcement
Argumentaire
Entre 1970 et 2024, à peu près quatre cents ouvrages écrits par des auteures brésiliennes ont été publiés en France, selon des données fournies par le catalogue général de la BNF. Parmi les différentes thématiques, des nombreux livres scientifiques (en histoire, anthropologie, sociologie, psychologie, éducation), mais également des livres d’architecture, des reportages, des témoignages d'exilées de la dictature militaire, des œuvres de fiction dénonçant la situation des femmes au Brésil, ainsi que le racisme et la violence au quotidien. Les genres fictionnels sont majoritaires : des romans, des nouvelles, de la poésie et des chroniques. L’aspect surprenant pourtant est la présence importante d'ouvrages spirituels, dès les psychographies spirites aux études de la bible, des récits de la vie des saints, ou encore des manuels de yoga et de bien-être. Fort de ces constats, nous aimerions comprendre l’intérêt porté par le champ intellectuel français aux ouvrages écrits par des auteures d'un pays et d’une langue très peu traduite, comme le portugais, en comparaison à des langues centrales et hyper-centrales.
De plus, nous savons aujourd’hui que la circulation de Brésiliennes en France, notamment celles exilées par la dictature militaire, ont joué un rôle important au sein des différents mouvement féministes émergeant dans les années 1970 (Abreu, 2014). En effet, cette décennie constitue un moment de rupture, « caractérisé notamment par le fait que la question de la différence des sexes ne serait plus posée par les seuls gardiens masculins du savoir et de sa transmission, mais par les femmes elles-mêmes, intellectuelles ou non » (Collin, Pisier, Varikas, 2011, 07). L'idée que la culture dans son ensemble, et plus spécifiquement en France, se féminise, est courante aujourd’hui et, bien évidemment, les réactions sont multiples. Comme le dit Maurice Daumas (2019), « la peur de la subversion par les valeurs féminines domine la pensée antiféministe. Si la dévirilisation des hommes relève du fantasme, la féminisation de notre culture est une réalité ». En juin 2005, le Bulletin du département des études, de la prospective et des statiques publie un rapport signé par Olivier Donnat qui démontre que les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes à s'intéresser aux arts et à la culture en France.
Notre Journée d’Études souhaiterait ainsi réfléchir aux publications d’écrivaines brésiliennes en France dans ce contexte de forts changements sociaux et intellectuels, en s’interrogeant sur les rapports existants entre cette circulation et les perceptions de genre des sociétés brésiliennes et françaises au XXème siècle.
Programme
9h45 – Accueil aux participant·e·s
10h – Natália Guerellus (Université Jean Moulin Lyon 3 – MARGE) Présentation du projet EFEMERE et des objectifs de la journée d’études
Première partie – circulations
- 10h20 – Maria Teixeira (Sorbonne Université, CRIMIC) Clarice Lispector en France : une réception féministe ?
Clarice Lispector est aujourd’hui l’une des figures majeures publiées par la maison d’éditions Des femmes en France. Pourtant, l’intégration de son œuvre complète dans un catalogue à forte orientation féministe peut sembler surprenante, dans la mesure où l’auteure n’a jamais revendiqué explicitement cette étiquette. Ma recherche propose d’examiner la réception de son œuvre en analysant les canaux de diffusion et le rôle des intermédiaires ayant contribué à son introduction dans le paysage littéraire français. Ce travail s’inscrit dans une perspective d’enrichissement de l’historiographie littéraire franco-brésilienne et ouvre la voie à de futurs dialogues sur la place de C. Lispector dans les études féministes et la traduction littéraire.
- 10h40 - Maira Abreu (CRESPPA-GTM) Exil, féminismes et circulations d’idées entre le Brésil et la France
La dictature militaire instaurée après le coup d’État du 1er avril 1964 a poussé de nombreux Brésilien·ne·s à l’exil. Cet exil a favorisé des échanges fructueux entre des femmes latino-américaines et des féministes françaises engagées dans un moment de grande effervescence politique. Le Cercle des femmes brésiliennes à Paris, né en 1975, est l’un des résultats de ces échanges. Composante étrangère du Mouvement de libération des femmes (MLF) et proche de la tendance « lutte des classes », ce groupe a été très actif pendant quatre ans, jusqu’à l’amnistie brésilienne de 1979. Il a rassemblé un nombre important de femmes et est devenu l’un des groupes les mieux structurés formés par des Brésilien·ne·s pendant l’exil. Plusieurs Brésiliennes ont également fait partie du Groupe latino-américain de femmes à Paris (1973-1976) plus proche du féminisme radical et qui a publié le bulletin Nosotras (1974-1976). Ces deux groupes ont entretenu des liens avec des femmes brésiliennes et avec les groupes féministes qui ont commencé à émerger, notamment à partir de 1975 au Brésil. Elles envoyaient des textes, des publications, et n’hésitaient pas à critiquer certaines prises de position exprimées dans des journaux comme Brasil Mulher (1975-1980) et Nós Mulheres (1976-1978). Les contacts amorcés depuis la France se sont intensifiés après le retour de ces femmes au Brésil. Ainsi, cette rencontre entre des femmes engagées dans un contexte de dictature et celles qui avaient découvert le féminisme en Europe — avec leurs convergences et leurs désaccords — a été particulièrement féconde pour les féminismes brésiliens et contribue la compréhension de leur développement dans les années suivantes.
- 11h – Vinícius Carneiro (Université de Lille - CECILLE) Entre silences critiques : Carolina Maria de Jesus dans la réception de Lettres à une Noire, de Françoise Ega
Cette communication propose une analyse de la réception critique de Lettres à une Noire (1978), de Françoise Ega, en se concentrant sur les lectures de la présence de Carolina Maria de Jesus dans ce récit. Le corpus est composé d’articles académiques et d’essais critiques publiés entre les années 1980 et 2021, qui analysent l’œuvre d’Ega dans les domaines de la littérature postcoloniale, de l’écriture féminine et de la mémoire migrante. Notre objectif est de retracer comment la figure de Carolina Maria de Jesus, explicitement évoquée dès les premières pages de l’ouvrage, a été progressivement effacée, marginalisée ou reduite à une simple référence textuelle. L’hypothèse est que cet effacement révèle à la fois une négligence à l’égard du rôle de la littérature latino-américaine dans l’imaginaire des diasporas africaines francophones, et une difficulté persistante de la critique à penser les filiations transatlantiques entre femmes noires. Le cas de Carolina Maria de Jesus permet de réfléchir aux mécanismes d’exclusion au sein de la critique littéraire, y compris dans des contextes se revendiquant décoloniaux, ainsi qu’aux possibilités de réécrire ces généalogies oubliées.
- 11h20 – Giulia Manera (Université de Guyane - MINEA) Traduction, publication et réception des littératures féministes noires et postcoloniales contemporaines entre France et Brésil.
Pendant les années Bolsonaro, le monde observe les mouvements sociaux qui structurent la résistance et l’opposition au Brésil, à commencer par la mobilisation des femmes. Dans ce cadre, les féminismes noirs et postcoloniaux, ainsi que la littérature écrite par des femmes noires, autochtones et périphériques gagnent une visibilité croissante à l’international. L’analyse de la traduction, de la publication et de la réception en France d’ouvrages comme les essais de Djamila Ribeiro ou encore les contes, les romans et les poèmes de Conceição Evaristo permet de penser la circulations d’imaginaires et d’épistémologies brésiliens et latino-américaines. Ces textes, qui contribuent à décloisonner un champ d’études autrefois caractérisé par les auteur.e.s nord-américain.e.s, interrogent les rapports de pouvoir de race, de genre et de classe, questionnant aussi la traditionnelle dichotomie entre théorie et fiction dans l’élaboration des pensées féministes.
11h40 – Débat
12h15 – Pause déjeuner
Deuxième partie – lectures
14h – Natália Guerellus (Université Jean Moulin Lyon 3 – MARGE) Présentation de la deuxième partie et discussion autour du terme « féminisation de la culture »
- 14h30 - Lúcia Peixoto Cherem (Universidade Federal do Paraná) Clarice Lispector descoberta na França e no Quebec: uma abertura para muitas leituras
Nessa breve fala que terei com vocês, vou resumir a descoberta dos textos de Clarice Lispector por um grupo de mulheres na França e no Quebec nos anos 80 Minha visão da obra da autora se entrelaçou com a visão dessas pesquisadoras e escritoras, na sua maioria feministas. Vou tentar expor minha própria trajetória ao estudar sua obra, mostrando também que não se tratou apenas de um trabalho acadêmico, mas de uma leitura necessária para o meu desenvolvimento como pessoa e professora. Seus textos me acompanham desde a adolescência e ver de perto sua obra nascer em outra língua foi uma experiência instigante, da qual também participei um pouco, tendo traduzido para o francês A Mulher que matou os peixes, Editions du Seuil,com Séverine Rosset, nos anos 90.
- 15h15 - Adriana Claudia De Sousa Costa (Universidade Federal da Paraíba) Circulation de la littérature brésilienne en France (2000–2019) : enjeux éditoriaux, linguistiques et genrés
Cette recherche propose un état des lieux des traductions de la littérature brésilienne publiées en France entre 2000 et 2019, période marquée par une diversification des voix brésiliennes dans le paysage éditorial francophone. À partir d’un corpus de données quantitatives et qualitatives, nous avons dressé un panorama des éditeurs, des genres littéraires, des œuvres et des auteur·rice·s, afin d’analyser leur position dans les champs littéraire et éditorial français. Notre étude met en lumière le rôle central joué par les petits et moyens éditeurs dans cette dynamique de circulation, en particulier deux maisons pionnières : Métailié, première maison française à créer une collection consacrée à la littérature brésilienne (la Bibliothèque brésilienne); et Anacaona, la première spécialisée dans la traduction d’auteur·rice·s brésilien·ne·s, avec un engagement fort en faveur de voix féminines, périphériques et afrodescendantes.
- 16h - Angélica Amâncio (Université de Poitiers - CRLA-Archivos) A mulher brasileira no romance gráfico publicado na França: entre arquétipo e estereótipo
Frequentemente o sucesso de uma narrativa depende da relação que o leitor estabelece com os personagens. Não por acaso, muitos deles representam certos arquétipos (a mãe, o sábio, o herói...), que favorecem a identificação dos leitores e a verossimilhança da história. O conceito de arquétipo, desenvolvido por Carl G. Jung, remete a determinados personagens sociais, cujas características são inferidas de maneira similar por grande parte de uma comunidade. Contudo, como veremos, esse arquétipo, por vezes, é esvaziado de sentido até chegar à categoria de estereótipo. Pensando nisso, interessa-nos, neste trabalho, compreender de que maneira a imagem da “mulher brasileira” é percebida e difundida nos romances gráficos publicados na França (como original e tradução). Nesse intuito, são analisados, em especial: Rio (Glénat, tomos I a IV, 2016-2019), de Corentin Rouge e Louise Garcia, e Ópera Negra (Actes Sud, 2022), de Clara Chotil. A título de comparação, também serão observados, ainda que brevemente, os álbuns Sous le signe du Capricorne (Casterman, 1970-1973), de Hugo Pratt; Cumbe (Éditions çà et là, 2016), de Marcelo D’Salete; e Écoute jolie Márcia (Éditions çà et là, 2021), de Marcello Quintanilha.
16h45 - Conclusions
Subjects
- Language (Main category)
- Society > Sociology > Gender studies
- Mind and language > Language > Literature
- Periods > Modern > Twenty-first century
- Zones and regions > America > Latin America > Brazil
- Zones and regions > Europe > France
- Society > History > Women's history
- Periods > Modern > Twentieth century > 1945-1989
Places
- Salle Caillemer - Université Lyon III Jean Moulin 15, quai Claude Bernard
Lyon, France (69007)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Monday, June 16, 2025
Attached files
Keywords
- littérature, circulation, féminisation, Brésil, France
Information source
- Natália Guerellus
courriel : natalia [dot] guerellus [at] univ-lyon3 [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Circulation des écrits et féminisation de la culture entre le Brésil et la France », Study days, Calenda, Published on Wednesday, June 11, 2025, https://doi.org/10.58079/14360