Published on Thursday, June 12, 2025
Abstract
Ce colloque vise à examiner les relations entre les formes contraintes de mobilités et de migrations et la production de savoirs sur le monde dans de trois villes italiennes - Naples, Rome et Venise - au début de l’époque moderne (mi xve-mi xviie siècle). Il s’attachera à identifier les multiples rôles des acteurs dans l’arène savante tout en questionnant les raisons de cette invisibilité relative.
Announcement
Argumentaire
Au début de l’époque moderne, Naples, Rome et Venise voient affluer simultanément en leur sein des communautés et des individus contraints à l’exil. Les trajectoires de Grecs et d’Albanais fuyant l’avancée ottomane, de Juifs expulsés des couronnes d’Espagne et du Portugal, de captifs nordafricains et subsahariens transportés de force en Italie, de membres de l’Eglise catholique chassés des espaces passés à la Réforme, ou encore de divers exilés politiques en provenance du reste de l’Europe et de la Méditerranée témoignent de la diversité de ces mobilités forcées aux contours multiples. Cette hétérogénéité rend d’autant plus difficile l’identification, la définition et la mesure des degrés de contrainte qui pèse sur les individus et les groupes dans leur parcours, tant pour les contemporains que pour les historiens [BERTRAND, BRICE et INFELISE, 2022]. Néanmoins, si les motivations du déplacement peuvent varier selon les acteurs, ces mouvements sont tous caractérisés par un départ forcé qui les distingue des formes de mobilités liées à des contraintes économiques ou sociales.
Or, dans ces trois villes – qui sont au coeur du programme d’études Mondo500 de l’Ecole française de Rome auquel ce colloque se rattache – ces individus et ces communautés participent à l’élaboration de nouveaux savoirs sur le monde, à l’instar de figures désormais bien connues (Jean Léon l’Africain, Olaus Magnus, Jean Lascaris, etc.) mais aussi d’une multitude d’autres acteurs, encore peu étudiés ou restés anonymes. Ce colloque vise donc à examiner les relations entre les formes contraintes de mobilités et de migrations et la production de savoirs sur le monde dans ces trois villes italiennes au début de l’époque moderne (mi xve-mi xviie siècle). Il s’attachera à identifier les multiples rôles des acteurs dans l’arène savante tout en questionnant les raisons de cette invisibilité relative. En particulier, il s’agira d’explorer comment le statut de ces déplacés dans ces trois villes et la situation d’incertitude propre à leur condition d’étranger [CERUTTI, 2012] se matérialisent par les empreintes complexes et contrastées que leur parcours imprime dans les archives mais aussi dans la nature même des savoirs auxquels ils et elles ont contribué.
En effet, si certains individus conçoivent et composent en leur nom propre des ouvrages et des traités – notamment historico-géographiques –, d’autres, grâce à leurs compétences linguistiques et philologiques, participent à des entreprises de traduction et d’édition, tandis que nombre d’entre eux sont mobilisés par d’autres producteurs de savoirs comme informateurs plus ou moins ponctuels. La diversité de ces modes d’intervention invite alors à prolonger les travaux récents consacrés aux mobilités contraintes et aux rôles des exilés dans la production de savoirs [BURKE, 2017]. Si l’historiographie s’est concentrée pour l’époque moderne sur certains espaces - notamment méditerranéens [CALAFAT et GRENET, 2023] - certains types sociaux - les élites intellectuelles [AMAR et GREEN, 2022] - ou certains types de déplacés - comme les réfugiés religieux [TERPSTRA, 2015 ; CONEYS WAINWRIGHT et MICHELSON 2020] - elle n’a pas encore pleinement réussi à croiser ces différentes approches. L’entrée par l’histoire urbaine de Naples, Venise et Rome permettra de faire dialoguer ces trois focales, en les intégrant dans une culture du déplacement plus large qui caractérise le xvie siècle [SALZBERG, 2023].
Ainsi les déplacés investissent l’ordre des savoirs, à Naples, Rome et Venise, en raison de leurs compétences – parfois exagérées, mises en scènes ou inventées – de leurs connaissances, mais aussi d’objets qui les accompagnent et qui constituent pour eux des ressources leur permettant de s’intégrer dans le tissu urbain et de tenter d’améliorer leur condition de vie. Leur contribution à cet ordre local des savoirs est aussi façonnée par les dynamiques de patronage dont ils bénéficient et l’écosystème savant de ces trois lieux de savoir, écosystème qu’ils peuvent également mobiliser par la suite tant le séjour dans ces villes italiennes ne constitue pour certains qu’une étape d’une vie mobile. En retour, les autorités de ces cités cherchent à capitaliser sur les expériences de ces individus et communautés pour enrichir leur emprise sur le monde. Ces autorités pratiquent à leur égard des politiques différenciées, selon les villes mais aussi les périodes, et non dénuées d’ambiguïté, entre volonté d’encourager l’implantation de cette présence étrangère et de captation de leurs savoirs, et désir de contrôler voire d’en restreindre la diffusion.
Dans ce cadre général, on pourra par exemple étudier :
- Le rapport entre les parcours de migrations et de mobilités contraintes et le type de savoirs sur le monde produits. Les individus peuvent ainsi fournir des informations et élaborer des savoirs sur les réalités géographiques, naturelles, historiques, linguistiques, religieuses, juridiques ou politiques tant de leurs espaces d’origine que des espaces traversés pendant leurs parcours de mobilités.
- La collaboration et/ou la compétition entre les individus et les communautés de l’exil. En effet, la concomitance de la présence de ces différents individus et communautés dans les mêmes espaces induit des formes de collaboration et d’échange mais aussi des formes de rivalités voire de conflits qui se matérialisent dans les savoirs auxquels ils et elles contribuent.
- Le rôle des autorités. Selon les villes, les temporalités et le type de communautés, les dirigeants de ces villes ou des entités politiques dans lesquelles elles sont intégrées ont pratiqué des choix différenciés vis-à-vis de l’investissement savant de ces déplacés.
- Les liens entre cultures matérielles de la mobilité forcées et la production des savoirs. Dans leur parcours, les individus n’apportent pas uniquement des compétences et des informations immatérielles, mais également des matériaux (manuscrits, objets, spécimens, etc.) qui participent à l’élaboration des savoirs.
Dates et lieu de l’événement
4-6 mars 2026 à Paris-Aubervilliers (Campus Condorcet).
Ce colloque se tient dans le cadre du programme Mondo500 de l’École française de Rome
Modalités de soumission
Les propositions en français, en anglais ou en italien, d’une longueur maximale de 300 mots et accompagnées d’un bref curriculum vitae, devront être envoyées à migrations.savoirs@gmail.com avant le 1er juillet 2025.
L’organisation prendra en charge, dans la mesure du possible, les frais d’hébergement et de transport.
Évaluation
L'évaluation des propositions se fait par les trois organisateur et organisatrices :
- Oury Goldman (Paris 1-Panthéon Sorbonne-IHMC)
- Fiona Lejosne (Université Sorbonne Nouvelle-LECEMO)
- Ana Struillou (Institute of Historical Research, Londres)
Bibliographie citée
- AMAR Marianne et GREEN Nancy L. (dir.), Migrations d’élites : une histoire-monde, xvie-xxie siècles, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2022.
- BERTRAND Gilles, BRICE Catherine et INFELISE Mario (dir.), Exil, asile : du droit aux pratiques (xvie-xixe siècles), Rome, EFR, 2022.
- BURKE, Peter, Exiles and Expatriates in the History of Knowledge, 1500-2000, Waltham, Brandeis University Press, 2017.
- CALAFAT Guillaume et GRENET Mathieu, « Slavery, Captivity, and Mobilities in the Early Modern Mediterranean » In The Cambridge History of Global Migrations, Cátia Antunes et Eric Tagliacozzo (dir.), Cambridge, Cambridge University Press, 2023, p. 33–51.
- CERUTTI Simona, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Paris, Bayard, 2012.
- CONEYS WAINWRIGHT Matthew et MICHELSON Emily (dir.), A Companion to Religious Minorities in Early Modern Rome, Leyde, Brill, 2020.
- SALZERG Rosa, The Renaissance on the Road : Mobility, Migration and Cultural Exchange, Cambridge University Press ; 2023.
- TERPSTRA Nicholas, Religious Refugees in the Early Modern World. An Alternative History of the Reformation, New-York et Cambridge, Cambridge University Press, 2015.
Subjects
- Early modern (Main category)
Places
- Campus Condorcet - Centre de colloques - Place du Front populaire
Aubervilliers, France (93)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Tuesday, July 01, 2025
Keywords
- mobilité contrainte, production de savoirs, exil, Naples, Venise, Rome, XVIe siècle
Contact(s)
- Oury Goldman
courriel : ourygoldman [at] gmail [dot] com
Reference Urls
Information source
- Oury Godman
courriel : ourygoldman [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Mobilités contraintes et production de savoirs sur le monde à Naples, Rome et Venise au XVIe siècle », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, June 12, 2025, https://doi.org/10.58079/143at