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Les temps négligés de l'architecture

The Neglected Times of Architecture

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Publié le mercredi 02 juillet 2025

Résumé

Ces journées qui se veulent pluridisciplinaires sont envisagées dans le souci de déplier les différentes temporalités souvent négligées de l’architecture et des bâtiments, de visibiliser les actions, les ressources et les acteur·ices qui s’y engagent et de penser des méthodologies les plus à même d’en rendre compte. L’évènement accueillera également un espace de valorisation dédié aux productions audio/visuelles issues de travaux de recherche explorant ces thématiques, sous le format d’une exposition. Les soumissions attendues peuvent donc porter sur une communication orale, ainsi que sur la présentation plus succincte d’une ou plusieurs productions : photographies, film, dessins, cartes…

Annonce

Les laboratoires Sasha (ULB) et ACTE (ULiège) ont le plaisir de lancer un appel à communications pour les journées d’étude intitulées « Les temps négligés de l’architecture » qui se tiendront à Bruxelles les 17 et 18 mars 2026.

Argumentaire

En 1982, le philosophe allemand Karsten Harries invoquait une « terreur du temps » chez les architectes (1982 : 59). En effet, si l’urbanisme traite la ville comme un réseau dynamique de flux changeants, l’architecture a quant à elle longuement été approchée comme stable, permanente (Brand, 1995 ; Jenkins, 2002 ; Yaneva, 2008 ; Cairns and Jacobs, 2014). De monuments politiques et religieux érigés en vue de traverser les siècles, en passant par une esthétique moderniste épurée « niant l’idée d’usure » (Denis et Pontille, 2022 : 88 ; Mostafavi et Leatherbarrow, 1993), la discipline architecturale occidentale semble avoir majoritairement perçu le temps du bâti comme une donnée à court-circuiter ou à contrôler (Till, 2009 ; Abenia, 2021). En ce sens, les représentations architecturales ayant longtemps dominé la discipline ont essentiellement illustré des constructions statiques et immaculées (Wilson, 2005 ; Till, 2000), diffusant les intentions finales des architectes, niant les nécessaires improvisations liées à leur construction ainsi que les adaptations inhérentes à leurs usages (Hutin et al., 2021), et neutralisant de ce fait les temporalités multiples et enchevêtrées (Blunt, Ebbensgaard et Sheringham, 2020) au long desquelles se déploie l’espace bâti. 

Si des exceptions existent, sous la forme, par exemple, d’une architecture flexible, adaptable et évolutive (Abramson, 2016), elles sont généralement dominées par une conception techniciste du bâti visant un « contrôle du temps, de l’espace et de ses usagers » (Schneider et Till, 2007 : 8). Quant aux doctrines patrimoniales (Poisson, 2015), celles-ci ont longtemps privilégié la préservation d’un état initial, figeant les significations et représentations du bâti dans un « temps zéro ». Ces conceptions reposent sur l’illusion d’un environnement bâti « caractérisé par l’ordre parfait, la complétude, l’immanence et l’homogénéité, plutôt que des entités partielles, fuyantes et hétérogènes » (Graham et Thrift, 2007 : 10) et expurgées des traces et transformations liées au temps qui passe.

Se préoccuper des temps pluriels de l’architecture

Dans un contexte d’urgence climatique et de régime d’incertitude (Beck, 2008), remettant en question l’idée d’un progrès inéluctable et la poursuite du modèle extractiviste (Simay, 2024), des préoccupations se font jour, réactualisant parfois des pratiques anciennes qui s’étaient trouvées délégitimées par la révolution industrielle, telles que l’usage de matériaux locaux, de savoirs vernaculaires et l’attention à l’environnement non-humain (ibid.). Ces considérations amènent à penser les pratiques autrement, avec soin, parcimonie et précaution. Elles s’affranchissent d’une perception statique du bâti et développent une compréhension permettant d’ouvrir le champ de l’architecture aux temporalités plurielles qui caractérisent les différents stades dans la vie d’un édifice ou d’un aménagement. D’autres alliances s’y nouent, attentives aux temps non seulement humains mais aussi des matériaux, des non-humains, admettant leur interdépendance, leur pouvoir d’agir, leur récalcitrance et leur vulnérabilité. De nombreuses pratiques et recherches placent dès lors au cœur de leurs préoccupations les temporalités longues du bâti afin d’en limiter les formes d’obsolescence (technique, représentationnelle, fonctionnelle, etc.).

Assembler, user, durer

En lien avec ces enjeux, un intérêt grandissant se manifeste dans la discipline architecturale, mais aussi dans les sciences sociales et humaines, pour les dynamiques plus quotidiennes et souvent moins visibilisées de l’architecture ainsi que pour les acteur∙ices qui les portent. Il peut s’agir de celleux qui la fabriquent lors des chantiers (Jounin, 2009 ; Wall, 2019) et qui ont à faire avec leurs imprévus, ou encore avec des matériaux qui parfois résistent et se dérobent (Yaneva, 2008). Il peut aussi s’agir d’une attention portée aux besoins mouvants de celleux qui occupent le bâti, par exemple face aux incertitudes liées aux conséquences du bouleversement climatique. À titre d’exemple, la notion de maîtrise d’usage (Hallauer, 2017) encourage les architectes à prendre en compte, en amont et lors de la conception mais aussi sur le long terme, les interactions évolutives entre les humain∙es et non-humain∙es, le bâti et son environnement immédiat. Un engouement croissant se porte aussi sur les pratiques de soin et d’attention ordinaires envers le bâti autour de sa réparation et sa maintenance (Sample, 2016 ; Strebel, 2011 ; Mattern 2021 ; Denis et Pontille, 2022) mais aussi sur les temps qui entourent sa négligence, son usure (Rotor et al., 2010), sa dégradation (Cairns et Jacobs, 2014), son abandon (Abenia, 2021), voire sa démolition (Howa, 2023) ou encore son réemploi.Ces attentions ne se limitent pas uniquement à penser nos environnements construits comme un enjeu d’ordre matériel et technique, mais rattachent ces questionnements à leurs dimensions sociale et politique.

Dans ce contexte, quelle constellation d’acteur∙ices humain∙es et non-humain∙es ces préoccupations activent-elles dans le temps ? De quelle manière et pour quelles raisons interrogent-elles les affects, les pratiques, les attachements, les conflits, les relations de pouvoir, les négociations, les tensions, les engagements ou les épuisements des acteur∙ices embarqué∙es ? Dans quelle mesure amènent-elles à revisiter les frontières entre les rôles de concepteur∙ices, constructeur∙ices, utilisateur∙ices et gestionnaires ? Comment sont pris en compte les ressources, les compétences et le travail d’autres acteur∙ices imbriqué∙es dans ces temporalités complexes du bâti, en ce compris les métiers d’ordinaire invisibilisés ?

Rendre compte du temps : des outils et méthodes à revisiter

Ces préoccupations amènent à questionner les manières d’appréhender ces temporalités plurielles, notamment les outils traditionnels de l’architecture. Ceux-ci semblent en effet insuffisants et inadaptés (Estevez, 2017) à saisir la dimension dynamique du bâti : le processus toujours inachevé de sa construction, les imprévus du projet, ses évolutions (Latour et Yaneva, 2008) et « la réalité de la vie de l’immeuble » (Leatherbarrow, 2020) et de ses usager∙ères. Pour dépasser ces limites, des méthodologies alternatives, tant dans le champ de la recherche que des pratiques professionnelles, existent. On pense ici notamment aux biographies ou histoires sociales d’immeubles (Lepoutre, 2012 ; Blunt, Ebbensgaard et Sheringham, 2020) et aux méthodes (audio)visuelles (film, croquis, narration graphique, relevé habité…) pratiquées non seulement dans la discipline architecturale mais aussi dans les sciences sociales et humaines. 

C’est dans le souci de déplier les différentes temporalités de l’architecture et des bâtiments, de visibiliser les actions, les ressources et les acteur∙ices qui s’y engagent et de penser des méthodologies les plus à même d’en rendre compte, que ces journées d’étude sont envisagées. Elles s’adressent tant aux architectes qu’aux socio- historien∙nes, anthropologues, sociologues, philosophes, archéologues, géographes, urbanistes, ingénieur∙es… Soit, à tout∙e praticien∙ne/chercheur∙e susceptible de partager des méthodologies et enseignements valorisant une approche plus sensible aux temps du bâti. Elle privilégiera les contributions s’appuyant sur des recherches de terrain. Les conceptions du temps que nous avons évoquées jusqu’ici s’inscrivant majoritairement dans une approche occidentale de l’environnement bâti, nous encourageons aussi vivement les propositions qui permettraient de décentrer ce regard et d’explorer des approches issues d'autres contextes.

L’évènement accueillera également un espace de valorisation dédié aux productions audio/visuelles issues de travaux de recherche explorant ces thématiques, sous le format d’une exposition. Les soumissions attendues peuvent donc porter sur une communication orale, ainsi que sur la présentation plus succincte d’une ou plusieurs productions : photographies, film, dessins, cartes…

Modalités de soumission

Les propositions de communication en français ou en anglais (5.000 caractères espaces compris, incluant la bibliographie) sont attendues en version PDF par e-mail à l’adresse temps.architecture[arobase]gmail[point]com

pour le 01/10/2025.

Veillez à préciser si celles-ci s’adressent au format « communication orale » ou « exposition ».

Les soumissions dans les deux catégories sont également acceptées. Veillez à anonymiser les abstracts soumis : l’identité des auteur·ices ainsi qu’une courte biographie mentionnant leur statut et affiliation(s) institutionnelle(s) doivent être incluses dans le corps de l’e-mail uniquement.

Les versions complètes des communications sélectionnées seront attendues pour le 02/02/2026.

NB : Les journées d’étude pourront être bilingues français/anglais mais ne bénéficieront pas d’une traduction simultanée.

  • Calendrier
  • 1er octobre 2025 : Date limite pour la soumission des abstracts.

  • 3 novembre 2025 : Notification des propositions acceptées.
  • 2 février 2026 : Envoi des versions complètes des communications sélectionnées. 
  • 17 et 18 mars 2026 : Journées d’étude à Bruxelles.

Comité organisateur

Tiphaine Abenia (ULB), Ludivine Damay (ULB), Pauline Dubois (ULB), Charlotte Gyselynck (ULB), Mélusine Le Brun (ULB), Pauline Lefebvre (ULB), Julie Neuwels (ULiège), Christine Schaut (ULB).

Comité scientifique

Audrey Courbebaisse (ENSA Bretagne), Kent Fitzsimons (ENSA Bordeaux), Michaël Ghyoot (Rotor), Marion Howa (ENSA Paris-Val-de-Seine), Benjamin Leclercq (Université de Strasbourg), Gérald Ledent (UCLouvain), Sarah Melsens (University of Antwerpen), Laetitia Overney (Université du Havre), Maria Anita Palumbo (ENSAP Lille).

Lieux

  • Bruxelles, Belgique (1000)

Format de l'événement

Événement uniquement sur site


Dates

  • mercredi 01 octobre 2025

Mots-clés

  • temps, architecture, usage

Contacts

  • Charlotte Gyselynck
    courriel : Charlotte [dot] Gyselynck [at] ulb [dot] be

Source de l'information

  • Pauline Dubois
    courriel : pauline [dot] ij [dot] dubois [at] ulb [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les temps négligés de l'architecture », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 02 juillet 2025, https://doi.org/10.58079/14979

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