Les bibliothèques en tension : conflits, protection et résilience
Service Études et recherche de la Bibliothèque publique d'information (Bpi), 2025-2026
Veröffentlicht am Donnerstag, 03. Juli 2025
Zusammenfassung
Les bibliothèques et médiathèques se font souvent chambre d'écho des tensions qui traversent la société et peuvent se retrouver en première ligne de situations conflictuelles, celles-ci allant des actes de provocation ou des menaces, jusqu'aux dégradations voire incendies. Pour son nouveau programme de recherche (2025-2026) et dans le cadre des missions nationales confiées par le ministère de la Culture, la Bpi souhaite lancer une recherche consacrée aux bibliothèques territoriales en tension. L’objectif, à partir d’une analyse des ressorts des tensions rencontrées par les bibliothèques ou d’autres équipements publics est d’apporter des éléments de connaissance sur les phénomènes de protection, que ceux-ci aient conduit à éviter des attaques contre la bibliothèque ou qu’ils aient favorisé, suite à des tensions, sa réouverture sereine.
Inserat
Argumentaire
L’enjeu est d’offrir des éléments de réponse aux questionnements suivants :
- Entre la bibliothèque dégradée dans le cadre de révoltes urbaines, celle qui rencontre des tensions quelques temps après son inauguration et celle incendiée au lendemain d’une opération menée par les forces de l’ordre contre le narcotrafic, peut-on lire les mêmes motifs de colère ? Comment tenir compte, au-delà des explications génériques qui peuvent être avancées, de la spécificité de chaque contexte territorial, urbain, social et politique ?
- Quelles sont les représentations et les pratiques (des professionnels, des habitants, des acteurs locaux) qui structurent les bibliothèques, les maintiennent dans des situations de crise et sont remises en question lors de dégradations?
- Pourquoi certaines bibliothèques traversent-elles plus sereinement que d'autres des situations de conflictualité qui peuvent sembler relativement analogues ?
- Quels facteurs de protection permettent à cette institution publique de se maintenir en cas de tensions ?
- Quelles actions peuvent être mises en œuvre pour prévenir ces difficultés ?
- Après une situation de violence qui peut aller jusqu'à la destruction des lieux, quelles initiatives peuvent permettre la réouverture sereine de la bibliothèque au sein du quartier ?
1/ Définition du champ de l’étude
Les tensions, les dégradations, voire les destructions de médiathèque ne sont pas un phénomène nouveau. En 2017, à l’issue d’un travail de recherche réalisé pendant 5 ans, le sociologue Denis Merklen publiait « Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? ». Identifiant 70 bibliothèques incendiées entre 1996 et 2013, et cherchant à comprendre ce qui motivait ces attaques, souvent passées sous silence par la presse, il les analysait comme une émanation des conflits sociaux et politiques prenant place entre les populations des quartiers populaires et l’institution culturelle, chargée de politiques publiques qu’est la bibliothèque.
Plus de dix après, il paraît légitime de s’interroger sur l’évolution de ce phénomène dans le temps : le recensement des bibliothèques dégradées lors des révoltes urbaines de 2023 qui a été réalisé par le ministère de la Culture et l’Association des bibliothécaires de France laisse penser que les incendies de bibliothèques ont été assez nettement moins nombreux qu'en 2005 : sur la soixantaine d’établissements recensés, 6 ont été incendiés. La typologie des villes touchées a peut-être également évolué, plusieurs bibliothèques de villes moyennes figurant dans ce recensement. La question de savoir si ces situations ont lieu principalement en quartiers populaires ou non peut être posée. Enfin, on peut se demander si les bibliothèques sont touchées de la même manière que d’autres types d’équipements publics (écoles, commissariats, etc.).
Les bibliothèques qui ferment durablement ou brûlent semblent aujourd’hui avoir acquis davantage de visibilité médiatique. La presse relaie ces évènements et évoque souvent l’ «incompréhension » des habitants, des professionnels et des élus face à ces situations. Les ressorts de ces situations semblent encore difficiles à appréhender, et ce d’autant plus que derrière les incendies ou les dégradations se trouvent des situations très différentes. Or, il est indispensable, pour prévenir et traiter ces situations, de comprendre ce qui est attaqué et d'analyser les différentes situations de violence rencontrées. Entre la bibliothèque dégradée dans le cadre de révoltes urbaines et celle incendiée au lendemain d’une opération menée par les forces de l’ordre contre le narcotrafic, peut-on lire les mêmes motifs de colère ? Comment tenir compte, au-delà des explications génériques qui peuvent être avancées, de la spécificité de chaque contexte territorial, urbain, social et politique ?
Par ailleurs, si les cas les plus graves sont médiatisés, deux situations, pourtant beaucoup plus courantes, restent peu documentées.
1. D'une part, il semble que de très nombreux lieux récemment ouverts ou rénovés se trouvent confrontés à des situations de conflictualité et parfois de violence, peu de temps après leur ouverture. La récurrence de ces situations dans des lieux récemment ouverts ou rénovés n'a pas encore fait l'objet d'analyses et mériterait d’être éclairée.
2. D'autre part, la médiatisation des incendies ou des fermetures de bibliothèques occulte le fait que de nombreuses bibliothèques n'ont pas été attaquées, que certaines ont même fait l'objet d'actes explicites de protection : interventions d'habitants, de partenaires, de bibliothécaires ou d'élus, voire débats au sein des attaquants sur le fait de cibler ou non la bibliothèque.
Il est proposé que l’étude, à partir de l’analyse des ressorts des situations de tensions, s’attache à explorer précisément les facteurs de protection des bibliothèques. Il s’agit d’identifier la nature de ces facteurs et les systèmes d’acteurs impliqués, mais aussi d’identifier s’ils varient ou sont récurrents d’un territoire à l’autre.
2/ Méthodologies
Plusieurs types de méthodologies peuvent être envisagés pour répondre aux questionnements de l’étude :
- Une première étape d’enquête exploratoire pourrait s’appuyer sur une analyse documentaire, une mise en perspective et donner lieu à des entretiens avec des personnes expertes et des professionnels des bibliothèques.
- Une seconde étape pourrait s’appuyer sur une approche monographique et ethnographique, par exemple comparative, afin d’analyser précisément au sein d'un territoire la manière dont la bibliothèque s'ancre dans son écosystème, les situations conflictuelles dans lesquelles elle se trouve prise et la dynamique qui semble avoir été parfois source de protection. Des entretiens avec différents acteurs pourraient être conduits : bibliothécaires, mais aussi partenaires et habitants notamment.
Les soumissionnaires sont invités à formuler des propositions à propos :
- du nombre de sites étudiés et, s’ils le souhaitent, de leur localisation,
- des critères qui peuvent se révéler utiles pour les sélectionner,
- de la méthodologie précise envisagée pour conduire les enquêtes de terrain,
- du phasage des différentes opérations programmées,
- du budget détaillé.
Il est à noter que les commanditaires pourront proposer des terrains et que le choix de ceux-ci reste leur apanage.
Pour information : un dialogue continu prévu avec les professionnels de terrain autour de l’appropriation des résultats de la recherche
Le service Etudes et recherche souhaite accompagner, dans le cadre de ce travail de recherche, l’appropriation continue de ses résultats par les professionnels des bibliothèques. Tout au long de la recherche, des temps d’échange entre les chercheurs et un groupe de professionnels concernés par ces questions seront organisés et animés par le service Etudes et recherche : il est attendu des chercheurs qu’ils y participent (en présentant les résultats de la recherche, en dialoguant, en écoutant des professionnels), non qu’ils les animent, ni qu’ils fassent des propositions à ce sujet dans le cadre du présent dossier.
Objectifs visés
Il est important que les différents acteurs impliqués dans la lecture publique (élus, décideurs, bibliothécaires, etc.) puissent s’emparer des résultats de cette recherche sur le terrain. Comprendre ce qui peut protéger l’institution bibliothèque peut les à aider à prévenir mais aussi à accompagner les situations de violence et de dégradation. Au-delà des situations de violence, ces questions peuvent aussi apporter des connaissances utiles pour l'ensemble de la profession. Identifier ce qui protège la bibliothèque ou ce qui lui permet de faire preuve de résilience suppose d’interroger les fondements de la solidité institutionnelle et symbolique de ces lieux, leur légitimité et ce qui permet qu'ils soient identifiés comme un bien commun à préserver des tensions par la population.
Format envisagé
Nous envisageons de mettre en place un groupe de réflexion incluant des professionnels de terrain, les chercheur.es en charge de l’enquête et le service Etude et recherche : il pourrait se réunir régulièrement tout au long de la recherche : les avancées de la recherche seraient régulièrement mises en discussion avec le groupe, et celui-ci serait invité à réfléchir à ce que celles-ci peuvent venir éclairer voire faire évoluer dans la pratique professionnelle. Les réflexions de ce groupe pourraient à leur tour nourrir le travail de recherche et être réinvesties pour faciliter sa traduction en pistes opérationnelles.
Le service Etudes et recherche prévoit également de rédiger et de publier régulièrement des nouvelles du programme de recherche en cours (sur son site, les réseaux sociaux, etc.), afin de de le valoriser. Les chercheurs pourront être amenés à contribuer à ces publications réalisées par le service Etudes et recherche, qui pourraient se présenter sous format d’épisodes thématiques (articles, podcasts, carnets de recherche, etc.). Le ministère de la Culture et les associations professionnelles présentes au Copil pourront également être amenés à valoriser la recherche en cours.
3/ Attentes des commanditaires, calendrier et livrables de l’étude
Les propositions de réponse au projet d’étude devront porter sur :
- le périmètre d’étude,
- les méthodologies employées pour réaliser les différentes phases de l’étude
- le nombre de sites étudiés / d’entretiens réalisés.
Un budget détaillé est demandé.
Le calendrier de l’étude est de 18 mois à compter de la signature du contrat.
En matière de livrables, il est attendu du prestataire :
- les comptes rendus des réunions du comité de pilotage (4 réunions au moins seront programmées) ;
- la participation au groupe de réflexion incluant des professionnels de terrain et visant leur appropriation des résultats de l’enquête.
- (5 séances au moins seront programmées et animées par le service Etudes et recherche, tout au long de la recherche.)
- un premier rapport d’étape, constitué du compte rendu de la 1ère réunion concernant les choix arrêtés pour la méthodologie de travail, le nombre de sites et le phasage des opérations (1 mois au plus tard après la signature du contrat)
- un second rapport intermédiaire, qui permettra de faire le point sur les premières données recueillies au cours des premières phases de l’étude : analyse documentaire, premiers entretiens et retours sur le ou les sites étudiés. Ce rapport comprendra des données descriptives liées au(x) terrain(s) étudié(s) et des données issues des enquêtes réalisées (6 mois après la signature du contrat, 2e réunion avec le comité de pilotage) ;
- un troisième rapport, qui permettra de faire le point sur les terrains étudiés et les entretiens conduits (12 mois après la signature du contrat, 3e réunion avec le comité de pilotage) ;
- une synthèse finale de l’étude (150 à 200 pages, environ 200 000 à 300 000 signes), reprenant l’ensemble des données de l’enquête destinées à être publiées sera livrée pour clôturer la mission ( 18 mois après la signature du contrat, 4e réunion avec le comité de pilotage)
La recherche pourra également faire l’objet d’une publication au sein de la collection “Papiers-Bpi” (Editions de l’Enssib et Bpi) et/ou “Etudes et recherches” (plateforme OpenEdition) de la Bibliothèque publique d’information.
La Bpi est propriétaire des données produites. En cas de diffusion des résultats, la Bpi mentionnera systématiquement le fait que l'enquête a été administrée par le prestataire.
4/ Sélection de l’attributaire
La procédure de passation du marché public à conclure pour commander l’étude objet du présent cahier des charges est celle des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros hors taxes conformément à l’article R2122-8 du code de la commande publique.
Parmi les offres reçues (à transmettre à etudes@bpi.fr), l’offre la plus pertinente par rapport au besoin exprimé sera sélectionnée dans le respect d’un principe d’égalité de traitement, dès lors qu’elle sera financièrement raisonnable et cohérente au regard de l’exigence de bonne utilisation des deniers publics.
Modalités de candidature
Les dossiers de proposition devront comporter :
1/ Une présentation détaillée du projet
2/ Une note de présentation des personnes, ou laboratoires, ou bureaux d’études, impliqués dans la recherche
3/ Une fiche de renseignements administratifs et financiers concernant la recherche
La date limite de dépôt des offres est fixée au 21 septembre 2025 à minuit.
Comité de pilotage
Ce programme de recherche est mis en œuvre par la Bibliothèque publique d’information, dans le cadre de ses missions nationales.
Le comité de pilotage sera composé de :
- le service Etudes et recherche de la Bpi ;
- le service du Livre et de la Lecture du ministère de la Culture ;
- l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) ;
- l’Association des directrices et directeurs des bibliothèques municipales et groupements intercommunaux des villes de France (ADBGV)
La composition du comité de pilotage qui choisira le projet de recherche est la suivante : Pascale Issartel (SLL), Christophe Evans, Raphaële Gilbert, Julie Lavielle et Elise Maacha (Bpi), Malika Diallo (ADBGV), Eleonora Le Bohec et Mathilde Moinet (ABF).
Institutions
Présentation du service du département des bibliothèques du service du Livre et de la Lecture du ministère de la Culture
Il favorise le développement de la lecture et procède à l'évaluation des politiques dans le domaine de la lecture publique. Il contribue à la modernisation des bibliothèques et des médiathèques, et notamment au renforcement des réseaux et services de coopération. Il veille à la conservation, à l'enrichissement et à la valorisation de leur patrimoine. Il s'appuie, pour la mise en œuvre de la politique de l'État, sur les Directions régionales des affaires culturelles et leurs conseillers pour le livre et la lecture.
Présentation de l’ABF
L’association regroupe plus de 2000 adhérents. Elle est dotée d’un conseil national, de commissions thématiques et de groupes régionaux.
Elle a contribué à recenser les bibliothèques dégradées lors des révoltes urbaines de 2023 puis organisé en 2024 des Assises debout des bibliothèques en quartiers populaires. Son comité d’éthique peut écouter et conseiller des bibliothèques en situation de difficulté.
Présentation de l’ADBGV
L’association a pour buts l’échange d’informations et de pratiques, la réalisation d’études, d’enquêtes, et d’outils répondant à des besoins partagés, la prospective sur l’évolution des missions, l’ouverture sur les expériences étrangères et la représentation des directeurs des bibliothèques municipales et intercommunales des grandes villes de France auprès de tout partenaire institutionnel, public ou privé.
Des ouvrages professionnels ont spécifiquement porté sur la question des tensions rencontrées par les bibliothèques :
Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? de Denis Merklen
Penser la médiathèque en situation de crise. (collectif)
Une bibliographie nationale et internationale reste à élaborer.
Ressources
Les tensions rencontrées par les bibliothèques ont souvent fait l’objet d’articles dans la presse locale et parfois de prises de positions par les associations professionnelles sur leurs sites ou dans la presse spécialisée.
Un recensement des bibliothèques dégradées a été réalisé lors des révoltes urbaines de 2023, mais il n’existe pas à ce jour de recensement plus large des situations de tensions ou des dégradations.
Personnes à contacter pour toute information :
Raphaële Gilbert, cheffe du service Etudes et recherche de la Bpi, 01 44 78 49 06, raphaele.gilbert@bpi.fr
Christophe Evans, directeur du département des publics de la Bpi, 01 44 78 44 71 , christophe.evans@bpi.fr
Julie Lavielle, chargée d’études au service Etudes et recherche de la Bpi, 01 44 78 44 74, julie.lavielle@bpi.fr
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Daten
- Sonntag, 21. September 2025
Schlüsselwörter
- bibliothèque, médiathèque, politique culturelle, politique publique, institution, conflit, protection, ville, quartier, institution
Kontakt
- Christophe Evans
courriel : christophe [dot] evans [at] bpi [dot] fr
Verweis-URLs
Informationsquelle
- Raphaële Gilbert
courriel : raphaele [dot] gilbert [at] bpi [dot] fr
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Zitierhinweise
Ra, « Les bibliothèques en tension : conflits, protection et résilience », Ausschreibung, Calenda, Veröffentlicht am Donnerstag, 03. Juli 2025, https://doi.org/10.58079/149eh