Ce colloque a comme objectif d’explorer les modalités d’exercice concrètes et contemporaines des métiers des sociologues. L’accent sera mis sur les enjeux liés au développement du numérique dans le domaine des pratiques des sociologues professionnels et de la formation aux métiers de sociologue.

Argumentaire

Le développement du numérique et son application à des espaces d’activités toujours plus nombreux sont porteurs d’enjeux sociaux majeurs avec des effets sur les individus comme sur les sociétés. Les conséquences des changements induits déjà à l’œuvre ou qui se profilent sont appréciées très différemment selon des lectures optimistes ou alarmistes qui en sont faites, des phénomènes identiques pouvant faire l’objet de jugements opposés. Pour certains, la numérisation du monde accroît la marchandisation des sociabilités, renouvelle les formes d’exploitation, accentue le brouillage des frontières entre travail et vie personnelle et augmente la souffrance au travail et les précarités. Pour d’autres au contraire, le développement d’outils numériques serait annonciateur d’une nouvelle ère de libération des aliénations au travail par l’automatisation des tâches les plus contraignantes et la possibilité donnée à tout un chacun de démultiplier son potentiel de créativité.

En adhérant notamment à la flexibilité de l’emploi et à la distanciation de l’activité, les nouvelles formes d’organisation du travail générées imposent des cadres et des stratégies régulées par des avantages ou des inconvénients que dictent les nouveaux usages du numérique. L’adoption rapide des technologies numériques crée certainement des opportunités en termes de capacité d’analyse et de formalisation de l’information mais elle porte aussi un potentiel d’exacerbation d’inégalités existentielles et structurelles. En imposant de nouvelles formes d’exploitation et de précarisation, d’accès inégal aux compétences numériques et aux opportunités d’emploi, elle porte le risque d’un accroissement des inégalités. S’interroger sur les formes nouvelles engendrées de rapport personnel et d’organisation collective du travail invite à comprendre leur adaptation aux différents contextes réglementaires et culturels dans lesquels elles se déploient.

Les questions inférées sont nombreuses et sont susceptibles d’affecter les formes d’apprentissage tout comme les pratiques professionnelles des sociologues. Ainsi, l’intelligence artificielle s’invitant dans les activités quotidiennes des enseignants, des chercheurs et des étudiants pose de nouvelles questions méthodologiques, éthiques et déontologiques. Si l’on s’en tient à une conception de la sociologie professionnelle dont la fonction serait d’éclairer, structurer et accompagner les dispositifs visant à l’innovation ou à la stimulation de la créativité dans les entreprises comme dans les services publics, dans quelle mesure peut-elle cependant tenir une perspective critique allant au-delà des déterminismes technologiques ? Le positivisme essentialiste propre aux technologies de l’information ne risque-t-il pas d’entamer sérieusement l’imagination sociologique ?

S’agissant du champ de la formation, les outils intégrant l’intelligence artificielle vont-ils contribuer à mieux former les étudiants, à les rendre plus autonomes dans les processus d’apprentissage, à augmenter leur créativité, à démultiplier leur productivité en permettant des analyses statistiques plus sophistiquées et rapides sur des corpus plus étendus ? Vont-ils aider à construire des problématiques plus complexes ? Ou bien la « révolution numérique » en cours va-t-elle contribuer à faire disparaître le métier de sociologue en favorisant le remplacement par des robots intelligents d’opérateurs humains qui autrefois disposaient de l’expertise pour analyser les phénomènes sociaux ?

Au travers de communications et de tables rondes réunissant chercheurs et sociologues professionnels, le département de Sociologie de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis et le comité de recherche « Sociologie professionnelle » de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française se proposent d’organiser un colloque à Djerba du 27 au 29 octobre 2025 pour interroger et mettre en débat ces enjeux et explorer les modalités d’exercice concrètes et contemporaines des métiers des sociologues.

Même si la perspective sociologique reste privilégiée, les propositions de communications pourront émaner de l’ensemble des disciplines de sciences humaines et sociales. Elles porteront sur les enjeux relatifs au développement du numérique dans le champ des pratiques des sociologues professionnels et de la formation aux métiers de sociologue. Elles pourront concerner des terrains au niveau national comme international et un focus sur l’Afrique et le Maghreb sera bienvenu. Elles pourront s’appuyer sur des études empiriques aux contours méthodologiques clairement explicités et mobiliser des perspectives comparatistes. Elles s’inscriront dans les quatre axes suivants :

• Axe 1 Les pratiques des sociologues professionnels et le travail sociologique face aux enjeux de la « révolution numérique »
• Axe 2 Les transformations des pratiques d’enseignement de la sociologie professionnelle et les perspectives du métier de sociologue
• Axe 3 La spécificité des enjeux numériques dans la professionnalisation de la sociologie en Afrique et au Maghreb
• Axe 4 Marché du travail, numérisation et stratégies d’employabilité des sociologues professionnels

Modalités de soumission

Les communications seront proposées en français. Les propositions de communication comporteront le nom de l’auteur/autrice, un titre et un résumé d’environ 1000 caractères. Elles préciseront l’axe dans lequel elles s’inscrivent, seront accompagnées d’une brève notice biographique et envoyées en format word.doc à : djerba.aislf@gmail.com,

avant le 24 juillet 2025

Les notifications d’acceptation ou de refus seront signifiées à partir du 30 juillet 2025

Comité d’organisation

• Samira Ayed, Université El Manar, Tunis
• Theo Pilowsky, Université de Genève
• Abdelhalim Berretima, Université A-M, Béjaïa, LASSU, IRIS, EHESS, Paris
• Nidhal Chemengui, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis
• Morad Amrouche, ICP de Paris, Reims
• Hamdi Nabli, Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, Centre de Sociologie de l’Innovation, Institut Mines-Télécom, Paris
• Ahmed Ouhaddi, ICP de Paris, Reims
• Abdessatar Sahbani, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis
• Nicolas Golovtchenko, Université Toulouse Jean-Jaurès, CERTOP, Toulouse
• Kahina Mellab, CREAD, Alger
• Imane Nora Azouzi, Agence de Formation dans les Métiers du Tourisme, Tunis
• Mounia Rekik, Université El Manar, Tunis
• Imed Melliti, Université El Manar, Tunis

Coordination

• Abdessatar Sahbani
• Nicolas Golovtchenko

Références bibliographiques

AURAY, Nicolas , L’Alerte ou l’enquête : Une sociologie pragmatique du numérique, Presses des Mines, 2017

BAYA-LAFFITE, Nicolas, « Sociologie d’internet », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 12, no 1, 2018, p. 95–101.

BEUSCART, Jean-Samuel, Éric DAGIRAL et Sylvain PARASIE, Sociologie d’internet, A. Colin, 2019

BOULLIER, Dominique, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016

CASTELLS, Manuel, La société en réseau. L’ère de l’information, Fayard, 2001

CASILLI, Antonio, Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? Le Seuil, 2010