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La crise de la natalité en question

Mythes et réalités autour de la fécondité

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Published on Tuesday, October 28, 2025

Abstract

Cette journée d’étude vise à croiser les regards de différentes disciplines (démographie, histoire, sociologie) pour questionner les usages scientifiques et politiques de la fécondité et de l’infertilité. D’une part, un questionnement sur la construction des outils statistiques et conceptuels en démographie et en épidémiologie : comment le genre et la race ont-il façonné ces outils ? D’autre part, une analyse des usages politiques et sociaux des notions et des mesures de la fécondité et de l’infertilité : comment les outils et les résultats de la démographie et de l’épidémiologie sont-ils utilisés afin de contrôler le corps des femmes pour tenter d’augmenter ou de diminuer les naissances ?

Announcement

Argumentaire

En janvier 2024, le président de la République Emmanuel Macron s’inquiétait de la diminution du nombre de naissances et en appelait au « réarmement démographique » de la France. La baisse de la natalité fait l'objet de discours catastrophistes depuis quelques années en France, tandis qu’en 2024 un rapport sénatorial sur la santé périnatale dénonce « un tableau clinique alarmant » notamment en matière de mortalité périnatale . Le cas français n'est pas isolé. Pour ne citer que quelques exemples, le gouvernement italien a inventé au milieu des années 2010 le « jour de la fertilité » pour encourager les femmes et les couples à faire plus d'enfants  ; l’État polonais a lancé en 2019 un programme « 500 + » d’incitation financière à avoir un deuxième enfant  ; et en 2025 le président des Etats-Unis Donald Trump a déclaré vouloir être « connu comme le président de la fertilité  ».

Deux phénomènes sont régulièrement mis en avant pour expliquer la diminution des naissances : la réticence des couples et des femmes à avoir des enfants, et l'augmentation des problèmes de fertilité. L’Organisation mondiale de la santé a proclamé l’infertilité « problème de santé mondial qui touche des millions de personnes en âge de procréer dans le monde  » ; en France un récent rapport de l’Inserm s’alarme du fait que « la fréquence de l’infertilité masculine et féminine n’a cessé d’augmenter de façon particulièrement inquiétante, notamment au cours des vingt dernières années » (Hamamah et Berlioux, 2022).

L’infertilité est systématiquement rapportée à l'augmentation de l'âge maternel, présenté comme une cause majeure de la baisse de la fécondité (Hamamah et Berlioux, 2022). Or des travaux récents montrent le recul de l’âge maternel au premier enfant n’a pas d’effet sur le nombre d’enfants, il ne fait que « décaler » les naissances (d'Albis et al., 2015). De plus, l'augmentation des difficultés à concevoir avec l'avancée en âge n’est actuellement pas prouvée. Si les chances de grossesses sont moins importantes quand les personnes sont plus âgées, cela n'équivaut pas pour autant à une situation d'infertilité. L'infertilité toucherait de 10 à 15 % des couples hétérosexuels, quel que soit leur âge, une proportion stable depuis les années 1980 (Rochon, 1986 ; Mascarenhas et al., 2012). Il faut par ailleurs souligner que l’infertilité est un « état liminal entre capacité et incapacité totale à procréer » dont les contours sont flous et dépendent davantage des possibilités d'intervention proposées par la médecine que de pathologies strictement définies (Hertzog, 2016, p.159).

La fécondité est indissociable, dans les discours politiques qui s'alarment de sa diminution comme dans les mesures démographiques, de la question de l'immigration. En démographie, le « solde naturel » est distingué du « solde migratoire ». Dans l'arène politique et médiatique, la fécondité des immigré·es apparaît au mieux comme un pis-aller face à la baisse de la natalité, au pire comme une menace. Les discours portés actuellement par les politiques de droite et d’extrême droite sur le « grand remplacement » opposent une fertilité supposément incontrôlée des femmes immigrées – des femmes également présentées comme de mauvaises mères (Dorlin, 2000 ; Rassiguier, 2004) – à une fertilité des femmes blanches au contraire « trop » contrôlée.

La construction d'une légitimité variable des naissances n'est pas nouvelle, et des travaux ont montré depuis plusieurs décennies que toutes les femmes ne sont pas encouragées ou découragées à produire des enfants (Colen, 1995 ; Paris, 2020 ; Falquet, 2016). Le cas français est particulièrement parlant à cet égard : les années 1960 sont l’époque d’une lutte pour l’accès à l’avortement en métropole, quand à la Réunion et en Martinique les femmes non-blanches font face à des politiques organisées de stérilisation forcées (Paris, 2020).

Cette journée d’étude vise à croiser les regards de différentes disciplines (démographie, histoire, sociologie) pour questionner les usages scientifiques et politiques de la fécondité et de l’infertilité. Deux axes de réflexion structurent cette journée :

D’une part, un questionnement sur la construction des outils statistiques et conceptuels en démographie et en épidémiologie : comment le genre et la race ont-il façonné ces outils ? Comment ces outils reflètent-ils des visions du monde et des objectifs politiques (natalisme notamment) ?

D’autre part, une analyse des usages politiques et sociaux des notions et des mesures de la fécondité et de l’infertilité : comment les outils et les résultats de la démographie et de l’épidémiologie sont-ils utilisés afin de contrôler le corps des femmes pour tenter d’augmenter ou de diminuer les naissances ?

Programme

Jeudi 26 février

10h : Introduction - Elsa Boulet & Clémence Clos

10h15-13h : Session 1. La démographie et ses usages politiques

  • Au croisement du genre et de la race : construction et diffusion du discours nataliste au XXe siècle. De l’Alliance nationale contre la dépopulation à Michel Debré - Christophe Capuano (Université Grenoble Alpes)
  • Les natalistes pendant le baby boom - Virginie Barrusse (Université Paris 1)
  • « Une fleur ne fait pas le printemps. Pour une vie heureuse, il faut beaucoup d'enfants. » La construction de la « crise démographique » comme problème public en Iran – Rosanna Sestito (Cresspa/GTM/CURAPP)

14h30-17h : Session 2. L’infertilité, construction sociale d’un problème public

  • Sociohistoire du recul de l’âge à la maternité en AMP : de la réprobation au plébiscite – Manon Vialle (Université Ca’Foscari de Venise, Italie)
  • « Réarmement démographique » : contrôle des corps et préférence nationale - Virginie Rozée et Magali Mazuy (INED)
  • En PMA, on connaît pas la crise : des enjeux de genre et environnementaux ignorés dans la prise en charge de l’infertilité – Lucile Hertzog (Université de Caen) et Lucile Ruault (CESSP, CNRS)

17h15 - 18h :  Mot de clôture avec le collectif Pour une MEUF (Pour une médecine engagée, unie et féministe) et le Planning Familial de Grenoble

Organisation

  • Elsa BOULET, chercheuse en sociologie (postdoctorante), DySoLab, Université de Rouen Normandie et CENS, Nantes Université – elsa.boulet@univ-nantes.fr
  • Clémence CLOS, maîtresse de conférences en économie, Pacte, Université Grenoble Alpes – clemence.clos@univ-grenoble-alpes.fr

Références citées dans l’argumentaire

Breton, D., Belliot, N., Barbieri, M., Chaput, J., & D’albis, H. (2024). L’évolution démographique récente de la France: une position singulière dans l’Union européenne. Population (édition française), 79(4).

Colen S. (1995). « Like a Mother to Them : Stratified Reproduction and West Indian Childcare Workers and Employers in New York », in Ginsburg, F. D., & Rapp, R. (Eds.). (1995). Conceiving the new world order: The global politics of reproduction. Univ of California Press.

d'Albis, H., Greulich, A. L., & Ponthière, G. (2015). Avoir un enfant plus tard: Enjeux sociodémographiques du report des naissances (No. 39, pp. 128-p). Editions ENS.

Dorlin, E. (2000). Black feminism. Anthologie du féminisme africain-américain, 59-73.

Falquet, J. (2016). La combinatoire straight. Race, classe, sexe et économie politique: analyses matérialistes et décoloniales. Cahiers du genre, 4(3), 73-96.

Hamamah S. et Berlioux S. (2022). Rapport sur les causes d’infertilité. Vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité, Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des familles.

Hertzog, I-L (2016). Articuler assistance médicale à la procréation (AMP) et vie professionnelle : le travail invisible des femmes, thèse pour l’obtention du doctorat en sociologie, Université de Caen Normandie, Caen.

Paris, M. (2020). La racialisation d’une politique publique: le contrôle de la natalité à La Réunion (années 1960-1970). Politix, (3), 29-52.

Rassiguier, C. (2004). « Ces mères qui dérangent: immigrées africaines en France », Les cahiers du CEDREF, no 12.

Places

  • Amphi Jacques Cartier - Campus de Saint Martin d'Hères - Bâtiment de la Maison des Langues
    Grenoble, France (38)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Thursday, February 26, 2026

Keywords

  • natalisme, démographie, politiques publiques, santé reproductive

Information source

  • Elsa Boulet
    courriel : elsa [dot] boulet [at] univ-nantes [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« La crise de la natalité en question », Study days, Calenda, Published on Tuesday, October 28, 2025, https://doi.org/10.58079/151z1

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