Le colloque Marges de manœuvre #03 questionne la pédagogie, les pratiques et dynamiques de recherche qu’elle met en œuvre. La discipline arts et techniques de la représentation (ATR) propose, dans la formation, des enseignements pluriels qui vont de la représentation architecturale (analogique, numérique) aux arts plastiques. Il s’agira de comprendre en quoi ces pratiques de création et de conception déplacent la notion de qualité, comment elles la font passer du domaine de l’esthétique à celui de l’hybridation, de l’intégration de la complexité.

Colloque initié par Chantal Dugave, Gerphau EA 7486 et Gabriele Pierluisi, LéaV

19 et 20 février 2026

Argumentaire

Depuis 2023, les arts et techniques de la représentation (ATR) des ENSA ont organisé à l’échelle nationale plusieurs journées d’étude : Marges de manœuvre #01, « Ce que peut l’enseignement des Arts et Techniques de la Représentation en temps de crise » (ENSA-Clermont-Ferrand et ENSA-Paris Est)^[1], Marges de manœuvre #02, « L’art comme puissance de faire dans les écoles d’architecture et du paysage » (ENSA-Marseille et ENSAMontpellier)^[2]. En un temps où la pensée est remise en question, ces moments de rencontre autour de la création sont précieux. Ils permettent en effet de passer de l’expérience de l’enseignement à une pratique réflexive, de porter également un regard critique à l’heure où les formations sont en transformation. Ces temps d’échanges suscitent d’ailleurs l’intérêt des enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, au-delà du domaine Art Technique de Représentation (ATR) des écoles d’architecture. À ce titre, l’appel à communication est ouvert à toutes les personnes qui désirent aborder la pratique en tant que moyen de connaissance.

Il faut rappeler que l’enjeu de l’enseignement de la discipline ATR est de permettre que se dessinent et se précisent, chez les futurs architectes, des représentations du réel, du contexte, du milieu dans lequel ils ont à réfléchir. Représenter est ici utilisé dans son sens le plus évident qui est de montrer, mettre en scène. Mais il a aussi la signification de même origine sémantique qui est de : « faire apparaître, rendre présent devant les yeux^[3] ». L’action d’« apparaître » évoque, selon Hannah Arendt, une prise de conscience. Pour la philosophe, l’œuvre d’art est autre chose qu’un objet : « elle participe au mouvement de l’apparaître du monde^[4] ». Dans cet esprit, l’orientation proposée pour la pédagogie développée au sein de la discipline ATR est donc bien de « faire apparaître » des représentations spatiales, mais aussi des espaces d’exploration qui vont mettre en mouvement et nourrir la conception architecturale.

Le colloque Marges de manœuvre #03 prolonge les deux précédents en questionnant la pédagogie, les pratiques et dynamiques de recherche qu’elle met en œuvre. La discipline ATR propose, dans la formation, des enseignements pluriels qui vont de la représentation architecturale (analogique, numérique) aux arts plastiques. Il s’agira de comprendre en quoi ces pratiques de création et de conception déplacent la notion de qualité, comment elles la font passer du domaine de l’esthétique à celui de l’hybridation, de l’intégration de la complexité.

L’hybridation est un concept clé. Il rend possible la compréhension des multiples niveaux de réflexion que l’on doit solliciter chez les étudiants. Déjà, les pratiques sont hybrides. Elles s’articulent entre l’observation de l’existant, l’imagination d’un devenir et les démarches artistiques à mobiliser pour interroger la dimension architecturale. De même, si l’on se place du point de vue de la recherche, le protocole aussi est hybride dans la mesure où il introduit des outils et des démarches appartenant à des épistémologies ou à des méthodologies différentes.

Si les deux rencontres précédentes de Marges de manœuvre ont mis l’accent sur le faire dans la création, ce colloque va analyser également les notions de défaire et refaire. Il s’agit de réfléchir à la raison qui fait que défaire est nécessaire, préalablement à la phase qui consistera à re-faire. On verra également que, grâce à la recherche, il sera envisageable d’établir une distance critique sur l’action productive. Les processus créatifs n’étant plus alors associés seulement au faire, mais aussi au faire-défaire-refaire, nous auront alors la possibilité d’étudier ce renversement à travers les échanges durant ces deux journées.

Pour répondre à cet appel en facilitant la compréhension de ce qui est en jeu, les intervenants sont conviés à se positionner dans l’une des trois thématiques suivantes:

Devenir autre; Être dans l’entre-deux; Sentir en commun.

Devenir autre

Au-delà de la mimésis, la « représentation », lorsqu’elle est composée de gestes et de processus créatifs, permet de mettre en « correspondance^[5] » conception architecturale et milieu. Cela peut prendre la forme de dessins, de création de maquettes, de productions artistiques, de manipulations de la matière. « Correspondance » signifie ici activer ou mettre en mouvement des relations complexes entre plusieurs états réels et virtuels, cela veut dire enclencher un travail ouvert n’impliquant pas nécessairement une fin ou un point d’arrivée prédéterminé. La forme obtenue est alors de l’ordre du processus, dans lequel les correspondances sont dialogiques, c’est-à-dire qu’elles lient les choses entre elles⁶. Cet axe questionne les interrelations mais aussi l’aptitude à développer de l’empathie.

Être dans l’entre-deux

Enseigner une démarche de création et/ou de conception n’est pas apprendre à créer mais apprendre à « être en situation de créer, être en posture de créer, être capable de saisir les indicibles pour créer ^[6] ». En d’autres termes, il s’agit de développer des compétences chez l’étudiant lui permettant de prendre de la distance avec la réalité figée. Dans cet « entre-deux ^[7] », l’attention se porte sur le processus, sur le mouvement ou le devenir, les choses n’étant pas alors considérées comme figées dans une identité préconçue. L’« entre-deux » est un « centre » qui articule et met en relation les concepts de manière fluide, produisant à partir d’eux des alternatives possibles.

Sentir en commun

Dès lors que les échanges se font au sein d’un groupe, des liens peuvent se tisser qui font émerger cette notion si précieuse et si fragile de collectif. Or l’architecte travaille avec les autres et a besoin des autres pour nouer ensemble, en reprenant les propos de Donna Haraway^[8], des fils permettant de mieux appréhender la notion de trouble. Face à la gravité des épreuves démocratiques, écologiques et sociales, les pratiques doivent se réinventer et contribuer au développement du « commun », cela en renforçant par ailleurs le pouvoir d’agir¹⁰. Les occasions générées par le « commun » sont productrices de liberté, au-delà des codifications ; le « commun » fait émerger des d’alternative du fait de la diversité des acteurs.

Modalités de contribution

Cet appel à contribution est ouvert notamment mais pas seulement, aux praticiennes et praticiens, artistes, paysagistes, architectes, enseignantes-chercheuses et enseignantschercheurs, doctorantes et doctorants, notamment en écoles d’architecture et du paysage mais pas seulement.

Les deux journées d’études sont envisagées selon plusieurs modalités différentes. Elles se dérouleront en effet selon un format traditionnel d’intervention orale avec projection éventuelle mais non obligatoire. Une autre des modalités consistera en l’exposition, le 19 février à l’ENSA Versailles, d’images illustrant le thème général et apportées par chacun des participants ou intervenants. Ce travail sera commenté collectivement puis réinterprété au cours d’un atelier de gravure proposé à l’ensemble des participants le 20 février à l’ENSA Paris le Villette. Il s’agira finalement de construire en commun des représentations associées aux thématiques du colloque.

Votre intention de contribution devra être envoyée par courriel à Chantal Dugave et Gabriele Pierluisi sous la forme d’un seul document en format pdf (poids maximum : 2 Mo) à chantal.dugave@paris-lavillette.archi.fr et gabriele.pierluisi@versailles.archi.fr

avant le 30 octobre minuit

Le contenu de la proposition :

• Une note d’intention présentant succinctement votre proposition de contribution (2000 signes maximum espaces compris).
• 1 image représentative de votre travail de création ou de votre démarche pédagogique. Cette image sera exposée sous forme d’atlas le 19 février à l’ENSA Versailles et fera également partie de la publication.
• La description du format et de la durée de contribution que vous souhaitez proposer, si vous la présentez individuellement ou avec d’autres personnes contributrices.
• Une courte biographie présentant votre démarche (1 demi-page maximum).
• Vos coordonnées (adresse mail, téléphone, adresse postale) et votre statut professionnel.

Calendrier

• 30 octobre 2025 : Date limite de réception des propositions de contribution

• 30 novembre 2025 : Pré-sélection des intentions de contribution par le comité scientifique et réponse aux contributeurs
• Début décembre : Date limite de réception des contributions complètes (20 000 signes env. espaces compris, format Word et une image A3 verticale format Tiff, pour une résolution de 300 dpi). Communication du programme des journées d’étude « Marges de manœuvre #03 : Faire, défaire, refaire : interroger le renversement. De la recherche sur/par/pour la pratique ».
• 19 février- 20 février : Rencontres « Marges de manœuvre #03 ».

Le 19, à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, 5 Av. de Sceaux, 78000 Versailles; le 20, à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris la Villette, 144, avenue de Flandre, 75019, Paris

Comité scientifique

• Chantal Dugave, artiste architecte, professeure ATR, ENSA-Paris La Villette, laboratoire GERPHAU.
• Anne-Valérie Gasc, artiste, professeure HDR en ATR, ENSA-Marseille, laboratoire Project[s]
• Grazia Giacco, musicienne, professeure HDR en musique et musicologie, Université de Strasbourg, UR 3402 ACCRA – Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistiques.
• Sonia Keravel, paysagiste, maître de conférences HDR, École nationale supérieure de paysage, laboratoire LAREP - Département projet.
• Elodie Mas, graveur architecte, maître de conférences ENSA-Lyon.
• Alessandro Mosca, Architecte, Maître de conférences, TPCAU et artistes peintre, ENSA Paris Val de Seine.
• François Pernot, Professeur en histoire moderne à l’Université de Cergy, Directeur de l’École universitaire de recherche (EUR) « Humanités, Création, Patrimoine »
• Gabriele Pierluisi, architecte, professeure HDR en ATR, ENSA-Versailles, laboratoire LéaV Éric Watier, artiste, professeur en ATR, ENSA-Montpellier, laboratoire LIFAM Project[s]

Comité d’organisation

• Alessia Rapetti, architecte doctorante
• Baptiste Traca, architecte doctorant

Bibliographie

Butler J. 2019 : Trouble dans le genre : Le féminisme et la subversion de l’identité, La Découverte, 287 p.

Cauquelin A. 2013 : Le site et le paysage, Paris, PUF, 216 p.

Deleuze G., Guattari F. 2009 : Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie 2, Paris, Éditions de Minuit, 645 p.

Dewey J. 2016 (1934) : L’art comme expérience, Paris, coll. Folio essais, 608 p.

Giacco G. 2018 : Recherche-création et didactique de la création artistique: Le chercheur travaillé par la création, Louvain-la-Neuve (Belgique), EME Éditions, 178 p.

Haraway D. J., Garcia V. 2020 : Vivre avec le trouble, Vaulx-en-Velin, Les éditions des mondes à faire, 400 p.

Ingold T., Rahmani S., Griot S. 2024 : Correspondances : Accompagner le vivant, Arles, Actes Sud, 272 p.

Ingold T. 2014 : Une brève histoire des lignes, Zone Sensibles, Pactum Serva, 272  p.

Morin E. 2015 : Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Paris, POINTS, 160 p.

Nicolas-Le Strat N. 2024, Faire recherche en commun, Chroniques d’une pratique éprouvée, Édition du commun, 180 p.

Morizot B. 2023 : L’inexploré, Marseille, Wildproject Éditions, 432 p.

Rancière J. 2021 : Les Bords de la fiction, Paris, POINTS, 272 p.

Ricoeur P. 1991 : Temps et récit, tome 1, Paris, Seuil, 404 p.

Tsing A. L., Zhou F., Saxena A. K., Deger J. 2025 : Notre nouvelle nature : Guide de terrain de l’Anthropocène, Paris, Seuil, 498 p.

Notes

[1] À Clermont-Ferrand, les 28 et 29 novembre 2023, sous l’organisation de Guillaume Meigneux (architecte, artiste, PhD, MdC ATR – ENSACF | Ressources) et Giaime Meloni (architecte, artiste, PhD, MdC ATR - EAVT Paris-est | OCS AUSser).

[2] À Marseille, les 28 et 29 novembre 2024, sous l’organisation de Anne-Valérie Gasc (artiste, professeure HDR en ATR, ensa•marseille, laboratoire Project[s]) et Éric Watier (artiste, professeur en ATR, ENSA-Montpellier, laboratoire LIFAM).

[3] Le Robert : Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d’Alain Rey.

[4] GROUT Catherine, Pour une réalité publique de l’art, Paris, France, L’Harmattan, 2000, p. 111.

[5] INGOLD, op. cit.

[6] INGOLD, op. cit. p. 27.

[7] GIACCO Grazia, Recherche-création et didactique de la création artistique, Le chercheur travaillé par la création, EME Éditions, 2018, p. 32.

[8] En référence à Tim Ingold qui, dans son ouvrage Une brève histoire des lignes, parle de in-between. 10                 NICOLAS-LE STRAT Nicolas, Faire recherche en commun, Chroniques d’une pratique éprouvée, Édition du commun, 2024.