Marseille, ville ordinaire ?
Réalités urbaines et récits contre-hégémoniques
Published on Thursday, October 09, 2025
Abstract
Parler de « marseillologie » est une façon provocatrice d’interroger la pertinence de la perception très répandue du caractère supposément exceptionnel de la ville. Il s’agit ainsi de sortir des approches essentialisantes pour mettre en lumière les complexités et diversités de la ville de Marseille comme ville « ordinaire », au-delà des discours l’abordant à travers des thématiques stéréotypées comme la corruption, le clientélisme, la gentrification, la pauvreté, ou la délinquance ou le Marseille-hype… Ensuite, nous souhaitons penser Marseille dans le monde, c’est-à-dire l’interroger en comparaison avec d’autres espaces et d’autres villes, pour en comprendre ses dimensions spécifiques comme ses caractères ordinaires.
Announcement
Argumentaire
Le colloque propose de réunir les chercheur·se·s travaillant sur Marseille afin de dépasser l’éclatement actuel des études et d’ouvrir un espace commun de dialogue interdisciplinaire et comparatif. Il s’agit de questionner la pertinence de l’idée d’exception marseillaise, en mettant en lumière la ville comme espace « ordinaire » traversé par des transformations sociales, politiques et urbaines communes à d’autres métropoles. Cinq axes structurent cet appel : gouvernance et action publique, services urbains, violences et insécurités, dynamiques économiques et commerciales, patrimoines et cultures. Le colloque invite ainsi à croiser les recherches sur Marseille avec celles menées sur d’autres contextes, afin de nourrir une compréhension plus large des mutations urbaines contemporaines. En rassemblant des contributions inédites, il ambitionne de jeter les bases d’un réseau interinstitutionnel et interdisciplinaire autour de la Marseille du XXIᵉ siècle.
Chercheur et chercheuse ayant nouvellement commencé à travailler à et sur Marseille, nous avons été surpris et surprise du grand éclatement des travaux sur la ville. Au-delà des ouvrages généraux et introductifs sur la ville, nous constatons bien une prolifération de publications s’intéressant aux processus, transitions et transformations sociales et urbaines que connaissent Marseille et sa métropole. Pour autant, ces travaux et leurs auteurs – qu’ils viennent de l’aire métropolitaine ou d’ailleurs – ne sont pas souvent connectés entre eux et peinent parfois à être réappropriés hors du champ des études sur Marseille. Ce colloque aspire donc à proposer et ouvrir un espace de présentation et de débat holistique autour des sciences sociales sur Marseille. Ce faisant, il reprend et prolonge le Séminaire Permanent de « Marseillologie », lieu de réflexion, d’échange et de partage de travaux de sciences sociales en cours et à venir sur Marseille et sa métropole au 21e siècle, fondé en 2022 et coordonnée par le Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire (MESOPOLHIS) d’Aix Marseille Université.
Parler de « marseillologie » est une façon provocatrice d’interroger la pertinence de la perception très répandue du caractère supposément exceptionnel de la ville. Il s’agit ainsi de sortir des approches essentialisantes pour mettre en lumière les complexités et diversités de la ville de Marseille comme ville « ordinaire », au-delà des discours l’abordant à travers des thématiques stéréotypées comme la corruption, le clientélisme, la gentrification, la pauvreté, ou la délinquance ou le Marseille-hype… Ensuite, nous souhaitons penser Marseille dans le monde, c’est-à-dire l’interroger en comparaison avec d’autres espaces et d’autres villes, pour en comprendre ses dimensions spécifiques comme ses caractères ordinaires. C’est une façon, non seulement de présenter les avancements et les résultats de recherche des un.e.s et des autres sur Marseille, mais aussi de pousser à la réflexion comparative sur les transitions sociales et urbaines à l’œuvre dans d’autres métropoles.
Afin de clore une première étape du Séminaire Permanent de « Marseillologie », nous proposons d’organiser un colloque ouvert à tous.tes pour établir les bases d’échanges plus soutenus de plus larges, de natures interdisciplinaires et interinstitutionnels autour de la Marseille du 21e siècle. Il s’agit sur le long terme d’impulser une deuxième étape du séminaire, dont nous envisageons le fonctionnement comme étant itinérant entre différentes institutions d’Aix-en-Provence et de Marseille. Le colloque que nous proposons serait organisé autour de 5 axes thématiques transversaux mettant en dialogue des recherches sur Marseille et des présentations sur d’autres villes et métropoles, afin de croiser les regards sur ces thèmes et s’extraire d’un prétendu exceptionnalisme phocéen tout en interrogeant comparativement les spécificités de cette ville. Ainsi, il ne s’agit pas seulement de cultiver une plus grande connaissance de Marseille mais aussi de lui donner une place plus générale dans l’élaboration des savoirs sur l’urbain et la ville.
Si les 5 axes thématiques transversaux que nous proposons sont les suivants, nous nous accordons la possibilité de constituer un sixième axe sur un thème qui émergerait des propositions reçues. Nous invitons donc tous chercheur.se.s travaillant sur Marseille de soumettre des propositions de communications, avec l’idée que celles qui seront sélectionnées seront par la suite associés à des présentations par des chercheur.se.s effectuant des recherches sur les mêmes thématiques dans d’autres villes, en particulier à l’international.
1) Gouvernement et gouvernance urbaine
Ces dernières années, Marseille a été marquée par des transformations et changements politiques majeurs : après un demi-siècle sous la direction de trois maires issus du même moule politique et social – tout de même marqués par des contestations et affrontements électoraux forts – les effondrements meurtriers d’immeubles délabrés ont conduit à une alternance politique. Pour autant, les opérateurs urbains historiques sont toujours là et les politiques d’aménagement restent définies par la Métropole. Enfin, le poids du fonctionnement du clientélisme, comme pratique ou comme dénonciation, demeure sans aucun doute important, mais il prend potentiellement de nouvelles formes, implique de nouveaux acteurs, et doit faire face à d’autres types de cultures ou pratiques politiques.
Loin de vouloir alimenter davantage l’idée erronée d’une exceptionnalité de la ville et de son étude, cet axe se propose de comprendre les évolutions récentes des pouvoirs politiques en interrogeant, entre autres, les transformations et changements de l’action publique mais aussi les pérennités et résistances des relations et pratiques politiques, d’en haut ou d’en bas, ainsi que ce que cela nous apprend des contextes urbains en transitions.
2) Services Publics (éducation, transport, logement, santé)
Marseille se trouve à un carrefour critique en matière de services publics. De multiples travaux font le portrait d’une ville cumulant de graves inégalités socio-territoriales et des besoins croissants de populations socialement, économiquement ou sanitairement fragiles. Le système de santé est en tension : à un système hospitalier vétuste, sous-financé et saturé répond une inégale répartition de l’accès au soin notamment dans les quartiers au nord de la ville. Le logement social est déficient et souvent insalubre. La structure des transports publics accentue l’exclusion sociale et l’isolement géographique de nombreux habitants résidant dans les quartiers périphériques. De nombreux quartiers sont également dépourvus d’espaces publics de qualité tandis que le manque de végétalisation accroit la constitution d’îlots de chaleur. Enfin, le système éducatif reflète lui aussi les fractures sociales de la ville, tandis que les plans de réhabilitation des écoles semblent prendre du retard.
À ces multiples problèmes viennent répondre des promesses de modernisation, rénovation, réhabilitation par les différentes institutions urbaines, métropolitaines, départementales et étatiques en charge des services publics. Pourtant c’est justement cet éclatement institutionnel – ainsi qu’un métropolisation inaboutie – qui est, comme ailleurs, dénoncé comme l’un des freins majeurs à l’amélioration des services publics urbains. Davantage qu’il ne souhaite alourdir ce diagnostic, cet axe aspire surtout à interroger l’actualité des plans de redressements ou de transformations lancés au cours de la dernière décennie. Il s’agit également d’interroger la territorialisation de l’État et des institutions des services publics à Marseille, et de considérer ce que le contexte marseillais renseigne.
3) Violence(s) et (in)sécurité(s)
Les grilles d’analyses médiatiques sur Marseille sont souvent dominées par des raccourcis sur la violence délinquante et la criminalité organisée qui donnent une réputation criminogène à la ville depuis plus d’un siècle. Celle-ci se nourrit notamment d’une hypermédiatisation locale et nationale de phénomènes tels les « règlements de compte » entre trafiquants de drogue, ainsi qu’une cartographie urbaine stigmatisante qui localise les violences dans les « Quartiers Nord » de la ville. À ces troubles – tant réels qu’imaginés – l’État répond avec une frénésie sécuritaire, promouvant une véritable « guerre contre la drogue » - et les populations des « Quartiers Nord » - tout en masquant les débordements et violences policières.
Des études récentes ont souligné à quel point ces conceptions de la violence et de l’insécurité sont limitées et limitantes, suggérant qu’il faudrait repenser non seulement ce qui est considéré empiriquement comme de la violence et de l’insécurité dans la ville, mais aussi les schémas épistémologiques sous-jacents qui les définissent, afin d’étendre la notion de la violence et de l’insécurité au-delà de la criminalité et la délinquance. Cet axe suggère de repenser quelles sont les sources et territoires d’insécurités et de violences ignorés ou marginalisés dans les récits médiatiques et politiques dominants, d’explorer comment se manifestent et se croisent différentes formes de violences politiques, symboliques, économiques dans les espaces urbains marseillais, comment les habitants, les institutions et les acteurs locaux perçoivent et réagissent face à ces multiples insécurités et violences, ainsi que les manières dont ces violences, visibles ou invisibles, participent à la construction sociale et médiatique de Marseille comme « ville-problème ».
4) Activité(s) économique(s) émergente(s)
Longtemps marquée par une désindustrialisation postcoloniale plus précoce que sur le reste du territoire français, l’économie urbaine marseillaise demeure très marquée par le secteur tertiaire et l’activité portuaire. Pour autant, les projets de rénovation urbaine attirent et supportent l’essor de nouveaux secteurs économiques comme la technologie, l’immobilier et le soutien institutionnel du secteur artistique, le digital, l’audiovisuel. Ces dynamiques apparaissent cependant fragiles face aux contraintes structurelles. Afin d’interroger autrement les renouvellements urbains dont ferait l’objet la ville, cet axe aspire à interroger non seulement ces processus déjà étudiés mais aussi les géographies commerciales de la métropole marseillaise. En effet, les caractéristiques et dynamiques des paysages commerciaux constituent souvent des éléments significatifs reflétant les usages et les mutations urbaines. Spécialisation commerciale, franchisation, gentrification commerciale, montée en gamme, commerce culturellement spécialisé, il s’agit donc de se demander ce que c’est le paysage commercial des quartiers de Marseille, et ce qu’il révèle des héritages, usages et pratiques économiques de la ville en ce début du 21e siècle.
5) Patrimoine(s), culture(s) et diversité(s)
Depuis les années 2010, Marseille s’impose de plus en plus comme une scène culturelle dynamique et plurielle, portée par une effervescence artistique renouvelée et des politiques publiques ambitieuses. Phénomène amorcé dès les années 1980 avec l’essor de collectifs indépendants, l’’événement « Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture » a marqué un tournant en consolidant la place de la ville dans les circuits culturels européens et en valorisant sa créativité locale. La municipalité soutient activement cette dynamique à travers des politiques publiques culturelles volontaristes : financement de festivals (Fiesta des Suds, Marsatac), développement d’équipements structurants (Mucem, Friche Belle de Mai), mise en valeur du patrimoine historique et ouverture de lieux hybrides associant création contemporaine et valorisation des cultures populaires.
Ces politiques institutionnelles valorisent la représentation de Marseille comme ville marquée par une forte présence des classes populaires issues de l’immigration (italienne, arménienne, maghrébine), territoire du rap et du football, sous les vernis d’une image provençale véhiculée par les acteurs touristiques et des productions audiovisuelles comme Plus belle la vie. Mais cette représentation simplifiée masque une réalité urbaine plus complexe de diversité socio-économique et de vagues migratoires plus effacées (comorienne, africaine subsaharienne, antillaise, kurde, des pays de l’Est), de pratiques multiples dont les traces changeantes peuvent se lire dans l’espace urbain, la gastronomie, la musique ou les rituels festifs. Aujourd’hui, ces héritages, des plus valorisés aux invisibles, se recomposeraient aussi dans le sillon de la nouvelle attractivité de la ville donnant naissance à des formes d’expression hybrides, mêlant cultures d’origine et influences locales. Cet axe souhaite ainsi interroger les dynamiques culturelles les plus récentes, leurs effets et leurs hybridations – ainsi que les logiques de construction d’une ou des identités marseillaises.
Modalités de contribution
- Profil des contributeur.rice.s
Ce séminaire est ouvert aux interventions de chercheur.euse.s de toutes disciplines des sciences humaines et sociales, dont le travail s’appuie sur une solide pratique et connaissance du terrain marseillais. Chaque intervenant.e sera discuté par un.e chercheur.euse travaillant sur un autre terrain géographique dans l’objectif de favoriser les perspectives croisées et comparatives.
- Procédure de propositions de contributions
Les propositions de communications devront être inédites, ne pas excéder 500 mots, en français ou en anglais, et comporter les éléments suivants : titre, présentation synthétique du contenu, axe(s) du programme dans le(s)quel(s) s’inscrit la contribution, ainsi qu’une brève biographie du/de la chercheur.euse. Les propositions sont à envoyer à marseillevilleordinaire@gmail.com avant le 31/10/2025.
Modalités d'évaluation
Les propositions seront évaluées par un comité scientifique composé de Claire Bénit Gbaffou, Hélène Jeanmougin, Mathilde Jourdam-Boutin, Cesare Mattina, Magali Nonjon, Ariane Richard Bossez et Dennis Rodgers. Les chercheur.euse.s dont les propositions sont retenues seront avisées pour le 15/12/2025. Les propositions qui ne seront pas sélectionnées cette fois-ci pourraient être traitées de manière prioritaire pour des évènement futurs. Le colloque donnera potentiellement lieu à une publication collective dont les détails seront à décider ultérieurement.
Comité scientifique
- Sylvie Chiousse - Chercheur associée au LISS – Laboratoire interdisciplinaire des sciences sociales, Université Ibn Zohr, Agadir
- Hélène Jeanmougin – Maîtresse de conférences à Aix-Marseille Université et chercheuse au Laboratoire MESOPOLHIS
- Mathilde Jourdam-Boutin – Docteure en Géographie, Laboratoire MESOPOLHIS (UMR 7064 CNRS-AMU-Sciences Po Aix), Aix-Marseille Université (AMU)
- Cesare Mattina -Sociologue à MESOPOLHIS (Centre méditerranéen de sociologie, science politique et et d’histoire) CNRS-Aix Marseille Université-science po Aix.
- Magali Nonjon – Maîtresse de conférences en Sciences Politiques, Laboratoire MESOPOLHIS (UMR 7064 CNRS-AMU-Sciences Po Aix)
- Ariane Richard-Bossez - Maîtresse de conférences, Chargée de mission Culture commune à l’Inspé d’Aix-Marseille, Directrice adjointe du Centre méditerranéen de sociologie, science politique et histoire (UMR 7064)
- Dennis Rodgers - Professeur des universités et Chaire d’Excellence A*Midex, Laboratoire MESOPOLHIS (UMR 7064 CNRS-AMU-Sciences Po Aix), Aix-Marseille Université (AMU)
Subjects
- Urban studies (Main category)
- Society > Ethnology, anthropology > Social anthropology
- Society > Economics > Economic development
- Society > Ethnology, anthropology > Political anthropology
- Society > Sociology > Urban sociology
- Society > Geography > Geography: society and territory
- Zones and regions > Europe > France > Provence
- Society > Political studies
Places
- 5 cours des humanités
Marseille, France (13)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, October 31, 2025
Keywords
- marseille, études urbaines, ville ordinaire
Contact(s)
- Mathilde Jourdam-Boutin
courriel : marseillevilleordinaire [at] gmail [dot] com
Information source
- Mathilde Jourdam-Boutin
courriel : marseillevilleordinaire [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Marseille, ville ordinaire ? », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, October 09, 2025, https://doi.org/10.58079/14vnz

