Écrire une histoire des pratiques pédagogiques des philosophes
Revue Ethique en éducation et en formation, numéro 21
Published on Wednesday, October 08, 2025
Abstract
En croisant la philosophie de l’éducation et l’histoire de la philosophie, et en les mettant au travail sur des pratiques pédagogiques et non sur des concepts, ce projet de dossier souhaite interroger à nouveau les archives et connaissances historiques que nous possédons sur Platon, Aristote, Rousseau, Dewey ou encore Arendt, etc. L’idée centrale est de s’intéresser aux pratiques pédagogiques des philosophes et la façon dont elles ont servis ou desservis, volontairement ou non, des normes politiques, des institutions éducatives ou encore des paradigmes politico-éducatifs
Announcement
Argumentaire
La revue québécoise Éthique en éducation et en formation – Les dossiers du GREE lance un appel à contributions pour le numéro 21 de l’automne 2026 sur la thématique « Écrire une histoire des pratiques pédagogiques des philosophes ».
En un mot, il s’agit de se demander comment enseignaient les philosophes ou ceux et celles qui se sont revendiqués de cette discipline dans l’Histoire et ce qu’une enquête sur leurs pratiques pédagogiques peut nous apprendre sur leur théorie, leurs idées, leur conception de l’éducation et de la philosophie dans la société.
Comment enseignaient Socrate, St Thomas d’Aquin, Descartes, Kant ou encore Weil ou Foucault ? Comment ces personnes pensaient-elles et pratiquaient-elles l’enseignement de la philosophie ? Avec cet appel à contributions, nous souhaitons engager une réflexion sur l’histoire des pratiques pédagogiques des philosophes en tant que phénomène à la fois institutionnel et intellectuel. Au croisement des valeurs, normes et institutions, la pratique pédagogique de la philosophie a évolué au fil de l’histoire et des sociétés, en fonction des différents objectifs politiques, sociaux et éthiques assignés à l’éducation. Ainsi, loin de chercher une essence ou une nature de la philosophie, nous voulons interroger les pratiques des personnes reconnues en tant que philosophes qui ont pensé ou contribué aux institutions éducatives de leur époque. Quelles étaient leur perception et leur conception des dimensions politiques de ces institutions ? Comment leurs pratiques étaient-elles adaptées en fonction des normes véhiculées par ces institutions ou bien, au contraire, des pratiques subversives étaient-elles proposées pour critiquer les pouvoirs éducatifs et politiques en place ?
En croisant la philosophie de l’éducation et l’histoire de la philosophie, et en les mettant au travail sur des pratiques pédagogiques et non sur des concepts, ce projet de dossier souhaite interroger à nouveau les archives et connaissances historiques que nous possédons sur Platon, Aristote, Rousseau, Dewey ou encore Arendt, etc. L’idée centrale est de s’intéresser aux pratiques pédagogiques des philosophes et la façon dont elles ont servis ou desservis, volontairement ou non, des normes politiques, des institutions éducatives ou encore des paradigmes politico-éducatifs.
Les pratiques pédagogiques, entendues dans leur sens le plus étendu, que les philosophes ont exercées au sein des institutions éducatives, ou qui ont été promues dans leurs écrits, étaient-elles attentives à leurs effets politiques, éducatifs et éthiques potentiels ? Au-delà des injonctions et des théorisations de ces philosophes, lorsque l’on se situe du point de vue des pratiques, qu’en est-il réellement ? De plus, au-delà de ces auteurs et autrices, ce sont aussi leurs héritages revendiqués par les pédagogues d’aujourd’hui qui peuvent être étudiés dans cette perspective de recherche. Comme Montessori, Neill, Freinet ou d’autres, les pédagogues ont parfois partagé des références philosophiques qui ont inspiré leurs pratiques et pensées pédagogiques. Il est donc possible d’étudier ceux et celles qui, en pédagogie, revendiquent une filiation philosophique spécifique (par exemple, les personnes enseignantes ou les pédagogues qui se réclament de l’héritage marxiste durant l’entre-deux-guerres au XXe siècle). Enfin, l’idée de ce dossier est également d’avoir un cadrage historique très large. Nous souhaitons porter cette étude de l’Antiquité jusqu’aux pratiques contemporaines, pour étudier les concordances ou les décalages entre au moins trois « lignes » temporelles : (1) celle de l’histoire des idées philosophiques d’une part, (2) celle de l’histoire des institutions politiques d’autre part, mais également (3) celle de l’histoire des évolutions pédagogiques et de la forme scolaire.
Notre proposition de dossier thématique propose une perspective historique centrée sur les auteurs et autrices de philosophie, et non sur les institutions ou les écoles de pensée, car sur ces deux dernières approches, de nombreux travaux existent déjà. Pour notre part, nous voulons porter notre regard sur les philosophes, au sens où la plupart ont, à un moment de leur carrière, travaillé dans le domaine de l’éducation, que ce soit dans une école, une relation de préceptorat, un échange épistolaire, une institution scolaire ou un réseau d’éducation libre, informelle ou populaire. De plus, en plaçant les personnes au cœur de notre réflexion, nous pouvons interroger leur éthique enseignante, c’est-à-dire les choix, les préférences de valeurs et les dilemmes moraux qui ont guidé, consciemment ou non, leurs pratiques d’enseignement, de préceptorat ou plus largement leur pratique de transmission des idées. Enfin, pour répondre à l’ampleur de cette perspective historique, la notion de pratique pédagogique est donc à entendre ici dans la pluralité de ses significations anthropologiques et de ses incarnations historiques et culturelles.
Précisons également que le cadre épistémologique de l’histoire des idées éducatives qui est proposé ici se veut non réductionniste, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de rabattre la complexité des relations entre éducation et philosophie à un seul facteur causal et déterministe. Au contraire, toutes les approches de l’histoire de la philosophie qui rendent compte de cette complexité sont ici les bienvenues. De plus, étudier l’histoire des idées de cette manière peut aussi être l’occasion d’adopter une perspective critique sur cette histoire, en interrogeant les biais structurels que chaque époque, et chaque institution politique et éducative transmettent aux philosophes. Par exemple, rendre compte du caractère genré de la pédagogie de tel philosophe, des barrières de classe qui restreignent le public de tel autre, ou encore des biais raciaux influençant la compréhension de tel ou tel concept, etc. De la même manière, la notion d’auteur ou autrice de philosophie ne se restreint pas au canon scolaire de la tradition occidentale, et nous étudierons avec bienveillance les propositions travaillant sur des personnes encore considérées en marge de ce canon. Enfin, en fonction des époques, les traces et les archives de l’activité de chacun et chacune de ces philosophes seront bien entendu différentes, et les méthodologies de recherche varieront en fonction, mais l’angle de recherche restera le même : identifier les pratiques pédagogiques et interroger la façon dont ces dernières ont interagi avec l’œuvre et la pensée en question. Ainsi, au moins trois axes (non limitatifs) de recherches peuvent se dessiner et orienter les propositions de contributions :
Axe 1 : La relation entre les pratiques pédagogiques des philosophes et leur éthique enseignante
À partir des traces et des archives disponibles, que peut-on déduire et comprendre de l’éthique enseignante de cet auteur ou de cette autrice ? Quelles sont les valeurs qui orientent ses choix pédagogiques ? À quels principes moraux répondent ses pratiques et sa posture d’enseignement, de préceptorat ou encore de pédagogue ? Cette éthique enseignante diffère-t-elle de ce que nous connaissons de ses travaux ou de ses écrits en éthique ? Par ces questions, nous souhaitons interroger sous un nouveau jour les théories de l’éthique et de la philosophie morale de chaque philosophe, en la confrontant à l’éthique enseignante que sa pratique pédagogique permet de reconstruire. Jusqu’où le critère de cohérence peut-il ici être heuristique ? Et que peut apporter une meilleure connaissance de l’éthique enseignante de quelqu’un comme Spinoza, Hegel ou Wittgenstein à ce que nous connaissons de leurs travaux en philosophie morale ? À partir de ces questionnements, nous accueillerons toutes les propositions qui explorent cette relation si particulière qui se tisse entre l’éthique et l’enseignement.
Axe 2 : La relation entre les pratiques pédagogiques des philosophes et leur pensée politique
Les pratiques pédagogiques ne sont pas neutres, et par leur inscription dans des structures sociales et politiques, elles sont déterminées par des relations de pouvoir qu’elles peuvent, ou non, interroger, critiquer, voir subvertir. Les philosophes n’échappent pas à cette réalité et leurs pratiques pédagogiques, qu’il s’agisse d’un préceptorat d’enfants nobles ou d’un enseignement scolaire, portent inévitablement cette dimension politique. À partir des archives et des connaissances que nous possédons sur ces philosophes ou pédagogues, comment cette pensée politique a-t-elle été réfléchie et vécue ? Des répressions ou des contraintes politiques fortes ont-elles été subies, ou au contraire, une grande liberté pédagogique et politique leur a-t-elle permis de tenir des propos politiques, voire de prendre des risques dans ce domaine ? Cette relation entre enseignement et politique est-elle claire pour eux ? Est-elle cohérente avec leurs théories politiques développées par ailleurs ou bien profondément distinctes ? Nous accueillerons dans cet axe toute proposition cherchant à rendre compte des liens entre la pensée politique et la pratique pédagogique de philosophes appartenant ou non au canon scolaire de la philosophie occidentale.
Axe 3 : L’importance des pratiques pédagogiques des philosophes pour la construction d’une didactique de la philosophie
Peut-on, à partir de ce que nous connaissons des pratiques pédagogiques des philosophes, en déduire une didactique spécifique de la philosophie ? Par exemple, étudier la façon dont Saint Augustin professait rend-il possible la reconstruction d’une didactique augustinienne de la philosophie ? La façon de faire cours de Deleuze à Vincennes peut-elle donner lieu à des transpositions didactiques, dépassant cet auteur, pour imaginer, aujourd’hui, une autre manière d’enseigner la philosophie ? Ces questions, formulées sous forme d’hypothèses prospectives, tentent de déplier au sein de l’histoire des idées éducatives les filiations qui s’opèrent entre les philosophes et les didactiques de la philosophie. S’agit-il de faire des philosophes des figures inspirantes pour le pédagogue, si ce n’est des modèles ou des exemples, ou bien de distinguer nettement le style pédagogique de la personne autrice elle-même, les conditions pédagogiques de son époque (le lieu et le temps de sa pratique pédagogique) et les effets didactiques de sa pratique sur son public. Seront accueillis, dans cet axe de recherche, tous les travaux portant leurs efforts réflexifs sur cette articulation de la philosophie avec sa didactique.
Nous invitons pour ce numéro des contributions de recherches empiriques et théoriques en lien avec ces axes et le thème général de l’élaboration d’une histoire des pratiques pédagogiques des philosophes.
Modalités de contribution
Si vous souhaitez soumettre un texte dans le cadre de ce numéro, nous vous invitons à nous remettre un titre et un résumé de (750 mots maximum accompagnés d’une liste de références bibliographiques principales et d’une courte notice biographique, cela avant le 15 novembre 2025.
La date butoir pour le dépôt du texte complet (de 30 000 à 40 000 signes incluant les espaces, mais excluant les références) est le 15 février 2026 si le résumé est accepté. Les directives de publication spécifient les normes de la revue à respecter.
Modalités d'évaluation
Tous les textes sont soumis à l’évaluation en double aveugle. Votre résumé et votre manuscrit devront être déposés sur la plateforme de la revue à l’adresse suivante : https://edition.uqam.ca/gree
Si vous éprouvez des difficultés, vous pouvez contacter la revue à l’adresse suivante : gree@uqam.ca
Subjects
- Education (Main category)
- Mind and language > Education > History of education
- Society > Science studies > History of science
- Mind and language > Thought > Philosophy
- Mind and language > Education > Educational sciences
- Mind and language > Thought > Intellectual history
- Mind and language > Epistemology and methodology > Historiography
Date(s)
- Saturday, November 15, 2025
Keywords
- histoire des idées, pratiques pédagogiques, philosophie de l'éducation
Contact(s)
- Christophe Point
courriel : christophe [dot] point [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Christophe Point
courriel : christophe [dot] point [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr
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To cite this announcement
« Écrire une histoire des pratiques pédagogiques des philosophes », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 08, 2025, https://doi.org/10.58079/14vlm

