HomeL’exotique au cinéma
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Published on Wednesday, October 08, 2025

Abstract

Le Colloque international du Taur 2026 aura lieu les 1ers et 2 avril à l’ENSAV de Toulouse. Consacré à « L’exotique au cinéma », il explorera la représentation de l’Autre et de l’Ailleurs, entre fascination visuelle, stéréotypes et opérations d’escamotage. Chercheur·euses et cinéastes analyseront se pencheront aussi sur les stratégies contemporaines de renversement et de subversion des héritages exotiques.

Announcement

Colloque international du Taur 2026. ENSAV-Toulouse. Le 1er et 2 avril. Argumentaire

Argumentaire

Ce colloque s’inscrit au sein du Pôle « Cinémas excentriques » du laboratoire Lara-Seppia (équipe Lara), axe reposant à la fois sur une approche poïétique des œuvres (dans une perspective de création-recherche) et sur une approche esthétique ayant pour objet de mettre en lumière des productions en marge des grands circuits de production standardisés ou de renouveler l’approche théorique des créations mainstream. Dans le cadre de cette manifestation, qui se déroulera du 1° au 2 avril 2026, les contributions pourront donc prendre la forme de communications présentées par des enseignant.e.s chercheur.e.s ou de productions filmiques proposées soit par des enseignant.e.s. inscrit.e.s dans une dynamique de création-recherche soit par des réalisateur.trice.s.

L’exotique comme prisme de représentation

Cette manifestation ambitionne d’interroger cette rencontre spécifique si ambivalente de l’Autre et de l’Ailleurs dont procède l’exotisme au cinéma. Si le terme « exotique » sert communément à qualifier les terres et les peuples lointains, il désigne fondamentalement un type de regard, et un point de vue qui émane d’un lieu et d’un sujet situés dans une position référentielle, sinon dominante. C’est à la fois ce regard et les types de représentations qu’il produit que nous souhaitons questionner en cinéma. Nous entendons ainsi le mot « exotique » dans toute sa conceptualité dynamique qui inclut les différentes acceptions que l’exotisme a prises au fil du temps. L’exotisme ne peut en effet être conçu en termes monolithiques. Comme l’analyse magistralement Daniela Berghahn dans Exotic Cinema, Encounters with Cultural Difference in Contemporary Transnational Film (2023), il forme plutôt un spectre de représentations qui s’étend de la volonté d’assimilation ou de domestication à l’impénétrabilité radicale de la différence. Nous souhaiterions que les différentes contributions à ce colloque couvrent ce spectre le plus largement possible, à la fois thématiquement et temporellement.

Paradoxes de l’exotisme : de l’éloge au stéréotype

Notre approche est tendue par ce paradoxe constitutif de l’exotisme pointé par Tzvetan Todorov, qui « voudrait être un éloge dans la méconnaissance[1] ». En effet, si le plus méconnu est objet de prédilection de l’exotisme, et loué pour cela, comment pourrait-il être connu ? L’exotique est ainsi le lieu d’une ambivalence qui concerne de près l’expérience cinématographique à la fois comme sentiment, et comme lieu de plaisir. « L’exotisme est tout ce qui est Autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le Divers[2] » écrivait Segalen qui tenta, dès le début du XXe siècle, une théorisation universelle d’un exotisme authentique tant il dénonçait déjà le cliché et la séduction. Ceux qu’il nommait « les proxénètes de la sensation du divers » ont investi le cinéma à peine créé. C’est que l’exotisme est éminemment visuel, et le spectacle de la différence tient une place de taille dans l’histoire du cinéma. Il a servi la fascination des publics européens pour les ailleurs jadis coloniaux mais à mesure que le cinéma rapprochait le monde des consciences et des imaginaires, il l’a aussi inventé en miroir pour le dominer, comme l’a développé E. Said dans sa critique de cet exotisme spécifique qu’est l’orientalisme[3]. On notera ainsi que le cinéma a longtemps échoué à représenter les peaux « non blanches », question qu’analyse Richard Dyer dans White et qu’interroge Diarra Souran d’un point de vue technique[4]. L’exotisme fascine mais il escamote, vide, et recolorie comme pour une carte postale. « Colorier le monde c’est toujours un moyen de le nier (et peut être faudrait-il ici commencer un procès au cinéma) » écrivait Roland Barthes dans Mythologies à propos de Continent Perdu. Comment cette négation de l’Autre et de l’Ailleurs, cette « opération d’escamotage » procède-t-elle dans le discours et l’esthétique cinématographique, là même où l’exotisme se voudrait un éloge de la différence ? Il nous paraît important pour traiter de cette question de proposer des interventions autour d’analyses filmiques qui dévoileraient les ressorts les plus fins du stéréotype non pas tant à partir de corpus déjà largement étudiés du cinéma colonial et ethnographique, mais en fixant notre attention sur des productions plus contemporaines du cinéma.

Exotisme décentré

Le second pan de notre approche concernera ce que nous appelons avec Daniela Berghahn « un exotisme décentré » en interrogeant la fonction plus ou moins heureuse de traduction culturelle que l’exotisme tient dans certains films du cinéma Tiers. Comment et sous quelles formes l’exotisme se réincarne-t-il dans les cinémas du monde ? La représentation de « Soi comme Autre », pour un « troisième œil » dominant incorporé, tel que le théorise Fatimah Tobing Rony à partir de Fanon dans The Third Eye : Race, Cinema and Ethnographic Spectacle (1996), est une aliénation pour les cinéastes du monde Tiers, garants d’une « authenticité » qui peut induire auto-exotisations et auto-ethnicisations. Elle est aussi une possibilité de renversements radicaux des perceptions stéréotypées. Dans un monde hybride, où le cinéma se transnationalise, brouillant ainsi les frontières, que devient l’exotisme ? Quelles stratégies esthétiques et politiques les cinémas du monde (dans leur acception large) inventent-il aujourd’hui pour subvertir et déconstruire les exotismes du passé ?

Axes proposés (non exhaustifs)

Les axes ci-dessous ne sont ni exhaustifs ni exclusifs : ils peuvent se recouper. Les propositions peuvent articuler plusieurs axes ou en proposer d’autres, tant qu’elles dialoguent explicitement avec l’argumentaire.

Axe 1 — Histoires de l’exotisme et du stéréotype au cinéma

Généalogies et transformations des formes de l’exotisme, depuis les vues et films coloniaux jusqu’aux circulations transnationales contemporaines. On s’intéressera aux régimes d’images, aux contextes de production et de diffusion, aux continuités et aux discontinuités qui structurent la « fabrique de l’Ailleurs ». Il s’agit de penser l’inertie des modèles autant que les réinventions qui reconfigurent leur lecture aujourd’hui.

Axe 2 — Esthétiques du stéréotype et de l’Ailleurs

Analyse des dispositifs visuels et sonores qui produisent – ou déjouent – l’exotisme : couleurs et textures, formats d’image, cadrage et montage, ambiances musicales et vocales, régimes d’adresse. Des technologies historiques aux esthétiques numériques, l’axe éclaire la manière dont le sensible organise la perception du Divers, entre séduction, lissage et gestes de dévoilement. On interrogera à cet égard la façon dont les évolutions techniques et le travail des chefs opérateurs notamment ont pu transformer la façon de représenter et d’éclairer la peau « exotique ».

Axe 3 — Politiques du regard et escamotage de l’Autre

Étude des rapports de pouvoir inscrits dans la position du regard : d’où filme-t-on, pour qui, et avec quelles opérations d’invisibilisation, de simplification ou de « carte postale » ? En articulant imaginaires coloniaux, orientalisme, discours et économies de l’attention, l’axe met au jour les logiques qui en révèlent les mécanismes.

Axe 4 — Auto-exotisation, auto-ethnicisation et renversements

Exploration des stratégies par lesquelles des cinéastes rejouent ou retournent les codes attendus pour mieux en exposer la construction. Entre contraintes de marché, circulation festivalière, adresses diasporiques et gestes d’auto-mise en scène, l’axe observe comment s’élaborent des renversements esthétiques et politiques, parfois ambivalents, qui reconfigurent la lecture de Soi et de l’Autre. Quelles alternatives les cinéastes issus des périphéries culturelles ou politiques proposent-ils ?

Axe 5 — Traductions et médiations du Divers

Attention portée à la chaîne médiatrice qui cadre l’exotisme : langues et sous-titres/doublage, voix off, paratextes (affiches, bandes-annonces, dossiers), dispositifs festivaliers et catégorisations de plateformes. En amont et en aval des films, mais parfois aussi en son cœur, ces médiations orientent les horizons d’attente, redistribuent la nuance et participent activement à la construction – ou à la déconstruction – des figures de l’Ailleurs.

Axe 6 — Réceptions et usages sociaux de l’exotisme

Prise en compte des réceptions situées et de la « vie sociale » des œuvres : appropriations, malentendus, controverses, pédagogies et recontextualisations (musées, festivals, ciné-clubs, réseaux sociaux). L’axe s’interroge sur la façon dont ces usages requalifient des images exotiques, les déplacent, ou en proposent des contre-lectures.

Modalités de soumission

Les communications dureront 30 minutes (extraits compris) et seront suivies d’une discussion d’un quart d’heure maximum. Les propositions de projections de films par des réalisateur.trices/chercheur.e.s seront aussi les bienvenues.

Langues acceptées: français et anglais

Propositions : résumé de 300 mots accompagné d’une courte bio-bibliographie

Soumissions à envoyer aux deux adresses suivantes : samiacharkioui@univ-tlse2.fr et isabelle.labrouillere@univ-tlse2.fr,

avant le 6 janvier 2026.

Calendrier

  • Date limite d’envoi : 6 janvier 2026
  • Notification acceptation : 30 janvier 2026 au plus tard
  • Colloque : 1er et 2 avril 2026, ENSAV, Toulouse

Informations utiles

  • Publication : une sélection des communications donnera lieu à une publication aux éditions SHS.
  • Participation financière : 40 euros (Exonération : étudiant.e.s, chomeur.se.s, retraité.e.s, bénéficiaires des minima sociaux)

Comité scientifique (en cours de constitution)

  • Emmanuel Cano, docteur, 18° section, membre du LARA-SEPPIA
  • Maud Cazaux, docteure, 18° section, membre du LARA-SEPPIA
  • Samia Charkioui, MCF, membre du LARA-SEPPIA
  • Jean-Louis Dufour, MCF émérite, membre du LARA-SEPPIA
  • Frédéric Gimello, Professeur, Direction du LARA-SEPPIA
  • Isabelle Labrouillère, MCF, membre du LARA-SEPPIA
  • Amanda Robles, MCF, membre du LARA-SEPPIA

Comité d’organisation

  • Samia Charkioui, MCF, membre du LARA-SEPPIA
  • Isabelle Labrouillère, MCF, membre du LARA-SEPPIA
  • Maud Cazaux, docteure, membre du LARA-SEPPIA
  • Frédéric Gimello, Professeur, Direction du LARA

Bibliographie indicative

AGZENAY, Asma, Returning the Gaze: The Manichean Drama of Postcolonial Exoticism, Oxford and Bern, Peter Lang, 2015.

BARTHES, Roland, Mythologies, Paris, Éd. du Seuil, 1957.

BERGHAHN, Daniela, Exotic Cinema: Encounters With Cultural Difference in Contemporary Transnational Film, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2024.

BENALI, Abdelkader, Le cinéma colonial au Maghreb : L’imaginaire en trompe-l’œil, Paris, Cerf, 1998.

D’AZEVEDO, Amandine (dir.), Les sons de l’exotisme, Sesto San Giovanni, Mimesis, 2022.

DYER Richard. White. Essays on Race and Culture. London: Routledge, 1997.

DOANE, Mary Ann, The Desire to Desire, Bloomington, Indiana University Press, 1987.

EZRA, Elizabeth, « Empire on film: from exoticism to ’cinéma colonial’« , dans FORSDICK, Charles; MURPHY, David, et al. (dir.), Francophone Postcolonial Studies: A Critical Introduction, New York, Oxford University Press, 2003.

FASSIN, Didier, Ni race, ni racisme, ce que racialiser veut dire, Paris, La Découverte, 2012.

FOSTER, Gwendolyn Audrey, Performing Whiteness: Postmodern Re/Constructions in the Cinema, Albany, State University of New York Press, 2003.

GRIFFITHS, Alison, Wondrous Difference: Cinema, Anthropology and Turn-of-the-Century Visual Culture, New York, Columbia University Press, 2002.

HALL, Stuart, Identités et cultures : politiques des cultural studies, Paris, Éditions Amsterdam/Multitudes, 2017.

HILL COLLINS, Patricia, Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness, and the Politics of Empowerment, New York, Routledge, 2014.

hooks, bell, Black Looks: Race and Representation, Boston, South End Press, 1992.

DE LAURETIS, Teresa, « Eccentric Subjects: Feminist Theory and Historical Consciousness », Feminist Studies, vol. 16, n° 1, 1990.

LEHMANS, Anne ; VALADE, Bernard, Les stéréotypes, encore et toujours, Revue Hermès – Cognition – Communication – Politique, n° 83, 29 mai 2019. DOI : 10.58079/piep.

LEPROHON, Pierre, L’exotisme et le cinéma : Les « chasseurs d’images » à la conquête du monde, Paris, Éditions J. Susse, 1945.

MACÉ, Éric, « Des “minorités visibles” aux néostéréotypes : Les enjeux des régimes de monstration télévisuelle des différences ethnoraciales », Journal des anthropologues, 1er juin 2007.

MOURA, Jean-Marc, La littérature des lointains : histoire de l’exotisme européen au XXe siècle, Paris, Éditions Honoré Champion, 1998.

RICHARDSON, Michael, Otherness in Hollywood Cinema, New York & London, Continuum, 2010.

SAÏD, Edward, L’orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, Paris, Éditions du Seuil, 1997.

SEGALEN, Victor, Essai sur l’exotisme : une esthétique du Divers, Montpellier, Éditions Fata Morgana, 1978.

STASZAK, Jean-François, « Exotisation et érotisation d’un haut-lieu et bas-fond touristique : la Casbah d’Alger », Téoros, vol. 37, n° 2, 2018.

SANTAOLALLA, Isabel, “New” Exoticism: Changing Patterns in the Construction of Otherness, Leiden, Brill Rodopi, 2000.

SOURANG Diarra. Filmer les peaux foncées. Réflexions plurielles. Paris : L’Harmattan, 2019.

TOBING RONY, Fatimah, The Third Eye : Race, Cinema and Ethnographic Spectacle, 1996.

TODOROV, Tzvetan, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Éditions du Seuil, 1989.

VANCHERI, Luc, Figuration de l’inhumain : essai sur le devenir-accessoire de l’homme filmique, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 1993.

Notes

[1]Tzvetan Todorov, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine. Éditions du Seuil, Paris, 1989, p. 356.

[2] Victor Segalon et Gilles Manceron, Essai sur l’exotisme : une esthétique du divers  ; suivi de textes sur Gauguin et l’Océanie, Paris, Librairie générale française, 2007, p. 54

[3] Edward Said, L’Orientalisme, l’Orient créé par l’Occident. Paris: Seuil, 1980.

[4] Richard Dyer, White. Essays on Race and Culture. London: Routledge, 1997. Diarra Sourang, Filmer les peaux foncées. Réflexions plurielles. Paris : L’Harmattan, 2019.

Subjects

Places

  • ENSAV, 56, rue du Taur, 31000 Toulouse
    Toulouse, France (31)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Tuesday, January 06, 2026

Keywords

  • cinéma, exotisme, représentation, cinéma, stéréotype, altérité, colonial-postcolonial, esthétique du cinéma, subversion et renversement, auto-exotisation, traduction culturelle

Contact(s)

  • Samia CHARKIOUI
    courriel : samia [dot] charkioui [at] univ-tlse2 [dot] fr
  • Isabelle LABROUILLERE
    courriel : isabelle [dot] labrouillere [at] univ-tlse2 [dot] fr

Information source

  • Samia CHARKIOUI
    courriel : samia [dot] charkioui [at] univ-tlse2 [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« L’exotique au cinéma », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 08, 2025, https://doi.org/10.58079/14vlo

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