Published on Thursday, October 09, 2025
Abstract
L’Islam a toujours été au centre des critiques littéraires maghrébines. Le sacré et le fictionnel s’entremêlent harmonieusement dans le récit maghrébin d’expression française pour inviter le lecteur à réfléchir profondément sur la généalogie de l’Islam. Le concept de l’islamité s’approprie une place centrale dans le roman maghrébin francophone. Il en résulte donc que les écrivains maghrébins ont des perceptions controversées sur l’Islam. La foi musulmane s’impose alors comme un sujet épineux qui s’associe à la problématique de la construction de l’identité arabo-musulmane.
Announcement
Argumentaire
L’Islam a toujours été au centre des critiques littéraires maghrébines. Au Moyen-Orient comme au Maghreb, une constellation d’écrivains et de poètes ont essayé d’entrelacer fiction et fait religieux afin de transcender les tabous et les interdits qui avaient suscité une grande polémique dans le milieu francophone. Comme religion monothéiste, l’Islam se fonde sur la loi coranique qui codifie les droits et les devoirs des musulmans au sein de leur communauté. Bien qu’elles soient considérées comme des religions apparentées, l’Islam se distingue du Judaïsme et du Christianisme par ses pratiques et ses valeurs diversifiées qui s’emparent de la pensée littéraire des romanciers maghrébins, à l’instar de Driss Chraïbi, Nabil Farès et Salim Bachi. Ils se faisaient les hérauts d’une civilisation opulente qui s’est imposée au monde par ses conquêtes furieuses et ses fondements politiques, juridiques et urbains. En adoptant des stratégies stylistiques différentes, ces écrivains ont éprouvé le plaisir de repenser des épisodes importants dans l’Histoire de l’Islam afin d’aiguiser la mémoire et de façonner l’imaginaire individuel et collectif.
L’insertion du fait islamique dans cette production littéraire prolifique s’accompagne de la nécessité de fournir une vision élargie sur les différents aspects de la culture islamique. La réflexion mystique qui envahit l’intrigue romanesque, se veut délibérément une quête spirituelle vers la sacralisation d’une confession en proie au fanatisme. Tout comme Tahar Ben Jelloun qui s’est efforcé de condamner l’amalgame entre l’Islam et le fondamentalisme, Abdelwahab Meddeb s’est employé à éradiquer toute conception radicaliste qui tente de stigmatiser l’Islam ou de ligoter la liberté de croyance. Il a bien démontré, à travers ses romans, que l’Islam se déprend de toute forme de rigorisme dans la mesure où il puise sa source dans le Coran et s’appuie sur le dogme du monothéisme absolu. Il en est de même pour Assia Djebar qui confère un statut particulier aux héroïnes de l’Islam par le biais de son écriture hybride. Dans Loin de Médine, l’écrivaine met l’accent sur la revalorisation de la femme musulmane et sa forte contribution à la consolidation du pouvoir du Prophète. Le sacré et le fictionnel s’entremêlent harmonieusement dans le récit maghrébin d’expression française pour inviter le lecteur à réfléchir profondément sur la généalogie de l’Islam.
À cet égard, le concept de l’islamité s’approprie une place centrale dans le roman maghrébin francophone. La pluralité de dogmes et de croyances qui s’infiltrent dans cet espace littéraire dont les arêtes ne peuvent s’émousser, sont considérés comme des données propitiatoires basées sur la binarité du sacré et du non sacré. Loin de jeter une vision rudimentaire sur la présence de l’Islam dans le récit francophone, l’écrivain maghrébin fait volontairement des élans religieux sa propre matière en vue de s’écarter de toute idéologie occidentale sécularisée. Dans la même veine, la quête mystique entreprise par un ensemble d’intellectuels fervents comme Malek Bennabi dans Labbeik, pèlerinage de pauvres (2004), Rabeh Belamri dans Le Soleil sous le tamis (1984), ou Ali Djamel Khodja dans La Mante religieuse (1976), se nourrit essentiellement de la nécessité de prôner une écriture spirituelle qui gagne en qualité. S’avouer obsédés par cette culture religieuse, c’est revenir sur des thèmes poignants comme l’école coranique, la bastonnade, la circoncision, le pèlerinage, le jeûne du ramadhan, la prière ou encore le soufisme qui ne cessent d’enrichir le discours littéraire maghrébin.
L’Islam pénètre aussi dans des œuvres fondatrices comme L’étrave, Voyage à travers l’Islam (2017) de Nabil Farès, Le Chapelet d’ambre (1964) de Ahmed Sefrioui ou Le Village des asphodèles (1970) de Ali Boumahdi qui se revendiquent comme des sources authentiques dont l’objectif principal est d’exalter le sentiment religieux tout en générant une réflexion pluridimensionnelle sur le culte islamique. Psalmodier le Coran, vénérer le Prophète ou invoquer Dieu tout-puissant ne sont autres que des pratiques sacrées auxquelles les écrivains ont consacré leur plume pour porter haut les valeurs de l’Islam, comme l’a bien expliqué Nadjib Redouane dans la citation suivante : « Comme l’Islam fait partie intégrante de la société maghrébine, dès les débuts de l’apparition de la littérature d’expression française issue du Maghreb, la religion s’est trouvée présente dans le texte romanesque, conçue pour certains écrivains comme une forte assise pour l’unité nationale et un ciment important de l’identité arabo-musulmane dans sa lutte contre le colonialisme » (Redouane, 2013 : 40).
Comme lieu de rapprochement de plusieurs confessions, le roman maghrébin exige du récepteur une lecture profonde et initiatique qui permet de déchiffrer la complexité stylistique et thématique.
Le surgissement du religieux et la superposition des figures tutélaires de l’Islam connues sous le nom des « Hommes de la religion » ou « rijâl al-dîn », s’intègrent dans une traversée qui fait voir au lecteur la densité et la richesse langagière des œuvres. En mêlant poésie et prose, l’écrivain maghrébin s’est servi des textes sacrés comme le Coran, la Sunna et la Sira pour retracer la genèse de l’Islam et expliciter son rapport avec d’autres textes divins comme la Bible et la Torah. À cet effet, le style dense et chatoyant adopté par les écrivains pour décrire l’Islam se renforce par cette volonté de sortir l’écriture de sa léthargie séculaire pour s’ouvrir à d’autres horizons. Le romancier maghrébin insuffle donc un dynamisme inouï à l’écriture de l’Islam en explorant savamment les pouvoirs de la littérature. Si les référents religieux foisonnent dans la fiction, c’est pour instituer une interprétation en profondeur des paradigmes de la production littéraire. Les rapports entre le littéraire et le religieux inaugurent consciemment une choralité romanesque significative qui permet d’analyser l’opérativité d’une pensée attentive sur la présence des données sacrées dans le texte littéraire maghrébin de graphie française.
Toutefois, il ne faut perdre de vue que l’Islam a fait l’objet de plusieurs critiques virulentes. En abordant la question de la religion de différentes manières, Driss Chraïbi a retracé l’Histoire sainte de l’Islam au Maghreb dans ses deux romans La Mère du Printemps (1982) et Naissance à l’aube (1986) en s’arrêtant sur la conquête de l’Ifriqiyya par Oqba ibn Nafi et la conquête de l’Andalousie par Tariq Ibn Ziad. Dans un autre roman Le Passé simple (1954), Driss Chraïbi s’est révolté contre « un Islam devenu social » en s’attaquant aux pratiques religieuses ancestrales. Abdelkébir Khatibi qui aborde l’Islam comme un élément essentiel d’une identité mixte et hybride, a craché, dans La Mémoire tatouée (1984), sa colère contre l’ordre religieux établi tout comme Tahar Ben Jelloun qui a subverti la parole de Dieu dans Les Cicatrices du soleil (1972) et Mourad Bourbonne qui a inauguré un discours anti- coran dans Le Muezzin (1968). Si Rachid Boudjedra a dénoncé violemment l’Islam dans son roman La Répudiation (1969) en le considérant comme « un alibi permanent », Kateb Yacine a vivement critiqué dans Nedjma (1956), un Islam patriarcal soumis aux lois draconiennes du colonisateur. Il en résulte donc que les écrivains maghrébins ont des perceptions controversées sur l’Islam qui se développent dans un espace iconoclaste où toute bigotterie est fortement dénoncée.
La foi musulmane s’impose alors comme un sujet épineux qui s’associe à la problématique de la construction de l’identité arabo-musulmane dans une société en pleine tension politique et idéologique. Dans cet ordre d’idées, l’intégrisme religieux qui a frappé l’Algérie dans les années 90 après la défaite du Groupe islamique armé (GIA), a poussé bon nombre d’écrivains comme Yasmina Khadra, Tahar Djaout et Rachid Mimouni, à s’insurger contre toute atteinte portée à l’Islam : « Ainsi, des plumes et des voix ont vivement réagi à travers des écrits qui se réfèrent directement à la nouvelle réalité politique du pays emporté dans le grand délire de la montée des extrémistes. Ceci dit, l’intégrisme apparaît comme paradigme de l’événement et comme thématique d’œuvres littéraires algériennes » (Redouane, 2013 : 41). Il sied d’ajouter que l’escalade des conflits entre les musulmans et les chrétiens qu’a connue le monde après les attentats du 11 septembre 2001, a affûté le roseau d’une cohorte de romanciers comme Aïssa Khelladi dans Rose d’abîme (1998) ou Mourad Djebel dans Les sens interdits (2001) qui se sont indignés sans complaisance contre le rejet de l’Islam. Le sentiment d’hostilité éprouvé contre la communauté musulmane à travers des actes violents et impétueux comme les attentats contre les mosquées, les caricatures du Prophète et la transgression des lois islamiques, émane de la volonté de semer la discorde dans les milieux sociopolitiques et de favoriser le sectarisme. Endiguer les sources de la haine religieuse par le médium de la littérature, c’est éteindre les braises des conflits qui ne cessent de s’enflammer. Dans cette optique, la représentation de l’Islam dans le roman maghrébin francophone ouvre un large champ de réflexion sur comment interpréter l’intégration du religieux dans le récit fictionnel. Question pertinente à laquelle tentera de répondre cet ouvrage collectif afin de mieux expliciter les liens entre littérature et religion.
Afin d’approfondir cette problématique et redéfinir les frontières entre le sacré et le romanesque, plusieurs axes structurant l’ouvrage pourront être approfondis. Ils permettent de forger un regard perçant sur cette articulation significative qui se glisse dans le roman maghrébin francophone en faisant advenir des voix complexes et variées :
- Axe01: L’Histoire de l’Islam dans la fiction littéraire maghrébine.
- Axe02: Coran et pratiques islamiques dans la littérature maghrébine francophone.
- Axe03: Sacralisation et représentations symboliques du Prophète à travers le récit maghrébin. Axe 04 : La représentation de la femme musulmane dans le roman maghrébin.
- Axe 05 : La symbolique des lieux saints de l’Islam dans le roman maghrébin.
- Axe06: L’Islam entre radicalisme et extrémisme religieux dans la littérature maghrébine. Axe 07 : L’islamophobie dans la littérature maghrébine francophone.
- Axe 08 : La critique de l’Islam dans le roman maghrébin.
- Axe 09: Le discours religieux dans le roman maghrébin : entre hybridité romanesque et renouveau esthétique.
- Axe10: La traduction du fait religieux à travers la fiction romanesque maghrébine.
Modalités de soumission
Les propositions d’articles comprenant un résumé de 400 mots, de 4 à 5 références bibliographiques et une brève notice biobibliographique devront être envoyées aux adresses électroniques suivantes
- nour.benderdouch1992@gmail.com
- n.benderdouch@univ-chlef.dz,
avant le 15 novembre 2025
Les articles feront l’objet d’une expertise anonyme.
Calendrier
- Date limite d’envoi des notifications d’acceptation aux auteurs : 20 décembre 2025
- Date limite d’envoi des textes complets : 31 janvier 2026 (entre 30 et 40000 signes espaces compris)
- Retour des évaluations : 01 mars 2026
- Date limite d’envoi des textes pour publication après correction : 01 avril 2026
- Publication de l’ouvrage : Mai 2026
Comité scientifique
- Pre MIMOUMI MESLEM Leila Dounia, Université d’Oran 2. Pre ELBACHIR Hanane, Université d’Oran 2.
- Pre BELKACEM Dalila, Université d’Oran 2.
- Pre LAZREG HAOUAS Kheira Zohra, ENPO Maurice Audin. Pr BENSLIM Abdelkrim, Université d’Ain Témouchent.
- Pre CHAOUI BOUDGUENE BENCHOUK Nadjet, Université de Tlemcen
- Dre ELBACHIR Amel, Université d’Oran 2. Dre GHASSOUL Yasmina, ENS d’Oran.
- Pre BELKACEM Hind, Université de Mostaganem.
- Pr AIT DJIDA Mohand Amokrane, Université de Chlef. Pre MEDANE Hadjira, Université de Chlef.
- Dre RAI Aicha, Université de Chlef.
- Dre HOCINE Naima, Université de Chlef. Dre BENADLA Ilham, Université de Chlef. Pre BOUKHLEF Faiza, Université de Chlef. Dr AFOUNAS Farouk, Université de Chlef.
- Dre CHOUAKRI Meriem, Université de Chlef. Dre CHAAL Houaria, Université de Chlef.
- Dr DJEFFAL Sofiane, Université de Mascara. Dr TALBI Sidi Mohammed, Université de Saida.
- Pre MOUSSEDEK Leila, Université de Mostaganem. Pre AMROUCHE Fouzia, Université de Msila.
- Dre BOUAZZA MERAHIA, Université de Relizane. Pre ACI Ouardia, Université de Blida 2.
Indications bibliographiques
Bahsoun, J. (2013). L’Islam dans les littératures francophones du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient. Paris : L’Harmattan.
Calle-Gruber, M. (2001). Assia Djebar ou la résistance de l’écriture. Regards d’un écrivain d’Algérie. Paris : Maisonneuve et La rose.
Carine, B. (2001). Coran et tradition islamique dans la littérature maghrébine. Paris: Karthala.
Déjeux, J. (1986). Le sentiment religieux dans la littérature maghrébine de langue française. Paris : L’Harmattan : Desplanques, F. (1989). « Islam, Histoire et Poésie dans les derniers romans de Driss Chraïbi ». Cahiers de la Méditerranée, nº 38, pp.69-85.
Khadidja, A. Y. (1993). L’islam en question dans la littérature maghrébine de langue française. Toulouse 2: Doctorat Nouveau Régime.
Nadjib, R. (2013). Les Écrivains maghrébins francophones et l’Islam : Constance dans la diversité. Paris : L’Harmattan.
Subjects
- Religion (Main category)
Places
- Département de langue française - Université Hassiba Ben Bouali de Chlef/Faculté des Langues Etrangères - 66 GR+4W3, N19, Ouled Fares Chlef, Algérie (2000)
Chlef, Algeria (02000)
Date(s)
- Saturday, November 15, 2025
- Saturday, January 31, 2026
Attached files
Keywords
- Islam, roman maghrébin, fiction, fait religieux, islamité, soufisme, identité
Contact(s)
- Nour El Houda BENDERDOUCH
courriel : nour [dot] benderdouch1992 [at] gmail [dot] com
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Information source
- Nour El Houda BENDERDOUCH
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To cite this announcement
« L’Islam dans le roman maghrébin francophone: quel rapport entre la littérature et la religion ? », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, October 09, 2025, https://doi.org/10.58079/14vo2

