HomeMaterial Life of The Displaced : Categories, belongings, solidarities (16th-20th centuries)

Material Life of The Displaced : Categories, belongings, solidarities (16th-20th centuries)

La vie matérielle des déplacés : catégories, appartenances et solidarités (XVIe-XXe siècle)

Revue « Diasporas. Circulations, Migrations, Histoire »

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Published on Tuesday, October 14, 2025

Abstract

This thematic issue of Diasporas. Circulations, Migrations, Histoire. journal invites contributions examining how the material factors shaped the construction of identities, solidarities, and social hierarchies among displaced populations from the sixteenth to the twentieth century. By adopting an approach that encompasses migrants, refugees, and exiles, the issue seeks to explore the role of living conditions, work, housing and consumer practices in decisions regarding departure, settlement, and anchoring, as well as in processes of social mobility and demotion. Studying the history of displaced people through their material lives opens a dialogue on the role of economic factors not only in the categorizations imposed by authorities but also in the processes of self-identification and belonging developed by the displaced themselves.

Announcement

Responsables du numéro

  • Sibylle Fourcaud
  • Isabelle Linais 
  • Abel Solans 

Argumentaire

Nombre de représentations de migrants, de réfugiés ou d’exilés du XVIe au XXe siècles donnent autant d’importance aux déplacés eux-mêmes qu’à leurs biens, leurs moyens de transport ou leurs conditions d’installation. Qu’il s’agisse du dénuement des morisques expulsés d’Espagne entre 1609 et 1614 évoquée chez Don Quichotte, ou des trains chargés des draps et du bétail emportés par des musulmans fuyant l’Inde en 1947, ces éléments matériels incarnent tant des circonstances de départ et d’installation, que des différences locales et nationales, de classe, de génération ou de genre entre les déplacés. Quelle place occupent ces aspects matériels dans le choix de départ, de destination et d’ancrage des déplacés, ainsi que dans leurs décisions économiques ? Dans quelle mesure cette identité matérielle des déplacés est-elle liée aux appartenances qu’ils revendiquent et aux catégorisations dont ils font l’objet ? Comment cette dimension matérielle des appartenances peut-elle entraîner des formes de solidarité, ou de conflit, entre déplacés ou avec les sociétés d’accueil ?

Ces questions invitent à étudier la relation entre déplacement de population et conditions matérielles d’existence à l’époque moderne et contemporaine. Le mobility turn (Roche, 2003) a conduit les historiens à remettre en cause la distinction entre migrants et réfugiés (Elie, 2014). Nous choisissons ici d’employer le terme de « déplacés » au sens large, pour englober tous les types de « mobilités contraintes », définies « comme le résultat d’une contrainte et d’une intentionnalité, d’une agency» (Diaz, 2014). En effet, le schéma classique mettant en avant époque moderne marquée par les migrations religieuses remplacées par les exils politiques à partir de la Révolution Française puis par les migrations économiques au tournant du XXe siècle est désormais nuancé (Bertrand, Brice et Infelise, 2022). Le régime juridique du pays d'arrivée et de départ encadrant la propriété et sa transmission, les réseaux familiaux et marchands ou encore la conjoncture de guerre ou de paix témoignent de l'imbrication des causes et des modalités de déplacement (Diaz, 2014 et 2021; Jansen, 2018).

La remise en cause des distinctions entre migrants, réfugiés ou exilés repose en partie sur le poids du facteur économique dans les contraintes et les choix qui influencent leur parcours. En tant qu’agents économiques mus par des « occasions de migration », les déplacés ne sont pas seulement des détenteurs de capital économique et social (Clancy-Smith, 2010). Historiennes et historiens du travail ont en effet souligné la grande diversité des situations migratoires, selon la classe, le genre, l’âge ou encore la catégorisation raciale (Maitte, 2009 ; Green, 2008). Prenant appui tant sur l’histoire économique des déplacés que sur cette historiographie du travail liant vie matérielle, appartenances et solidarités, ce dossier entend éclairer des formes de mobilité dont la dimension matérielle a jusqu'ici été moins étudiée.

Par vie matérielle, nous entendons les niveaux de vie, le travail, le logement et les pratiques de consommation, à savoir l’alimentation, le vêtement, les objets et les outils (Braudel, 1961). Sous le prisme de l’histoire culturelle, les historiens du déplacement forcé se sont intéressés à la valeur symbolique des choses, elles aussi déplacées (Auslander, 2018; Falcucci, 2024). Cependant, l’appartenance des objets à des sphères distinctes, économiques, culturelles et politiques dépend moins de leur nature propre que des usages qui en sont faits (Lefebvre, 1974; Certeau, 1990). Pour cela, ce dossier invite à s’interroger sur la façon dont les objets prennent part à la construction des stratifications sociales et des hiérarchies, ou des richesses économiques en situation de déplacement.

Étudier l’histoire des déplacés par leur vie matérielle ouvre le dialogue sur le rôle des facteurs économiques dans les processus d’identification et d’appartenance, permettant d’aller au-delà des analyses binaires d’assimilation ou d’entre-soi communautaire pour saisir la complexité et le dynamisme des relations. Associer dans un même dossier les périodes moderne et contemporaine permet également de relativiser le facteur national, dont la construction complexe est certes influencée par les mobilités à partir de la fin du XVIIIe siècle, mais ne doit pas être le prisme dominant d’analyse des déplacements (Sahlins, 2004; Cerutti, 2012; Freist et Lachenicht, 2022; Jansen, 2018). La vie matérielle des déplacés éclaire en effet la superposition d’identités et d’appartenances chez des acteurs traversant les empires et les nations ainsi que la reconfiguration des hiérarchies sociales qui découlent de ces mobilités. Ce dossier ne s’intéresse pas seulement à la manière dont les autorités catégorisent et identifient les déplacés en se fondant sur leur vie matérielle (biens, manières de faire, activité) (Greefs et Winter 2018), mais aussi au rôle de cette vie matérielle dans la formation des identités et des appartenances par les acteurs eux-mêmes. Il convient aussi de tenir compte de la place de la contrainte matérielle dans le succès et l’encadrement des déplacements. En effet, l’attention portée à la vie matérielle, sous l’angle des objets du quotidien ou encore du patrimoine et du logement, du lieu choisi ou imposé de vie, révèle de nombreux cas d’entrave au déplacement (Jordi, 1994 ; Baghdiantz-Maccabe, 2005; Regnard, 2022).

Par ailleurs, écrire une histoire de la vie économique et sociale des mobilités implique d’aborder les logiques de solidarité ou de concurrence se mettant en place entre déplacés – à différentes échelles, du local au transnational – ou entre les déplacés et la société d’accueil (Dalachanis et Turiano, 2023) Or, ces formes d’entraide jouent, à leur tour, un rôle important dans la transformation des conditions de vie des déplacés. C’est le cas d’abord des confréries de dévotion (scuola, tarīqa) et des corporations unissant ou distinguant les étrangers de la société d’accueil (Lale Can, 2020 ; Lanaro, 2008). Plus tard se déploient des associations de migrants établies selon des critères communautaires, religieux, intellectuels ou socio-professionnels ainsi que des réseaux de solidarité locaux et translocaux (Núñez Seixas, 2016 ; Poettering, 2019).

En somme, ce dossier s’appuie sur l’histoire de la vie économique et l’histoire des mobilités pour étudier combien l’entraide, l’appartenance et la catégorisation des déplacés s’articulent avec leur vie matérielle. Le questionnement, portant sur les périodes moderne et contemporaines (XVIe-XXe siècles), peut être mené à différentes échelles de temps et de lieu : de la manière dont le capital économique et social des déplacés structure le cadre de leur déplacement, au devenir de leurs biens après leur mort, en passant par l’activité productive et reproductive des déplacés. La réflexion pourra s’articuler – sans exhaustivité – autour des axes suivants :

  • Quels choix économiques - plus ou moins contraints, planifiés ou improvisés - mettent en œuvre les personnes déplacées, à l’échelle individuelle, familiale, communautaire ? Comment le statut social, le genre, la catégorisation nationale ou raciale, l’âge, le patrimoine et la classe définissent le choix du départ, de la destination et de l’ancrage? Dans quelle mesure ces différents critères peuvent-ils également limiter voire empêcher le déplacement, ou restreindre les espaces et les conditions de déplacement possibles ? Comment les dynamiques de déclassement ou reclassement social qu’entraîne la mobilité modifient-elles les logiques d’appartenance et transforment-elles les liens entre les sociétés d’accueil et les communautés de déplacés ?
  • Comment ces choix économiques faits par les déplacés révèlent-ils des solidarités ? Comment les enjeux matériels structurent-ils des manifestations d’entraide plus ou moins institutionnalisée et à différentes échelles, du local au transnational ? Comment l’incertitude qui caractérise le changement de lieu nourrit-elle des conflits pour l’usage des ressources et définit-elle de nouvelles hiérarchies entre les déplacés et les populations d’accueil, et parmi les déplacés eux-mêmes ?
  • Il convient également de considérer la place que les institutions, étatiques, religieuses ou autres, accordent à la vie matérielle lors de l’accueil des déplacés. Dans quelle mesure des considérations matérielles interviennent-elles dans le refoulement, la réception, la gestion des populations ? Comment ces institutions cherchent-elles à encadrer les biens des déplacés et les rapports ou formes d’association qu’ils entretiennent entre eux ? 
  • Enfin, aborder les mobilités au prisme de la vie matérielle pose inévitablement la question des sources mobilisables. Comment retracer la vie matérielle d’individus ou de groupes d’appartenance, étant donné que leurs déplacements en font souvent disparaître les traces ? Que peut apporter l'étude des objets ou des autres sources non textuelles à l'histoire des déplacés ? De quelle manière l’étude de la matérialité des sources, textuelles ou visuelles, permet-elle d’apporter un nouveau regard sur le déplacement et la vie matérielle concrète des déplacés (Canepari et Regnard 2018, Kunth 2023) ?

Modalités de contribution

Les auteur.ices sont invité.es à envoyer une proposition de contribution (environ 600 mots), en précisant leur affiliation universitaire, avant le 30 novembre 2025, aux trois responsables du numéro : Sibylle Fourcaud (sibylle.fourcaud@sciencespo.fr), Isabelle Linais (isabelle.linais@sciencespo.fr) et Abel Solans (abel.solans@sciencespo.fr) indiquant en objet « Numéro thématique Diasporas ».

Celles et ceux dont la proposition aura été retenue par le comité de rédaction seront invité.es à soumettre un article complet pour le 1er mai 2026.

Les textes peuvent être soumis et publiés en français ou en anglais.

Veuillez vérifier les critères de rédaction de la revue Diasporas. Circulations, Migrations, Histoire.

Politique d'évaluation

Procédure d'évaluation : évaluation en double aveugle

Délai moyen entre soumission et publication : 26 semaines


Date(s)

  • Sunday, November 30, 2025

Keywords

  • mobilité, déplacé, réfugié, migration, appartenance, catégorie, espace social, culture matérielle, matérialité, solidarités, association, empire

Contact(s)

  • Isabelle Linais
    courriel : isabelle [dot] linais [at] sciencespo [dot] fr
  • Sibylle Fourcaud
    courriel : sibylle [dot] fourcaud [at] sciencespo [dot] fr

Information source

  • Abel Solans
    courriel : abel [dot] solans [at] sciencespo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Material Life of The Displaced : Categories, belongings, solidarities (16th-20th centuries) », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, October 14, 2025, https://doi.org/10.58079/14xyl

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