HomePorts et territoires méditeranéens : circulation des biens culturels, constititions des collections extra-européennes (XVIIe-XXie s).
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Published on Monday, October 13, 2025

Abstract

Ce colloque propose d’analyser la constitution des collections publiques et privées des biens culturels extra-européens autour du bassin méditerranéen. Depuis l’Antiquité, et jusqu’au monde contemporain, la Méditerranée demeure un carrefour stratégique de la circulation des biens, des personnes et des idées, un « espace-mouvement » comme l’a défini Fernand Braudel. Les villes ports (Marseille, Toulon, Gênes, Barcelone…) constituent les plaques tournantes pour l’arrivée des objets et leur diffusion auprès des marchands, avant leur « mise en collection », voir leur patrimonialisation dans les institutions.

Announcement

Présentation

Les communications s’articuleront autour de trois axes :

  1. Ports et territoires méditerranéens : au croisement des mouvements commerciaux, économiques et culturels
  2. Typologie des biens culturels : matérialité et immatérialité
  3. Constitution des collections publiques et privées

La Méditerranée comme plaque tournante historique

La position géographique privilégiée de la Méditerranée en a fait un lieu d’échanges culturels interrompus qui perdure jusqu’à l’époque contemporaine. Cette mer intérieure Mare Nostrum permis la rencontre entre l’Europe, l’Afrique, l’Océanie et l’Asie, facilitant ainsi l’introduction d’artefacts provenant de cultures lointaines vers les collections européennes. Les ports ont servi de points d’entrée privilégiés pour les objets des territoires lointains, hébergé des infrastructures commerciales et des réseaux de marchands spécialisés. Cette circulation a permis de développer des expertises spécifiques dans l’identification et l’évaluation des biens culturels, et la diffusion de ces objets vers l’arrière-pays et le reste de l’Europe. L’évolution des modes d’occupation des littoraux dès le XVIIIe siècle permet d’élargir le sujet au contexte de la villégiature, et plus tardivement du tourisme.

Ainsi, il convient d’analyser le réseau marchand des biens culturels qui révèle une organisation comprenant :

  • Des commerçants spécialisés établis dans les villes portuaires
  • Des intermédiaires reliant les sources d’approvisionnement aux marchés européens
  • Des collectionneurs privés et des institutions publiques comme clients
  • Des circuits de valorisation et d’authentification des objets

La dimension culturelle et politique des collections

La constitution de ces collections ne répond pas uniquement à des logiques marchandes, mais s’inscrit également dans des dynamiques culturelles et politiques :

  • Affirmation de prestige et de pouvoir par la possession d’objets rares et exotiques
  • Construction de savoirs sur les cultures lointaines
  • Établissement de relations diplomatiques et commerciales avec les territoires d’origine
  • Expression d’une curiosité intellectuelle pour l’altérité culturelle

La compréhension de ces mécanismes de circulation et d’acquisition permet d’éclairer non seulement l’histoire des collections elles-mêmes, mais aussi les relations complexes entre l’Europe et le reste du monde à travers les siècles, relations dont la Méditerranée a été le théâtre privilégié.

Typologie des biens culturels : matérialité et immatérialité

Les biens culturels extra-européens peuvent être catégorisés selon plusieurs critères distincts : leurs fonctions originelles pour les objets rituels et religieux (masques africains, statues bouddhiques), les objets utilitaires (poteries amérindiennes, textiles asiatiques), ou encore les objets de prestige (parures océaniennes, mobilier impérial chinois). Les lacunes archivistiques constituent un défi majeur dans leur étude - nombreux sont les objets sans provenance précise ni documentation, particulièrement pour les acquisitions en contexte colonial. Ainsi, pourront être abordés les objets collectés lors d’expéditions scientifiques, les acquisitions commerciales, prises de guerre ou appropriations coloniales - cette dernière catégorie soulevant aujourd’hui d’importantes questions de restitution.

De plus, l’évolution du goût occidental a profondément influencé leur valorisation avec des procédés d’« artification (Nathalie Heinich) : considérés comme de simples « curiosités », puis comme objets « primitifs » au début du XXe siècle, ils ont acquis le statut d’œuvres d’art. La matérialité spécifique de certains biens, comme les manuscrits enluminés persans ou les codex mésoaméricains ainsi que les armes, nécessite des approches particulières. Enfin, la dimension immatérielle doit également être prise en compte : pigments traditionnels, échantillons botaniques utilisés dans les rituels, ou techniques artisanales et savoir-faire, constituant un patrimoine culturel dont l’étude exige des approches novatrices allant au-delà de la simple conservation matérielle.

La constitution des collections d’objets extra-européens

Les collections publiques et privées d’objets extra-européens se sont considérablement développées au début du XXe siècle, période charnière qui a vu l’émergence d’un véritable marché de l’art dédié à ces objets longtemps marginalisés dans l’historiographie occidentale.

Le début du XXe siècle marque un tournant décisif dans la perception des objets extra- européens. L’influence des avant-gardes artistiques, notamment le cubisme et le fauvisme, a transformé le regard occidental sur ces objets, passant du statut d’artefacts ethnographiques à celui d’œuvres. Des marchands visionnaires, comme Paul Guillaume et Charles Ratton à Paris, ont joué un rôle fondamental dans la création de ce nouveau marché, organisant les premières ventes spécialisées et expositions commerciales d’art africain, amérindien et océanien.

Les collectionneurs de cette période présentent des profils variés. On trouve d’abord des artistes comme Pablo Picasso, André Derain ou Henri Matisse, cherchant dans ces objets une source d’inspiration esthétique. Viennent ensuite les intellectuels et écrivains comme Guillaume

Apollinaire ou André Breton, attirés par leur dimension spirituelle et leur puissance expressive.

Enfin, de riches industriels et financiers occidentaux, tel Jacques Doucet ou Albert Barnes, commencent à intégrer ces pièces dans leurs collections éclectiques.

Les motivations de ces collectionneurs oscillent entre fascination esthétique, investissement spéculatif, prestige social et parfois réelle empathie anthropologique. Cette diversité de profils a contribué à façonner des collections aux caractéristiques distinctes, certaines privilégiant la qualité esthétique, d’autres la représentativité culturelle ou l’authenticité.

Les processus de patrimonialisation

La transformation du statut de ces objets s’est opérée à travers plusieurs étapes de patrimonialisation. D’abord collectés comme curiosités exotiques ou preuves matérielles de « cultures primitives », ces objets ont progressivement acquis une légitimité artistique et culturelle. Ce processus s’est cristallisé dans la création d’institutions muséales spécialisées, comme le musée de l’Homme à Paris (1937) ou, plus récemment, le musée du Quai Branly-Jacques Chirac (2006).

Cette patrimonialisation institutionnelle s’est accompagnée d’un travail scientifique d’inventaire, de documentation et de conservation, transformant des collections souvent constituées de manière opportuniste en ensembles cohérents et représentatifs.

Évolution des stratégies de mise en exposition

Il conviendrait également d’analyser l’évolution des modalités d’exposition de ces objets. Les présentations initiales, inspirées des cabinets de curiosités ou organisées selon des taxonomies évolutionnistes, ont cédé la place à des approches plus contextualisées dans les musées ethnographiques, puis à des présentations esthétisantes privilégiant la contemplation formelle dans les musées d’art.

Programme

Mercredi 22 octobre 2025

13h45 Accueil des participantes et participants

14h15 Ouverture et introduction

Session 1 : Typologie des biens culturels : matérialité et immatérialité

Présidente de séance : Claire Bosc-Tiessé, Directrice de recherche au CNRS, Directrice d’études, EHESS - IMAF

14h30-16h

  • Typologiser l’artisanat de l’AOF aux expositions coloniales de Marseille : entre mise en scène impériale et reconnaissance des savoir-faire - Julie Rateau-Holbach, Doctorante, Aix-Marseille Université, TELEMMe - CNRS
  • Entre port et empire : Récits d’absence dans les collections du Musée colonial de Marseille au tournant du XXe siècle - María José Jarrín, Postdoctorante, réseau GlobalMed – Aix-Marseille Université, MMSH UAR 3125
  • Produire des représentations par et pour la colonie : La Côte d’Ivoire à l’exposition coloniale de Marseille de 1922 - Justine Soistier, Doctorante EHESS - IMAF

16h-16h30 Questions

16h30-17h Pause

17h-18h

  • Mède Mi Wá (Nous sommes des humains), Hounsou, chanteur. - Un tirailleur dans les archives sonores de l’exposition coloniale de 1931

Projet de recherche-création, présenté sous la forme d’une conférence musicale portée par Cécile Van Den Avenne, Sociolinguiste et Directrice d’études à l’EHESS, et Yéwhé Yeton, Artiste musicien rappeur slameur percussionniste, Président et Directeur exécutif Atche Binon Art&Culture

  • Accès libre - Nombre de places limité

Jeudi 23 octobre 2025

9h00 Accueil-café

Session 2 : Ports et territoires méditerranéens : au croisement des mouvements commerciaux, économiques et culturels

Président de séance : Philippe Peltier, Conservateur général honoraire, musée du quai Branly - Jacques Chirac

9h30-11h

  • Toulon, carrefour des collections océaniennes en France dans la première moitié du XIXe siècle - Stéphanie Leclerc-Caffarel, Responsable de collections Océanie, musée du quai Branly-Jacques Chirac
  • Aden-Marseille, villes-ports : commerce et antiquités - Ann Blanchet, Conservatrice, Responsable du service des collections, musées de Marseille
  • Cap sur Marseille : le rôle du port de Beyrouth dans la circulation des antiquités orientales au XXe siècle - Anne-Lise Guigues, Chargée de mission au département des Antiquités orientales, musée du Louvre

11h-11h15 Questions

11h15-11h30 Pause

11h30-12h10

  • La collection ethnographique du Nil Blanc du consul Pacifique-Henri Delaporte - Frédérique Servain‑Riviale, Chargée de documentation des collections, musée du quai Branly - Jacques Chirac
  • Routes maritimes et butins impériaux : le parcours d’objets chinois vers le musée de l’Armée - Paul Minvielle‑Le Blant, Chargé de récolement, musée national de la Marine

12h10-12h30 Questions

12h30-14h30 Pause déjeuner

14h30-16h30 Balade urbaine - Visite guidée - Atelier

  • Nombre de places limité
  • Uniquement sur inscription : exocmed@gmail.com

Balade urbaine : « Marseille, Métropole d’empire ». Découvrez les empreintes coloniales de Marseille à travers un parcours urbain documenté par l’association ANCRAGES - 14h : Point de départ devant la grille du Centre de la Vieille Charité Durée : 2h – Chaussures appropriées recommandées pour votre confort

Visite guidée : « Les collections extra-occidentales à l’aune des questionnements contemporains. L’exemple du Musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens » - 14h ou 14h30 ou 15h15 : Point de départ – MAAOA, 2e étage du Centre de la Vieille Charité

  • Durée : 1h15
  • Atelier : « Être en collections ». Réflexion participative sur la manière de repenser la présence muséale des collections extra-occidentales - 15h : Documentation du MAAOA, 2e étage du Centre de la Vieille Charité Durée : 1h30

17h-18h30

Adroites

Une statue coloniale a disparu… tandis que les médias et les institutions sont en émoi, les langues se délient dans les fauteuils d’un salon de coiffure imaginaire.

Ce roman-photo, performé et mis en débat dans le cadre du colloque, a été pensé comme acte de résistance au silence et trace d’une réparation. Il est basé sur des entretiens de 2021, avec une dizaine d’afro-descendants dans les salons de coiffure africains du quartier Noailles (Marseille).

  • Marie-Rose Frigière, Artiste, Amélie Laval, Photo-romancière,
  • Stéphanie Njoh, lectrice-traductrice

Accès libre - Nombre de places limité

Vendredi 24 octobre 2025

9h-9h30 Accueil-café

Session 3 : Constitution des collections publiques et privées

Présidente de séance : Théano Jaillet, Conservatrice, musées de Cannes

9h30-10h50

  • La collection Gower et l’Orient au musée des Beaux-arts de Nîmes - Pascal Trarieux, Conservateur honoraire, musée des Beaux-arts de Nîmes
  • Joseph Laugier, un conservateur et numismate à la découverte des monnaies japonaises (seconde moitié du XIXe siècle) - Sylvain Borzillo, Conservateur du Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille, Archives Municipales de Marseille
  • Un discret patrimoine immatériel. La cochenille mexicaine, précieux objet de convoitise des Européens (XVIe-XIXe s) - Gilbert Buti, Professeur émérite d’histoire, Aix-Marseille Université, MMSH - TELEMMe - CNRS

10h50-11h Échanges avec la salle

11h-11h15 Pause

11h15-12h

  • Table-ronde « Collections et collectionneurs d’objets extra-européens en Méditerranée. Un état des lieux », présentation du réseau

Modérateurs

  • Nathalie Bertrand, Maîtresse de conférences, Aix-Marseille Université - TELEMMe – CNRS
  • Sarah Lestruhaut, Directrice du musée Calvet, Avignon Musées
  • Benoît Martin, Directeur du MAAOA, Musées de Marseille

12h-12h15

  • Conclusion - Nathalie Bertrand, Maîtresse de conférences, Aix-Marseille Université - TELEMMe - CNRS, Sarah Lestruhaut, Directrice du musée Calvet, Avignon Musées, Benoît Martin, Directeur du MAAOA, Musées de Marseille

Comité Scientifique

  • Nathalie Bertrand, Aix-Marseille Université - TELEMMe – CNRS
  • Claire Bosc-Tiessé, CNRS -EHESS - IMAF
  • Lucie Chopard, Laboratoire SAprat (EPHE-PSL)
  • Théano Jaillet, musées de Cannes
  • Sarah Lestruhaut, musée Calvet, Avignon Musées
  • Philippe Peltier, Conservateur honoraire, musée du quai Branly - Jacques Chirac Benoit Martin, MAAOA, musées de Marseille

Comité d’organisation

  • Delphine Cavallo, Aix-Marseille Université - TELEMMe – CNRS
  • Caroline Chagniot, Aix-Marseille Université - TELEMMe – CNRS
  • Agnès Rabion, Aix-Marseille Université - TELEMMe – CNRS
  • Sophie Deshayes, musées de Marseille

Informations utiles

Suivez le colloque en direct sur la chaîne des musées Marseille : http://www.youtube.com/@museesdemarseille3295

Contact

  • exocmed@gmail.com

Places

  • Salle du Miroir - MAAOA Centre de la Vieille Charité
    Marseille, France (13002)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Wednesday, October 22, 2025
  • Thursday, October 23, 2025
  • Friday, October 24, 2025

Keywords

  • méditerranée, collections, collectionneur, objets extra-européens, circulation

Contact(s)

  • Benoit Martin
    courriel : exocmed [at] gmail [dot] com

Reference Urls

Information source

  • Nathalie Bertrand
    courriel : nathalie [dot] bertrand [at] univ-amu [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Ports et territoires méditeranéens : circulation des biens culturels, constititions des collections extra-européennes (XVIIe-XXie s). », Conference, symposium, Calenda, Published on Monday, October 13, 2025, https://doi.org/10.58079/14xvx

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