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Transformations numériques et recompositions politiques au Sénégal.

Neuvièmes rencontres des études africaines de France (REAF)

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Published on Wednesday, October 22, 2025

Abstract

Ce panel des neuvièmes rencontres des études africaines de France (REAF) entend questionner les conséquences sociopolitiques de la transformation numérique de l’espace médiatique. Les contributions que nous attendons doivent questionner les incidences concrètes de ces mutations sur la qualité de l’information, sur la vitalité démocratique, le droit à l’information, la liberté d’expression, les mécanismes qui permettent aux journalistes de produire de façon endogène des informations, les logiques d’adaptation développées par les journalistes adaptation et ce qu’elles font à l’accès des citoyens à une information fiable, et la place des activistes dans cette nouvelle configuration. 

Announcement

Panel organisé aux rencontres des études africaines de France (29 juin-2 juillet 2025) à Paris 

Coordination

Mame Yacine Diagne (CESTI-UCAD) et Saliou Ngom (IFAN).

Argumentaire

Dans la littérature, les médias numériques sont souvent présentés comme vecteur d’un renouveau de la citoyenneté (Flichy, 2010 ; Greffet, Wojcik, 2014) et un « canal d’expression civique » (Vedel, 2003, p.81). En donnant la parole aux catégories qui étaient exclues, ils bousculent les règles de participation politique formelles et informelles réputées garantes de l’ordre public (Arsène, 2013). Les dynamiques participatives et expressives qu’ils initient se traduisent par des modes d’engagement distancié (Granjon, 2001) qui reconfigurent l’espace public à travers différentes logiques de « webactivisme » (Bouille, Robert-Demontrond, 2015) et de militantisme numérique (Greffet, 2016 ; Bergami, Barbosa, 2017).

Dans le contexte sénégalais, ces transformations bouleversent les canaux habituels de participation ainsi que la construction du pouvoir politique : l’émergence de nouvelles catégories d’activistes politiques bouleverse la construction élitiste du pouvoir politique, qui était déjà challengée par la « y en a marrisation ».1 Ces transformations politiques et numériques bousculent le champ journalistique qui est traditionnellement considéré dans les démocraties contemporaines comme un espace par excellence de production, de diffusion et de circulation de l’information : l’émergence d’acteurs non-professionnels dans le champ de l’information (blogueurs, influenceurs, activistes numériques) vient bouleverser les frontières traditionnelles du journalisme, en contestant l’hégémonie des journalistes professionnels.

Dans un contexte de « désintermédiation » médiatique favorisé par le développement d’Internet, cette dynamique trouve un écho particulier dans le contexte sénégalais où de nouvelles organisations politiques, tel que le parti les Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l'Éthique et la Fraternité (PASTEF) ou des mouvements conservateurs comme « And Samm jiko yi » ou « nitu degg » ont investi les espaces numériques (Ngom et Niang 2024), contribuant à reconfigurer les rapports de confiance entre les publics et les médias. Ces bouleversements, qui ne concernent pas que le Sénégal, occasionnent une redéfinition des légitimités dans l’espace public (Papacharissi, 2010 ; Blondiaux, 2008). À travers les réseaux sociaux, ces acteurs élargissent le spectre des analyses politiques, souvent en rupture avec les grilles de lecture traditionnelles. Ainsi se renforce l’idée que la compréhension des enjeux publics est une compétence distribuée, socialement partagée, et non plus réservée à une élite institutionnelle (Dahlgren, 2009 ; Dominique Cardon, 2019).

De ce fait, cette nouvelle configuration médiatique a entraîné une collision constante entre le journalisme traditionnel, le médiactivisme, les milieux conservateurs et certains partis politiques dans un espace où les normes de production, de vérification et de diffusion de l’information divergent profondément. Les principes journalistiques traditionnels, tels que l’objectivité, la hiérarchisation de l’information et la séparation des faits et des opinions, sont aujourd’hui largement remis en question. Le numérique favorise l’émergence de nouvelles pratiques informationnelles. Ces dernières sont souvent caractérisées par les tendances à la désinformation et sont généralement fondées sur l’urgence, l’émotion, l’engagement politique et la viralité, qui sont propres aux logiques des réseaux sociaux.

Ces nouvelles formes d’engagement informationnel et les transformations politiques qu’elles occasionnent au Sénégal, brouillent la ligne qui sépare le journalisme du militantisme et de l’activisme, et redéfinissent ainsi, les limites de l’autorité médiatique.

Le développement rapide des technologies de l’information et de la communication (TIC), conjugué à la généralisation de l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, a largement contribué à bouleverser le paysage médiatique sénégalais. L’un des effets de cette mutation est l’érosion du monopole du journaliste dans la production et la diffusion de l’information, ainsi que l’émergence de multiples acteurs non professionnels revendiquant le droit à s’exprimer publiquement sur le plan politique. Ils redéfinissent dès lors, les contours de la médiation journalistique.

Ces transformations ne sont pas sans impact sur les équilibres démocratiques : la propagation de fausses informations, l’émergence de contenus trompeurs et manipulatoires exacerbée par l’usage de l’IA générative, l’utilisation abusive des données personnelles, ainsi que la surveillance et la censure sur Internet compliquent le travail des journalistes. Cette question est davantage d’actualité, si l’on se réfère aux nombreux cas d’agression, de censure et d’autocensure dont des journalistes ont été victimes au Sénégal ces dernières années.

Dans ce contexte de bouleversements profonds, ce panel entend questionner les conséquences sociopolitiques de la numérisation de l’espace médiatique. Les contributions que nous attendons doivent questionner les incidences concrètes de ces mutations sur la qualité de l’information, sur la vitalité démocratique, le droit à l’information, la liberté d’expression, les mécanismes qui permettent aux journalistes de produire de façon endogène des informations, les logiques d’adaptation développées par les journalistes adaptation et ce qu’elles font à l’accès des citoyens à une information fiable, et la place des activistes dans cette nouvelle configuration. Ils peuvent également interroger comment ces logiques favorisent l’émergence d’un populisme numérique et de mouvements conservateurs, et renforcent la bipolarisation des champs politique et médiatique (système et antisystème) au Sénégal.

Modalités de soumission 

Les contributions (500 mots, comportant le titre, l’affiliation et le résumé) sont à soumettre avant le 10 novembre 2025 aux coordonnateurs : Yacine Diagne (Yacine12.diagne@ucad.edu.sn) et Saliou Ngom (Saliou17.ngom@ucad.edu.sn).

Note

1 Concept utilisé par Cheikh Abdoulaye Niang et Saliou Ngom pour traduire l’affaiblissement de l’hégémonie politique des intellectuels au profit de catégories plus wolofones.

Subjects

Places

  • Campus Condorcet
    Aubervilliers, France (93)

Date(s)

  • Monday, November 10, 2025

Keywords

  • transformation numérique, média, Sénégal, politique, populisme numérique

Contact(s)

  • Yacine Diagne
    courriel : Yacine12 [dot] diagne [at] ucad [dot] edu [dot] sn

Information source

  • Saliou Ngom
    courriel : saliou17 [dot] ngom [at] ucad [dot] edu [dot] sn

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Transformations numériques et recompositions politiques au Sénégal. », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 22, 2025, https://doi.org/10.58079/150c0

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