Le musée national de la Marine consacre sa 11^e journée d’étude aux carnets de voyage. Le monde maritime entretient en effet un lien privilégié avec le carnet de voyage. Un des enjeux de cette journée sera justement de tenter d’en définir les contours. Nous ne nous limiterons pas au seul horizon maritime, au contraire. Il s’agira aussi de pouvoir les faire entrer en résonnance avec d’autres collections et d’autres usages à travers l’histoire, jusqu’à aujourd’hui.

Présentation

Le musée national de la Marine consacre sa 11^e journée d’étude aux carnets de voyage. Le monde maritime entretient en effet un lien privilégié avec le carnet de voyage. Qu’il s’agisse de peintres de la Marine, d’officiers formés au dessin, ou de savants voyageurs embarqués à travers le monde, de nombreux navigateurs ont laissé un témoignage écrit et illustré de ce qu’ils ont vu au cours de leur périple. Le musée conserve quelques carnets dans ses collections patrimoniales, assez peu étudiés jusqu’à maintenant. Un des enjeux de cette journée sera justement de tenter d’en définir les contours. Nous ne nous limiterons pas au seul horizon maritime, au contraire. Il s’agira aussi de pouvoir les faire entrer en résonnance avec d’autres collections et d’autres usages à travers l’histoire, jusqu’à aujourd’hui.

De format hybride, à la croisée de différentes techniques (écrits, dessins, collages etc.) et typologies (est-ce une œuvre ? est-ce une archive ?), hérité de pratiques artistiques et ethnographiques, le carnet de voyage est un objet difficile à classer. Palimpseste de l’artiste, laboratoire du chercheur explorateur, il témoigne d’un regard singulier : que retiennent, notent, illustrent ces voyageurs loin de chez eux ? Pour quels usages et postérité ? Et au-delà de la subjectivité dont il est la trace, que dit un carnet de voyage d’une époque, d’un imaginaire collectif, de la construction d’un savoir ?

Plusieurs axes seront explorés lors de cette journée :

• Le carnet de voyage comme document scientifique et archive historique
• Le carnet de voyage comme témoignage d’une pratique artistique
• Sa matérialité (restauration, valorisation)
• Son actualité

Journée coordonnée par Clémence Laurent, chargé des collections arts graphiques, musée national de la Marine.

Programme

9h30 : Mot d’accueil et introduction

• Louis Contant (cheffe du département des collections et de la recherche, musée national de la Marine), Éric Rieth (directeur de recherche émérite au CNRS, membre de l’Académie de marine, conseiller recherche au musée national de la Marine)

9h40-10h20 : Les carnets de voyage au musée national de la Marine, panorama et perspectives

• Clémence Laurent (chargée de collections, musée national de la Marine), Léa Surrel (cheffe du service des Ressources documentaires, musée national de la Marine)

Le monde maritime entretient un lien privilégié avec le carnet de voyage. Qu’il s’agisse de peintres de la Marine, d’officiers formés au dessin, ou de savants voyageurs embarqués lors d’expéditions à travers le monde, de nombreux navigateurs ont laissé un témoignage écrit et illustré de ce qu’ils ont vu au cours de leur périple. Le musée conserve quelques carnets dans ses collections patrimoniales d’artiste renommés (ex : Paul Signac, Charles Fouqueray) ou d’officiers, plus ou moins connus, livrant un témoignage sensible de leurs embarquements au long cours (ex : le Prince de Joinville, François-Edmond Pâris, Edouard Hardy). Fonds assez peu étudié jusqu’à maintenant, un des enjeux de cette intervention sera justement de tenter d’en définir les contours.

Temps 1 : Le carnet de voyage comme document scientifique et archive historique

10h20-10h50 : Consigner, renseigner, photographier : le carnet de voyage à l’épreuve du militaire (1880-1910)

• Lucie Moriceau-Chastagner (Responsable des collections photographiques, Adjointe à la cheffe du département beaux-arts et patrimoine, musée de l’Armée)

En lien avec la préparation de l’exposition « Les explorations militaires françaises : sciences et pouvoirs (XVIII^e-XXI^e siècle)" |titre de travail] organisée par le musée de l’Armée en avril 2026, la communication présentera, au travers d’exemples d’archives et de photographies, les permanences et les spécificités du « carnet de voyage » réalisé par des militaires missionnés à l’étranger, notamment dans le contexte de l’expansion coloniale française. De la Chine à l’Afrique, du mémoire de renseignement au journal intime de l’expérience du voyage, des chroniques du quotidien à l’observation de coutumes, plusieurs parcours d’officiers seront ainsi mis en lumière pour cerner les rôles et les objectifs de cette pratique du récit, en mot et en image, héritiers d’une tradition institutionnelle pluriséculaire.

10h50-11h20 : François-Edmond Pâris, (1806-1893), marin, savant, conservateur du musée naval du Louvre, peintre et auteur de « carnets de voyage »

• Éric Rieth (directeur de recherche émérite au CNRS, membre de l’Académie de marine, conseiller recherche au musée national de la Marine)

François-Edmond Pâris a été un marin dont la carrière, achevée comme vice-amiral, a été partagée entre de nombreux embarquements, divers commandements à la mer, différents postes à terre. C’est durant sa participation à trois campagnes d’exploration autour du monde entre 1826 et 1840 qu’il effectua de nombreux relevés architecturaux d’embarcations extra-européennes complétés par des observations sur leur contexte géo-historique d’emploi Les enquêtes de Pâris aboutirent à l’émergence d’une nouvelle discipline, l’ethnographie nautique. Retiré du service actif de la marine en 1871, il fût nommé conservateur du musée Naval du Louvre. Dès sa jeunesse, Pâris, favorisé par un talent artistique certain, ne cessa de dessiner et de peindre. Au cours de sa deuxième campagne de circumnavigation à bord de la Favorite (1829-1840) comme hydrographe, il réalisa lors des escales plus d’une centaine de dessins aquarellés mettant en scène des embarcations extra-européennes dont il avait réalisé les plans. Ces dessins aquarellés rassemblés à l’origine dans un album s’apparentent à un authentique « carnet de voyage » mais inscrit dans le cadre d’un projet scientifique. C’est cette relation entre art et science qui sera au centre de la communication.

11h20 : pause

11h25-11h55 : L’exemple d’Edouard Mérite, un artiste au plus près d’expéditions scientifiques

• Claire Le Borgne (Adjointe à la cheffe du service Accueil, médiation et valorisation, Direction des bibliothèques et de la documentation, Muséum national d’histoire naturelle)

Edouard Merite (1867-1941), maître de dessin au Muséum de 1924 à 1936, mais aussi fin collectionneur en matière d’ethnographie cynégétique et surtout de piégeage, a accompagné plusieurs expéditions. Attaché comme artiste à la Mission scientifique du général de Trentinian en 1898-99, il se rendit au Soudan, Haut-Sénégal et Niger, dont il rapporta dessins et esquisses. Il accompagna également le duc d’Orléans à bord de la Belgica, en 1905 et 1909, à l’occasion de deux expéditions polaires. On conserve au Muséum trois carnets de dessins réalisés lors de ces expéditions, ainsi qu’une gouache sur carton et deux peintures à l’huile sur toile réalisées sur place. Le carnet de croquis n’est qu’un élément de la pratique artistique de Mérite lors de ces expéditions mais l’intervention se centrera sur eux principalement.

Temps 2 : Le carnet de voyage comme témoignage d’une pratique artistique

11h55-12h25 : Carnets de voyage : le cas Loti

• Alain Quelle-Villéger (Historien), Charlotte Draché (Administratrice du musée national de la Marine – sites de Rochefort)

Pierre Loti, autrement dit l’officier de Marine Julien Viaud (1850-1923), a commencé sa carrière littéraire comme reporter. Le succès de ses romans a fait oublier qu’ils sont minoritaires dans une œuvre largement dominée par des récits de voyage. Ses premiers droits d’auteur (anonyme) associent écrits et dessins, parus sous forme de gravures dans L’Illustration ou Le Monde illustré durant les années 1870. Il fut excellent photographe, aussi (mais sans publier ses clichés). S’il n’a pas signé de carnets de voyage au sens le plus strict, tout dans sa vie et son œuvre, de son journal intime à ses journaux de bord, y répond. Sa maison de Rochefort n’est-elle pas elle-même un carnet de voyage en 3D.

Le musée national de la Marine s’est aussi intéressé à cette figure, à travers des expositions sur ses sites de Rochefort et un regard renouvelé sur ses collections.

12h30-14h : pause déjeuner

14h00-14h30 : Les carnets de voyage des peintres en Orient (XIX^e siècle)

• Christine Peltre (Professeur émérite en Histoire de l’art contemporain, Université de Strasbourg)

Si les études sur l’orientalisme artistique prennent leur essor autour de 1930, l’attention prêtée aux carnets est plus récente. Pour la France, l’exposition du musée du Louvre Souvenirs de voyage (1992) marque une date comme celle consacrée à Delacroix à l’Institut du Monde Arabe en 1995, le Voyage au Maroc, qui a révélé aux côtés des peintures le relief des albums. Dans l’histoire du voyage qui ne cesse de s’écrire avec ces nouvelles sources, on peut établir l’existence de modes différents selon l’engagement des artistes dans une mission ou la libre décision d’un voyage de peintre. Cette distinction n’interdit pas cependant d’isoler quelques aspects fédérateurs, recueillis dans les dessins mais aussi dans les mots qui les accompagnent. L’émerveillement des découvertes, le plaisir du travail hors de l’atelier, l’opportunité de découvrir des « tableaux tout faits », le rêve sur le motif d’œuvres futures. Ces sensations coexistent avec d’autres plus sombres comme la complexité des conditions de travail ; les difficultés de représentation engendrées par d’autres reliefs et d’autres climats ; la difficulté de trouver des modèles en pays musulman, mais aussi la conscience d’une connaissance insuffisante d’autres cultures.

14h30-15h : Les Peintres Officiels de la Marine, histoire et actualités d’un corps artistique

• Jacques Rohaut (Peintre Officiel de la Marine, Président de l’Association des Peintres Officiels de la Marine, Membre de l’Académie de marine), Anne Smith (Peintre Officielle de la Marine)

Les Peintres officiels de la Marine (POM) constituent l’un des corps artistiques les plus anciens. Si le statut n’existe officiellement que depuis 1830, de nombreux peintres et dessinateurs accompagnèrent les expéditions militaires ou les missions de découverte dès le XVI^e siècle. Car telle était la vocation essentielle des peintres de la Marine : participer aux opérations navales, aux missions de découverte, en garder mémoire et porter témoignage des terres, que ce soient les paysages ou les profils de côte, des hommes, de la faune ou de la flore par des peintures, des dessins, des gravures. Les récits seuls étaient en effet loin de pouvoir restituer avec précision ce que les marins et les découvreurs voyaient. Cette vocation perdure aujourd’hui, et le carnet de voyage est, pour certains POM, un moyen d’expression privilégié.

Temps 3 : le carnet de voyage dans les collections patrimoniales, conservation et valorisation

15h00-15h30 : La collection des carnets de voyage au département Estampes et photographie de la Bibliothèque nationale de France

• Pauline Chougnet (Conservateur du patrimoine, Chargée des collections de dessins au département des Estampes et photographie, Bibliothèque nationale de France)

Le département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France conserve une importante collection de carnets de voyage, utilisés par des artistes du XVIᵉ siècle à nos jours, parmi lesquels Girodet, Degas ou Hélion. Certains témoignent d’expéditions lointaines et, plus rarement, maritimes, comme celles vécues par Meryon. Leur conservation pose la question de la distinction entre carnet et album, certains ayant été recomposés ou reliés a posteriori. L’histoire des collections met également en lumière la porosité entre les sections « voyages » et « topographie », où certains ensembles, tel celui d’Eugène Gallois, ont pu être dispersés. Les pratiques de restauration et de reliure invitent à réfléchir à la fois au respect de l’objet d’origine et à la préservation des dessins qu’il renferme. On interrogera aussi la question de leur valorisation qui repose aujourd’hui sur le signalement, la numérisation et les expositions.

15h30-16h : Restaurer un carnet

• Coralie Barbe (conservateur-restaurateur du patrimoine)

Comme tout autre bien culturel, le carnet présente des spécificités qu’il convient d’interroger avant d’entreprendre un projet de conservation-restauration. Par la présentation de divers corpus, cette contribution propose de découvrir les carnets d’artistes et de voyageurs sous le prisme de leur matérialité. Quelle est leur forme ? De quels matériaux sont-ils constitués ? Comment ont-ils évolué entre une production artisanale et une production semi-industrielle, au tournant des XVIII^e et XIX^e siècle ?

Enfin, en quoi ces éléments contribuent-ils à la recherche, en tant qu’aide à l’identification de leur provenance et à leur datation, et à la compréhension du processus de création artistique de leurs auteurs ?

16h00 : pause

Temps 4 : Table-ronde conclusive

16h10-17h15 : Quelle place accordée au carnet de voyage dans les pratiques artistiques d’aujourd’hui ?

• Elsa Guillaume (artiste plasticienne), Delphine Zigoni (artiste scientifique)

Nous avons tou·tes en tête ces illustres dessinateur·ices, embarqué·es au péril de leur vie dans les expéditions européennes des siècles précédents, pour en dépeindre toutes les « nouvelles » découvertes. À des lieux de cette image d’Épinal, les artistes qui accompagnent aujourd’hui les missions scientifiques y jouent toujours un rôle déterminant, bien que très différent. Le carnet semble bien rester un support privilégié du travail de ces artistes, mais quelle(s) forme(s) prend-il et pour quelle(s) destination(s) ?

17h15-17h30 : Conclusion