En bord de voie
Cahiers Thématiques N°23
Published on Monday, October 27, 2025
Abstract
La revue Les Cahiers Thématiques, du laboratoire de recherche de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (LACTH / Laboratoire Conception – Territoire – Histoire - Matérialité) lance l’appel à contribution de son vingtième-troisième numéro. Ce numéro, coordonné par le domaine « Histoire », paraîtra en éditions papier en décembre 2026. Il porte le titre « En bord de voie » avec l’ambition d’interroger, par toutes les composantes des Sciences sociales, les architectures et les paysages en bord de voie, qu’elles soient : « vicinales, cantonales, départementales, nationales et internationales, carrossables, navigables, ferrées ou aériennes ».
Announcement
Argumentaire
Le laboratoire de recherche de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (LACTH / Laboratoire Conception – Territoire – Histoire - Matérialité) publie annuellement Les Cahiers thématiques. Le vingtième-troisième numéro, coordonné par le domaine « Histoire » dont la parution est prévue en 2026, sera consacré à la question des architectures et paysages en bord de voie.
Au commencement du XVe siècle, quand il s’intéressait dans son fameux traité d’architecture à la question des régions les plus propices à l’édification, Alberti privilégiait alors les contrées promettant à leurs habitants « de les accorder à tous égards avec la nature ainsi qu’avec le reste du genre humain et de la société.1 » Si cette courte formule a la vertu première d’attirer l’attention sur les qualités du climat et des ressources matérielles des sites envisagés pour la construction, elle signale également l’importance de la situation choisie au regard des échanges et des liens qu’elle permet avec le reste du monde. Au-delà des considérations largement développées par l’auteur sur l’Art d’édifier, cette vision globale introduit de manière implicite l’importance des voies de circulation capables « d’accorder » et de mettre en relation les différents établissements humains dans l’intérêt vital de chacun.
Vicinales, cantonales, départementales, nationales et internationales, carrossables, navigables, ferrées ou aériennes, ces voies relient aujourd’hui la quasi-totalité de l’humanité dans un grand maillage planétaire de plusieurs dizaines de millions de kilomètres de bandes circulantes qui façonnent les espaces de manière toujours plus prégnante. Des voies sont ouvertes, même aux confins des régions les plus hostiles et reculées pour édifier puis ravitailler des refuges de l’extrême chargés de satisfaire la curiosité scientifique, les appétits économiques, industriels et touristiques. Cette forme d’expansionnisme qui s’est accélérée brutalement après la seconde guerre mondiale avec l’accroissement considérable du parc automobile et le développement de la société de consommation, raconte également des histoires d’architectures et de paysages étroitement liées au pouvoir structurant de la voie.
Le numéro 23 des Cahiers Thématiques du laboratoire de recherche Conception - Territoire - Histoire – Matérialité (LACTH) de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille propose de s’intéresser à ce phénomène en mettant particulièrement l’accent sur l’émergence de nouveaux programmes architecturaux, de nouvelles pratiques territoriales et la reconfiguration de paysages inattendus transformés au contact de ces infrastructures.
L’infrastructure féconde
Des seuils de portes aux plateformes logistiques multimodales, des palissades improvisées aux clôtures harmonieusement dessinées, des enceintes infranchissables aux gigantesques parkings des zones commerciales, installées dans des paysages de glissières, de talus ou de remblais, les voies de circulation commandent une grande partie de nos environnements construits. L’intensification des flux de circulation pour l’acheminement des marchandises et le transport des personnes qui s’est développée dans la seconde moitié du XXe siècle a stimulé de nombreuses combinaisons originales à un niveau formel, structurel, technique, juridique ou bien encore fonctionnel, directement en prise avec la parcelle, l’édifié, le paysage. Fécondées par des réseaux plus intenses au maillage toujours plus fin, ces nouvelles relations déplacent sans cesse les vieux problèmes de congestion en tentant d’améliorer la fluidité, d’augmenter la vitesse et de réduire les temps de parcours. Au-delà d’un objet technique, l’infrastructure raconte une histoire sociale, culturelle et politique. La mobilité est régulée, contrôlée, civilisée. Elle se soumet aux normes, des dimensionnements aux certifications, dans des dispositions qui peuvent dépasser les frontières nationales. La dimension artistique n’y est pas absente, à l’exemple de l’ornementation des murs de soutènement ou des murs anti-bruit, ou encore du budget du « 1% artistique » qui sera appliqué au réseau autoroutier.
De la croisée des chemins à la multimodalité et jusqu’aux datacenters, les zones de ruptures de charge font partie de ces espaces emblématiques qui témoignent de l’incroyable inventivité des architectes, urbanistes et paysagistes confrontés à ces problèmes de connexion de plus en plus ardus. Comme des poches temporelles ancrées à leur réseau isochrone, ces lieux s’inscrivent également dans une économie des flux qui leur apporte à la fois trouble et félicité. En effet, au même titre que l’intensification du trafic et le cortège des nuisances polluantes qui l’accompagne, l’accessibilité entraîne avec elle des perturbations récurrentes qui appellent des traitements spécifiques et une planification soignée.
Des programmes connectés
D’un point de vue strictement architectural, le développement de nouvelles voies de circulation et l’intensification du trafic ont conditionné l’émergence de nouveaux programmes issus parfois de vieilles pratiques partiellement remises au goût du jour ou totalement réinventées. L’accroissement du parc automobile et la banalisation de son utilisation, le développement exponentiel du transport routier et maritime, l’apparition des trains à grande vitesse a nécessité la construction d’équipements indispensables à l’épanouissement de ces réseaux propices au déploiement d’une riche production sérielle2. La répétitivité de l’objet implique la présence de caractéristiques communes, mais aussi de possibles variations et déclinaisons, permettant de ponctuer la linéarité de la voie. Bien après l’apparition du Touring Club de France, l’architecture de la seconde moitié du XXe siècle rend compte de cette situation avec d’innombrables réalisations conçues pour assurer le bien-être des voyageurs, organiser la diffusion des marchandises, parquer et entretenir les véhicules ou contrôler et réglementer les flux.
Du véhicule personnel au transport collectif, des conducteurs et passagers aux engins mécaniques, circuler implique non seulement le mouvement mais aussi des moments d’arrêt. On pourra ainsi interroger les dispositifs qui permettent de stationner, se ravitailler3, se restaurer, se reposer, le tout dans des temporalités plus ou moins brèves. Ils concernent les équipements liés aux services publics, qu’ils soient immobiliers mais aussi mobilier : des boîtes aux lettres aux cabines téléphoniques, des bornes d’angle Michelin aux abribus Aubette SOCAMEP4, des dispositifs d’hygiène aux panneaux d’information ou de publicité des établissements JCDecaux5. En considérant les usagers des routes comme des consommateurs, des stratégies d’entreprise se mettent en place, que l’on pense au développement des chaînes hôtelières à proximité des grandes artères routières ou (aéro)portuaires, des pont-restaurants qui enjambent les autoroutes, ou des maisons Courtepaille qui jalonnent le pays à partir des années 19606.
L’histoire des plans et des formes génériques inventés puis diffusés à l’échelle du territoire ne doit pas éclipser l’imposant corpus des propositions atypiques qui ont su tirer parti de situations exceptionnelles tant au niveau de la commande que de la nature des sites investis. En effet, en dépit des contraintes de raccordement VRD, la voie n’est pas une fatalité et les maîtres d’œuvre savent l’exalter dans des projets qui la longent, l’intègrent, l’enjambent, la surplombent, l’esquivent ou la font disparaître dans un jeu de boucles ou de tunnels comme à l’aérogare d’Orly Sud où Henri Vicariot fait plonger la route nationale 7 sous l’édifice. Chaque projet s’illustre alors comme une manière de dompter les contraintes techniques de la circulation pour en faire un atout pour l’architecture.
Une expérience à part entière
Bien après les réflexions de Karl Gottlob Schelle sur L’Art de se promener7 où l’auteur compare les carrosses à des « étouffe-plaisirs [qui] vont jusqu’à priver leurs prisonniers du spectacle du monde », l’expérience du mouvement mécanisé célébrée à la fin des années 1920 par les travellings cinématographiques de László Moholy-Nagy8, Walther Ruttmann9 ou bien encore Man Ray10 deviendra accessible à tous, après-guerre, avec la diffusion massive de l’automobile qui donne au conducteur la possibilité de scénariser presque librement ses propres séquences paysagères. Dans ce processus d’esthétisation du paysage depuis la route, les travaux de Donald Appleyard, Kevin Lynch et John R. Myer publiés en 1964 dans The View from the road11 ont toutefois rappelé le rôle essentiel des ingénieurs chargés de la conception de ces axes de circulation dans la mise en place d’expériences qui doivent être évidemment pensées à double sens, depuis et vers la voie.
Le déplacement et la vitesse génèrent des questions de visibilité, et interrogent les moyens d’attirer l’attention par des dispositifs signalétiques ou publicitaires. La route ne connait pas d’arrêt, et son fonctionnement est pensé de manière diurne comme nocturne. Outre la fascination de l’objet (voiture, avion, paquebot…) s’instaure un attrait pour la vitesse et son dépassement. L’imaginaire lié à la mobilité se répercute dans la formalisation des objets du paysage à travers la courbe, le fuselage ou l’aérodynamisme, tandis que graphisme et couleurs sont étudiés pour maximiser l’impact visuel.
Le plaisir des uns faisant le cauchemar des autres, il paraît alors nécessaire d’interroger cette pratique schizophrène à la fois depuis la salle et la scène d’un théâtre qui a donné lieu à un gigantesque corpus de représentations picturales et cinématographiques pouvant encore aujourd’hui servir à mieux comprendre cet héritage infrastructurel malgré tout fragile et en perpétuelle mutation.
Caroline Bauer, Eric Monin / Septembre 2025
Modalités de contribution
Les contributions doivent être inédites et ne pas être en cours de soumission à d’autres publications. En termes de contenu, elles doivent apporter une contribution substantielle et des nouvelles connaissances au débat scientifique sur les architectures, paysages ou territoires, développés en bord de voie en France, ou de manière transnationale, durant la seconde moitié du XXe siècle. Elles pourront s’inscrire dans l’un des axes proposés ou à la croisée de plusieurs d’entre eux, et provenir de toute discipline des sciences humaines et sociales. Elles seront soumises à la double expertise anonyme du comité de lecture.
Une proposition résumée de 1500 à 2000 signes sera transmise à l’adresse suivante : ct23@lille.archi.fr, afin d’être soumise au comité de lecture,
avant le 12 novembre 2025
Les contributions définitives doivent parvenir avant le 30 avril 2026 dernier délai, à l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille par courrier électronique. Les textes, qui comporteront entre 15 000 et 20 000 signes maximum (espaces compris et notes non comprises), seront accompagnés d’un résumé de 1000 signes maximum ainsi que d’une présentation de l’auteur (3 lignes maximum). Les textes qui dépasseraient ce format seront retournés aux auteurs.
Les notes figureront en fin de texte et seront tapées en linéaire. Elles ne doivent pas excéder 25% de la totalité des signes du texte. Vous trouverez à la fin de ce document le modèle de mise en page des notes (pas de notes automatiques en bas de page ou en fin de document et pas d’appels de note automatiques).
Les illustrations (4 illustrations noir et blanc maximum), fournies sur support traditionnel ou numérique (300 Dpi minimum en format TIF), devront être libres de droits. Ces illustrations seront légendées et l’auteur mentionnera l’ordre et la localisation vis-à-vis du texte. Si ces illustrations sont extraites de revues, d’ouvrages ou proviennent de sources d’archives privées ou publiques, les auteurs joindront les autorisations écrites des détenteurs de droits (photographes, éditeurs, centre d’archives…) et devront nous confirmer qu’elles sont bien libres de droit.
Les auteurs, en répondant à cet appel à contribution, autorisent l’École d’architecture de Lille à publier leur contribution dans le cadre des Cahiers thématiques N°23. Ces contributions ne sont pas rétribuées. Les textes seront publiés en français ou en anglais, dans la langue choisie par l’auteur (seuls les résumés des articles seront traduits).
Calendrier
- 1er octobre 2025 : Lancement de l’appel à contributions
- 12 novembre 2025 : Réception des résumés
- 15 décembre 2025 : Avis du comité de lecture sur les propositions
- 30 avril 2026 : Réception des articles
- Décembre 2026 : Parution des Cahiers thématiques n°23
Contacts
- Catherine Meyer-Baud, Gilles Maury, mail : ct23@lille.archi.fr - Co-direction et coordination Cahiers thématiques n°23
Direction scientifique de ce numéro
- Gilles Maury, maître de conférences à l’ENSAP Lille
- Catherine Meyer-Baud, architecte DE, docteure en histoire, chercheuse au LACTH
Comité scientifique des Cahiers thématiques
- Pascal Amphoux, professeur à l’ensa de Nantes ; Valter Balducci, professeur à l’ensa de Normandie ; Jean-Marc Besse, professeur à l’ensp de Versailles ;
- Rika Devos, chargée de cours à l’Ecole Polytechnique de l’Université Libre de Bruxelles ; Franz Graf, professeur associé à l’École polytechnique fédérale de Lausanne ;
- Daniel Le Couédic, professeur à l’Université de Bretagne occidentale (Brest) ; Philippe Louguet, professeur émérite des ensa ;
- Frédéric Pousin, professeur à l’ensa Paris-Belleville ;
- Sylvie Salles, maître de conférences à l’ensa Paris Val-de-Seine ;
- Danièle Voldman, directrice de recherche CNRS et professeur émérite de l’Université Paris 1.
Comité de lecture
- Caroline Bauer, maître de conférences à l’ENSAP Lille
- Mathieu Flonneau, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne
- Richard Klein, professeur émérite à l’ENSAP Lille
- Gilles Maury, maître de conférences à l’ENSAP Lille
- Elke Mittmann, professeur à l’ENSAP Lille
- Éric Monin, professeur à l’ENSAP Lille
- Sébastien Richez, docteur en histoire contemporaine, historien au comité pour l’histoire de La Poste
- Nathalie Simonnot, Directrice du Léav, ENSA Versailles
Notes
1 Alberti (Leon Battista), L’Art d’édifier, traduit, présenté et annoté par Pierre Caye et Françoise Choay, Paris : Seuil, 2004. Livre I : Linéaments, chapitre 4 [33], p. 63.
2 Voir à ce sujet le numéro 20 des Cahiers Thématiques dirigé par Caroline Bauer et Richard Klein intitulé Architectures en série et patrimoine, Lille : ENSAPL/ éditions de la Maison des sciences et de l’homme, 2021.
3 Concernant l’approvisionnement en carburant, on peut citer le programme des stations-service et leur disparition : Monnier (Gérard), « La détresse des stations-service », Urbanisme, n°372, mai-juin 2010, p. 14-15.
4 Monin (Éric), « Aubettes à Bachy », programme de médiation scientifique Héritages à portée de main, Les sciences infusent, LACTH, ENSAPL, Université de Lille, 2024.
5 Carmona (Michel), Le mobilier urbain, Paris : Presses universitaires de France, collection Que Sais-je ?, 1985.
6 Meyer-Baud (Catherine), « La maison Courtepaille (1959-2020), une histoire d’architecture », thèse de doctorat en architecture (dir. Richard Klein), LACTH, ENSAPL, Université de Lille, 2021.
7 Schelle (Karl Gottlob), L’Art de se promener, Paris : Rivages Poche / Petite Bibliothèque, 1996. Préface et traduction : Pierre Deshusses. Première édition : 1802.
8 Moholy-Nagy (László), Impresionen vom alten Marseiller Hafen, 1929.
9 Ruttmann (Walther), Berlin. Die Sinfonie der Grosstadt, 1927.
10 Man Ray, Les Mystères du Château du Dé, 1929.
11 Appleyard (Donald), Lynch (Kevin), Myer (John R.), The View from the road, Cambridge Massachussetts : MIT Press, 1964.
Subjects
- Urban studies (Main category)
Date(s)
- Wednesday, November 12, 2025
Attached files
Keywords
- architecture, paysage, urbanisme, histoire, bordure, bord, abord, route, voie, chemin, infrastructure, bas-côté
Contact(s)
- Gilles Maury
courriel : g-maury [at] lille [dot] archi [dot] fr
Information source
- Catherine Meyer-Baud
courriel : c-meyer [at] lille [dot] archi [dot] fr
License
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To cite this announcement
« En bord de voie », Call for papers, Calenda, Published on Monday, October 27, 2025, https://doi.org/10.58079/151ug

